-30-
Sur le plan biologique, les examens réalisés montraient
une élévation modérée de la créatinémie à 18 mg/l et
une PSA élevée à 425 ng/l.
Durant l’hospitalisation, le patient a présenté un
syndrome occlusif et a été transféré au service de
chirurgie ; une colostomie latérale du sigmoïde était
réalisée. Le malade est décédé 5 jours plus tard suite
à une embolie pulmonaire massive.
DISCUSSION
La sténose rectale constitue une complication rare des
cancers de la prostate. Sa fréquence de survenue est
estimée entre 0,1 et 5% [3].
La rareté d’extension des cancers prostatiques au rectum
s’explique par la présence de l’aponévrose de
Dononvilliers qui constitue une barrière efficace à une
extension postérieure. Une fois cette dernière franchie,
le cancer se développe de manière circulaire autour
du rectum jusqu’à sa musculeuse qui constitue la
dernière barrière. L’atteinte muqueuse ne s’observe que
dans un dernier temps.
Les manifestations rectales du cancer prostatique sont
classées sous trois formes par Lazarus [1, 3].
•Type 1. Les masses antérieures sous-muqueuses faisant
saillie dans la paroi rectale sans éroder la muqueuse.
•Type 2. Les ulcérations muqueuses, peu fréquentes,
souvent prises pour un cancer rectal.
•Type 3. Les sténoses de l’ampoule rectale secondaires
à l’extension tumorale dans l’atmosphère celluleuse
péri-rectale.
Il existe deux formes de sténoses : Les sténoses basses
situées près du canal anal empêchant toute palpation
de la prostate et les sténoses hautes dans lesquelles la
prostate reste parfaitement palpable et peut même
sembler normale [2, 3].
Les sténoses basses correspondent à l’extension de la
tumeur prostatique dans l’espace périrectal [2, 3]. Les
sténoses hautes, par contre, correspondent à un
envahissement des voies lymphatiques [2, 3].
Les manifestations de la sténose rectale sont souvent
évocatrices mais non spécifiques : syndrome subocclusif,
ténesmes, épreintes, constipation, émissions de selles
rubanées ou de rectorragies en cas d’ulcération rectale
[4]. Les signes urinaires doivent attirer l’attention vers
la sphère urogénitale surtout si le diagnostic de cancer
prostatique est méconnu [5].
Le toucher rectal retrouve habituellement une sténose
rectale circonférentielle à 4 cm approximativement de
la marge anale [2]. La rectoscopie permet habituellement
de retrouver un aspect de compression extrinsèque du
rectum par la tumeur sans anomalies de la muqueuse
rectale ou plus rarement des images d’ulcérations
muqueuses [3]. Notre observation est particulière par
l’aspect ulcéro-bourgeonnant retrouvé à la rectoscopie.
Les biopsies rectales doivent être profondes et permettent
de déterminer l’origine prostatique de la tumeur dans
deux tiers des cas, dans le tiers restant, elle ne révèle
que l’existence d’un adénocarcinome indifférencié
d’où la difficulté de différencier histologiquement entre
un cancer du rectum et une tumeur prostatique [2, 6].
Ainsi, l’établissement du diagnostic d’envahissement
rectal par une tumeur prostatique peut se révéler très
difficile lorsque l’existence de la tumeur prostatique
n’est pas connue au préalable et lorsque la
symptomatologie est surtout digestive [4].
L’urographie intraveineuse couramment utilisée dans
le bilan des tumeurs rectales, peut orienter vers un
cancer prostatique, lorsqu’elle met en évidence une
empreinte prostatique asymétrique ou une obstruction
urétérale [3, 5].
Fig. 1. Lavement baryté : sténose ano-rectale serrée
à partir de 4 cm de la marge anale et étendue sur 10 cm.
Fig. 2. TDM abdomino-pelvienne : masse tumorale
d’allure maligne de la prostate ayant dépassé la
capsule avec envahissement du rectum et de
l’uretère pelvienne gauche.
Sténose rectale révélatrice d’un cancer prostatique M. TAHIRI et coll.