Le et la réseau idiotypique sélection isotypique - iPubli

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SYNTHÈSE
médecine/sciences 1992 ;
8 : 751 - 7
Le réseau idiotypique
et la sélection isotypique
Incidence sur la mise au point d'un
protocole vaccinal
Claude Auriault
Florence Vel ge-Roussel
Christine Mazingue
André Capron
ADRESSES ------C. Auri ault : docteur ès sciences, directeur de
recherche au Cnrs, responsable du groupe Induc­
tion cellulaire et régulation de la réponse
immunitaire
C . Mazingue : docteur ès sciences, chargée de
recherche à l'Inserm.
A. Capron : docteur en médecine, professeur
d'immunologie à l'université de Lille II, directeur
de l'unité mixte Inserm U. 167 - Cnrs 624.
«
».
Inserm U. 1 67 - Cnrs 624, Institut Pasteur,
1 , rue du Pr-A.-Calmette, 5901 9 Lille
Cedex, France.
F. Velge-Roussel : docteur de l'université de
Lille-!. Inra, centre de recherche de Tours,
37380 Nouzilly, France.
mis n ° 7, vol. 8, septmlbre
92
L 'importance de la réponse anticorps d'isotype IgE dans
l' immunité protectrice contre Schistosoma mansoni, para­
site responsable de la bilharziose ou schistosomiase, est
clairement démontrée . Dès lors, une stratégie vaccinale
contre la bilharziose doit s'appuyer, au moins en par­
tie , sur l'établissement d'une réponse IgE spécifique
durable . Des études expérimentales réalisées chez le rat
ont permis de montrer que le réseau idiotypique con­
court à la production d'anticorps anti-idiotypes d'isotype
IgE , ayant les mêmes propriétés fonctionnelles et le
même pouvoir protecteur que les anticorps IgE spécifi­
ques d ' antigènes de schistosome , et que les cellules T
anti-idiotypes jouent un rôle crucial dans l ' induction de
cette réponse . Le réseau idiotypique peut ainsi perpé­
tuer une réponse immunitaire impliquée dans les méca­
nismes de protection vis-à-vis de l' infection parasitaire .
es t ravaux initiaux de
Oudin et al. [ 1] et Kunkel et
al. [2] ont démontré que les
immunoglobulines possè­
dent des déterminants antigéniques localisés dans leurs domai­
nes variables. L 'ensemble de ces
déterminants antigéniques individuels
(idiotopes) constitue l'idiotype de
l'anticorps. Ces déterminants idioty­
piques peuvent susciter la production
d 'anticorps anti-idiotypes, ce qui sou­
lève de nombreuses questions concer­
nant le rôle de ce système dans la
modulation de la réponse immuni-
L
taire. Ainsi chaque molécule d'anti­
corps Acl porte des déterminants
idiotypiques qui lui sont propres,
capables d 'induire la production
d 'anticorps Ac2 qui le reconnaissent
spécifiquement . Ces anticorps Ac2
portent eux-mêmes leurs propres
déterminants idiotypiques qui, à leur
tour, pourront conduire à la produc­
tion d'anticorps Ac3 qui par la suite
seront reconnus par des anticorps
Ac4, etc. (mis, suppl. au n ° 1, vol. 5,
p. 13).
Certains de ces anticorps, dénommés
Ac2{3, peuvent mimer et jouer le rôle
751
RÉFÉRENCES
1. Oudin J, Michel M. Une nouvelle forme
d'allotypie des globulines du sérum de lapin
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Bazin H , Bout D , Joseph M . Eosinophil­
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Vorgn H , Viens P. A new function for pla­
telet IgE-dependent killing of schistosomes.
Nature 1 983 ; 303 : 8 1 0- 2 .
752
fonctionnel de 1 'antigène initial . Ils
sont appelés anticorps anti-image
interne de l 'antigène, et peuvent sus­
citer différents effets modulateurs.
C'est à partir de ces observations que
Jerne a proposé la théorie des réseaux
idiotypiques et émis l'hypothèse que
ces anticorps jouent un rôle dans le
maintien de l'homéostasie du système
immunitaire [3] .
En l 'absence d'antigènes, les anti­
corps anti-idiotypiques Ac2{3 pour­
raient être des ligands spécifiques,
susceptibles d'activer ou de réactiver
les lymphocytes B. Des travaux plus
récents ont montré que les lympho­
cytes T participent au réseau idio­
typique au même titre que les anti­
corps [4, 5 ] . Ainsi, des lymphocytes
T anti-idiotypes ont été mis en évi­
dence dans différents modèles et, en
particulier, dans les parasitoses [6, 7].
On peut émettre l'hypothèse que des
anticorps et des lymphocytes T anti­
idiotypes sont présents dans le sérum
et les tissus pendant de longues pério­
des, puisque chaque génération
d'anticorps et de lymphocytes T
donne naissance à une génération
complémentaire et ainsi de suite. On
devrait ainsi observer, en alternance,
des anticorps de la génération des
anti-idiotypes inducteurs (Ac2 , Ac4,
Ac6, etc.), et des anticorps anti­
idiotypes effecteurs (Ac3 , Ac5 , Ac7 ,
etc.) partageant les mêmes propriétés
que la première génération d'anti­
corps (Acl) produite après l 'induction
antigénique. Cela, bien sûr, jusqu' à
ce que l e réseau idiotypique dégénère
(figure 1). En outre, à chaque géné­
ration d'anticorps devraient être asso­
ciés des lymphocytes T de spécificité
correspondante . L' implication du
réseau idiotypique dans des mécanis­
mes de suppression ou de stimulation
de la réponse immunitaire a été clai­
rement établie dans plusieurs modè­
les expérimentaux [ 5 , 8] . Lors
d'infections bactériennes, virales ou
parasitaires et au cours des processus
immunopathologiques impliquant la
réponse humorale de façon prépondé­
rante, la phase effectrice fait souvent
intervenir des anticorps d 'isotypes
particuliers. Se posait donc la ques­
tion du maintien de la sélection des
isotypes effecteurs au cours de la cas­
cade idiotypique. Les éléments de
réponse apportés par l ' étude de la
schistosomiase expérimentale du rat
1
seront décrits dans la suite de cet
article.
Production d 'IgE et
mécanismes protecteurs
vis-à-vis_ de Schistosoma
mansom
Les différents travaux effectués dans
le but de développer un vaccin con­
tre la schistosomiase nous ont ame­
nés à étudier les mécanismes immu­
nitaires mis en œuvre au cours de
cette importante maladie parasitaire
qui atteint 200 millions de patients à
travers le monde . Bien que, globale­
ment, l'ensemble des équipes travail­
lant dans le domaine de l' immuno­
logie de la schistosomiase s'accordent
à dire que l 'immunité protectrice est
contrôlée par des sous-populations
lymphocytaires T CD4 deux types
de réponses p rotectrices peuvent
être mis en évidence selon le modèle
expérimental utilisé. L ' u n , caracté­
risé chez la souris (qui est un hôte
permissif), souligne le rôle impor­
tant joué par des phagocytes acti­
vés par l ' interféron 'Y produit par
des lymphocytes T activés au cours
de 1 'infection [9] . Dans la schisto­
somiase expérimentale du rat (hôte
semi-permissif, c 'est-à-dire qui peut
être infecté mais qui rejette ultérieu­
rement les parasites), nous avons
m o n t ré q u ' ap rè s r é - i n fe c t i o n
l ' im mu nité anti-schistosome dépend
de m écanismes larvicides à média­
tion cellulaire (ADCC , antibody­
dependent cytotoxicity), impliquant des
populations de cellules inflammatoi­
res (macrophages [ 1 0] , éosinophiles
[ 1 1 J et plaquettes [ 1 2 ] ) et des anti­
corps anaphylactiques, en particu­
lier de type IgE. Des études récen­
tes réalisées, chez l ' homme, en
Gambie [ 1 3] et au B résil [ 1 4] ont
également démontré l ' importance
du rôle joué par les IgE dans
l ' im m u nité protectrice . Ainsi, l ' état
de résistance à la ré-infection par
schistosome, après traitement chi­
miothérapique, est directement cor­
rélé à l 'âge des patients et à la pré­
sence d ' IgE sériques spécifiques.
L ' i mm unité dépendante des IgE,
mise en évidence initialement chez
le rat, est ainsi confirmée chez
l 'homme, ce qui suggère, d ' u ne
part, que le rat est u n modèle per­
tinent pour étudier l 'induction et la
+ ,
mis n ° 7, vol. 8, septnnbre 92
Antigène (Ag)
T
• Reconnaissent les épitopes de l'Ag
spécifiques d'épitopes de l'Ag + Anticorps de 1 re génération (Ac1 ) • Sont effecteurs
• Portent des idiotopes induisant et contrôlant la
production d'Ac2
Restimulés par l'Ag
•
T anti-Ac1 ----•
Anticorps de 2e génération (Ac2)
•
•
Restimulés par les Ac1
Reconnaissent les idiotopes des Ac1
Certains Ac2 (Ac2B) portent des idiotopes qui
sont des "images internes" des épitopes
Induisent et contrôlent la production d'Ac3
Reconnaissent les idiotopes portés par les Ac2.
Certains Ac3 engendrés par les Ac2B
reconnaissent aussi les épitopes de l'Ag
• Ont les propriétés effectrices des Ac1
• Induisent la production d'Ac4
•
T
anti-Ac2 ----• Anticorps de 3e génération (Ac3)
1 Restimulés par les Ac2 ou l'Ag 1
Figure 1 . Les anticorps et lymphocytes T du réseau idiotypique. Les Ac2 sont les an ticorps an ti-idiotypes, par
conséquent des images de J'antigène de 26!56 kDa.
régulation de la production d ' I gE
protectrices, et, d'autre part, qu'une
stratégie vaccinale contre la schis­
tosomiase doit s'appuyer, au moins
en partie, sur l 'établissement d 'une
réponse IgE durable.
On peut admettre, comme hypo­
thèse de travail, que le m aintien
et/ou la mémoire à long terme
d ' une réponse IgE spécifique néces­
site une restimulation constante des
lymphocytes B (BE) producteurs ,
même après l e catabolisme de
l ' antigène par lequel ils ont été sti­
m u l é s . De p l u s , d e s s o u s ­
populations lymphocytaires T ,
directement o u indirectement impli­
quées dans la croissance et la dif­
férenciation des cellules B doivent ,
elles aussi, pouvoir être activées de
manière permanente pour synthéti­
ser et sécréter des lymphokines
comme l 'I L-4 par exemple, dont le
rôle a été décrit dans l 'induction de
la réponse IgE [ 1 5 ] . Des anticorps
anti-idiotypes Ac2{j (et A c4{j ,
Ac6{j . . . ) pourraient être des ligands
spécifiques susceptibles de j ouer ce
rôle et de permettre la production
d'anticorps effecteurs Ac3 ( Ac5 ,
mis
n°
7, vol. 8, septembre 92
Ac 7 . . . ) parmi lesquels se trouve­
raient des IgE capables de détruire
les larves de schistosomes.
Caractérisation
des antigènes cibles
des IgE et confection
d 'un anticorps monoclonal
d 'isotype IgE
L'étude des antigènes excrétés/sécré­
tés (SRP*) par les larves de schisto­
somes (schistosomules) a révélé que
des antigènes cibles majeures des IgE
sont libérés par le parasite . De plus,
l ' injection de SRP à des rats, à rai­
son de 1 à 2 �-tg de protéines, en
absence de tout adjuvant entraîne
néanmoins une importante produc­
tion d'IgE (Acl ). Les IgE produites
sont cytotoxiques in vitro vis-à-vis des
schistosomules en présence des diffé­
rentes cellules effectrices [ 1 6] et peu­
vent conférer une protection signifi­
cative in vivo lorsqu'elles sont injec­
tées à des rats infectés [ 1 7] . La
réponse IgE anti-SRP est restreinte
en fait à trois protéines de 22 , 26 et
• SRP : schistosomula released products.
56 kDa alors que beaucoup d ' autres
antigènes sont présents dans cette
préparation.
Un anticorps monoclonal IgE de rat
(B48/14), spécifique d'un épitope par­
tagé par les antigènes 26 et 56 kDa,
capable de reproduire les propriétés
protectrices in vitro et in vivo d'un
sérum anti- S R P , a pu ê t re
obtenu [ 1 8] . L' anticorps B48/ 1 4 est
donc un outil idéal pour analyser la
réponse anti-idiotype chez le rat
LOU et évaluer le rôle du réseau
idiotypique sur la production d'anti­
corps effecteurs d'isotype IgE.
1
Production d 'anticorps IgE
protecteurs
de 36 génération (Ac3)
L'injection de l 'hybridome B48/ 1 4
(Ac l ) réalisée chez des rats LOU
entraîne la production d ' anticorps de
type Ac2 dans un premier temps, sui­
vie de la production d' Ac3 , 50 à
70 jours après l'injection initiale [ 1 9 ] .
Ces Ac3 sont caractérisés par l e fait
qu 'ils se lient à un extrait antigéni­
que brut de schistosome alors que les
animaux n'ont, bien sûr, jamais été
----
753
RÉFÉRENCES
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bodies to a Schiswsoma mansoni proteetive epi­
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in experimental rat schistosomiasis. J lmmu­
nol 1 99 1 ; 1 47 : 3967 - 7 2 .
2 3 . Grzych J M , Capron M , Lambert P H ,
Dissous C , Torres S, Capron A . An idio­
typic vaccine against experimental schisto­
somiasis. Nature 1 986 ; 3 1 6 : 74-6.
7 54
préalablement en contact avec le
parasite et qu'ils ne produisent pas
ces anticorps avant injection de l 'IgE
monoclonale. L'analyse qualitative de
la réponse Ac3 permet de mettre en
évidence deux vagues success1ves
d'anticorps Ac3 , la première consti­
tuée par des IgG, la seconde par des
IgE (figure 2, p. 544) ; les deux isoty­
pes reconnaissent exclusivement les
molécules de 26 et 56 kDa d'après
1' analyse des immuno-empreintes réa­
lisées à partir d'un homogénat total
de schistosomes. Les IgE produites
sont cytoxiques vis-à-vis des schisto­
somules lorsque des plaquettes san­
guines sont les cellules effectrices,
alors que les IgG tuent les larves en
présence d'éosinophiles. Le transfert
passif, à des rats, des fractions séri­
ques Ac3 enrichies en IgG ou en
IgE, les protège partiellement d'une
infection expérimentale.
Ainsi, . l'anticorps monoclonal IgE
B48/ 14 est à 1 'origine, via le réseau
idiotypique, de la production d'anti­
corps IgG et surtout IgE de même
spécificité que la sienne, fonctionnels
in vitro et in vivo, et pouvant être
impliqués dans les mécanismes de
protection.
Les questions qui se posaient à ce
stade étaient de savoir, d'une part, si
la production de ces anticorps de troi­
sième génération était sous le contrôle
de lymphocytes T spécifiques des
Ac2 , et, d'autre part, si ces lym-
0 ,4
phocytes T pouvaient jouer un rôle
dans l a sélection des isotypes
produits ?
1
Production
de lymphocytes
T anti-A c2 fonctionnels
Des anticorps Ac2, produits par
immunisation avec l'anticorps IgE
B48/ 1 4 , ont été injectés à des rats
LOU et les lymphocytes T ganglion­
naires des animaux immunisés ont
été mis en culture. Il apparaît que les
lymphocytes T anti-Ac2 ainsi obtenus
présentent, en tout cas in vitro, sur la
base de paramètres immunologiques
simples, toutes les caractéristiques de
cellules de type auxiliaire classi­
que [20] . Après plusieurs semaines de
culture, 99 % des cellules expriment
les marqueurs W3/ 1 3 (Pan T chez le
rat) et OX22 (CD45), 95 % le mar­
queur W3/25 (CD4), 1 7 % le mar­
queur OX8 (CD8). En revanche, ni
IL-2 ni interféron 'Y n'ont pu être mis
en évidence dans le surnageant de
culture de ces cellules.
Les lymphocytes T anti-Ac2 peuvent
proliférer non seulement en présence
d' Ac2, mais également d'un extrait
antigénique de larves de schistosomes
contenant les antigènes de 26 et
56 kDa. Dans les deux cas, la pré­
sence de cellules présentatrices d'anti­
gènes, partageant le même haplotype
du complexe majeur d'histocompati-
�
�
Densité optique
0,3
0,2
Les Ac3 ont les mêmes propriétés
que les Ac1
0,1
•
0,0
•
40
50
60
70 80
Jours
90 1 00 1 1 0
•
Ils reconnaissent les Ag 26/56kDa
Ils sont cytotoxiques in vitro
en présence d'éosinophiles (lgG)
ou de plaquettes (IgE)
Ils protègent par transfert passif
Figure 2 . Cinétique de production des Ac3 (lgG et IgE} après immunisa­
tion par I'A c 1 . Des rats L OU sont immunisés avec des cellules du clone
848- 1 4 producteur d'anticorps monoclonaux IgE anti-26 kDa. Les sérums sont
analysés à différents temps après l'immunisation, par immunoempreinte vis-à­
vis d'un extrait antigénique de schistosomules.
mis n ° 7, vol. 8, septembre 92
bilité, est nécessaire . Inversement,
une lignée cellulaire T obtenue après
injection de l'antigène purifié de 26
kDa à des rats LOU, et maintenue
en culture à long terme avec un
extrait antigénique de larves de schis­
tosome, peut être stimulée in vitro par
des anticorps Ac2 présentés par des
cellules présentatrices d'antigènes his­
tocompatibles. La protéolyse des Ac2
est nécessaire puisque la stimulation
lymphocytaire T n'est plus possible
en présence de chloroquine. Cela
montre bien que les Ac2 peuvent :
1 ,o
( 1 ) activer ou réactiver des lymphocy­
tes T ; (2) que les lymphocytes T
réactivés peuvent avoir été éduqués,
soit par l 'antigène, soit par des anti­
corps anti-idiotypes. Il restait à déter­
miner s'ils pouvaient intervenir dans
la régulation de la production de
l 'isotype effecteur synthétisé en pre­
mière génération, dans le cas présent,
sur la production d 'IgE. Le transfert
passif de cellules de la lignée
lymphocytaire T anti-Ac2 à des rats
LOU immunisés par l'antigène puri­
fié de 26 kDa ou infectés par Schisto-
Densité optique
lgG spécifiques
0,8
Transfert de T témoin
• Transfert de T anti-Ac2
0,6
1
0,4
0,2
0,0
7
21
14
28
35
52
58
62
78
90
78
90
Jours après immunisation par l'Ag de 26 kDa
0,5
soma mansoni a permis de montrer que
tel est bien le cas. En effet, les cellu­
les T anti-Ac2 exercent un effet auxi­
liaire sur les réponses IgG et IgE spé­
cifiques induites par immunisation ou
infection (figure 3). Deux détails,
néanmoins , sont à noter. Tout
d'abord, l 'effet auxiliaire sur la pro­
duction d 'lgG est transitoire (une
vingtaine de jours après l'immunisa­
tion), alors que l ' augmentation de la
production d'IgE est maintenue sur
une bien plus longue période (60 à
80 jours après l ' immunisation). De
plus, chez les animaux infectés ayant
reçu des lymphocytes T anti-Ac2,
l'effet auxiliaire est restreint à la pro­
duction des anticorps spécifiques des
seuls antigènes 26/56 kDa. Cela, bien
sûr, nécessitera d'être mieux docu­
menté dans l ' avenir, mais ce résultat
laisse supposer qu'à côté des lympho­
kines habituellement décrites dans la
régulation isotypique (IL-4, IFN --y,
etc.), un facteur spécifique d'antigène
est produit par ces cellules après leur
stimulation par l ' antigène nominal .
Densité optique
IgE spécifiques
0,4
0,3
0,2
0,1
0,0
7
14
21
28
35
52
58
63
Jours après immunisation par l'Ag de 26 kDa
Figure 3. Réponse humorale de rats LOU ayant reçu des cellules de la
lignée T anti-Ac2 et immunisés avec l 'Ag de 26 kDa. Les cellules T anti­
Ac2 (préparées à partir de l'Ac 1 848- 1 4) et des cellules T témoins (préparées
à partir d'une IgE contrôle 842- 1 70) sont transférées à des rats naïfs qui sont
ensuite immunisés avec l 'Ag de 26 kDa. Les réponses IgE et lgG spécifiques
sont suivies à différents temps après l'immunisation.
mis n ° 7, vol. 8, septmlbre 92
Rôle des lymphocytes T
anti-A c2 dans la protec­
'
tion vis-à-vis de l infection
Les lymphocytes T spécifiques des
Ac2 peuvent-ils intervenir, comme
des cellules auxiliaires conventionnel­
les spécifiques de 1 ' antigène de
26 kDa, dans la réduction de la
charge parasitaire de rats ayant reçu
ces cellules avant infection par des
cercaires * de Sch istosoma man­
soni ? [2 1 ] . Les résultats obtenus
montrent que, lorsqu 'ils sont injectés
la veille de 1 'infection, les lympho­
cytes T spécifiques des Ac2 n' entraî­
nent aucune modification de la
charge parasitaire, alors que la pro­
tection conférée dans les mêmes con­
ditions expérimentales par des
lymphocytes T spécifiques de l ' anti­
gène 26 kDa se situe, selon les expé­
riences, entre 50 et 60 % . En revan­
che, lorsque les animaux ont été
infectés 90 jours après le transfert
passif des lymphocytes T anti-Ac2, ils
sont protégés (57 %) [ 2 2 ] . Ainsi, la
protection conférée par ces cellules ne
s'opère qu' après un délai de « matu-
• Stade larvaire du schistosorru infectant lts mammi­
j'trts
sensibles, dont
1 'homrru.
755
ration » in vivo, ce qui indique que ,
bien gu ' elles expriment in vitro et in
vivo les caractéristiques de lymphocy­
tes T auxiliaires conventionnels, elles
ne se comportent pas comme des
lymphocytes T de première généra­
tion (qui peuvent être dirigés contre
différents épitopes), du moins en ter­
mes de protection vis-à-vis de l ' infec­
tion parasitaire . On peut se poser la
question de savoir si elles ne se com­
portent pas comme un type particu­
lier de cellules T mémoires. En effet,
bien que ces cellules expriment le
marqueur OX-22 et soient restimu­
lées par l'antigène natif, un autre sti­
mulus apparaît indispensable pour les
rendre opérationnelles au cours de
l 'infection . Cet autre stimulus pour­
rait être représenté par des anticorps
anti-clonotypes reconnaissant l a
région variable d u récepteur pour
l'antigène des lymphocytes T anti­
Ac2 , cc qui serait logique dans la
mesure où ces cellules ont été édu­
quées par un idiotope.
Cette hypothèse serait plausible puis­
que le simple transfert de lympho­
cytes T anti-Ac2 à des animaux naïfs
conduit à la production d'anticorps
capables de fixer 1 'antigène de
26 kDa [22 ) . De manière intéres-
sante, les anticorps produits sont des
IgG et des IgE et sont cytotoxiques
in vitro pour les schistosomules ; ils
protègent in vivo des animaux vis-à­
vis d'une infection d'épreuve. Ainsi,
les lymphocytes T anti-Ac2 peuvent
concourir à la production d'anticorps
capables de reconnaître 1 'antigène
parasitaire, mais sont aussi suscepti­
bles de jouer un rôle protecteur au
cours de 1' infection.
Cela suggère que 1 'injection de cellu­
les T anti-Ac2 déclenche la produc­
tion d'anticorps anti-clonotypes recon­
naissant des structures des régions
hypervariables du récepteur pour 1 'Ag
des cellules T anti-Ac2 et que certains
Ac anti-clonotypes portant des idio­
topes représentant l 'image interne de
l'épitope de l 'antigène de 26 kDa
seraient à l'origine des Ac3 effecteurs
produits.
1
Conclusions
et perspectives
Pris dans leur ensemble, ces travaux
ont permis de démontrer qu'un idio­
tope protecteur majeur porté par un
anticorps d'isotype IgE peut perpé­
tuer, via le réseau idiotypique, la pro­
duction d'anticorps de même spécifi­
cité, isotype et fonction effectrice. Cet
Production d'anticorps
•
Reconnaissant l'Ag nominal
• Cytotoxiques pour les larves in vitro
• Protecteurs après transfert passif in vivo
Ac2
Conditionnement
et présentation
Transfert suivi d'immunisation par l'Ag de
26 kDa ou d'infection par S. Masoni
Ag 26/56 kDa
Effet auxiliaire
sur la production d'lgG et d'IgE
spécifiques des antigènes 26/56
kDa
Effet protecteur
après transfert passif lorsque
les animaux sont infectés 90
jours après le transfert
Figure 4. Rôle des cellules T anti-Ac2 dans la régulation de la réponse
humorale.
756
idiotope peut être également à l'ori·
gine de la production de lymphocy­
tes T auxiliaires pouvant intervenir
dans la sélection d'anticorps anti­
idiotypes, de même spécificité et de
même isotype que 1 'A cl (figure 1). Le
choix du rat comme modèle d'étude
fut à l'origine conditionné par le fait
que, dans ce modèle, la production
d' IgE au cours de la schistosomiase
est importante et directement corré­
lée à l'immunité à la ré-infection. Ces
travaux ont clairement démontré que
les anticorps anti-idiotypes peuvent
participer aux mécanismes de protec­
tion vis-à-vis d'une infection parasi­
taire aussi complexe que la schistoso­
miase et que cet aspect doit être pris
en compte dans la mise en place
d'une stratégie vaccinale . De plus, il
apparaît que le réseau idiotypique
permet le maintien à long terme de
la production d'anticorps d'isotype
IgE protecteurs et de lymphocytes T
auxiliaires capables de contrôler leur
production. La définition plus précise
du rôle de ces lymphocytes T anti­
idiotypes au cours des infections du
rat et de l'homme est actuellement en
cours. Plus particulièrement, il est
important d'analyser la production
des lymphokines par des lignées ou
clones anti-Ac2 lorsque des Ac2 ou
l'antigène natif sont présentés par dif­
férentes catégories de cellules présen­
tatrices de 1 ' antigène .
Une série de travaux antérieurs a
clairement démontré que l'immunisa­
tion active de rats par un anticorps
monoclonal IgG anti-idiotype portant
l'image interne d'un épitope glycani­
que d'un antigène de Schistosoma man­
soni protège partiellement les rats
d'une infection expérimentale [23 ) .
Cela apportait l a preuve que des anti­
corps anti-idiotypes peuvent être des
immunogènes protecteurs vis-à-vis
d'une infection par schistosome. Tou­
tefois, il est probable que, au moins
pour des raisons éthiques, une vac­
cination de l'espèce humaine par
1 ' injection d'anticorps anti-idiotypes
produits par une autre espèce soit dif­
ficilement envisageable. Il est néan·
moins important de mieux connaître
le rôle exact du réseau idiotypique
dans l 'établissement d'une réponse
immunitaire mémoire vis-à-vis de dif­
férentes maladies infectieuses et para·
sitaires ou dans la genèse des proces·
sus immunopathologiques comme,
mis n ° 7, vol. 8, septnnbrt 92
par exemple, les manifestations
allergiques.
De plus, un autre argument de poids
en faveur de l'étude du réseau idio­
typique dans la mise en place d 'une
stratégie vaccinale repose sur le fait
que des épitopes majeurs, cibles des
mécanismes effecteurs sont des glyca­
nes, donc impossibles à produire par
ingénierie génétique classique ou dif­
ficilement synthétisables. Il est actuel­
lement possible de définir et de
séquencer les régions variables des
immunoglobulines et des récepteurs
pour 1 ' antigène des cellules T.
L'application de ces techniques aux
anticorps et récepteurs des lympho­
cytes T anti-idiotypes, associée à la
synthèse de peptides immunogènes
reproduisant la séquence des idioto­
pes des anti-idiotypes permettrait de
produire des vaccins synthétiques pro­
téiques modélisant de manière natu­
relle des épitopes non protéiques. •
mis n ° 1, vol. 8, septembre 92
Summary
Idiotypic network and isotypic selection in vaccine strategy
IgE antibody response is one of the for schistosome antigens. Anti­
major components of protective idiotypic T cells play a crucial role
immunity against schistosomiasis in the induction of this response.
and therefore the induction of a Thus, by generating antibodies of
long-term IgE response is a priority the same specificity and isotype
in vaccine strategy against this than antibodies of the first genera­
disease. Cellular interactions and tion the idiotypic network can per­
antibodies generated by the idioty­ petuate a protective immune res­
pic network are know to be invol­ ponse against the parasite. This has
ved in the immune response to be taken into account in the esta­
memory. Studies in rat experimen­ blishment of a vaccine strategy
tal schistosomiasis clearly demons­ towards this parasite.
trated that among the cascade of
antibodies produced by the idioty­
pic network, IgE antibodies were
generated that have the same spe­
cificity and the same functional and
protective properties as IgE specifie C. Auriault.
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