Pour réduire l’incidence de la mam-
mite dans les troupeaux, il est impor-
tant d’identifier les pratiques de ges-
tion qui présentent un risque potentiel
et plus spécifiquement, les pratiques
que nous pouvons modifier à la ferme.
Et ceci est d’autant plus important
pour les fermes qui utilisent un système
de traite robotisée. En effet, quelques
données montrent que le comptage
des cellules somatiques (CCS) peut
augmenter chez les troupeaux après
l’installation d’un robot. D’autres cher-
cheurs ne rapportent aucune différence
quant au CCS, qu’on utilise des robots
ou des salons de traite. Et plus encore,
aucune augmentation des infections
du pis ni du CCS n’est observée chez
les fermes où l’on utilise un robot,
lorsque le statut sanitaire des vaches
et la gestion du troupeau ont été jugés
bons avant l’installation de celui-ci. À
SYSTÈME DE TRAITE ROBOTISÉE
Le comportement
des vaches
influence-t-il
la santé du pis?
SANTÉ ANIMALE
Par TREVOR DEVRIES, professeur,
Kemptville Campus, University of Guelph,
KEN LESLIE, professeur, Ontario Veterinary
College, University of Guelph,
HERMAN BARKEMA, professeur, University
of Calgary, JACK RODENBURG, DairyLogix
Consulting, GUY SEGUIN, conseiller,
Dairy Farmers of Ontario et
ANNE-MARIE CHRISTEN, agente
de transfert, RCRMB
Les systèmes de traite robotisée sont nouveaux dans
le paysage canadien. Quels sont leurs impacts sur le
comportement des vaches et la santé du pis?
DÉCEMBRE 2010/JANVIER 2011 LE PRODUCTEUR DE LAIT QUÉBÉCOIS
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Dans l’aménagement
de l’étable, il est important
d’offrir un environnement
confortable et propre ainsi
qu’un accès facile aux logettes,
et d’éviter le surpeuplement.
Les vaches qui
passent de très
longues périodes debout
après la traite sont
plus susceptibles
aux infections du pis.
la lumière de ces observations, on peut
présumer que toute détérioration de la
qualité du lait causée par la hausse du
CCS et du nombre d’infections du pis
lorsque l’on utilise des systèmes de
traite robotisée bien gérés découle de
facteurs autres que le robot lui-même.
Lesquels? Une étude du RCRMB sug-
gère quelques réponses…
GARDER LES VACHES DEBOUT
APRÈS LA TRAITE AIDERAIT À
PRÉVENIR LA MAMMITE
La présente étude fait suite à celle
réalisée en Ontario, en 2009, dans six
fermes à stabulation entravée de la
Cohorte nationale des fermes laitières
du RCRMB (voir Le producteur de lait
québécois, volume 30, numéro 4,
décembre 2009/janvier 2010, p. 25).
L’équipe de chercheurs avait décou-
vert que le fait d’offrir des aliments
frais près du moment de la traite (entre
30 minutes avant et 60 minutes après)
aidait les vaches à rester debout plus
longtemps après la traite que si les ali-
ments étaient offerts en dehors de
cette période. Les vaches qui se cou-
chent en moyenne pour la première
fois 40 à 60 minutes après la traite
s’exposent à un risque plus faible de
contracter une nouvelle infection du
pis causée par les bactéries environne-
mentales que celui auquel s’exposent
celles qui se couchent moins de
40 minutes suivant la traite. En gardant
les vaches debout plus longtemps, on
permet au canal des trayons de se
refermer avant qu’il n’entre en contact
avec une surface potentiellement
contaminée par des bactéries.
Curieusement, les chercheurs ont aussi
découvert que les vaches qui restent
debout plus d’une heure après la traite
s’exposent à un risque accru de déve-
lopper une nouvelle infection du pis;
découverte plutôt inattendue. Ils esti-
ment que cette hausse du risque pro-
viendrait de la réouverture du canal
des trayons causée par le poids de la
nouvelle production de lait dans les
heures suivant la traite, ce qui favori-
serait l’entrée des bactéries.
LA THÉORIE DERRIÈRE CETTE
NOUVELLE RECHERCHE
Les vaches des troupeaux pour les-
quels on utilise un système de traite
robotisée sont traites individuellement
à des fréquences variées et la distri-
bution de ces évènements (traites)
varie sur une période de 24 heures.
Ainsi, il est fort probable que le com-
DÉCEMBRE 2010/JANVIER 2011 LE PRODUCTEUR DE LAIT QUÉBÉCOIS 37
portement de ces vaches après la traite
diffère de celui des vaches traites en
stabulation entravée ou en salon de
traite. De plus, l’envie de demeurer
debout après la traite est probable-
ment moindre chez les vaches traites
par un robot, et particulièrement chez
celles traites durant les périodes où
aucun aliment frais n’est disponible,
ce qui pourrait accroître leur risque de
contracter une infection du pis. Ce sont
ces prémisses qui ont conduit à cette
nouvelle recherche (tableau 1).
DEBOUT LONGTEMPS, DEBOUT
TOUT LE TEMPS
Les résultats montrent que les
vaches qui restent debout longtemps
avant et après la traite sont aussi celles
qui passent le moins de temps cou-
chées au cours d’une journée. Les ana-
lyses ont révélé que ces vaches se cou-
chent rarement et pas longtemps. Ce
type de comportement a aussi été
associé à un plus haut rendement en
lait. Par conséquent, les chercheurs
croient que ces plus longues périodes
passées debout sont dues à de plus
longues périodes d’alimentation, et
possiblement, à de plus gros repas.
Afin de satisfaire les besoins nutrition-
nels associés à une plus forte produc-
tion de lait, ces vaches doivent
consommer plus d’aliments, ce qui aug-
mente nécessairement le temps passé
à la mangeoire et la grosseur des repas.
Les vaches, au rendement laitier
plus élevé, ont passé un peu moins de
temps couchées que celles au rende-
ment plus faible. Bien que cela semble
contredire la croyance populaire qui
veut qu’une plus longue période de
repos favorise une plus grande pro-
duction de lait, dans cette étude, les
vaches à haut rendement laitier ont
aussi été traites le plus souvent. Non
seulement ces vaches ont passé plus
de temps debout à se nourrir, elles ont
aussi passé plus de temps debout, car
elles ont été traites plus souvent.
Tel qu’anticipé, lorsque les vaches
étaient traites près du moment (une
heure avant et deux heures après) où
l’on manipulait les aliments (distribu-
tion ou repoussage), les résultats ont
montré qu’elles demeuraient debout
sur de plus longues périodes suivant
la traite. Les plus courtes périodes pas-
sées debout après la traite ont été
observées chez les vaches dont la traite
avait été faite plus de quatre heures
avant la manipulation des aliments.
Ces résultats suggèrent que le laps de
temps durant lequel la vache demeure
debout suivant la traite par un robot
peut être géré autant par la distribu-
tion d’aliments frais que par le repous-
sage fréquent des aliments durant la
journée. La gestion de l’alimentation
influencerait le comportement des
vaches en les empêchant de se coucher
immédiatement après la traite, moment
où elles peuvent être à risque d’ac-
quérir une nouvelle infection du pis.
ROBOT ET INFECTIONS DU PIS
De toutes les nouvelles infections du
pis détectées au cours de l’étude, seu-
lement celles causées par les staphy-
locoques à coagulase négative (SCN; un
groupe de bactéries autant environne-
mental que contagieux) étaient asso-
ciées à la période de temps passée
debout suivant la traite. Les résultats
montrent que les vaches qui se cou-
chent en moyenne pour la première
fois plus de 2,5 heures après la traite
ont un risque plus grand d’acquérir
une infection que celles qui se cou-
chent en dedans d’une période de deux
heures. Ces données appuient celles
découvertes dans l’étude précédente
chez des vaches traites en stabulation
entravée, c’est-à-dire que les vaches
qui passent de très longues périodes
debout après la traite sont plus suscep-
tibles aux infections du pis. Or, d’autres
études sont nécessaires pour identi-
fier pourquoi ces vaches sont plus à
risque. Finalement, dans la présente
étude, quelques vaches se couchaient
très rapidement après la traite (moins
de 30 minutes), mais on n’a pu conclure
si elles couraient un plus grand risque
de contracter une infection.
Les résultats globaux de cette étude
montrent que le comportement (se cou-
cher ou rester debout) des vaches
traites par un robot est influencé par
le moment de la journée et leur déci-
sion de se faire traire. Ils renforcent
également le besoin d’offrir aux vaches
un environnement confortable et
propre, ainsi qu’un accès facile aux
logettes en évitant le surpeuplement.
On doit s’assurer que les vaches ont
la possibilité de se coucher lorsqu’elles
le veulent et qu’elles ne sont pas for-
cées de demeurer debout sur de
longues périodes.
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SANTÉ ANIMALE
TABLEAU 1
PROTOCOLE DE L’ÉTUDE
Durée de l’étude : 4 mois.
Sujets : 111 vaches Holstein, divisées en deux enclos,
chacun ayant un accès à un robot de traite à circulation
libre.
Logement : stabulation libre sur litière de sable.
Traite* : à volonté.
Aliments* : une seule distribution par jour; les aliments
étaient repoussés de 2 à 3 fois par jour.
Échantillonnage du lait : chaque quartier de chaque
vache à toutes les 4 semaines.
Analyses du lait : chaque échantillon a été analysé
pour déceler toute nouvelle infection et la bactérie
responsable.
Collecte de données pour le mouvement des vaches :
un dispositif électronique a été attaché à une patte de
chaque vache, durant sept jours, avant chacune des
trois dernières périodes d’échantillonnage du lait.
*Les heures de traite, de distribution et de repoussage des
aliments ont été notées pour permettre de calculer le temps entre
la fin de la traite et le moment où chaque vache s’est couchée
pour la première fois après la traite.
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