Méthodes d`évaluation médico-économique : applications à la

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DOSSIER THÉMATIQUE
Bull Cancer 2003 ; 90 (11) : 939-45
© John Libbey Eurotext
Méthodes d’évaluation médico-économique :
applications à la cancérologie
Methodology of economic assessment:
example in oncology
Isabelle JAISSON-HOT1
Anne-Marie SCHOTT1
Christine CLIPPE2
Christell GANNE1
Touria HAJRI1
Bénédicte PONCET1
Véronique TRILLET-LENOIR2
Cyrille COLIN1
1
Département d’information médicale,
UMR 5823 CNRS,
Hospices civils, 162, avenue Lacassagne,
69424 Lyon Cedex 03
2
Service d’oncologie médicale,
Centre hospitalier Lyon-Sud,
et EA « Ciblage thérapeutique »,
Université Claude-Bernard Lyon 1,
Hospices Civils de Lyon
Résumé. Face à des budgets en réduction, un arbitrage est devenu nécessaire dans
le domaine de la santé et il est apparu que le choix de priorités, en termes de
thérapeutiques notamment, devait se faire en considérant non seulement les conséquences médicales des différentes stratégies mais aussi leur coût (coût généré et coût
évité). Les analyses médico-économiques constituent dans ce contexte une aide à la
décision, en positionnant les différentes stratégies thérapeutiques envisageables par
rapport à un seuil au-delà duquel les dépenses engagées par la collectivité seraient
trop importantes par rapport à l’efficacité attendue de chacune des stratégies
évaluées. Dans cet article, la méthodologie de l’évaluation économique en général est
revue, en particulier dans le cas du cancer. En oncologie, ce type d’approche est
devenu de plus en plus important, de par l’évolution rapide des traitements qui sont
souvent associés (radiothérapie, chimiothérapie, chirurgie ou encore immunothérapie) et coûteux mais aussi par l’incidence et la prévalence élevées de la pathologie
cancéreuse en France. De plus, il faut souligner l’intérêt des mesures de qualité de vie
en cancérologie. En effet, si les mesures physiologiques ou biologiques habituelles
des conséquences de la maladie sont souvent peu discriminantes en cas d’évaluation
comparative de deux stratégies thérapeutiques, les mesures décrivant le ressenti des
patients par rapport aux résultats de soin apportent un supplément considérable. La
méthodologie des mesures de qualité de vie liée à la santé sera également revue. ▲
Mots clés : évaluation médico-économique, cancérologie, qualité de vie, coût, méthodologie
Article reçu le 16 mai 2003,
accepté le 10 juin 2003
S
Abstract. The increasing costs of care make it important to identify those strategies of greatest
value from both an effectiveness and cost perpective. Economic analysis is characterized by a
simultaneous consideration of alternatives costs and outcomes, and can provide useful data for
managerial decision making. In this paper, methods of economic evaluations in general and in
cancer in particular is reviewed. In cancer treatment, preventive, curative or palliative
strategies can be concerned. Economic evaluation have become increasingly important in
oncology because of the proliferation of expensive new treatments. Furthermore, considering
quality of life effects is particularly important in oncology, where many treatments obtain
modest improvements in response or survival. Quality of life measurements are also reviewed. ▲
Key words: medico-economic assessment, cancer, cost, quality of life, methodology
i l’évaluation des interventions en santé est restée très
longtemps exclusivement fondée sur la mise en balance du bénéfice clinique pour les malades au regard
des effets indésirables potentiels, la dimension économique
est devenue aujourd’hui fondamentale et incontournable
dans la démarche de santé publique. L’intérêt pour la composante économique de l’évaluation en santé a commencé,
en effet, à se développer à la fin des années 1960, initialement
dans les pays anglo-saxons. Face à des ressources limitées et
Tirés à part : I. Jaisson-Hot.
E-mail : [email protected]
insuffisantes pour financer toutes les stratégies, un arbitrage
est devenu nécessaire dans le domaine de la santé et il est
apparu que le choix de priorités en matière de politique de
santé publique devait se faire en considérant non seulement
les conséquences médicales des différentes stratégies mais
aussi leur coût (coût généré et coût évité). Si l’éthique individuelle dans le cas d’une relation médecin-malade implique
que tout ce qui est disponible dans l’état actuel de l’art de la
médecine doit être appliqué à l’individu, l’éthique collective
mène à une réflexion par rapport à une population entière et
à une répartition optimale des ressources pour assurer une
équité entre tous ses membres. Ainsi, le rôle de l’évaluation
939
I. Jaisson-Hot, et al.
est d’éclairer des choix de société qui deviennent délicats en
matière d’allocation de ressources [1]. Plus qu’un outil de
spécification des choix, les analyses médico-économiques
constituent dans ce contexte une aide à la décision, en
positionnant les différentes options envisageables par rapport
à un seuil au-delà duquel les dépenses engagées par la
collectivité seraient trop importantes par rapport à l’efficacité
attendue de chacune des stratégies évaluées. Plus que de
réduire les dépenses, l’objectif de l’évaluation médicoéconomique est donc d’aider à déterminer les stratégies qui
peuvent justifier un financement de telle manière que les
résultats de santé obtenus soient maximisés, compte tenu des
ressources limitées disponibles [2].
Ces considérations s’appliquent au champ des stratégies mises en œuvre en cancérologie comme à de nombreux autres
domaines en santé [3]. En effet, les cancers sont à l’origine
d’une morbidité mais aussi d’une mortalité importantes et
dont les impacts économiques sont majeurs pour les patients
mais également pour l’ensemble de la société. La plupart des
traitements sont des molécules ou des techniques issues
d’une recherche biomédicale de pointe et donc coûteuses,
caractérisées par une évolution rapide [4, 5]. Dans ce
contexte, l’intérêt de développer des évaluations médicoéconomiques s’est imposé de façon à pouvoir identifier les
stratégies optimales du point de vue de leur coût mais aussi de
leur bénéfice clinique, avec une importance toute particulière accordée à l’évaluation de l’impact de la maladie et de
son traitement sur le fonctionnement physique, psychologique mais aussi social, impliquant des mesures de qualité de
vie liée à la santé [6]. En effet, si la survie et la survie sans
progression sont des paramètres importants d’évaluation des
stratégies utilisées en cancérologie, les mesures décrivant le
ressenti des patients par rapport aux résultats de soins sont des
apports utiles car les traitements prescrits ont souvent des
conséquences en termes de qualité de vie qui s’ajoutent au
retentissement de la maladie en lui-même [7].
Les grands principes méthodologiques sous-tendant l’évaluation médico-économique seront donc revus dans cet article,
de façon générale et dans le cas du cancer en particulier, avec
notamment une synthèse concernant les mesures de qualité
de vie, particulièrement importantes dans ce domaine.
Principes méthodologiques généraux
de l’analyse médico-économique
Comparaison de plusieurs stratégies
L’évaluation médico-économique se définit toujours comme
une analyse comparative de différentes stratégies diagnostiques, thérapeutiques ou préventives [8], sur la base de leurs
coûts mais aussi de leurs résultats de santé, ce qui la distingue
d’autres formes d’évaluation médicale, essentiellement axées
sur l’efficacité clinique et non sur l’efficience des stratégies
étudiées. L’évaluation médico-économique permet donc
d’identifier la stratégie qui a le meilleur rapport entre efficacité, tolérance, maniabilité et coût.
L’étape initiale de l’analyse médico-économique est donc
l’identification des stratégies mises en concurrence pour une
population cible identifiée selon des critères précis (forme de
la maladie, stade de gravité, âge, etc.), avec une description
précise de chacune des interventions. Le choix du ou des
comparateurs varie selon le contexte : il peut s’agir de l’option « ne rien faire », de l’option la plus répandue dans la
940
pratique actuelle ou, encore, de toute stratégie raisonnablement envisageable pour le type de patient choisi.
En oncologie, des stratégies préventives, curatives ou encore
palliatives pourront ainsi être évaluées.
Choix d’un point de vue
L’étape suivante consiste à choisir la perspective selon laquelle on veut mener l’analyse (payeur, patient, fournisseur
de soins, société). Le coût pour le payeur (assurance maladie)
est égal à la tarification permise par celui-ci. Le coût pour le
fournisseur de soins (par exemple l’hôpital) est le coût réel de
la prestation de service, quelle que soit la tarification. Le coût
pour le patient est la somme à payer non couverte par
l’assurance maladie (ticket modérateur) pour la prestation
d’un service ou celle entraînée indirectement par le traitement ou la maladie (déplacements non pris en charge par
exemple). Le coût pour la société est le coût total pour les
différents agents économiques de la société incluant la perte
de productivité du patient et les dépenses totales entraînées
par la maladie et le traitement. Le choix doit s’effectuer en
fonction des objectifs de l’étude et du contexte de sa mise en
œuvre, sachant qu’il peut conditionner des intérêts contradictoires [9]. Dans la pratique, il s’agit d’adopter un de ces
points de vue [10] et de rester cohérent par rapport à ce choix,
tant pour l’analyse des coûts que pour celle des résultats.
Différents acteurs d’un système de santé [11] peuvent impulser la mise en place d’évaluation économique, que ce soit les
autorités de santé (ministère de la Santé, par exemple), les
industriels du secteur de la santé, des assureurs, des fournisseurs de soins ou, encore, des chercheurs en économie de la
santé. Si l’évaluation est commanditée par un décideur, il est
alors pertinent de choisir sa perspective.
Choix d’un horizon temporel
L’horizon temporel de l’étude doit être déterminé de manière
à pouvoir englober les principaux résultats économiques de
la ou des stratégies évaluées. Dans la pratique, il convient de
tenir compte de la durée potentielle de l’impact des stratégies
mises en concurrence, déterminée notamment par l’histoire
naturelle de la pathologie. Si les données clinicoépidémiologiques disponibles peuvent restreindre la durée
de l’horizon temporel, le recours à une modélisation [12]
peut être utile pour estimer les conséquences à long terme des
différentes options, tant au niveau des coûts qu’au niveau des
résultats de santé. Dans tous les cas, l’horizon temporel choisi
doit être identique pour l’analyse des coûts et celle des
résultats.
Choix d’une méthode
Quels que soient le point de vue et l’horizon temporel retenus, quatre types d’études d’évaluation médico-économique
peuvent être conduits. Chacun répond à des objectifs différents et le choix est conditionné par le contexte de réalisation
de l’étude et la nature des données disponibles.
– L’analyse de minimisation des coûts (AMC) est la forme la
plus simple des évaluations médico-économiques. Elle est
pertinente dans le cas où les options comparées sont strictement identiques du point de vue des résultats de santé, y
compris en termes d’événements indésirables. Le problème
se réduit alors à la seule comparaison des ressources consommées, le choix se faisant en faveur du programme le moins
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Méthodes d’évaluation médico-économique
coûteux, pour un point de vue et un horizon temporel donnés. Même si on trouve quelques exemples de ce type d’étude
dans la littérature en oncologie, en ce qui concerne les
procédures de classification des cancers [13], les techniques
de radiothérapie [14] ou les chimiothérapies [15], il ne s’agit
pas d’une méthodologie couramment utilisée dans la mesure
où les stratégies appliquées aux cancers produisent rarement
une survie ou une qualité de vie équivalente [16].
– L’analyse coût-efficacité (ACE) est l’approche la plus communément utilisée pour l’évaluation économique en santé.
Elle compare des options qui diffèrent aussi bien en ce qui
concerne leurs conséquences qu’en ce qui concerne les
ressources consommées. Elle permet de relier le coût de
chaque stratégie à son effet exprimé en unités physiques, le
critère retenu étant clinique (par exemple années de vie
sauvées, récidives évitées, etc.). Dans ce type d’étude, un seul
effet est pris en compte, commun à toutes les options. Bien
qu’il soit possible de comparer les simples ratios des coûts par
rapport aux résultats pour chacune des options, la comparaison correcte est celle des coûts supplémentaires d’une option
par rapport à une autre, en regard des effets ou des bénéfices
supplémentaires. Ainsi, les analyses coût-efficacité sont adaptées pour déterminer la stratégie qui permettra d’atteindre un
objectif d’efficacité médicale donné au moindre coût ou qui
permettra de maximiser l’efficacité médicale compte tenu
d’une contrainte budgétaire. La limite de ce type d’approche
en cancérologie est inhérente au fait qu’une seule approche
de l’efficacité (nombre d’années de vie gagnées, nombre de
cas traités avec succès, nombre de cas évités, etc.) peut être
mise en relation avec les coûts, sans prendre en compte la
notion de toxicité ou plus globalement d’effets sur la qualité
de vie de chacune des stratégies évaluées.
– L’analyse coût-utilité (ACU) est une forme particulière
d’analyse coût-efficacité dans la mesure où ce type d’étude
intègre la qualité de vie des personnes soumises à l’intervention, évaluée comme critère de mesure ou leur préférence
vis-à-vis du résultat. Les ACU incorporent donc un jugement
de valeur du patient (utilité) par rapport au résultat de santé
obtenu. Les études de ce type sont particulièrement indiquées
si non seulement la survie mais aussi la qualité de cette survie
représentent des facteurs importants dans l’évaluation des
options [1]. La mesure du résultat est exprimée le plus souvent en années de vie ajustées par la qualité de vie dont
l’unité est le Qaly (quality adjusted life years). Dans la mesure
où ce critère agrégé n’est pas spécifique d’une pathologie
donnée, cela offre la possibilité de comparer l’efficience
relative de différentes interventions en santé dans des contextes différents [9].
– L’analyse coût-bénéfice (ACB) Les évaluations coûtefficacité ou coût-utilité ne permettent pas de déterminer le
montant des ressources à partir duquel consacrer davantage à
telle intervention devient socialement injustifié, ce qui nécessite une évaluation des conséquences sur une même échelle
que les coûts. Dans ce type d’étude, une valeur monétaire est
donc associée aux résultats des différentes options évaluées,
l’approche la plus fréquemment utilisée pour cela étant la
détermination de la disposition à payer (DAP) de la population concernée par une étude d’évaluation contingente [17].
Cette méthode consiste à réaliser des sondages pour mesurer
la volonté qu’ont les citoyens de payer ou d’accepter une
option thérapeutique. Si l’analyse coût-bénéfice est la forme
la plus puissante de l’évaluation économique dans la mesure
où elle peut répondre directement à des questions d’effi-
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cience allocative, c’est aussi la plus délicate à mettre en
œuvre. En effet, associer aux résultats de santé une valeur
monétaire soulève des difficultés dans lesquelles économie et
éthique sont liées. C’est la raison pour laquelle cette méthode
est rarement utilisée dans les évaluations économiques en
santé [18].
Choix d’un critère de résultat
Une des difficultés de l’analyse médico-économique est de
trouver un indicateur pertinent pour mesurer les résultats de
santé des actions évaluées. Le choix de l’indicateur de résultat
dépend du type de l’étude et de ses objectifs, mais aussi de la
nature des données disponibles. Différents critères de résultat
peuvent être utilisés :
• Le bénéfice clinique. Les études médico-économiques doivent utiliser préférentiellement l’efficacité pratique (effectiveness) définie comme étant la performance d’une stratégie
appliquée dans les conditions réelles d’utilisation sur une
population non sélectionnée. Toutefois, avant la commercialisation d’une thérapeutique, seules les données d’essais de
phase III sur l’efficacité théorique ou efficacy (évaluée dans
des conditions contrôlées) sont disponibles. Des méthodes de
modélisation [12] peuvent être utilisées, le cas échéant, pour
extrapoler l’efficacité liée à un usage courant de la molécule.
Les hypothèses formulées dans le modèle seront clairement
explicitées et testées dans une analyse de sensibilité. Par
ailleurs, une méta-analyse permettant de combiner les résultats de différentes études, de telle manière qu’il devient
possible d’en tirer des conclusions sur l’efficacité thérapeutique d’un médicament, peut également constituer une source
d’information intéressante. En tout état de cause, la méthode
utilisée pour parvenir à la mesure de l’efficacité sera explicitée et argumentée. Il s’agit le plus souvent d’unités physiques
dites « naturelles » : nombre de vies sauvées, nombre d’années de vie gagnées. D’autres unités sont utilisables : elles
seront choisies en fonction de l’action spécifique de la stratégie évaluée : gains aux épreuves fonctionnelles respiratoires (traitement de l’asthme), durée de l’infection (antibiothérapie), nombre de jours sans douleurs (antalgiques), etc.
• La qualité de vie liée à la santé. Deux types d’instruments
de mesure de la qualité de vie liée à la santé peuvent être
identifiés : les questionnaires psychométriques, génériques
(SF36, NHP, etc.) ou spécifiques à une maladie donnée
(EORTC, QLQ-C30, DQOL, etc.), d’une part, et les méthodes
fondées sur l’évaluation des préférences des patients, d’autre
part. Comme les profils génériques, ces mesures peuvent être
appliquées à une grande diversité de maladies et de patients.
En pratique, pour être utilisables dans des études médicoéconomiques qui sont comparatives par nature, les mesures
de qualité de vie doivent être déterminées sur une échelle
d’intervalle comprenant la parfaite santé et la mort [19]. Tous
les calculs statistiques paramétriques sont alors autorisés et
les manipulations sur les différences sont valides. C’est le cas
des mesures fondées sur les préférences. Trois méthodes sont
classiquement reconnues pour l’évaluation de l’utilité des
stratégies en santé :
– Échelonnement au moyen d’échelles visuelles analogiques.
Chaque état est repéré sur une échelle où la mort, considérée
comme le pire des états, est placée à l’extrémité 0 et la vie en
bonne santé à l’autre extrémité 1. Les autres états sont localisés de sorte que les distances soient proportionnelles aux
différences entre les préférences de l’individu. Un certain
nombre de biais de mesure (biais d’extrémité d’échelle et
941
I. Jaisson-Hot, et al.
biais d’étendue) fait que l’échelle d’intervalle n’est parfois pas
vérifiée. C’est la raison pour laquelle cette méthode est moins
utilisée dans le cadre des évaluations médico-économiques.
– Pari standard ou jeu de hasard idéalisé. Cette méthode
consiste à proposer un choix hypothétique à l’individu : la
première option est de vivre dans l’état de santé i (résultant de
la mise en œuvre de la stratégie que l’on veut évaluer)
pendant le reste de sa vie ; la seconde option est un pari avec
deux résultats possibles : soit recouvrer une meilleure santé
pendant le reste de sa vie avec une probabilité p, soit le décès
avec une probabilité complémentaire (1-p). Une aide visuelle
comme une roue de probabilité est fréquemment utilisée
pour faciliter l’adhésion des patients à la méthode. Le patient
signale la probabilité de décès au-delà de laquelle il ne veut
pas prendre de risque supplémentaire et pour laquelle il
devient indifférent entre les deux options qui lui sont proposées. La valeur de p correspondante constitue le score d’utilité
attribué à l’état de santé étudié.
– Arbitrage temporel (time trade off). Un choix hypothétique
est également proposé à l’individu : ou vivre dans l’état de
santé i pendant la durée t puis mourir ou vivre en bonne santé
pendant une durée x inférieure à t puis décéder. On fait varier
x jusqu’à ce que le choix de la personne interrogée soit
indifférent. Le score d’utilité affecté à l’état de santé i est égal
au rapport de x (au point d’indifférence) sur t. Cette méthode
consiste donc à exprimer le nombre d’années de survie dans
un état de santé altéré que les individus sont prêts à échanger
contre un certain nombre d’années de vie en parfaite santé.
Que ce soit pour le pari standard ou l’arbitrage temporel, la
procédure de détermination du niveau d’indifférence entre
les options alternatives proposées à l’individu fait appel à des
méthodes différentes : elle peut se faire tout d’abord dans le
cadre d’interviews en face à face avec un enquêteur ou bien
par le biais d’auto-questionnaires ou, encore, grâce à l’utilisation de logiciels spécifiques [20]. Ensuite, s’il est possible
de déterminer le niveau d’indifférence au moyen d’une question unique (par exemple : combien d’années en bonne santé
considérez-vous comme étant équivalentes à 10 années vécues dans votre état de santé actuel ?), il est plus fréquent de
procéder par un questionnement itératif, en augmentant progressivement le risque vital accepté ou la durée de vie « marchandée » (bottom-up titration) ou, au contraire, en le diminuant (top-down titration) ou bien encore en alternant des
risques élevés et faibles (méthode du ping-pong) [21].
Il existe une controverse liée au choix de la population sur
laquelle les utilités vont être évaluées. Il peut s’agir de patients atteints par la maladie étudiée, de leur famille, de
professionnels de soins ou, encore, d’un échantillon de la
population à qui les différents états de santé ont été décrits de
façon détaillée [22], en termes fonctionnels et non cliniques,
fondés sur le fonctionnement physique, émotionnel et social.
La dernière solution a été identifiée comme la plus adaptée
dans une perspective sociétale [23] où les préférences de la
communauté sont particulièrement pertinentes. Toutefois, il
peut être difficile de réaliser une description fidèle des états de
santé considérés pour des patients ne les ayant pas euxmêmes expérimentés. La plupart des investigations réalisées
n’ont néanmoins pas mis en évidence de larges différences
dans les résultats obtenus en fonction du groupe de sujets
interrogés [24, 25], si bien que l’ensemble de ces approches
peut être envisagé, à condition de le définir clairement dans
la méthodologie de l’étude.
942
• La disposition à payer. Elle permet d’exprimer en termes
monétaires un jugement global sur le résultat (état de santé
obtenu à la suite d’un traitement) [26]. De nombreuses difficultés méthodologiques sous-tendent encore ce type d’approche qui demeure à un stade de développement expérimental en ce qui concerne son utilisation comme instrument
d’évaluation économique des interventions liées à la santé,
même si la technique d’évaluation contingente semble prometteuse.
• Les indicateurs synthétiques de résultats. Certaines méthodes combinent plusieurs dimensions des résultats obtenus
pour une stratégie donnée. La technique la plus largement
utilisée combine un critère d’efficacité qui est la survie et un
critère de qualité de vie sur ces années. Le produit des années
de vie ou des fractions d’années passées dans un état de santé
donné et du coefficient de qualité de vie correspondant
transforme le temps passé en mauvaise santé en fraction
correspondante d’années de bonne santé. On parle alors
d’années de vie corrigées en fonction de la qualité de vie
(quality adjusted life years ou Qalys). D’autres indicateurs
synthétiques sont parfois utilisés mais de façon plus marginale : les années de vie pondérées par l’invalidité (disability
adjusted life years ou Daly), les équivalents de vie en bonne
santé (healthy years equivalents ou Hye).
Étude des coûts
L’évaluation des coûts doit être conforme à un certain nombre
de règles, même si plusieurs logiques existent [27].
Les différents postes de dépenses doivent tout d’abord être
identifiés et listés de façon précise et exhaustive, compte tenu
du point de vue adopté pour l’étude. Il peut s’agir de coûts :
– liés à l’utilisation de ressources du système de soins
(consommations médicamenteuses, consultations et visites
médicales, examens de laboratoires et explorations, hospitalisations, coût du traitement des effets secondaires, etc.) ;
– entraînés dans d’autres secteurs que celui de la santé (administrations publiques : aides ménagère, soins à domicile et
bénévolat) ;
– incombant au patient ou à sa famille (frais de transport pour
se rendre à l’hôpital, dépenses d’aménagement pour la maison, temps à recevoir des soins, etc.).
On distingue parmi eux les coûts directs provenant des ressources consommées du fait de la prise en charge, qu’elles
soient médicales (hospitalisations, soins ambulatoires, médicaments, etc.) ou non médicales (frais d’équipement médical
du domicile, frais de garde d’enfants, etc.) et les coûts indirects représentant les pertes de productivité liées à la maladie
(concernant le patient ou son entourage).
Ensuite, le calcul des coûts procède toujours d’une quantification en unités physiques des ressources utilisées. À titre
d’exemple, les séjours en hospitalisation conventionnelle ou
de jour peuvent être dénombrés en journées d’hospitalisation
par groupes homogènes de malades (GHM) et quantifiés en
points ISA (indice synthétique d’activité) si la perspective
choisie est celle de l’assurance maladie ou de l’hôpital. Dans
le cadre du Programme de médicalisation des systèmes d’information (PMSI), les établissements de santé publics et privés
recensent la nature et le volume de leur activité grâce au
recueil
systématique
d’une
information
médicoadministrative minimale et standardisée, dans le résumé de
séjour hospitalier. Ces données sont codées selon les nomenclatures et classifications standardisées (classification internationale des maladies ou CIM, catalogue des actes médicaux
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Méthodes d’évaluation médico-économique
ou CdAM). Pour rendre lisible la production hospitalière, les
séjours présentant une certaine homogénéité clinique et économique sont ensuite classés en un nombre limité présentant
une similitude médicale et un coût voisin. Les groupes ainsi
constitués sont dénommés groupes homogènes de malades
(GHM). Un algorithme de décision permet un classement
exhaustif et unique de chaque séjour dans l’un des GHM
identifiés. Un certain nombre de points ISA est attribué à
chaque GHM, par rapport à un GHM de référence doté
arbitrairement de 1000 points, en fonction des coûts médians
par GHM observés dans l’échelle nationale des coûts : il
s’agit d’un échantillon d’établissements de santé volontaires
(CHR, PSPH, CLCC, CH) disposant chacun d’un système de
recueil des coûts analytique par type d’activité.
Si le point de vue de l’hôpital est retenu pour l’analyse,
l’enjeu est de quantifier précisément toutes les ressources
consommées au cours de l’hospitalisation : temps passé par
le personnel médical ou paramédical, consommables, utilisation des salles d’intervention en prenant en compte l’amortissement des infrastructures et des dépenses courantes relatives à leur fonctionnement, etc.
Les consultations réalisées en ambulatoire sont quantifiées en
utilisant la cotation des actes de la Nomenclature générale
des actes professionnels ou NGAP (lettres clés et coefficients).
Celles qui sont réalisées à l’hôpital sont quantifiées en points
ISA. Les actes réalisés en ambulatoire sont quantifiés en
utilisant la cotation des actes de la NGAP ou la Nomenclature
des actes de biologie médicale ou NABM (lettres clés et
coefficients). Ceux qui sont réalisés à l’hôpital sont quantifiés
en points ISA. Les consommations médicamenteuses sont
quantifiées en utilisant la quantité journalière et le nombre de
jours de prescription. Le transport sanitaire l’est en nombre
d’allers retours domicile-lieu de soin.
L’étape suivante consiste à faire une valorisation monétaire
grâce au coût unitaire (au sens du coût d’opportunité défini
comme la valorisation des ressources consommées et qui ne
sont plus disponibles pour une autre utilisation) ou au prix
dans le cas d’usage de tarifs existants à défaut d’analyse
minutieuse des différents postes de dépenses : microcosting
(dans le cas du calcul de coûts hospitaliers par exemple). On
peut donner les quelques exemples suivants :
– dans la perspective de l’assurance maladie ou de l’hôpital,
les séjours en hospitalisation conventionnelle ou de jour
seront valorisés grâce à la valeur du point ISA ;
– les consultations et actes réalisés en ambulatoire sont valorisés grâce aux tarifs conventionnels ; ceux qui sont réalisés à
l’hôpital seront valorisés grâce à la valeur du point ISA ;
– les consommations médicamenteuses hospitalières sont
valorisées à partir du prix négocié entre l’industrie pharmaceutique et les pharmacies des hôpitaux. Les consommations
médicamenteuses en ambulatoire sont valorisées en utilisant
le prix de mise sur le marché ;
– le transport sanitaire est valorisé grâce aux tarifs conventionnels effectués par les sociétés d’ambulance.
Il est important de noter que les coûts à exclure sont les coûts
indépendants des stratégies étudiées et de leurs conséquences ainsi que les coûts qui sont identiques entre les différentes
options évaluées.
En pratique, il existe différents modes de collecte des données. Dans le cadre d’un essai clinique, un bordereau de
recueil médico-économique peut être prévu pour recueillir
de façon prospective des informations sur les coûts et l’efficacité des différentes stratégies évaluées. La pertinence des
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données peut être discutée dans la mesure où l’efficacité est
alors évaluée dans le cadre d’un protocole expérimental de
prise en charge thérapeutique formalisée. Par ailleurs, dans le
cadre d’un essai clinique, le calcul de la taille de l’échantillon
repose sur la différence d’effet attendue entre les alternatives
thérapeutiques. Il faut souligner que les essais devraient avoir
également une puissance suffisante pour détecter des différences significatives en termes de coût [28]. Les données
peuvent également provenir d’une analyse rétrospective de
dossiers cliniques ou être issues d’une analyse médicoéconomique prospective après commercialisation d’une molécule, dans le cadre d’un observatoire de prescription par
exemple. Elles peuvent être issues d’une analyse rigoureuse
de la littérature scientifique ou provenir d’avis d’experts. En
ce qui concerne les coûts, les bases de données médicoéconomiques, les données de la comptabilité analytique
hospitalière, les tarifs de convention et le prix des médicaments pourront également être utilisés.
Un modèle d’analyse décisionnel est souvent utilisé de façon
à simplifier les différentes options évaluées à leurs déterminations essentielles [29]. Le recours à cette méthode peut être
une solution pratique pour intégrer et synthétiser les informations de plusieurs sources, représenter leurs interactions et
aboutir à une mesure des effets de la stratégie évaluée. Il s’agit
en effet de pondérer les coûts et les efficacités par les probabilités de survenue de différents événements aléatoires (rechute, effets secondaires, etc.) et ainsi de les intégrer au
critère de jugement retenu (par exemple la survie).
À titre d’exemple, dans une analyse coût-utilité évaluant des
stratégies alternatives de chimiothérapies dans le cancer du
sein métastatique, Hutton et al. ont utilisé un modèle de
Markov pour synthétiser les données cliniques et économiques provenant de la littérature, d’avis d’experts et de bases
économiques nationales [30].
Actualisation des coûts et des conséquences
La prise en compte du temps dans l’évaluation économique
est un concept important. En effet, une décision d’allocation
de ressources implique de faire un compromis entre des
moyens qui doivent être immédiatement imputés à une activité et les conséquences de celle-ci qui n’apparaîtront qu’ultérieurement. Le but de l’actualisation est de tenir compte de
la préférence des individus pour le présent ou de la dépréciation du futur. Il n’existe pas de consensus sur les taux à
appliquer en ce qui concerne les coûts pour les évaluations
dans le domaine de la santé. Aux États-Unis, le Public Health
Service Panel on Cost-Effectiveness in Health and Medicine
[11] estime que 3 % est le taux d’actualisation le plus adapté
pour l’évaluation médico-économique des programmes de
santé. Toutefois, le taux de 5 % prédomine dans la littérature.
La question de l’actualisation des bénéfices est toujours débattue dans la mesure où aucune théorie scientifique ne
cautionne cette méthode pour des critères non monétaires
[31, 32].
Résultats de l’analyse médico-économique
Les coûts engagés pour la mise en œuvre d’une stratégie en
santé sont ensuite mis en balance avec les résultats de santé
qui en découlent (morbi-mortalité, qualité de vie, etc.). Pour
obtenir une information pertinente en termes de comparaison
de stratégies, il est nécessaire d’examiner les coûts supplémentaires d’un programme par rapport à un autre, en regard
943
I. Jaisson-Hot, et al.
des effets ou bénéfices supplémentaires : des ratios différentiels coût-efficacité/utilité sont donc calculés, représentant le
surcoût d’une unité d’efficacité supplémentaire avec la stratégie la plus efficace. Le problème posé aux organismes
payeurs est alors de savoir s’ils sont disposés à accepter cette
efficacité supplémentaire à ce prix. Il y a deux façons de
statuer sur le caractère coût-efficacité d’une intervention. La
première est de choisir une valeur seuil pour définir les
interventions acceptables. Des auteurs canadiens ont proposé que des interventions coûtant moins de 20 000 $ par
Qaly soient considérées comme coût-efficaces, tandis que
celles coûtant entre 20 000 et 100 000 $ soient seulement
considérées comme potentiellement coût-efficaces [33]. Toutefois, le caractère arbitraire du choix de cette valeur seuil
constitue la limite de cette méthode. On peut également se
référer à un critère de jugement extérieur en utilisant par
exemple des tables de classement du coût par Qaly pour
différents programmes de santé. Certaines limites sont toutefois inhérentes à ce classement en league table du coût par
Qaly obtenu dans différentes études coût-efficacité pour des
catégories de maladie et des types d’intervention variables
[34]. Elles ont trait à la qualité de la méthodologie utilisée
pour chacune des études et à l’homogénéité des méthodes
d’une étude à l’autre (méthode de définition des préférences
pour les états de santé, éventail des coûts et des conséquences pris en compte, choix du programme utilisé comme
comparateur). Toutefois, cette approche a le mérite de positionner l’efficience d’une stratégie relativement à toutes les
utilisations potentielles consommant les mêmes ressources.
Elle considère non exclusivement les patients malades mais
l’ensemble de la société comme autant de malades potentiels
qui pourraient être affectés par les décisions prises en santé. Il
existe de nombreux exemples de league tables publiées dans
différentes spécialités [35], et en oncologie en particulier [36,
37]. En tout état de cause, ni les valeurs seuils ni les league
tables ne peuvent donner la réponse à la question difficile
posée par l’allocation des ressources dans la mesure où
l’hypothèse selon laquelle les Qaly auraient la même valeur
dans toutes les situations n’est souvent pas vérifiée en pratique. Ainsi, la société est prête à payer davantage pour une
intervention qui sauve réellement des vies, comme dans le
cas de la transplantation cardiaque, plutôt que pour une
intervention qui permettrait de sauver potentiellement des
vies, comme c’est le cas dans les programmes de prévention
[16]. Les Qaly constituent donc davantage un élément
d’orientation pour les décideurs qu’un élément décisif à part
entière, nécessitant certaines précautions dans leur utilisation
[38, 39].
Analyse de sensibilité
Les données de coût ou d’efficacité peuvent comporter une
certaine marge d’erreur liée, d’une part, aux incertitudes des
différentes mesures entrant en compte dans le modèle (valorisation de certains examens ou d’une nouvelle thérapeutique) et, d’autre part, aux incertitudes d’échantillonnage dans
le cas de données cliniques et de paramètres économiques
issus d’un essai clinique. L’analyse de sensibilité permet de
tenir compte de cette incertitude dans les évaluations économiques. Elle peut faire appel à une méthode conventionnelle
consistant à faire varier un ou plusieurs paramètres entrant
dans le processus de l’analyse et à mesurer l’impact sur le
résultat final de la variation. L’objectif est d’étudier la robustesse des résultats obtenus quand certains paramètres se
944
modifient. Elle peut également faire appel à des méthodes
probabilistes permettant d’envisager simultanément l’incertitude de toutes les valeurs impliquées dans l’évaluation [40].
On peut reprocher à ces études le fait que le principe de
l’analyse décisionnelle sous-jacent à l’évaluation médicoéconomique implique la formulation de multiples hypothèses, de façon à simplifier une réalité souvent très complexe,
mais celles-ci peuvent être perçues comme étant trop réductrices et pouvant menacer la robustesse des conclusions. De
plus, un manque de transparence dans l’exposé de la méthode ou de l’analyse peut faire craindre une manipulation
des analystes en faveur d’une intervention afin de la biaiser
dans le sens opposé au résultat attendu. Enfin, la méthode
d’agrégation des résultats représentée par les Qaly est souvent
perçue avec scepticisme en raison de sa faible robustesse par
rapport aux hypothèses qui la sous-tendent (neutralité au
risque, indépendance en utilité, constance du taux de substitution des durées) et des considérations éthiques qu’elle
soulève dans la mesure où les résultats entraînent une discrimination systématique envers les plus vieux et les plus faibles
[41]. Toutefois, une analyse de sensibilité doit permettre de
tenir compte des incertitudes sur l’estimation des coûts et des
conséquences pour toute évaluation réalisée. Elle a pour
objectif d’étudier la robustesse des résultats obtenus quand
certains paramètres de l’étude se modifient. Elle consiste à
mesurer l’impact sur le résultat final d’un ou de plusieurs
paramètres entrant dans le processus de l’analyse.
Par ailleurs, un certain nombre de recommandations [42] ont
été publiées pour favoriser la rigueur méthodologique dans le
développement de ce type d’études. Un certain nombre
d’études médico-économiques sont d’ailleurs évaluées au
même titre que les études cliniques. Il est néanmoins incontestable que, si certains progrès ont été réalisés au cours de la
dernière décennie en matière de gestion et d’analyse d’études
médico-économiques, une véritable politique d’assurance
qualité de ces études, fondée sur un instrument unique validé
et largement accepté, viendrait accroître leur crédibilité en
tant qu’outil de régulation médico-économique [43].
Enfin, même si l’approche des Qaly reste discutée et entachée
d’une absence de normalisation de la méthode, elle s’impose
comme étant une technique simple et facile d’application
dont l’utilisation se justifie à défaut d’autres techniques
éprouvées mais dont les résultats doivent être manipulés avec
prudence.
Conclusion
L’évaluation médico-économique est essentiellement un
outil d’aide à la décision et de réduction de l’incertitude dont
le premier intérêt est de conduire à une formulation explicite
de l’ensemble des stratégies possibles et à un abord exhaustif
de toutes les dimensions du problème décisionnel : efficacité,
utilité, efficience. Le second intérêt de la démarche est de
conduire à une estimation chiffrée de ces différents paramètres, ce qui permet une comparaison objective de programmes très divers. Bien que ce type d’analyse ne puisse se
substituer au jugement clinique ou au processus politique de
décision, il représente un outil de nature scientifique dans
l’arsenal des méthodes à la disposition des médecins et des
décideurs en santé. Néanmoins, une certaine résistance du
corps médical par rapport à cette pratique a pu être constatée,
liée en grande partie à une perception négative des objectifs
de l’évaluation économique en santé, regardée comme un
Bull Cancer 2003 ; 90 (11) : 939-45
Méthodes d’évaluation médico-économique
élément de rationnement des soins. D’où la nécessité de
former (ou au moins d’informer) les professionnels de santé
aux méthodes mises en œuvre et à leur réel enjeu, à savoir
mettre en évidence le caractère approprié pour la collectivité
d’une pratique de façon à appuyer sa diffusion.
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