Le robot remplace le médecin

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High-tech
robot
remplace
Le
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le médecin
V
ision arachnéenne façon pas laisser de cicatrice externe : les inter- et sont en formation permanente et les
“Spider-Man”… Le robot ventions se font par voie transgastrique, autres. « On nous parle souvent de la pénurie de médecins qui s’annonce pour 2020chirurgien a déployé ses quatre transvésicale, vaginale, rectale, etc. »
2025. Cela me fait rire !, poursuit le direcbras articulés autour du patient
INGÉNIEURS ET MÉDECINS
teur de l’Unamec. Quand on vit dans la
allongé. L’un porte une caméra
DOIVENT ŒUVRER ENSEMBLE
“science-réalité”, on se rend compte qu’un
3D, les trois autres sont équipés d’instruments miniaturi- Ces robots chirurgiens ont-ils une réelle seul médecin pourra faire beaucoup plus
sés. À quelques mètres de là, le utilité ? Qu’apportent-ils de plus qu’un qu’aujourd’hui. Ingénieurs et médecins
chirurgien (le vrai), installé à une console médecin en chair et en os ? Sont-ils aussi doivent œuvrer ensemble pour dévelopqui lui restitue le champ d’opération en fiables ? Que coûtent-ils ? On ne peut per les outils d’avenir. Nous connaissons
relief et agrandi dix fois, commande le s’empêcher de se poser ces questions, en l’existence des nouvelles technologies et
robot à l’aide de petites manettes dont les se demandant notamment si les hôpitaux sommes prêts à participer à la formation
mouvements sont précisément reproduits ne tiennent pas davantage à leur utili- permanente des médecins. Celle-ci devrait
sur le corps du patient. Science-fiction ? sation parce qu’elle donne d’eux l’image se faire de manière structurée et obligaPas du tout. Le robot chirurgical Da Vinci a de centres hospitaliers à la pointe de la toire. On ne peut plus attendre ! Le défi
été mis sur le marché en France en 2000 et modernité. Ou pour répondre aux solli- est d’ailleurs le même partout en Europe
est considéré aujourd’hui comme la Rolls- citations de patients tentés par l’aventure occidentale et dans d’autres régions du
Royce des outils mis à disposition des robotique. Avec le risque in fine qu’ils monde. » Le groupe hospitalier américain
chirurgiens, en dépit des réserves émises veuillent les utiliser à tout bout de champ, “Kaiser permanente” veut remédier au
par certains professionnels (voir encadré). notamment pour des opérations simples décalage entre le “terrain” qui évolue à
toute vitesse et le savoir séculaire
Il en existe plusieurs exemplaires
en Belgique. Produit de la firme Le bistouri tenu par un robot, des universités. « Une situation qui
produit des gens en décalage avec
américaine Intuitive Surgical, il
le labo portable, les objets
le monde qui évolue, constate le
détient jusqu’ici le monopole du
secteur. Pourtant, comme c’est le connectés qui vous auscultent Pr Coucke. La Suisse, le Canada et
États-Unis sortent cependant
cas pour un PC ou un lave-linge
en permanence, le pilulier les
du lot. » Cela dit, toutes robotiqui, à peine a-t-il quitté le magasin,
se voit déjà remplacé par un noudélateur… Sous l’influence sées qu’elles soient, les opérations
veau modèle fraîchement sorti de
requerront toujours la présence
des high-tech, le rôle du
l’usine – encore plus performant ou
d’un chirurgien, ne serait-ce que
toubib est en train de se
qui a réglé les inconvénients de la
pour manipuler les “joy sticks” et
série précédente –, le robot-chirur- transformer du tout au tout ! guider l’intervention en cours. Qui
gien est contraint de s’améliorer
plus est, le médecin devra toujours
sans cesse. Qui plus est, le progrès
être capable de reprendre la main
en matière de technologie médicale n’étant qui ne devraient pas nécessiter tout un (ou plutôt le bistouri) en cas de panne. Le
pas près de s’arrêter, d’autres robots de son déploiement robotique. Il faut dire que les système de secours n’offre actuellement
espèce pourraient bien déferler prochai- “honoraires” du robot chirurgien sont plus qu’une autonomie de 20 minutes au robot.
nement sur le marché… Parmi les person- élevés que ceux de ses confrères humains,
nalités belges conscientes du phénomène notamment pour rentabiliser son achat
“UNE TEMPÊTE NUMÉRIQUE”
figurent le Pr Philippe Coucke, chef du dont le prix avoisine les 2 millions d’eu- Le robot chirurgien n’est pas la seule
service de radiothérapie au CHU de Liège, ros, mais aussi pour couvrir l’amortisse- innovation technologique en train de
ainsi que Richard Van den Broek, direc- ment, son entretien qui s’élève à près de bouleverser le monde médical. D’autres
teur de l’Unamec (Fédération belge de l’in- 200.000 euros par an et la formation des concepts voient le jour, qui pourraient
dustrie des technologies médicales), que chirurgiens amenés à l’utiliser. « Ce dernier bien transformer du tout au tout le rôle
nous avons interviewés à propos de ce que point est essentiel, nous confirme Richard du médecin qui va devenir davantage
l’avenir nous réserve en matière de robo- Van den Broek. Le scientifique français un conseiller de santé. Pour le reste, la
tisation médicale. « L’avenir ? Mais nous Joël de Rosnay dit que “si le médecin technologie et sa numérisation vont persommes déjà dedans ! Je parlerais même se cantonne à son expertise technique, il mettre au patient non seulement d’être
de “science-réalité”, nous répond le Pr deviendra rapidement inutile”. Or, le pro- capable de suivre seul ses paramètres
Coucke. Des choses incroyables se mettent blème aujourd’hui ne tient pas tant dans physiologiques, mais aussi de savoir
en place ! Le robot chirurgien de la pre- le fait que les robots ne sont pas capables précisément comment réagir au cas où
mière génération, tel que nous le connais- d’accomplir certaines tâches, mais plutôt l’objet connecté lui signale un problème.
sons aujourd’hui, n’existera sans doute dans l’inadéquation qui existe entre la Cette personnalisation de la médecine
plus sous cette forme. Il sera amélioré. Par formation des médecins et tout ce qui est évitera peut-être l’automédication via
ailleurs, deux projets européens sont en mis à leur disposition pour soigner les le Net basée sur un simple ressenti,
train d’émerger. Il s’agit d’“Arakness” et de patients… et dont certains ignorent non de même que le risque d’achat de faux
“Notes” (voir encadré). Dans les deux cas, seulement le mode d’emploi, mais parfois médicaments ou encore les échanges de
l’idée est de pouvoir réaliser un maximum même jusqu’à l’existence. » Se crée ainsi “bons” tuyaux via les réseaux sociaux.
Myriam Bru.
d’opérations par voie interne, afin de ne un fossé entre les médecins “qui savent” ➽
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robot
remplace
Le
Ces innovations
révolutionnent la médecine.
Le Pr Philippe Coucke (ULg)
nous les explique.
le médecin
Entrez dans la famille
des robots
Araknes (Array of Robots Augmenting the Kinematics of
Endoluminal Surgery) et Notes (Natural Orifice Transluminal Endoscopic
Surgery) sont deux projets européens au but identique : créer une chirurgie
robotique non invasive. Dans le cas d’Araknes (projet italien), le robot miniaturisé entre dans le corps du patient… par le nombril. Une petite capsule y
est ensuite introduite, à travers laquelle le chirurgien fera passer, l’un après
l’autre, les deux bras du robot. Celui-ci renvoie alors au chirurgien qui le
manipule depuis sa console les images en 3D de ce qui se passe à l’intérieur du
corps. Outre l’extrême précision chirurgicale, ce système permet une absence
de cicatrice, une diminution des douleurs, du risque de complications et de la
durée d’hospitalisation.
iKnife (intelligent knife) est un bistouri électrique, inventé
en Grande-Bretagne, capable de distinguer un tissu sain d’un tissu
cancéreux. Comment ça marche ? Au moment où le chirurgien
coupe dans le tissu avec le bistouri, la vapeur émise par l’électrocoagulation des tissus est analysée en temps réel. L’instrument
détermine ainsi si le tissu est sain ou non. Cette technique peut
remplacer celle qui consiste, en cours d’opération, à envoyer au
labo un échantillon du tissu opéré et à attendre ensuite le résultat,
qui parvient entre 20 et 30 minutes plus tard. Avec le iKnife, la
prise de décision du médecin est immédiate. Mieux : cette technique peut aussi éviter au patient de devoir être réopéré.
MedWand est la suite logique d’une expérience lancée à l’université de
Baltimore, permettant de réaliser, à l’aide d’une application sur smartphone,
le bilan clinique d’un patient en maximum 10 minutes ! Tout en un, comme
un couteau suisse : le stéthoscope, l’otoscope, l’ophtalmoscope, l’électrocardiogramme, le thermomètre, l’oxymètre, le tensiomètre et le dermatoscope.
Autrement dit : en dix minutes, le médecin connaît la tension, l’état des yeux, des
oreilles, du cœur et de la peau de son patient. Toutes ces informations numérisées sont envoyées par le MedWand dans le “cloud” (nuage numérique), avant
d’atterrir dans le DPI du patient (dossier informatisé). La société MedWand
collabore depuis avec Doctor On Demand, un des leaders dans le domaine de la
télémédecine. Aux États-Unis, certaines sociétés d’assurances mettent cet instrument à disposition de leurs affiliés. Il coûte 199 dollars. Livré avec le logiciel
permettant l’analyse des résultats, son prix avoisine les 500 dollars.
Le robot chirurgien Da Vinci : bien, mais…
Capable de réaliser des opérations à la pointe
et de diminuer le stress et la fatigue du
chirurgien, qui opère assis, le robot Da Vinci
de la société Intuitive Surgical (qui bénéficie
aujourd’hui d’une double console permettant
à deux médecins de s’atteler à la tâche) a
néanmoins fait l’objet de quelques critiques.
Une étude de la Johns Hopkins University
à Baltimore (États-Unis) a ainsi évoqué une
forte sous-déclaration des effets indésirables
liés à son utilisation. Parmi ceux déclarés, des accidents (perforation
d’un organe, hémorragie, brûlure interne…) ont été rapportés, que
certains imputent à un manque de retour de force et à un champ de
vision limité, mais que la plupart attribuent au manque de formation
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des médecins. Dans un article du “Standaard” à propos
des robots chirurgiens est évoqué aussi le risque plus
élevé d’“oubli” de cellules cancéreuses, notamment
lors d’un cancer de la prostate. Ce robot est en effet
utilisé principalement en urologie. L’article révèle aussi
que les patients opérés de la vésicule biliaire restent
3/4 d’heure de plus sous narcose que lors d’une opération manuelle. Enfin, l’augmentation du prix de l’opération, imputable à l’utilisation du robot, n’est pas prise
en charge par la mutuelle. L’enquête menée en 2014
par l’ANSM (agence française de sécurité des médicaments et des
produits de santé) a conclu qu’il fallait encourager la formation permanente des équipes utilisatrices ; en effet, plus grand est le nombre
d’interventions, moins on enregistre d’effets indésirables.
M.B.
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robot
remplace
Le
le médecin
Les Health Spot
Stations
Dans les rues de l’Ohio, ils ressemblent
à des kiosques à journaux. Vous y
entrez, vos paramètres médicaux y
sont enregistrés (tension, température,
poids…) et vous êtes ensuite mis en
contact, par écran interposé, avec le
médecin que vous aurez sélectionné
parmi tous ceux répertoriés sur un site
précisant leurs qualités respectives. Le
diagnostic est fait en direct. Il ne vous
reste ensuite plus qu’à vous rendre
dans une pharmacie.
Merge
Healthcare
Watson, le programme déployant de l’intelligence arti-
ficielle, développé par IBM, avait battu le challenger humain
dans le jeu télévisé Jeopardy. Watson est donc capable de faire
des choix corrects. D’où son introduction dans le domaine
médical. « Imaginez, d’un côté, des centaines de milliers de
dossiers d’oncologie de patients vivant partout dans le monde,
contenus dans la mémoire d’IBM. De l’autre, un médecin
lambda du fond de l’Italie ou d’ailleurs, qui ne sait que penser
de l’état de son patient, nous explique le Pr Coucke. Il entre le
profil de celui-ci dans le programme Watson, ainsi que tous
les résultats de ses analyses. Des algorithmes puissants permettent, en tenant compte de toutes les variables introduites
et de leurs poids relatifs, de rapidement comparer le profil du
patient aux cas en mémoire et de proposer ensuite un diagnostic et un traitement. Vu l’explosion du nombre de variables par
patient, l’esprit humain n’est plus capable de rivaliser avec sa
fiabilité. »
Proteus est un système de capteur placé sous la peau
du patient, approuvé par la Food and Drug Administration. Il
est associé à la pilule prescrite. Quand elle arrive dans l’estomac, la pilule se dissout. Ce faisant, elle envoie un signal au
capteur qui, lui-même, envoie un message au smartphone de
la personne chargée de veiller sur le patient ou à son médecin
traitant, qui sait ainsi que le patient a bien avalé sa pilule.
Autre exemple : « Aux Pays-Bas, lors d’une fracture de l’avantbras ou du poignet, le taux de compliance, en kinésithérapie,
n’est que de 5 % », constate le Pr Coucke. Or, cela entraîne un
coût sociétal énorme car les gens retournent moins vite au
travail. Des développeurs de jeux vidéo ont mis une parade en
place : des jeux amusants (par exemple celui où le patient est
un requin qui doit se mouvoir) obligeant des mouvements de
poignets ou des avant-bras, avec des niveaux de difficulté progressifs.
Myriam Bru.
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IBM a signé avec un
fabricant de systèmes de
stockage de radiologies
qui donne accès aux radios
d’un consortium d’hôpitaux américains, soit à des
millions de sets d’images.
Grâce à cela, les médecins de ces hôpitaux ont
accès à l’imagerie de tous
les patients, ce qui peut
les aider à établir leurs
diagnostics par reconnaissance de profils types. À
terme, Watson va pouvoir
développer des algorithmes
tels qu’il pourra même
remplacer l’être humain à
l’interprétation des images.
Un des problèmes les plus
fréquents auxquels sont
confrontés les médecins est
le fait que les patients ne
prennent pas, ou mal, les
médicaments qui leur sont
prescrits. Il a été constaté,
par exemple, que 88 %
des patients ne prennent
toujours pas leur médicament une semaine après
avoir fait un infarctus.
Pour remédier aux oublis,
il existe déjà des piluliers
électroniques qui sonnent
pour vous rappeler l’heure
de prendre votre médicament.
Le Tricorder d’Aezon,
Le “Qualcomm Tricorder Xprize”, un prix
doté de 10 millions de dollars, leur sera peutêtre décerné (verdict en 2017). Aezon est un
groupe de jeunes chercheurs américains à
l’origine d’un collier destiné aux personnes
âgées, capable de calculer en continu tous
leurs paramètres physiologiques. Les résultats sont ensuite envoyés dans le “cloud” où
ils seront comparés à des profils existants
et, si un profil de maladie est reconnu, un
message d’alerte sera renvoyé au patient afin
qu’il puisse faire, à domicile, une analyse
d’urine ou d’une goutte de sang prélevée sur
son doigt, à l’aide d’un petit labo portable.
Le patient obtiendra ensuite les résultats,
débouchant sur un diagnostic… et la suggestion d’un traitement. L’auto-médecine
progresse. « Ce concept de télémédecine et
de “Do-it-yourself ” est fort intéressant pour
le milliard et demi d’humains qui n’ont pas
accès à des médecins », estime le Pr Coucke.
Theranos est un laboratoire
mobile qui porte le nom de la société qui l’a
conçu, propriété d’Elizabeth Holmes. Cette
femme, qui avait hésité entre des études de
médecine ou d’ingénierie, a finalement opté
pour celles-ci tout en décidant qu’elles lui
serviraient à révolutionner la médecine !
C’est chose faite : elle a même réussi à
associer la Nasa à son projet Theranos. Les
astronautes ont pu tester son laboratoire
mobile qui permet, à partir d’une seule
goutte de sang, d’analyser toute une série
de choses. Deuxième coup de génie : associer la chaîne de pharmacies américaine
Walgreens à l’implantation de comptoirs
Theranos au sein de leurs boutiques. Vous
faites vos achats, au passage vous demandez
au comptoir que l’on vous pique le doigt et
le résultat de cette prise de sang… se retrouvera sur votre ticket de caisse ! Cela dit, en
octobre 2015, une enquête du “Wall Street
Journal” a révélé que la société n’utiliserait
pas sa propre technologie pour faire les
tests sanguins et qu’elle aurait tenté de masquer certaines incohérences.
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