J Maroc Urol 2006 ; 4 : 29-31 FAIT CLINIQUE STENOSE RECTALE REVELATRICE D’UN CANCER PROSTATIQUE : A PROPOS D’UN CAS M. TAHIRI, S. BENALLALI, A. BELLABAH, R. ALAOUI, S. NADIR, W. BADRE, A. CHERKAOUI Service d’Hépato-Gastro-Entérologie, CHU Ibn Rochd, Casablanca, Maroc RESUME ABSTRACT La sténose rectale est une manifestation rare. Elle est considérée comme un signe évolutif de mauvais pronostic. Nous rapportons l’observation d’un patient de 70 ans hospitalisé pour bilan de rectorragie et un syndrome rectal. Le bilan morphologique a montré une sténose rectale compliquant une tumeur maligne de la prostate dépassant la capsule et envahissant la vessie et l’uretère gauche. Le patient a présenté un syndrome occlusif qui a nécessité une colostomie latérale du sigmoïde. Le malade est décédé 5 jours plus tard suite à une embolie pulmonaire massive. RECTAL STENOSIS REVEALING A PROSTATIC CANCER. A CASE REPORT The rectal stenosis is a rare demonstration. It is regarded as an evolutionary sign of bad prognosis. We report the observation of a 70 year old patient hospitalized for assessment of rectal bleeding and a rectal syndrome. The morphological assessment showed a rectal stenosis complicating a malignant tumour of the prostate exceeding the capsule and invading the bladder and the left ureter. The patient presented an occlusive syndrome which required a lateral colostomy of the sigmoid. The patient is deceased 5 days later following a massive pulmonary embolism. Mots clés : sténose ; rectum ; prostate ; cancer Correspondance : Dr. S. BENALLALI, Service d’HépatoGastro-Entérologie, CHU Ibn Rochd, Casablanca, Maroc. e-mail : [email protected] Key words : stenosis ; rectum ; prostate ; cancer INTRODUCTION rectorragies, de ténesmes, épreintes et un syndrome sub-occlusif spontanément résolutif survenu deux semaines avant l’hospitalisation. Le patient ne se plaignait pas de signes urinaires ou de perte de poids. Le cancer prostatique est une affection fréquente surtout chez les hommes de plus de 60 ans. La sténose du rectum constitue une complication rare des cancers de la prostate ; sa fréquence est estimée entre 0,1% et 5% [1]. L’examen abdominal et général était sans particularités. La rectoscopie retrouvait, à partir de 4cm de la marge anale, une lésion ulcéro-bourgeonnante circonférentielle, sténosante d’allure maligne, dont La biopsie conclue à un adénocarcinome moyennement différencié dont l’origine est plutôt prostatique. Le lavement baryté retrouvait une sténose ano-rectale serrée à partir de 4 cm de la marge anale et étendue sur 10 cm (fig. 1). Sa survenue pose un triple problème : • De diagnostic différentiel avec le cancer du rectum, lorsque la sténose rectale est révélatrice du cancer prostatique. • Thérapeutique nécessitant la levée du syndrome occlusif. L’échographie abdominale retrouvait une hydronéphrose gauche modérée, sans atteinte hépatique ou ganglionnaire. • Pronostique [2]. OBSERVATION La TDM abdomino-pelvienne (fig. 2) retrouvait une masse tumorale d’allure maligne de la prostate ayant dépassé la capsule avec envahissement du rectum et de l’uretère pelvien gauche. Un homme de 70 ans, sans antécédents pathologiques particuliers, était hospitalisé au service pour bilan de -29- Sténose rectale révélatrice d’un cancer prostatique M. TAHIRI et coll. Dononvilliers qui constitue une barrière efficace à une extension postérieure. Une fois cette dernière franchie, le cancer se développe de manière circulaire autour du rectum jusqu’à sa musculeuse qui constitue la dernière barrière. L’atteinte muqueuse ne s’observe que dans un dernier temps. Les manifestations rectales du cancer prostatique sont classées sous trois formes par Lazarus [1, 3]. •Type 1. Les masses antérieures sous-muqueuses faisant saillie dans la paroi rectale sans éroder la muqueuse. •Type 2. Les ulcérations muqueuses, peu fréquentes, souvent prises pour un cancer rectal. •Type 3. Les sténoses de l’ampoule rectale secondaires à l’extension tumorale dans l’atmosphère celluleuse péri-rectale. Fig. 1. Lavement baryté : sténose ano-rectale serrée à partir de 4 cm de la marge anale et étendue sur 10 cm. Il existe deux formes de sténoses : Les sténoses basses situées près du canal anal empêchant toute palpation de la prostate et les sténoses hautes dans lesquelles la prostate reste parfaitement palpable et peut même sembler normale [2, 3]. Les sténoses basses correspondent à l’extension de la tumeur prostatique dans l’espace périrectal [2, 3]. Les sténoses hautes, par contre, correspondent à un envahissement des voies lymphatiques [2, 3]. Les manifestations de la sténose rectale sont souvent évocatrices mais non spécifiques : syndrome subocclusif, ténesmes, épreintes, constipation, émissions de selles rubanées ou de rectorragies en cas d’ulcération rectale [4]. Les signes urinaires doivent attirer l’attention vers la sphère urogénitale surtout si le diagnostic de cancer prostatique est méconnu [5]. Le toucher rectal retrouve habituellement une sténose rectale circonférentielle à 4 cm approximativement de la marge anale [2]. La rectoscopie permet habituellement de retrouver un aspect de compression extrinsèque du rectum par la tumeur sans anomalies de la muqueuse rectale ou plus rarement des images d’ulcérations muqueuses [3]. Notre observation est particulière par l’aspect ulcéro-bourgeonnant retrouvé à la rectoscopie. Fig. 2. TDM abdomino-pelvienne : masse tumorale d’allure maligne de la prostate ayant dépassé la capsule avec envahissement du rectum et de l’uretère pelvienne gauche. Sur le plan biologique, les examens réalisés montraient une élévation modérée de la créatinémie à 18 mg/l et une PSA élevée à 425 ng/l. Les biopsies rectales doivent être profondes et permettent de déterminer l’origine prostatique de la tumeur dans deux tiers des cas, dans le tiers restant, elle ne révèle que l’existence d’un adénocarcinome indifférencié d’où la difficulté de différencier histologiquement entre un cancer du rectum et une tumeur prostatique [2, 6]. Durant l’hospitalisation, le patient a présenté un syndrome occlusif et a été transféré au service de chirurgie ; une colostomie latérale du sigmoïde était réalisée. Le malade est décédé 5 jours plus tard suite à une embolie pulmonaire massive. Ainsi, l’établissement du diagnostic d’envahissement rectal par une tumeur prostatique peut se révéler très difficile lorsque l’existence de la tumeur prostatique n’est pas connue au préalable et lorsque la symptomatologie est surtout digestive [4]. DISCUSSION La sténose rectale constitue une complication rare des cancers de la prostate. Sa fréquence de survenue est estimée entre 0,1 et 5% [3]. L’urographie intraveineuse couramment utilisée dans le bilan des tumeurs rectales, peut orienter vers un cancer prostatique, lorsqu’elle met en évidence une empreinte prostatique asymétrique ou une obstruction urétérale [3, 5]. La rareté d’extension des cancers prostatiques au rectum s’explique par la présence de l’aponévrose de -30- J Maroc Urol 2006 ; 4 : 29-31 Le lavement baryté, permet de visualiser la sténose et d’en préciser la longueur. Dans la plupart des cas, les clichés de profil de l’ampoule rectale montrent une lumière régulière et la conservation d’un liseré de sécurité témoignant de l’absence d’infiltration de la muqueuse par la tumeur [3]. Le scanner retrouve une masse prostatique à extension postérieure et latérale circonscrivant le rectum. L’échographie endorectale peut également orienter le diagnostic en montrant un envahissement ou une compression extrinsèque du rectum [1]. En cas de négativité des biopsies rectales, la biopsie prostatique par résection endoscopique ou par voie périnéale peut affirmer le diagnostic [4]. Le pronostic des sténoses rectales dues à un envahissement prostatique est sombre et correspond à celui des cancers métastasés de la prostate (3). La survie moyenne se situe entre 6 à 18 mois [2]. La survenue de la sténose rectale au cours d’un échappement hormonal est un facteur supplémentaire de mauvais pronostic [1, 3]. CONCLUSION La sténose rectale par cancer de la prostate est rare. Elle pose trois problèmes diagnostique, thérapeutique et pronostique. Différents traitements ont été proposés sans succès notable, telles l’exérèse chirurgicale, la radiothérapie ou encore les dilatations par les bougies de Hegar [5]. La biopsie rectale permet souvent de confirmer le diagnostic. La colostomie ne doit être proposée qu’en cas de signes occlusifs. Le pronostic est mauvais surtout quand la sténose rectale est révélatrice d’un cancer prostatique en échappement au traitement hormonal. Seul le traitement oestrogénique se révèle relativement efficace, entraînant une régression rapide de la symptomatologie [2]. La colostomie ne doit être pratiquée qu’en cas d’absolue nécessité lorsque l’occlusion intestinale est complète ou lorsque le syndrome obstructif ne peut être atténué par le traitement médical [3]. REFERENCES 1. La Asensio, Jabilabo Y Carlos. Rectorragia cormo primera manifestation de un carcinoma prostatico. Arch Esp De Urol 1995 ; 48 : 640-1. Binelli propose le schéma thérapeutique suivant [2] : 2. Binelli C, Chautard D, Gorgeac C. Sténose du rectum secondaire à un envahissement d’un adénocarcinome de la prostate (à propos de 3 observations). J. Chir. (Paris) 1995 ; 132 : 137-41. Sténose rectale Non serrée 3. Barmoshe O, Vandendris M, Hubrechis JM, Van Geertruyden. Les sténoses rectales dues aux cancers prostatiques : un diagnostic difficile. Sem Hop, Paris, 1982 ; 58 : 1887-9. Serrée AEG Dilatation 4. Dadoun D, Bonnet O, Peillon C. Sténoses rectales des carcinomes prostatiques à propos de neuf observations. Ann Urol 1989 ; 23 : 313-6. Colostomie Bougies Hegar Hormonothérapie Hormonothérapie Echec Echec Radiothérapie Radiothérapie 5. Radesa F, Fidison M. Sténose du rectum, complication rare du cancer prostatique : J Urol (Paris) 1991 ; 97 : 155-7. 6. Donald C, David M Kerr, Bernard R. Acute gastrointestinal bleeding as the presenting manifestation of prostate cancer. Cancer 1986 ; 58 : 1374-7. Schéma thérapeutique dans le traitement des sténoses rectales par envahissement d’un cancer de la prostate. -31-