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Sommaire
La Fed hausse les taux tandis que l’appareil législatif américain s’enlise dans les
sables de l’American Healthcare Act et du déplafonnement de la dette.
La Chine confirme le refroidissement dirigé de son économie.
Les risques politiques se rapprochent en Europe (France, Italie).
Alors qu’une trajectoire de ralentissement de l’économie américaine est déjà
inscrite dans le resserrement des conditions de crédit, la complaisance du
marché actions ajoute une vulnérabilité supplémentaire du cycle à la tentative de
normalisation monétaire de la Fed.
La BCE tente de repousser le débat sur la fin du QE après les élections
allemandes
Réduction de la surpondération en actions par retrait des paris reflationnistes
Raphaël Gallardo
Stratégiste multi-assets
Investissement et Solutions Clients
Éditorial: Chères actions américaines…
Document destiné aux clients non professionnels
A l’heure nous écrivons ces lignes, le marché actions
américain n’est qu’à 1% de son sommet historique, la
volatilité implicite (VIX) languit proche de son étiage
historique, alors que le FOMC se unit. Le comité de
politique monétaire devrait entériner une hausse de
taux clairement annoncée au marc avant la période
de silence de deux semaines. Le volte-face de la Fed a
pu surprendre : alors que le comité de février laissait
planer le doute, une majorité de participants ont
martelé sur plusieurs jours le message qu’une hausse
de mars était devenue inévitable, malgré l’absence de
publications économiques susceptibles d’infléchir le
scénario central de la Fed dans un sens comme dans
l’autre. Il se pourrait que le FOMC se soit senti obligé de
sévir afin d’endiguer « l’exubérance irrationnelle »
(expression greenspanienne) qui semble poindre sur les
marchés d’actifs risqués (actions, crédit). En effet, la
valorisation du S&P 500 s’éloigne de plus en plus des
épures historiques, notamment depuis l’apparition d’un
effet de confiance lié à l’élection de D. Trump. Le ratio
prix/cours comptable atteint 3.2x pour le S&P 500, soit
un plus haut de treize ans et le double du ratio
équivalent pour l’Eurostoxx 300. Le ratio de
prix/bénéfices futurs, ou PE (Price to Earnings)
prospectif, dépasse 18x pour le MSCI US, contre 14.2x
en zone euro et 13.3x dans les pays émergents, ces
mesures étant retraitées par nos soins pour retirer les
biais sectoriels liés à la composition différente des
indices (surreprésentation des matières premières dans
les émergents, des financières en Europe, par
exemple). Certes, le marché américain se paie
historiquement plus cher que ses concurrents
émergents ou européens, en raison d’une croissance
supérieure des BPA (par rapport à l’Europe) et une
moindre volatilité cyclique et cambiaire (par rapport aux
émergents). Mais la position des grandes zones dans leurs
cycles respectifs militerait au contraire pour que l’écart de
valorisation soit inférieur à sa moyenne historique: on
constate notamment que les révisions de bénéfices futurs
par les analystes sont sensiblement négatives aux Etats-
Unis, alors qu’elles sont positives en Europe et au Japon.
Enfin, on peut objecter que ces ratios de PE sont inflatés
par le bas niveau des taux d’intérêt à long terme. La
prime de risque actions est une métrique qui vise à
supprimer cet effet : elle mesure le surplus de rendement
attendu des actions par rapport aux obligations d’Etat (en
théorie exemptes de tout risque de défaut). Comme le
rendement attendu des actions est déduit des croissances
de néfices prévues par les analystes actions, elles-
mêmes très inertielles, cette prime de risque a un
comportement cyclique (cf. graphique p. 3). La prime de
risque, de facto, reflète la croissance future à long terme
des dividendes attendue par le marché, qui, en théorie,
est égale à la croissance de la productivité de l’économie.
Comme le montre la corrélation entre la prime de risque
et la croissance tendancielle de la productivité, le niveau
actuel de prime de risque, à 5.9%, anticipe un retour des
gains de productivité à 3%, soit le niveau qui prévalait
lors du boom des nouvelles technologies à la fin du siècle
dernier un pronostic qui semble héroïque si l’on
considère que la productivité s’est effondrée à 0.5%
depuis la crise. Le marché parie que les années Trump
pourront « make productivity great again » ; la Fed
semble en douter.
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--
-
=
+
++
Actions
Obligations
Monétaire
ACTIONS
--
-
=
+
++
US
Europe
Japon
Asie ex Jap
EM
TAUX
--
-
=
+
++
Etat
IG Euro
HY Euro
Dette EM
: vues du mois
: vues du mois précédent
Allocation d’actifs : synthèse des vues globales
Alors que l’économie mondiale poursuit sa trajectoire de
croissance synchronisée, les signes de surévaluation des
actifs risqués américains dans un contexte de resserrement
monétaire nous incitent à accentuer notre mouvement de
réduction des risques dans nos portefeuilles.
Même si la grande majorité des indicateurs conjoncturels
sont toujours au vert, la trajectoire des actifs risqués se
dessine à l’orée des inflexions du policy mix en Chine et
aux Etats-Unis.
Outre-Atlantique, l’administration Trump et le Congrès
s’enlisent dans les sables mouvants de la réforme de
l’Affordable Care Act. Les promesses de baisses d’impôts et
de milliards de dépenses d’infrastructures disparaissent
peu à peu sur l’horizon de 2018, au risque de transformer
l’effet de confiance Trump en un attentisme prudent
(l’amortissement des capex va-t-il remonter à 100% ? la
déductibilité des intérêts est-elle pérenne ?). Au contraire,
la Fed semble prête à accélérer ses hausses de taux afin de
tempérer la complaisance qui règne sur les marchés. La
combinaison d’un retour à une évaluation plus réaliste des
perspectives de stimulation budgétaire et d’une Fed plus
menaçante pourrait provoquer une correction des marchés
d’actifs, des actions à l’immobilier en passant par le crédit
corporate. Le choc de taux serait d’autant plus rude s’il
prend la forme d’une pentification de la courbe des taux
par le biais d’un arrêt des investissements obligataires
par la Fed à courte échéance (le portefeuille obligataire de
la Fed connaîtra 425mrd$ de remboursements obligataires
en 2018). Nous tablons plutôt sur une action de la Fed
modifiant la partie courte de la courbe, avec à la clé un
aplatissement du 2-10 ans. Mais dans les deux cas, les
tensions sur les taux accélèreront le durcissement des
conditions de crédit déjà mis en place par les banques, avec à la clé un ralentissement sensible des
secteurs la demande est la plus dépendante à l’effet de levier: immobilier, automobile,
investissement en hydrocarbures. La capitulation des spéculateurs sur le marché du pétrole pourrait
en outre accélérer le bust dans le secteur pétrolier.
En Chine, le balancier de la politique économique reste clairement orienté du côté du resserrement
budgétaire et monétaire, en accord avec la réduction de l’objectif officiel de croissance (de 6.5-7% à
6.5%). La croissance des investissements en infrastructures a été divisée par trois au 4ème trimestre
2016. La croissance de la masse monétaire est retombée au niveau de celle du PIB nominal, et les
taux courts (Shibor 3 mois) ont crû de 2 points de pourcentage en quatre mois.
Nous avons donc réduit notre surpondération en actions par diminution des positions sur les marchés
exposés au thème de la reflation mondiale : Etats-Unis, Canada, Royaume-Uni, Australie, Russie.
Dans la même optique, nous avons également réduit notre exposition aux obligations indexées sur
l’inflation américaine. Nous avons coupé notre position en crédit High Yield américain, en raison de la
détérioration des ratios d’endettement, de la sensibilité au risque de baisse du pétrole et de la
corrélation forte entre cette classe d’actifs et le marché actions. Nous conservons une position très
sous-sensible en duration européenne et une surpondération en monétaire.
Vues tactiques
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La complaisance qui règne sur le marché américain
(cf. notre éditorial en p.1) en contexte de
resserrement monétaire et de flou budgétaire
(agenda législatif encombré par la réforme de
l’Obamacare et le replafonnement de la dette) nous
invite à poursuivre la baisse de la pondération en
actions américaines. Les valeurs technologiques et
les petites capitalisations semblent particulièrement
vulnérables à un retour sur terre des anticipations
de résultats.
Nous avons également amplifié le mouvement de
réduction de risque en coupant/atténuant nos
expositions à la thématique de la reflation
mondiale : Royaume-Uni, Canada, Australie,
Russie. Ce mouvement s’aligne avec notre sous-
pondération globale en matières premières (pétrole
et métaux de base).
Ce repli défensif nous fait passer neutre sur les
marchés émergents. Nous conservons néanmoins
une position sur le marché taiwanais, qui permet de
s’exposer à la croissance des valeurs
technologiques sans en payer le prix coté au
Nasdaq.
Nous conservons une exposition au marché
japonais, qui bénéficie d’un retour de la croissance
des BPA (révisions très positives par les analystes)
et d’une valorisation relativement attractive (PE de
15 contre 18 aux US et 14 en Europe), sans le
risque politique européen.
Nous sommes toujours surpondérés sur la zone
euro en raison de la forte reprise économique en
cours. La décote des marchés européens par
rapport au reste du monde nous semble rémunérer
convenablement le risque politique lié au cycle
électoral de 2017. Nous jouons la remontée des
taux longs domestiques via le secteur des banques
et l’assurance. Nous avons en outre pris une
position sur les petites capitalisations qui semblent
mieux immunisées au risque protectionniste
américain.
Etats-Unis : prime de risque actions et
productivité
-0.5%
0.5%
1.5%
2.5%
3.5%
4.5%4
5
6
7
8
9
90 92 94 96 98 00 02 04 06 08 10 12 14 16 18 20
Etats-Unis: prime de risque actions & productivité
Prime de risque (rendement
attendu - taux long réel) avancé
de 4ans
Croissance de la productivité sur
5 ans
Source: Datastream, Bloomberg
Actions
« Retrait des paris reflationnistes »
ACTIONS
--
-
=
+
++
Marchés développés
US
Europe
Japon
Asie ex Jap
Marchés émergents
Asie
Europe
Am Latine
: vues du mois
: vues du mois précédent
Vues tactiques
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Etats-Unis : spread High Yield
1
3
5
7
9
11
13
15
17
94 96 98 00 02 04 06 08 10 12 14 16
Barclays US HY OAS
modèle
US High Yield option-adj. spread
Obligations
« Retour à la neutralité sur le crédit corporate américain »
TAUX
-
-
-
=
+
++
Obligations d’Etat
Euro Core
Euro
Périph
UK
US
Japon
Inflation
Crédit
IG Euro
IG US
High Yield
High Yield
$
Dette EM
: vues du mois
: vues du mois précédent
Source : Datastream
Vues tactiques
La Fed est enfin suffisamment confiante en la solidité de la
croissance américaine pour accélérer ses hausses de taux.
Lors du FOMC du 15 mars, elle a maintenu son scénario de
trois hausses de taux en 2017, sous hypothèse de neutralité
budgétaire. Lors de la conférence de presse, Yellen a insisté
sur la proximité de son taux directeur (0.75-1% désormais)
avec le taux « neutre », qui est estimé proche de 0% en
termes réels. Néanmoins, la normalisation du bilan de la Fed
n’est toujours pas à l’ordre du jour, ce qui semble
contradictoire avec l’intention affichée de la Fed d’entamer la
réduction de son bilan lorsque la normalisation des taux serait
bien engagée. Cette inflexion du discours de la Fed a de quoi
rassurer les marchés sur les risques de pentification rapide de
la courbe. Le portefeuille de la Fed subira en effet 425mrd$
d’amortissement en 2018. Si la politique de réinvestissement
est abolie d’ici là, cela signifierait un rétrécissement
équivalent du bilan de la Fed, donc une contraction monétaire
massive. Nous tablons toujours sur un scénario
d’aplatissement de la courbe américaine (2-10 ans) de 20pb.
Le taux 10 ans devrait rester proche de 2.5% tant que la Fed
n’accélère pas son scénario de resserrement monétaire. D’ici
un an, le 10 ans devrait rebaisser vers 2% en raison du
ralentissement de la croissance perceptible dans le
freinage du crédit aux entreprises.
L’inflation devrait monter jusqu’au T2 sous les effets des base
pétrolier, mais les pressions sur le core sont limitées aux
loyers, dont la croissance est vouée à retomber en raison de
l’excès d’offre sur le marché de la location. Dans ce contexte,
les points-morts d’inflation n’ont pas de potentiel haussier,
alors que la correction sur le prix du pétrole que nous
attendons pousserait à la baisse les points-morts, y compris
sur les maturités longues. Nous sortons des obligations
indexées américaines.
Lors de sa réunion du 9 mars, la BCE a acté dans ses
prévisions l’amélioration de la situation conjoncturelle
européenne, mais a minimisé le rebond de l’inflation,
entièrement lié au pétrole selon elle. La seule concession aux
faucons a été le non-renouvellement des opérations de
TLTRO-II. Draghi souhaite éviter d’ouvrir le débat épineux sur
l’arrêt du programme d’achat d’actif (EAPP) avant les élections
françaises, mais la montée de l’inflation en Allemagne en fera
bientôt un thème de campagne outre-Rhin. En outre, la
pénurie de titres allemands achetables reste criante : les
aménagements techniques décidés en janvier ont simplement
déplacé la bulle vers le 2 ans allemand qui flirte avec les -
0.8%. Cette pénurie pourrait obliger la BCE a réaliser une
extinction rapide de l’EAPP au but de 2018, ce qui
provoquerait un choc sur les taux allemands (Bund passant
au-dessus de 1%) et sur les spreads périphériques (Italie
surtout).
Nous sortons du High Yield américain en raison des risques
liés à la dette pétrolière, du niveau de levier à un record
historiques (dette nette/Ebitda=4) et de la menace
d’illiquidités en cas de liquidation de positions par les fonds
mutuels et ETF (qui détiennent 2.1tr$ d’obligations
corporates).
Source : Datastream
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Réserves internationales : or & obligations
du Trésor Américain
0.0
0.5
1.0
1.5
2.0
2.5
3.0
3.5
4.0
4.5
850
900
950
1 000
1 050
1 100
1 150
1 200
90 92 94 96 98 00 02 04 06 08 10 12 14 16
Or (m onces)
Obligations du Trésor US ($ tr)
Réserves internationales: or & obligations du Trésor américain
Matières premières
« Négatif sur pétrole et métaux de base, prise de profit sur l’or »
Vues tactiques
Matières
premières
--
-
=
+
++
Pétrole
Métaux
industriels
Or
: vues du mois
: vues du mois précédent
Le marché du pétrole a corrigé suite à la publication de
stocks toujours pléthoriques et en hausse, aux Etats-
Unis comme dans l’ensemble de l’OCDE. Le mouvement
s’est accentué avec la publication des chiffres de
production de l’Arabie Saoudite montrant que le
Royaume avait mis moins de zèle dans le dépassement
de ses coupes de production. Le spread entre le WTI et
le Brent s’est élargi suite aux arrêts de production en
Libye. La spéculation sur le Nymex comme sur l’ICE
avait prématurément aplati les courbes à terme du
Brent et du WTI, anticipant un retour à la normale très
rapide des stocks mondiaux suite à l’accord d’Alger
entre l’OPEP et plusieurs autres pays (dont la Russie).
C’était sans compter sur la réactivité du pétrole de
schiste américain, dont la production est repartie
fortement à la hausse. Le coût marginal dans le bassin
Permien avoisine les 40$/bbl, ce qui, compte tenu des
temps de production et du niveau de réserves estimé,
devrait servir de point d’ancrage du cours à terme à 3
ans sur le WTI. A partir de là, le niveau élevé des stocks
(notamment à Cushing) justifie une structure de courbe
en contango, ce qui implique un cours spot autour de
35$/bbl. La spéculation a artificiellement gonflé les
cours, mais devrait capituler face aux pertes subies
récemment. Nous restons sous-pondérés sur le pétrole.
Nous avons pris nos profits sur l’or. Il s’agit d’un
mouvement tactique en amont du FOMC de mars. Nous
restons positifs sur l’or à horizon d’un an étant donné sa
forte corrélation avec les taux longs réels américains et
le dollar. Notre scénario de ralentissement de
l’économie américaine d’ici la fin d’année implique en
effet un retour du TIP 10 ans américain vers 0%. En
outre, la prime payée sur l’once d’or à Shanghai par
rapport au prix coté au Comex signale toujours une
demande forte pour le métal jaune en Chine. Enfin, l’or
constitue une protection contre les risques géopolitiques
appréciable en cette période de montée des tensions
internationales (Corée du Nord, Iran, Syrie). La forte
remontée de la part de l’or dans la composition des
réserves de change mondiales au détriment de la dette
américaine atteste de ce changement de paradigme
initié au lendemain de la crise des subprime (cf.
graphique).
Nous conservons notre vue négative sur les métaux de
base. Le fort rebond des prix nous semble exagérer les
perspectives de demande mondiale. La reprise attendue
de la demande aux Etats-Unis reposait sur les attentes
de relance massive par les infrastructures, espoirs qui
devraient être déçus. La Chine a confirmé le
ralentissement souhaité de son économie. Dans le reste
des pays émergents, la reprise constatée tient
essentiellement à la reprise en Russie et au Brésil, deux
économies qui nous semblent encore confrontés à de
graves fis avant de retrouver une croissance
soutenable.
Source : Datastream
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