High-tech robot remplace Le 28 le médecin V ision arachnéenne façon pas laisser de cicatrice externe : les inter- et sont en formation permanente et les “Spider-Man”… Le robot ventions se font par voie transgastrique, autres. « On nous parle souvent de la pénurie de médecins qui s’annonce pour 2020chirurgien a déployé ses quatre transvésicale, vaginale, rectale, etc. » 2025. Cela me fait rire !, poursuit le direcbras articulés autour du patient INGÉNIEURS ET MÉDECINS teur de l’Unamec. Quand on vit dans la allongé. L’un porte une caméra DOIVENT ŒUVRER ENSEMBLE “science-réalité”, on se rend compte qu’un 3D, les trois autres sont équipés d’instruments miniaturi- Ces robots chirurgiens ont-ils une réelle seul médecin pourra faire beaucoup plus sés. À quelques mètres de là, le utilité ? Qu’apportent-ils de plus qu’un qu’aujourd’hui. Ingénieurs et médecins chirurgien (le vrai), installé à une console médecin en chair et en os ? Sont-ils aussi doivent œuvrer ensemble pour dévelopqui lui restitue le champ d’opération en fiables ? Que coûtent-ils ? On ne peut per les outils d’avenir. Nous connaissons relief et agrandi dix fois, commande le s’empêcher de se poser ces questions, en l’existence des nouvelles technologies et robot à l’aide de petites manettes dont les se demandant notamment si les hôpitaux sommes prêts à participer à la formation mouvements sont précisément reproduits ne tiennent pas davantage à leur utili- permanente des médecins. Celle-ci devrait sur le corps du patient. Science-fiction ? sation parce qu’elle donne d’eux l’image se faire de manière structurée et obligaPas du tout. Le robot chirurgical Da Vinci a de centres hospitaliers à la pointe de la toire. On ne peut plus attendre ! Le défi été mis sur le marché en France en 2000 et modernité. Ou pour répondre aux solli- est d’ailleurs le même partout en Europe est considéré aujourd’hui comme la Rolls- citations de patients tentés par l’aventure occidentale et dans d’autres régions du Royce des outils mis à disposition des robotique. Avec le risque in fine qu’ils monde. » Le groupe hospitalier américain chirurgiens, en dépit des réserves émises veuillent les utiliser à tout bout de champ, “Kaiser permanente” veut remédier au par certains professionnels (voir encadré). notamment pour des opérations simples décalage entre le “terrain” qui évolue à toute vitesse et le savoir séculaire Il en existe plusieurs exemplaires en Belgique. Produit de la firme Le bistouri tenu par un robot, des universités. « Une situation qui produit des gens en décalage avec américaine Intuitive Surgical, il le labo portable, les objets le monde qui évolue, constate le détient jusqu’ici le monopole du secteur. Pourtant, comme c’est le connectés qui vous auscultent Pr Coucke. La Suisse, le Canada et États-Unis sortent cependant cas pour un PC ou un lave-linge en permanence, le pilulier les du lot. » Cela dit, toutes robotiqui, à peine a-t-il quitté le magasin, se voit déjà remplacé par un noudélateur… Sous l’influence sées qu’elles soient, les opérations veau modèle fraîchement sorti de requerront toujours la présence des high-tech, le rôle du l’usine – encore plus performant ou d’un chirurgien, ne serait-ce que toubib est en train de se qui a réglé les inconvénients de la pour manipuler les “joy sticks” et série précédente –, le robot-chirur- transformer du tout au tout ! guider l’intervention en cours. Qui gien est contraint de s’améliorer plus est, le médecin devra toujours sans cesse. Qui plus est, le progrès être capable de reprendre la main en matière de technologie médicale n’étant qui ne devraient pas nécessiter tout un (ou plutôt le bistouri) en cas de panne. Le pas près de s’arrêter, d’autres robots de son déploiement robotique. Il faut dire que les système de secours n’offre actuellement espèce pourraient bien déferler prochai- “honoraires” du robot chirurgien sont plus qu’une autonomie de 20 minutes au robot. nement sur le marché… Parmi les person- élevés que ceux de ses confrères humains, nalités belges conscientes du phénomène notamment pour rentabiliser son achat “UNE TEMPÊTE NUMÉRIQUE” figurent le Pr Philippe Coucke, chef du dont le prix avoisine les 2 millions d’eu- Le robot chirurgien n’est pas la seule service de radiothérapie au CHU de Liège, ros, mais aussi pour couvrir l’amortisse- innovation technologique en train de ainsi que Richard Van den Broek, direc- ment, son entretien qui s’élève à près de bouleverser le monde médical. D’autres teur de l’Unamec (Fédération belge de l’in- 200.000 euros par an et la formation des concepts voient le jour, qui pourraient dustrie des technologies médicales), que chirurgiens amenés à l’utiliser. « Ce dernier bien transformer du tout au tout le rôle nous avons interviewés à propos de ce que point est essentiel, nous confirme Richard du médecin qui va devenir davantage l’avenir nous réserve en matière de robo- Van den Broek. Le scientifique français un conseiller de santé. Pour le reste, la tisation médicale. « L’avenir ? Mais nous Joël de Rosnay dit que “si le médecin technologie et sa numérisation vont persommes déjà dedans ! Je parlerais même se cantonne à son expertise technique, il mettre au patient non seulement d’être de “science-réalité”, nous répond le Pr deviendra rapidement inutile”. Or, le pro- capable de suivre seul ses paramètres Coucke. Des choses incroyables se mettent blème aujourd’hui ne tient pas tant dans physiologiques, mais aussi de savoir en place ! Le robot chirurgien de la pre- le fait que les robots ne sont pas capables précisément comment réagir au cas où mière génération, tel que nous le connais- d’accomplir certaines tâches, mais plutôt l’objet connecté lui signale un problème. sons aujourd’hui, n’existera sans doute dans l’inadéquation qui existe entre la Cette personnalisation de la médecine plus sous cette forme. Il sera amélioré. Par formation des médecins et tout ce qui est évitera peut-être l’automédication via ailleurs, deux projets européens sont en mis à leur disposition pour soigner les le Net basée sur un simple ressenti, train d’émerger. Il s’agit d’“Arakness” et de patients… et dont certains ignorent non de même que le risque d’achat de faux “Notes” (voir encadré). Dans les deux cas, seulement le mode d’emploi, mais parfois médicaments ou encore les échanges de l’idée est de pouvoir réaliser un maximum même jusqu’à l’existence. » Se crée ainsi “bons” tuyaux via les réseaux sociaux. Myriam Bru. d’opérations par voie interne, afin de ne un fossé entre les médecins “qui savent” ➽ 29 robot remplace Le Ces innovations révolutionnent la médecine. Le Pr Philippe Coucke (ULg) nous les explique. le médecin Entrez dans la famille des robots Araknes (Array of Robots Augmenting the Kinematics of Endoluminal Surgery) et Notes (Natural Orifice Transluminal Endoscopic Surgery) sont deux projets européens au but identique : créer une chirurgie robotique non invasive. Dans le cas d’Araknes (projet italien), le robot miniaturisé entre dans le corps du patient… par le nombril. Une petite capsule y est ensuite introduite, à travers laquelle le chirurgien fera passer, l’un après l’autre, les deux bras du robot. Celui-ci renvoie alors au chirurgien qui le manipule depuis sa console les images en 3D de ce qui se passe à l’intérieur du corps. Outre l’extrême précision chirurgicale, ce système permet une absence de cicatrice, une diminution des douleurs, du risque de complications et de la durée d’hospitalisation. iKnife (intelligent knife) est un bistouri électrique, inventé en Grande-Bretagne, capable de distinguer un tissu sain d’un tissu cancéreux. Comment ça marche ? Au moment où le chirurgien coupe dans le tissu avec le bistouri, la vapeur émise par l’électrocoagulation des tissus est analysée en temps réel. L’instrument détermine ainsi si le tissu est sain ou non. Cette technique peut remplacer celle qui consiste, en cours d’opération, à envoyer au labo un échantillon du tissu opéré et à attendre ensuite le résultat, qui parvient entre 20 et 30 minutes plus tard. Avec le iKnife, la prise de décision du médecin est immédiate. Mieux : cette technique peut aussi éviter au patient de devoir être réopéré. MedWand est la suite logique d’une expérience lancée à l’université de Baltimore, permettant de réaliser, à l’aide d’une application sur smartphone, le bilan clinique d’un patient en maximum 10 minutes ! Tout en un, comme un couteau suisse : le stéthoscope, l’otoscope, l’ophtalmoscope, l’électrocardiogramme, le thermomètre, l’oxymètre, le tensiomètre et le dermatoscope. Autrement dit : en dix minutes, le médecin connaît la tension, l’état des yeux, des oreilles, du cœur et de la peau de son patient. Toutes ces informations numérisées sont envoyées par le MedWand dans le “cloud” (nuage numérique), avant d’atterrir dans le DPI du patient (dossier informatisé). La société MedWand collabore depuis avec Doctor On Demand, un des leaders dans le domaine de la télémédecine. Aux États-Unis, certaines sociétés d’assurances mettent cet instrument à disposition de leurs affiliés. Il coûte 199 dollars. Livré avec le logiciel permettant l’analyse des résultats, son prix avoisine les 500 dollars. Le robot chirurgien Da Vinci : bien, mais… Capable de réaliser des opérations à la pointe et de diminuer le stress et la fatigue du chirurgien, qui opère assis, le robot Da Vinci de la société Intuitive Surgical (qui bénéficie aujourd’hui d’une double console permettant à deux médecins de s’atteler à la tâche) a néanmoins fait l’objet de quelques critiques. Une étude de la Johns Hopkins University à Baltimore (États-Unis) a ainsi évoqué une forte sous-déclaration des effets indésirables liés à son utilisation. Parmi ceux déclarés, des accidents (perforation d’un organe, hémorragie, brûlure interne…) ont été rapportés, que certains imputent à un manque de retour de force et à un champ de vision limité, mais que la plupart attribuent au manque de formation 30 des médecins. Dans un article du “Standaard” à propos des robots chirurgiens est évoqué aussi le risque plus élevé d’“oubli” de cellules cancéreuses, notamment lors d’un cancer de la prostate. Ce robot est en effet utilisé principalement en urologie. L’article révèle aussi que les patients opérés de la vésicule biliaire restent 3/4 d’heure de plus sous narcose que lors d’une opération manuelle. Enfin, l’augmentation du prix de l’opération, imputable à l’utilisation du robot, n’est pas prise en charge par la mutuelle. L’enquête menée en 2014 par l’ANSM (agence française de sécurité des médicaments et des produits de santé) a conclu qu’il fallait encourager la formation permanente des équipes utilisatrices ; en effet, plus grand est le nombre d’interventions, moins on enregistre d’effets indésirables. M.B. ➽ robot remplace Le le médecin Les Health Spot Stations Dans les rues de l’Ohio, ils ressemblent à des kiosques à journaux. Vous y entrez, vos paramètres médicaux y sont enregistrés (tension, température, poids…) et vous êtes ensuite mis en contact, par écran interposé, avec le médecin que vous aurez sélectionné parmi tous ceux répertoriés sur un site précisant leurs qualités respectives. Le diagnostic est fait en direct. Il ne vous reste ensuite plus qu’à vous rendre dans une pharmacie. Merge Healthcare Watson, le programme déployant de l’intelligence arti- ficielle, développé par IBM, avait battu le challenger humain dans le jeu télévisé Jeopardy. Watson est donc capable de faire des choix corrects. D’où son introduction dans le domaine médical. « Imaginez, d’un côté, des centaines de milliers de dossiers d’oncologie de patients vivant partout dans le monde, contenus dans la mémoire d’IBM. De l’autre, un médecin lambda du fond de l’Italie ou d’ailleurs, qui ne sait que penser de l’état de son patient, nous explique le Pr Coucke. Il entre le profil de celui-ci dans le programme Watson, ainsi que tous les résultats de ses analyses. Des algorithmes puissants permettent, en tenant compte de toutes les variables introduites et de leurs poids relatifs, de rapidement comparer le profil du patient aux cas en mémoire et de proposer ensuite un diagnostic et un traitement. Vu l’explosion du nombre de variables par patient, l’esprit humain n’est plus capable de rivaliser avec sa fiabilité. » Proteus est un système de capteur placé sous la peau du patient, approuvé par la Food and Drug Administration. Il est associé à la pilule prescrite. Quand elle arrive dans l’estomac, la pilule se dissout. Ce faisant, elle envoie un signal au capteur qui, lui-même, envoie un message au smartphone de la personne chargée de veiller sur le patient ou à son médecin traitant, qui sait ainsi que le patient a bien avalé sa pilule. Autre exemple : « Aux Pays-Bas, lors d’une fracture de l’avantbras ou du poignet, le taux de compliance, en kinésithérapie, n’est que de 5 % », constate le Pr Coucke. Or, cela entraîne un coût sociétal énorme car les gens retournent moins vite au travail. Des développeurs de jeux vidéo ont mis une parade en place : des jeux amusants (par exemple celui où le patient est un requin qui doit se mouvoir) obligeant des mouvements de poignets ou des avant-bras, avec des niveaux de difficulté progressifs. Myriam Bru. 32 IBM a signé avec un fabricant de systèmes de stockage de radiologies qui donne accès aux radios d’un consortium d’hôpitaux américains, soit à des millions de sets d’images. Grâce à cela, les médecins de ces hôpitaux ont accès à l’imagerie de tous les patients, ce qui peut les aider à établir leurs diagnostics par reconnaissance de profils types. À terme, Watson va pouvoir développer des algorithmes tels qu’il pourra même remplacer l’être humain à l’interprétation des images. Un des problèmes les plus fréquents auxquels sont confrontés les médecins est le fait que les patients ne prennent pas, ou mal, les médicaments qui leur sont prescrits. Il a été constaté, par exemple, que 88 % des patients ne prennent toujours pas leur médicament une semaine après avoir fait un infarctus. Pour remédier aux oublis, il existe déjà des piluliers électroniques qui sonnent pour vous rappeler l’heure de prendre votre médicament. Le Tricorder d’Aezon, Le “Qualcomm Tricorder Xprize”, un prix doté de 10 millions de dollars, leur sera peutêtre décerné (verdict en 2017). Aezon est un groupe de jeunes chercheurs américains à l’origine d’un collier destiné aux personnes âgées, capable de calculer en continu tous leurs paramètres physiologiques. Les résultats sont ensuite envoyés dans le “cloud” où ils seront comparés à des profils existants et, si un profil de maladie est reconnu, un message d’alerte sera renvoyé au patient afin qu’il puisse faire, à domicile, une analyse d’urine ou d’une goutte de sang prélevée sur son doigt, à l’aide d’un petit labo portable. Le patient obtiendra ensuite les résultats, débouchant sur un diagnostic… et la suggestion d’un traitement. L’auto-médecine progresse. « Ce concept de télémédecine et de “Do-it-yourself ” est fort intéressant pour le milliard et demi d’humains qui n’ont pas accès à des médecins », estime le Pr Coucke. Theranos est un laboratoire mobile qui porte le nom de la société qui l’a conçu, propriété d’Elizabeth Holmes. Cette femme, qui avait hésité entre des études de médecine ou d’ingénierie, a finalement opté pour celles-ci tout en décidant qu’elles lui serviraient à révolutionner la médecine ! C’est chose faite : elle a même réussi à associer la Nasa à son projet Theranos. Les astronautes ont pu tester son laboratoire mobile qui permet, à partir d’une seule goutte de sang, d’analyser toute une série de choses. Deuxième coup de génie : associer la chaîne de pharmacies américaine Walgreens à l’implantation de comptoirs Theranos au sein de leurs boutiques. Vous faites vos achats, au passage vous demandez au comptoir que l’on vous pique le doigt et le résultat de cette prise de sang… se retrouvera sur votre ticket de caisse ! Cela dit, en octobre 2015, une enquête du “Wall Street Journal” a révélé que la société n’utiliserait pas sa propre technologie pour faire les tests sanguins et qu’elle aurait tenté de masquer certaines incohérences.