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LA MARSEILLAISE
La Marseillaise, le premier et sans doute le plus célèbre des hymnes nationaux modernes, a une histoire
à la fois exemplaire et singulière. Elle est le produit d’un moment, la Révolution française, sur le point, en 1792,
d’affronter la coalition de ses adversaires du dehors et du dedans en faisant appel aux forces vives de la nation.
Patriotique et révolutionnaire tout à la fois, elle s’est imposée durablement, jusqu’à aujourd’hui, comme le point
de ralliement des défenseurs de la Liberté conquise, non seulement en France, mais ailleurs dans le monde.
I) Circonstances de composition
Le maire de Strasbourg, le baron de Dietrich, avait demandé à Rouget de Lisle, capitaine du génie en
garnison à Strasbourg d'écrire un chant de guerre. Rouget de Lisle retourna ensuite à son domicile et composa
ainsi un Hymne de guerre dédié au maréchal de Luckner, le commandant de l'armée du Rhin.
Ironie de l’histoire : le futur hymne national est ainsi dédié à un Bavarois qui sera guillotiné moins de 2
ans plus tard.
L'origine de la musique est plus discutée, puisqu'elle n'est pas signée (contrairement aux autres
compositions de Rouget de Lisle). Toutefois, si la ressemblance avec la ligne mélodique de l'allegro maestoso du
concerto pour piano n° 25 (datant de 1786) de MOZART est remarquable, l'inspiration serait surtout venue d'un
air du compositeur PLEYEL, tiré d'une opérette.
Le couplet, dit « couplet des enfants », date d'octobre 1792 ; il est attribué à Jean-Baptiste Dubois,
Marie-Joseph Chénier et l'abbé Dubois. Une autre source cite aussi l'Oratorio Esther de GRISONS, dont l’air du
début Stances sur la Calomnie semble avoir été plagié note après note et mesure après mesure par Rouget de
Lisle.
Le 22 juin 1792, un délégué du Club des amis de la Constitution de Montpellier, le docteur François
Mireur, venu coordonner les départs de volontaires du Midi vers le front, entonne pour la première fois à
Marseille ce chant parvenu de Strasbourg à Montpellier par un moyen incertain. Repris le lendemain par les
journaux locaux, sera distribué aux volontaires marseillais qui l'entonneront tout au long de leur marche vers
Paris en juillet 1792. Aux Champs-Élysées, le chant de Rouget de Lisle devient l'hymne des Marseillais et
bientôt La Marseillaise.
II) Destin universel
La Marseillaise est déclarée chant national le 14 juillet 1795.
Interdite sous l'Empire puis la Restauration, elle est remise à l'honneur après la révolution de 1830 et
redevient hymne national sous la IIIe République, en 1879 - le Président de la République de l'époque était alors
Jules Grévy. Le ministère de l'Éducation nationale conseille d'en pratiquer le chant dans les écoles à partir de
1944, pratique qui est dorénavant obligatoire à l'école primaire.
La Marseillaise n’est pas seulement l’hymne français. Comme chant révolutionnaire de la première
heure, il a été repris et adopté par nombre de révolutionnaires sur tous les continents :
- 1797 : version italienne qui célèbre la chute de la république Serenissima des doges de Venise par le
général Napoléon Bonaparte
- 1875 : adaptation en russe, la Marseillaise des Travailleurs, publiée en 1875, réalisée par le
révolutionnaire Lavrov. Après la Révolution d'Octobre 1917, les bolcheviks l'adoptent pour hymne,
avant de reprendre l’autre grand chant révolutionnaire L'Internationale. En
- 1931 : avènement de la Seconde République espagnole, certains Espagnols ne connaissant pas leur
nouvel hymne (Himno de Riego), accueillirent le nouveau régime en chantant La Marseillaise, dans une
version espagnole ou catalane.
III) Versions ou réemplois-citations célèbres
- 1830 : BERLIOZ l'a arrangée dans une première version pour deux chœurs et orchestre. Puis en 1848
dans une seconde version pour ténor solo, chœur et piano. « Pour tout ce qui a un cœur, une voix, et du
sang dans les veines », écrit-il en tête de sa partition.
- 1839 : SCHUMANN l'a inclus aussi dans le premier mouvement du Carnaval de Vienne, opus 26, par
défi envers Metternich, qui avait interdit la Marseillaise à Vienne.
- 1858 : OFFENBACH la parodie de façon comique dans son Orphée aux Enfers
- 1871 : le texte de l'Internationale a été écrit à l'origine sur l'air de la Marseillaise. Il a fallu attendre
1888 avant que ne soit composé l'air actuel par Degeyter.
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- 1880 : TCHAIKOSKY la reprend dans son Ouverture 1812, opus 49 célébrant la victoire russe de 1812
sur les armées napoléoniennes. On y entend les premières notes de la mélodie utilisées comme motif
mélodique récurrent, en opposition aux thèmes mélodiques de différents chants patriotiques russes.
- 1913 : DEBUSSY dans son prélude Feux d’Artifice y fait allusion
- 1929 : CHOSTAKOVITCH l'a utilisée dans sa musique pour le film La Nouvelle Babylone, en la
superposant parfois avec un french cancan d’OFFENBACH.
- 1942 : KODALY l’harmonise pour chœur d’hommes
- 1945 : GRAPELLI Stéphane et REINHARDT, au sein du quintette du Hot Club de France en proposent
une version jazz connue sous le titre Echoes of France
- 1967 : les BEATLES se sont servis de l’intro de La marseillaise pour illustrer le début de leur chanson
All You Need Is Love.
- 1989 : CHAILLEY Jacques la superpose au Chant du Départ lors du bicentenaire de la Révolution
française
IV) Parodies nombreuses
Comme tout chant célèbre, La Marseillaise a été souvent parodiée à des fins humoristiques ou
politiques. On peut citer, comme exemples :
- 1792 : Le Retour du soldat, connue sous le nom de la Marseillaise de la Courtille, œuvre d’Antignac
- 1793 : La Marseillaise des Montagnards s'adresse aux sans culottes des fédérés bretons
- 1848 : La Marseillaise des cotillons est un chant féministe
- 1867 : La Marseillaise noire , écrite par Camille Naudin à la Nouvelle Orléans
- 1888 : La Marseillaise des libres penseurs, chanson anonyme.
- 1891 : La Marseillaise fourmisienne, écrite par Emile Voillequin
- 1893 : La Marseillaise des catholiques, écrite par Louis Pinède de Vals-les-bains
- 1911 : La Marseillaise des requins, écrite par Gaston Couté
-
On trouve aussi :
- Le chant des blancs,
- une Marseillaise Milanaise
- En avant peuple d'Italie
- la Marseillaisa dos Peréreus
- la Marseillaise des femmes
- la Marseillaise des belles-mères
- etc.
V) Sens et force des paroles
C’est un chant de guerre : « Aux armes citoyens ! Formez vos bataillons… », dénonçant les rois
conjurés, les traîtres auxquels on oppose soldats et héros magnanimes, défendant leurs fils et leurs compagnes :
La Marseillaise fixe pour longtemps les clichés de la patrie en armes. On l’a dit sanguinaire ; il l’est avec
discernement : « Épargnez ces tristes victimes/À regret s’armant contre vous… ».
C’est que, autant qu’un sursaut de conscience nationale, La Marseillaise est un chant révolutionnaire :
c’est la tyrannie, les « complices de Bouillé » , le général félon qui avait préparé la fuite du roi, les « vils
despotes » qui sont objets de haine. Et, en contrepoint, c’est l’invocation à la Liberté, justifiant l’amour sacré
d’une patrie qui en est l’asile privilégié, qui clôt cet hymne en point d’orgue.
Quand surgit la Marseillaise, en avril 1792, il y avait deux grands courants dans la Révolution
française : le courant girondin et le courant montagnard. Ces courants se reflètent dans des chansons. Le Ça Ira
et la Carmagnole eurent le plus de vogue dans les profondeurs de la Sans-Culotterie, parce que leur rythme alerte
et guilleret, leurs paroles directes, leur tonalité sociale s’ajustaient mieux au sentiment populaire. Par leur nature,
c’étaient des hymnes montagnards.
La Marseillaise, plus ample, plus grave, devait plaire musicalement aux couches sociales plus élevées
qu’influençaient les girondins. Et, comme d’autre part elle était toute tendue vers l’étranger, vers la guerre, elle
correspondait tout à fait à la tactique des girondins.
Mélange de ferveur et d’enthousiasme, formules simples et fortes, sur un rythme ample et martial, ce
chant représente une rencontre exceptionnelle entre expression d’élite et engagement populaire. La position
même de Rouget de Lisle, cultivé certes, mais malgré tout à demi autodidacte et auteur d’occasion, l’avantage
paradoxalement par rapport aux professionnels. Revers de la médaille, l’harmonisation défaillante devra être
revue par GOSSEC, magnifiée plus tard par BERLIOZ.
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VI) Violences des paroles
L’hymne national français est un chant guerrier hérité des guerres révolutionnaires.
C'est le vers Qu'un sang impur abreuve nos sillons qui est notamment décrié. Pour Jaurès, il s'agirait
d'une référence explicite au sang des victimes de la Terreur. Pour les historiens de la France moderne, le premier
couplet est nourri de textes anciens, parfois du XVIIe siècle appelant à la défense du royaume.
Jean JAURES fait l'éloge de la Marseillaise tout en s’interrogeant sur le sens des paroles et en
particulier de la question du "sang impur" :
« Mais ce n'est pas seulement sur la forme que porte la controverse ; c'est sur les idées. Or, je dis que
La Marseillaise, la grande Marseillaise de 1792, est toute pleine des idées qu'on dénonce le plus violemment
dans L'Internationale. Que signifie, je vous prie, le fameux refrain du "sang impur" ? — "Qu'un sang impur
abreuve nos sillons !", l'expression est atroce. C'est l'écho d'une parole bien étourdiment cruelle de Barnave. On
sait qu'à propos de quelques aristocrates massacrés par le peuple, il s'écria : "Après tout, le sang qui coule est-il
donc si pur ?" Propos abominable, car dès que les partis commencent à dire que le sang est impur qui coule
dans les veines de leurs adversaires, ils se mettent à le répandre à flots et les révolutions deviennent des
boucheries. Mais de quel droit la Révolution flétrissait-elle de ce mot avilissant et barbare tous les peuples, tous
les hommes qui combattaient contre elle ? »
Marseillaise et Internationale, La Petite République socialiste, 30 août 1903
Une autre interprétation considère que ces vers seraient une référence aux révolutionnaires qui ont le
sang impur contrairement aux aristocrates au sang « noble », mettant en lumière les « préjugés de milieux
sociaux » chez les gentilshommes français au XVIIIe siècle.
C'est ainsi que Gavroche, personnage célèbre du roman Les Misérables de Victor Hugo, interprète ces
vers : "En avant les hommes ! qu’un sang impur inonde les sillons ! Je donne mes jours pour la patrie, je ne
reverrai plus ma concubine, n-i-ni, fini, oui, Nini ! mais c’est égal, vive la joie ! Battons-nous, crebleu ! J’en ai
assez du despotisme."
Les Misérables, Cinquième partie, Livre I - Victor HUGO 1862.
VII) Révolution Française : repères chronologiques
- 17 juin 1789 Les États généraux, ouverts depuis le 5 mai, se constituent en Assemblée nationale.
- 14 juillet 1789 Prise de la Bastille.
- 4 août 1789 Abolition des privilèges.
- 26 août 1789 Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.
- Juillet 1790 Vote de la Constitution civile du clergé (le 12) ; fête de la Fédération (le 14).
- 20-21 juin 1791 Fuite du roi et arrestation à Varennes.
- 3 sept. 1791 Vote de la Première Constitution française.
- 10 août 1792 Prise des Tuileries : chute de la royauté.
- Sept. 1792 Bataille de Valmy (le 20) ; proclamation de la République (le 22).
- 21 janvier 1793 Exécution de Louis XVI.
- 5 sept. 1793 Instauration de la Terreur.
- 5 avril 1794 Exécution de Danton.
- 27 juillet 1794 Chute de Robespierre (9 thermidor an II).
- 31 oct. 1795 Mise en place d'un Directoire.
- 9-10 nov. 1799 Coup d'État du 18-Brumaire an VIII ; Bonaparte est nommé consul provisoire.
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LA MARSEILLAISE
Paroles et Musique ROUGET DE LISLE
Chant de Guerre pour l’Armée du Rhin
REFRAIN
Aux armes, citoyens !
Formez vos bataillons !
Marchons, marchons !
Qu'un sang impur...
Abreuve nos sillons !
I
Allons ! Enfants de la Patrie !
Le jour de gloire est arrivé !
Contre nous de la tyrannie,
L'étendard sanglant est levé ! (Bis)
Entendez-vous dans les campagnes
Mugir ces féroces soldats ?
Ils viennent jusque dans vos bras
Égorger vos fils, vos compagnes.
Aux armes, citoyens ! Etc.
II
Que veut cette horde d'esclaves,
De traîtres, de rois conjurés ?
Pour qui ces ignobles entraves,
Ces fers dès longtemps préparés ? (Bis)
Français ! Pour nous, ah ! Quel outrage !
Quels transports il doit exciter ;
C'est nous qu'on ose méditer
De rendre à l'antique esclavage !
Aux armes, citoyens ! Etc.
III
Quoi ! Des cohortes étrangères
Feraient la loi dans nos foyers !
Quoi ! Des phalanges mercenaires
Terrasseraient nos fiers guerriers ! (Bis)
Dieu ! Nos mains seraient enchaînées !
Nos fronts sous le joug se ploieraient !
De vils despotes deviendraient
Les maîtres de nos destinées !
Aux armes, citoyens ! Etc.
IV
Tremblez, tyrans et vous, perfides,
L'opprobre de tous les partis !
Tremblez ! Vos projets parricides
Vont enfin recevoir leur prix. (Bis)
Tout est soldat pour vous combattre.
S'ils tombent, nos jeunes héros,
La terre en produira de nouveaux
Contre vous tout prêt à se battre.
Aux armes, citoyens ! Etc.
V
Français, en guerriers magnanimes
Portons ou retenons nos coups !
Épargnons ces tristes victimes,
A regret, s'armant contre nous ! (Bis)
Mais ce despote sanguinaire !
Mais ces complices de Bouillé !
Tous ces tigres qui, sans pitié,
Déchirent le sein de leur mère !
Aux armes, citoyens ! Etc.
VI
Amour sacré de la Patrie
Conduis, soutiens nos bras vengeurs !
Liberté ! Liberté chérie,
Combats avec tes défenseurs ! (Bis)
Sous nos drapeaux que la Victoire
Accoure à tes mâles accents !
Que tes ennemis expirants
Voient ton triomphe et notre gloire !
Aux armes, citoyens ! Etc.
VII (non retenu dans la version officielle)
Peuple français, connais ta gloire ;
Couronné par l'Égalité,
Quel triomphe, quelle victoire,
D'avoir conquis la Liberté ! (Bis)
Le Dieu qui lance le tonnerre
Et qui commande aux éléments,
Pour exterminer les tyrans,
Se sert de ton bras sur la terre.
Aux armes, citoyens ! Etc.
VIII (non retenu dans la version officielle)
Nous avons de la tyrannie
Repoussé les derniers efforts ;
De nos climats, elle est bannie ;
Chez les Français les rois sont morts. (Bis)
Vive à jamais la République !
Anathème à la royauté !
Que ce refrain, partout porté,
Brave des rois la politique.
Aux armes, citoyens ! Etc.
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REFRAIN
Aux armes, citoyens !
Formez vos bataillons !
Marchons, marchons !
Qu'un sang impur...
Abreuve nos sillons !
IX (non retenu dans la version officielle)
La France que l'Europe admire
A reconquis la Liberté
Et chaque citoyen respire
Sous les lois de l'Égalité ; (Bis)
Un jour son image chérie
S'étendra sur tout l'univers.
Peuples, vous briserez vos fers
Et vous aurez une Patrie !
Aux armes, citoyens ! Etc.
X (non retenu dans la version officielle)
Foulant aux pieds les droits de l'Homme,
Les soldatesques légions
Des premiers habitants de Rome
Asservirent les nations. (Bis)
Un projet plus grand et plus sage
Nous engage dans les combats
Et le Français n'arme son bras
Que pour détruire l'esclavage.
Aux armes, citoyens ! Etc.
XI (non retenu dans la version officielle)
Oui ! Déjà d'insolents despotes
Et la bande des émigrés
Faisant la guerre aux Sans-Culottes
Par nos armes sont altérés ; (Bis)
Vainement leur espoir se fonde
Sur le fanatisme irrité,
Le signe de la Liberté
Fera bientôt le tour du monde.
Aux armes, citoyens ! Etc.
XII (non retenu dans la version officielle)
O vous ! Que la gloire environne,
Citoyens, illustres guerriers,
Craignez, dans les champs de Bellone,
Craignez de flétrir vos lauriers ! (Bis)
Aux noirs soupçons inaccessibles
Envers vos chefs, vos généraux,
Ne quittez jamais vos drapeaux,
Et vous resterez invincibles.
Aux armes, citoyens ! Etc.
Couplets des Enfants (VII)
Nous entrerons dans la carrière,
Quand nos aînés n'y seront plus ;
Nous y trouverons leur poussière
Et la trace de leurs vertus. (Bis)
Bien moins jaloux de leur survivre
Que de partager leur cercueil
Nous aurons le sublime orgueil
De les venger ou de les suivre.
Aux armes, citoyens ! Etc.
(non retenu dans la version officielle)
Enfants, que l'Honneur, la Patrie
Fassent l'objet de tous nos vœux !
Ayons toujours l'âme nourrie
Des feux qu'ils inspirent tous deux. (Bis)
Soyons unis ! Tout est possible ;
Nos vils ennemis tomberont,
Alors les Français cesseront
De chanter ce refrain terrible :
Aux armes, citoyens ! Etc.
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