négligence ou manquement àune obligation de sécurité
ou de prudence imposée par la loi ou les règlements, la
mort d’autrui constitue un homicide involontaire puni
de trois ans d’emprisonnement et de 300 000 francs
d’amende. En cas de manquement délibéréàune obli-
gation de sécuritéou de prudence imposée par la loi ou
les règlements, les peines encourues sont portées àcinq
ans d’emprisonnement et à500 000 francs d’amende ».
Par ailleurs, d’après la jurisprudence, le lien de causa-
litéentre la faute et le préjudice (décès) doit être cer-
tain. En fonction de ces données, les responsabilitésdu
Pr C. chef de service de neurochirurgie, du Dr A.
médecin assistant et de M
lle
G. faisant fonction d’interne
sont-elles pénalement engagées ? D’autres responsabili-
tés sont-elles àrechercher ?
INSTRUCTION DU DOSSIER
Le juge d’instruction chargéd’instruire le dossier dési-
gna comme expert un professeur des universités, chef de
service de neurochirurgie d’un CHU. Celui-ci estima
qu’il n’y avait pas eu de problème de surveillance ou de
traitement du blessédans le service de réanimation.
Tout en excluant toute faute dans la prise en charge
assurée par le service de neurochirurgie, l’expert souli-
gna que des ionogrammes auraient dûêtre réalisés plus
précocement pour mettre en évidence la déshydratation
liéeàl’alimentation insuffisante et l’hyperthermie, et
qui, àson avis, avait étéàl’origine de la dégradation de
l’état de conscience décrite par les infirmières et les
agents hospitaliers du service de neurochirurgie.
Àla demande de la partie civile, et notamment du
père (médecin) du jeune homme, le magistrat instruc-
teur accepta de demander une contre-expertise dont les
conclusions furent les suivantes : «La réanimation n’a
pas permis de rétablir l’état antérieur dans la mesure oùM.
Y. était un patient présentant d’une part, des séquelles
neurologiques et d’autre part, une dénutrition et une
déshydratation importantes. Son état de conscience était
altéréaprèsl’accident dont il a étévictime mais cet état a
pu être aggravépar la déshydratation. Il n’y a pas de lien
direct entre la déshydratation et la fausse route mais la
déshydratation, ainsi que les troubles neurologiques dont
souffrait le patient, sont, en partie, la cause de l’échec de la
réanimation ».Àla suite du dépôt de ce deuxième
rapport, le juge d’instruction décida de renvoyer devant
le Tribunal correctionnel les trois médecins mis en
examen.
Se fondant notamment sur le deuxième rapport
d’expertise, les magistrats du Tribunal correctionnel
estimèrent que «(ces) trois médecins avaient par leur
manquement fautif de vérification, laissé s’installer chez
M. Y. un état sévère de déshydratation en ne demandant
aucun ionogramme avant le jour du décès ; que cet état
avait contribué à faire échec aux mesures de réanimation,
que la mort résultait de cet échec et qu’il s’en suivait que
leur faute avait concouru directement au décès ».Le
24 février 1999, ils condamnèrent chaque médecin à
un emprisonnement de trois mois avec sursis ainsi qu’à
une peine d’amende de 30 000 francs pour le chef de
service de neurochirurgie et de 10 000 francs pour les
deux autres médecins.
Le chef de service de neurochirurgie ainsi que le
Ministère Public ayant fait appel, l’affaire revint devant
la Cour d’appel en novembre 1999. Reprenant les
termes des deux rapports d’expertise, les magistrats
soulignèrent que le premier expert ne s’était pas pro-
noncésur la relation de cause àeffet entre la déshydra-
tation et le décès. Quant aux seconds experts, ils avaient
conclu qu’il n’était pas possible d’imputer àla déshy-
dratation la cause directe du décès, lequel était dûàune
fausse route bronchique mais qu’avec l’état neurologi-
que du malade, la déshydratation avait sa part de res-
ponsabilitédans l’échec de la tentative de réanimation.
En conséquence, «l’on ne pouvait affirmer que si le
malade n’avait pas été en état de déshydratation, une
réanimation aurait été possible ; que si le dossier faisait
apparaître que la surveillance hydrique avait été insuffi-
sante, néanmoins la relation de cause à effet entre cette
faute et le décès n’était pas établie ; que si l’utilisation
d’une sonde naso-gastrique pour nourrir et hydrater le
malade aurait sans doute réduit le risque de fausse route,
elle ne l’aurait pas supprimé et que d’autre part, les méde-
cins n’avaient pas décidé d’enlever cette sonde mais de ne
pas la remettre une fois que le malade l’ait arrachée, qu’il
s’agissait peut-être d’une erreur médicale mais pas d’une
faute pénale ».
Pour ces motifs, la Cour d’appel relaxa les prévenus et
débouta la partie civile.
COMMENTAIRES
Sur le plan juridique, ce dossier n’appelle pas de remar-
que particulière. Devant la justice pénale, un médecin
ne peut être condamnéque:a)s’il a commis une faute
ayant la qualification d’une infraction pénale et b) s’il
existe une relation certaine entre cette faute et le préju-
dice causéau patient, en l’occurrence son décès. Les
juges de première instance avaient retenu contre les
médecins poursuivis, une faute de négligence en raison
d’une absence de surveillance clinique et biologique du
patient ayant abouti àun état sévère de déshydratation
et avaient attribuéàcette faute le décès du patient. En
revanche, rétablissant la véritédes faits, les magistrats
d’appel rappelèrent que le décès de ce jeune garçon était
liéàune fausse route bronchique et qu’il n’était pas
possible d’évoquer une relation de causalitécertaine
entre la fausse route bronchique et l’absence de sur-
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