une re´volution dans la prise en charge des cancers colorectaux

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É ditorial
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Profils d’expression
génomique : une révolution
dans la prise en charge
des cancers colorectaux ?
Genomic expression
profiles: a revolution in
treatment of colorectal
cancer?
Pierre Laurent-Puig
CARPEM (Cancer Research for
^ pital Europeen
Personalized Medicine), Ho
Georges Pompidou ;
Universit
e Paris Descartes,
45 rue des Saints-Peres,
75006 Paris,
France
e-mail : <[email protected]>
i les cancers colorectaux sont une entit
e homog
ene sur le plan histologique
– 80 % d’entre eux sont des ad
enocarcinomes plus ou moins diff
erenci
es –, les m
ecanismes mol
eculaires a l’origine de ces cancers sont au moins au
nombre de trois. On distingue :
S
– les cancers ayant un ph
enotype d’instabilit
e g
en
etique due a un d
efaut de
reparation des m
esappariements de l’ADN ;
– les cancers ayant un ph
enotype d’instabilit
e chromosomique ;
– et les cancers ayant une hyperm
ethylation fr
equente des r
egions promotrices
des g
enes.
notypes sont associ
Ces phe
es pour certains d’entre eux a des alt
erations
gen
etiques particuli
eres. Les mutations des g
enes APC, TP53, KRAS sont
frequentes dans les cancers colorectaux avec une instabilit
e chromosomique, les
mutations de l’oncog
ene BRAF sont particuli
erement fr
equentes pour les cancers
colorectaux avec un ph
enotype m
ethylateur.
‘‘
Les mécanismes moléculaires à l’origine des adénocarcinomes
colorectaux sont au moins au nombre de trois
’’
Pour citer cet article : Laurent-Puig P. Profils d’expression genomique : une revolution dans la
prise en charge des cancers colorectaux ? Hepato Gastro 2013 ; 20 : 84-86. doi : 10.1684/
hpg.2013.0834
84
HEPATO-GASTRO et Oncologie digestive
vol. 20 n8 2, f
evrier 2013
doi: 10.1684/hpg.2013.0834
Deux de ces trois ph
enotypes (par exemple, ph
enotype d’instabilit
e g
en
etique et
ph
enotype m
ethylateur) peuvent ^
etre associ
es au sein d’un m^
eme cancer et
^lon associ
rendre compte de l’ensemble des cas de cancers du co
es a une
instabilite genetique sporadique par une hypermethylation de la r
egion
promotrice du g
ene hMLH1. Finalement, 4 entit
es mol
eculaires peuvent ^
etre
d
efinies assez simplement. La premi
ere comprend les cancers coliques associant
un ph
enotype hyperm
ethylateur associ
es a un d
efaut de r
eparation des
m
esappariements de l’ADN. Cette entit
e repr
esente 10 a 12 % des cancers du
^lon, elle est plus fr
co
equente chez les femmes ^
ag
ees atteintes par un cancer du
^lon droit, elle est associ
co
ee dans plus de 50 % des cas a une mutation de BRAF
sur le codon V600E. Ces tumeurs ont un tr
es bon pronostic. La seconde entit
e est
^lon associes a un d
eficit isol
e dans le syst
eme de r
eparation
celle des cancers du co
des m
esappariement de l’ADN. Cette entit
e repr
esente 3 a 5 % des cancers du
^lon, elle est associ
^lon, le
co
ee a une pr
edisposition g
en
etique au cancer du co
syndrome de Lynch, elle n’est jamais associ
ee a une mutation BRAF. Le d
efaut de
r
eparation des m
esappariements de l’ADN est facilit
e par une mutation
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Editorial
germinale des g
enes de la r
eparation de l’ADN. La troisi
eme entit
e est celle des
cancers ayant un ph
enotype m
ethylateur isol
e sans instabilit
e g
en
etique. Cette
^lon. Il a entit
e repr
esente 8 % de l’ensemble des cancers du co
et
e montr
e que
ces tumeurs ont un pronostic p
ejoratif. Enfin, la quatri
eme entit
e, la plus
fr
equente, est celle des tumeurs avec une instabilit
e chromosomique.
La connaissance de l’existence d’une h
et
erog
en
eit
e g
en
etique des cancers
colorectaux a et
e renforc
ee par l’
etude du transcriptome de 2 tr
es grandes
s
eries de cancers colorectaux. Ces etudes ont montr
e l’existence de 5 a 6 soustypes mol
eculaires de cancers colorectaux dont certains avaient un pronostic
p
ejoratif [1, 2].
Ces quatre entit
es ne suffisent cependant pas a la d
efinition de groupes
homog
enes de malades sur le plan du pronostic [1]. Une nouvelle approche a ete
d
evelopp
ee au cours des 5 derni
eres ann
ees : l’
etude de l’expression de
l’ensemble des g
enes par des approches dites omics. La plupart des signatures
publi
ees a ce jour dans le cancer colorectal avaient un but, celui de trouver une
signature pronostique, permettant de distinguer parmi les malades ayant une
tumeur de stade II ou III ceux qui pouvaient b
en
eficier d’une chimioth
erapie
adjuvante, et ceux que l’on pouvait guerir uniquement par la chirurgie.
‘‘
Le but est de trouver une signature pronostique, permettant
de distinguer parmi les malades ayant une tumeur de stade II
ou III ceux qui pouvaient bénéficier d’une chimiothérapie adjuvante
et ceux que l’on pouvait guérir uniquement par la chirurgie
’’
Le premier constat est que les m
ethodologies d’
etude de l’expression des g
enes
est diff
erente d’une signature a l’autre. Les unes utilisant des tissus fix
es dans le
formol et inclus dans la paraffine, les autres des fragments congel
es. Les
methodologies statistiques permettant l’identification de ces signatures ont et
e
tr
es diff
erentes selon les etudes. Certaines privil
egiant des approches non
supervis
ees, d’autres des approches supervis
ees, cette variabilit
e induisant un
nombre tr
es diff
erent de g
enes retenus dans ces signatures allant d’une dizaine a
quelques centaines. Le niveau de validation de ces signatures est lui aussi tr
es
diff
erent. Certaines ont et
e valid
ees sur plusieurs milliers de malades, d’autres sur
quelques dizaines. Elles ont toute ignor
e la classification ant
erieure des cancers
colorectaux fond
ee sur les diff
erents ph
enotypes mol
eculaires, cherchant une
^lon (one size fits
signature unique pronostique pour l’ensemble des cancers du co
all). La comparaison de ces signatures entre elles montre des r
esultats tr
es peu
superposables. Le taux de recouvrement de ces signatures est faible : peu de
g
enes sont redondants entre les signatures. Une etude pr
esent
ee a l’ASCO a
a un niveau individuel,
montr
e la faible corr
elation des signatures entre elles et, les signatures peuvent classer un malade dans un groupe a fort ou a faible risque
de r
ecidive. Aucune de ces signatures n’a int
egr
e les facteurs pronostiques
r
ecemment identifi
es comme ceux de l’infiltration tumorale par les lymphocytes
[3]. N
eanmoins, elles apportent toutes une information additionnelle sur le plan
pronostique par rapport a la classification TNM [4].
Peut-on utiliser ces signatures afin d’am
eliorer la prise ne charge des malades
atteints de cancer ? La signature la plus aboutie quant au nombre de malades
test
es est celle de Genomic Health (Recurrence Score Oncotype DX) avec plus de
4 800 malades analys
es [5]. Elle permet de calculer une probabilit
e de r
ecidive
pour un malade en fonction du stade TNM de sa tumeur. Cette information
pourrait ^
etre utile dans le dialogue entre le m
edecin et le malade sur la notion du
rapport risque/b
en
efice attendu par exemple pour un patient de stade II dont le
risque pr
edit est sup
erieur a celui d’un stade III moyen.
HEPATO-GASTRO et Oncologie digestive
vol. 20 n8 2, f
evrier 2013
85
te et honne
^te, il faudrait
Cependant, pour que l’information soit comple
montrer le b
de
en
efice de la chimioth
erapie adjuvante chez ces malades a haut
risque de r
ecidive. En sens inverse, pour les malades avec une tumeur de stade III
a faible risque de r
ecidive, est-on pr^
et a ne pas les traiter par chimioth
erapie
adjuvante ?
‘‘ ’’
Pour les malades avec une tumeur de stade III à faible risque
^ t à ne pas les traiter par chimiothérapie
de récidive, est-on pre
adjuvante ?
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^tre difficile, seul un
La d
emonstration de l’utilit
e clinique de ces signatures va e
essai prospectif randomis
e testant l’utilit
e clinique de ces signatures emportera
notre adh
esion. Cet essai n
ecessitera un grand nombre de patients. Ces
signatures sont-elles matures pour ^
etre l’objet d’un tel investissement. La
^lon quel que soit le sous-type
signature unique pour l’ensemble des cancers du co
consid
er
e est-elle le bon concept ? La communaut
e doit s‘approprier ces
signatures, les comparer, les tester dans les diff
erents sous-groupes et dans les
conditions cliniques clairement identifi
ees au risque dans le cas contraire de
laisser s’installer une d
erive pr
ejudiciable a la prise en charge des malades laissant
les m
edecins choisir des outils d’aide a la d
ecision sans en comprendre les
limitations et les risques.
clare les liens d’int
re
^ts : L’auteur de
Liens d’inte
er^
ets suivants : Interventions
&
ponctuelles et activit
es de conseil pour Amgen et Merck Serono.
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adenocarcinomas reveals six prototypic molecular subtypes with distinct clinical
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HEPATO-GASTRO et Oncologie digestive
vol. 20 n8 2, f
evrier 2013
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