Voyage d`étude au Pays du Matin calme (Corée du Sud), un pays de

Voyage d’étude
au Pays du Matin calme (Corée du Sud),
un pays de côtes et de montagnes
Thierry Genevet
Au printemps 2000,lors d’uncourt voyage d’étude en Extrême-Orient,j’ai eu l’occasion de
découvrir la Corée du Sudet de parcourir en partie le Mont Sorak.
Le “Paysdu Matin calme”,empreint d’une culture héritée de la cohabitation aveclapuissante
Chine au nordet le Japon au sud, entretient des relations étroites avecses propres richesses
naturelles.
Lien géologique ininterrompu entre Chine et Japon,lapéninsule coréenne tire profit àlafois de
ses multiples ressources maritimes et de son relief accidenté. Algues, crustacés,poissons crus,
cuits ou encore séchés sont àla base de l’alimentation complétée par une agriculture qui se
diversifie. Une promenade sur un marché local permet de s’en faire une idée (photo p. 369).
Côté mer,le NaksanProvincialPark,niché au creux de falaises,où on peut observer les ances-
trales techniques deconstruction des temples, utilise paysage et pratiquecultuelle traditionnelle
comme support dedéveloppement économique. Côté montagne,le Mont Sorakallie protection
de la diversitébiologique,pratiques cultuelles et touristiques.
UNE DIVERSITÉ GÉOLOGIQUE ET CLIMATIQUE, CREUSET DE RICHESSES NATURELLES
La péninsule coréenne,large en moyenne de 200 km,entre les méridiens Est 125 et 128,s’étend
du nord au sudsur 800 à900 km entre les parallèles Nord 35 et 42.L’action du climat de mousson
sur sagéologie aproduit un relief composé de 70%decollines et montagnes (cf. carte,p. 368).
LeMont Sorak est situéau nord-est de la Corée du Sud.Deux pointsculminent: au nord, le
Chungcheong (1 676 m) et, au sud, le Taecheongbong (le Grand Pic Bleu,1708m). Ces sommets
sont éloignés de 15 km de la côteEst et de 200 km de la côteOuest.
La barrière aux entrées maritimes queconstitue la chaîne du Mont Sorak induit des hivers secs,
froidset précoces surle v
ersant Ouest.Les précipitations mensuelles,sousforme deneige en
partie, varient de 25mmà50mm en moyenne et les températures mensuelles oscillent entre
0,5° et 3°Cen moyenne. La proximitéde lamer et les ventsdominants orientés d’Est en Ouest
sont les caractères marquantsdu climat decette région.
Après avoir balayé la Mandchourie,les ventsarctiques atteignent les sommetsabaissant les
températures absolues de–15° à–25°C.Certains hivers,ils provoquent des chutes importantes
de neige en plaine,jusqu’àlalatitudedeSéoul, comme celas’est produit en janvier 2001.
Rev.For. Fr. LV - 4-2003 367
HISTOIRE ET TERRITOIRES

Les printemps,été et automne
sont humides et tempérés à
chauds. Les précipitations men-
suelles avoisinent 145 mm en
moyenne et la température
mensuelle moyenne est de
17,27 °C.
Sous lamousson,lapointe
de pluviométrie de juillet et
août atteint 250mm par
mois. Le versant Est subit de
temps à autre des typhons
venusde lamer du Japon.
Sur le plan géologique,le
massif est composé de la
superposition,sur uncœur
de gneiss du Précambrien, de
sédiments et granit du Méso-
zoïque et de sédimentsdu
Quaternaire.
Le versant Ouest,peu érodé
par les eaux,se compose de
collines aux pentes douces.
Sur le versant Est,l’érosion
rapidedes torrents, alimentée par lamousson,atransformé lapénéplaine originale en un relief
escarpé composé d’arènes et d’éboulis de roches granitiques. Le sol très filtrant rappelle les arènes
granitiques rencontrées en Bretagne. Les éboulis sont constitués de pierres arrondies de taille très
variable quidonnent au sol des aspectsde lit àgaletsde nos rivières torrentielles.
Ces pierres furent une matière première précieuse pour les constructeurs comme nous le verrons
ensuite.
La florecoréenne,lafloredu Mont Sorak
Ses paysages et leurs micro-climats,sous l’influence floristiquede la Mandchourie,ont favorisé
une exceptionnelle diversitébiologique sur un territoire comparable en surfaceà celuidu
Royaume-Uni.
L’Union internationale pour la Conservation de la Nature (UICN) recense sur lapéninsule coréenne
2898 espèces deplantes vasculaires parmi lesquelles 407 espèces sont endémiques dont 224
pour laseule Corée du Sud.
LeParcnationaldu Mont Sorak, désigné comme Monument naturel nationalcoréen en 1965,
puis Parcnational en 1970 et RéservedeBiosphère (UNESCO) en 1982,se développe sur une
superficie de 373 km2 ,entre 10met 1708md’altitude. Ilaccueille plusde1000 espèces végé-
tales dont 65 sont endémiques. Ondénombre 40espèces arctiques aux étages sub-alpin et
alpin.
Concourent aussi àla dynamique vivantedece petit territoire 25mammifères dont le panda
coréen,90espèces d’oiseaux,11 de reptiles,9d’amphibiens, 6 d’arachnides, 360 d’insectes et
pour ne rien oublier,40espèces de poissons.
368Rev.For. Fr. LV -4-2003
T HIERRY G ENEVET
Chine
Japon
Chine
Corée
Japon
INCHON
Mer Jaune
Mer du Japon
1915 m
PUSAN
TAEGU
CORÉE DU NORD
CORÉE DU SUD
séoul
mt sorak
100 km
40N
130E

Rev.For. Fr. LV - 4-2003 369
Histoire et territoires
De laplaine àl’étage montagnard(200 –1000 m)
L’interdiction par les services forestiers d’accéder àl’étage alpin,parcrainted’incendie,suiteà
l’hiver exceptionnellement sec, ne m’ayant permis qu’une excursion surle versant Est,les obser-
vations ci-dessous se limiteront àcette zone.
Forêt declimat tempéré,laflore est constituée principalement d’arbres àfeuillage caduc.Comme
généralement en milieu fermé,les arbustes et plantes herbacées sont peu représentés. Il est
difficile d’évaluer précisément l’âge des arbres. Leurdensité,leurs diamètres et l’histoire du pays
indiquent qu’il s’agit de forêts récentes (40-50ans) au moins dans sapartie basse (200-600 m).
En effet,les nombreuses invasions et les pratiques du siècle dernier ont eu raison des forêts
anciennes. Certaines des espèces ont fait l’objet récemment de réimplantation si ce n’est d’in-
troduction par les services forestiers gestionnaires du parcnaturel.
• Les arbres couramment observés entre 200 et 850 m
Pour les conifères,le Pin rouge du Japon,
Pinusdensiflora Sieb.&Zucc. , aux aiguilles (par 2)
bleutées de5à8cmdelong,àlaramification tabulaire (photop. 370). Son écorcerose saumon
du tronc, lamorphologie du feuillage et des cônes suggèrent qu’il peut s’agir d’un parent (vica-
riant)du Pin sylvestre,
Pinus sylvestris L..Héliophile et frugal,il se cantonne aux parties
ingrates se contentant de quelques fissures dans le rocher qu’il dégrade peu àpeu.Il souligne
les crêtes du paysage par son port caractéristique.
LePin nain deSibérie,
Pinuspumila Regel,au port élancé,portant des faisceaux decinq feuilles
vert bleuté, apparaît àl’étage subalpin et subsisteàl’étage alpin sous une forme prostrée. Les
inventaires citent aussi
Abies nephrolepis Maxim., Thujakoraiensis Nakai, Taxuscuspidata Sieb.
& Zucc.var cuspidata (synonyme T.caespitosa Nakai) que je n’ai pu observer.
Larix kaempferi Carrière (syn . : L. leptolepis Sieb.&Zucc.), très présent sur les versantsNord,
semble avoir été introduit pour les plantations de luttecontre l’érosion des pentes.
Pour les feuillus,le Chêne deMongolie,
Quercus mongolica Fisch. Ex Ledeb., à feuilles lobées,
haut de 12 à15 m,se maintient jusqu’àl’étage subalpin sous une forme debuisson. Autre
Fagacée très fréquente,le Chêne-liège deChine, à feuilles deChâtaignier, Quercus variabilis
Blume,se trouve iciau sud de son aire de répartition. LeChêne àfeuilles dentées, Quercus
serrata
Thunb. (= Q. glandulifera Blume) est une essence secondaire.
Marché aux poissons.
Port deTaepo (Corée du Sud)
Photo T. GENEVET

370 Rev.For. Fr. LV -4-2003
T HIERRY G ENEVET
Pinusdensiflora Sieb. et Zucc.
Rhododendron mucronulatum Turcz .
f. ciliatum
(Nakai)
Styrax obassia Sieb. et Zucc.
Kalopanax pictus Nakai
Photos T. GENEVET

Fraxinus rhynchophylla Hance,àlarges folioles,haut de 1 à15 m selon larichesse du sol et l’al-
titude. LeCharme àpetites feuilles (4 à7cm) improprement dénommé,
Carpinus laxiflora (Sieb.
& Zucc.) Blume, atteint de 8 à10m. Orme àfeuilles larges et lancéolées,haut de 8 à10m,
UlmusDavidiana Planch.,espèce proche de U. japonica (Rehd.) Sarg. . Prunus sargentii Rehd.,
unMerisier haut de 6 à8m, à la délicate floraison blancrosé dont les feuilles acuminées
prennent des couleurs automnales flamboyantes.
L’Érable deCorée,
Acer pseudo-sieboldianum Kom., aux feuilles àhuit lobes dentés,haut de8
à10m,espèce souvent àplusieurs troncs.
Acer nikoense Maxim., unÉrable àfeuilles compo-
sées,peu fréquent sur le site,haut de 6 à8m,produit des samares aux graines imposantes (3
à5cm). L’Érable àlobes longuement acuminés,
Acer truncatum Bge.,haut de 6 à8 m.
LeCornouiller au superbe port étagé,
Cornuscontroversa Hemsl.,haut de 8 à10m, visible
jusqu’à400-500 md’altitude;le Sorbier àfeuilles composées,
Sorbuscommixta Hedl. observé
de 200 à1000 md’altitude,haut de 6 à8m, aux fleurs blanches en ombelle de 10cm qui
produisent des fruits rouges. Limitéaux rives de torrent,
Alnus viridis DC var fruticosa Nyman
(syn. :
A. fruticosa Rupr.),haut de 6 à8m.
Seul sujet observé (peut-être planté?)à850md’altitude,
Kalopanax pictus Nakai,où se régale
un écureuil noir voleurdebiscuit (photoci-contre).
• Les arbustes de grande taille ou petitsarbres (5 à 6 m)
àfeuillage caducentre 200 et 450m
En lisière,l’arbre àfièvre aux feuilles trilobées,
Linderaobtusiloba Blume (syn. : Benzoin obtu-
silobum
Ktze.),est associé àl’Aliboufier àgrandes feuilles, Styrax obassia Sieb.& Zucc.aux
fleurs blanches pendantes (photoci-contre). Le
Magnoliasieboldii K.Koch,aux fleurs blanches
en coupe basse,est présent dans les expositions bien éclairées.
• Les buissons de taille moyenne (2 à 3 m) caducs rencontrés entre 200 et 850 m
comme le Sumac d’Asie,
Rhuschinensis Mill., Symplocos chinensis Merr., à petites feuilles
lobées,floraison et fruitsblancs.
Syringapinnatifolia Hemsl., Lilasàfeuilles composées et fleurs
mauves,le Lilasàfleurs blanches
Syringareticulata Haraet le Lilasàfleurs mauves Syringa
microphylla
Diels, dans les éboulis àpartir de 700 md’altitude.
• Les arbrisseaux (1 à1,5m)caducs observés entre 200 et 850m
comme
Lespedezamaximowiczii Schneid.aux grappes de fleurs rose pourpre,àpartir de 700 m,
Spiraea thunbergii Sieb. très utilisée en Francepour safloraison blanche en corymbe et Weigela
sp. , aux fleurs saumon.
Au pieddes massifs rocheux verticaux où s’accrochent de téméraires Pins rouges du Japon,les
éboulis sont parsemés d’arbustes comme
Spiraea thunbergii, Syringamicrophylla .
Le
Rhododendron mucronulatum Turcz. f. ciliatum (Nakai) M.Kitagawa.,variété endémique
coréenne qui forme des tapis nuancés du rose saumon au blancrosé selon le degré d’épa-
nouissement floral (photoci-contre). Grâceà une zone minée,où des panneaux significatifs
invitent àrester sur le chemin, ce statut protégeant laflore locale,j’ai pu observer cetteazalée
entre 600 à800 m en sous-étage de
Prunus sargentii et Betula sp.
Les plantes sarmenteuses qui tapissent le sol ou s’élèvent sur les troncs en exposition peu
ombragée ou en pleine lumière :
Actinidia arguta Miq. àlarges feuilles arrondies et aux fruits
glabres,
Parthenocissustricuspidata Planch., véritable couvre-sol que l’on retrouve en bord de
Rev.For. Fr. LV - 4-2003 371
Histoire et territoires