LIMITES ET FRONTIèRES DANS LES BALKANS, DE

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Limites et frontières dans les Balkans,
de l’Empire romain à nos jours
Professeur F. G. DREYFUS
Professeur émérite d’études européennes à l’université Paris IV-
lE
KOSOVO,
lES BAlKANS
Et politiques
l’EUROPE
Sorbonne.
Ancien directeur
de l’Institut d’études
de
Strasbourg, du Centre des études germaniques et de l’Institut des
hautes études européennes.
François-Georges
DREYFUS*
L’indépendance
, avecconscient
la bénédiction
des Etats
membres
de
En
ce printemps autoproclamée
2011, il convient d’être
que presque
toutes
les fronl’OTAN,
du
Kosovo
en
février
dernier
ne
contribuera
vraisemblablement
pas
tières des États balkaniques sont artificielles. Cela s’explique par l’histoire mouve-à
stabiliser
le territoires
monde balkanique
déjà de
bien
troublé.
Il depuis
n’est pas
inintéressant
de nomentée des
et des peuples
cette
région,
l’époque
romaine.
ter que cette autoproclamation coïncide presque avec le 90ème
anniversaire
de la
Les Balkans sont occupés par les Romains dès la fin du 1er siècle avant J.-C. Sous
Déclaration des 14 articles du Président Wilson. Elle est la conséquence dramatique
le titre d’Illyrie et de Mésie, c’étaient des provinces impériales dès le temps d’Audes utopies américaines. Pour des raisons ethniques et géopolitiques les Etats-Unis
guste et elles marquent les frontières de l’Empire le long de la Save et du Danube. À
et les occidentaux ont enlevé le Kosovo aux Serbes.
la hauteur du Monténégro est apparue une nouvelle province, sénatoriale celle-là,
la Macédoine ;
la province
sénatoriale
d’Achaïe
limite
une ligne
de
Le Kosovo pour
les Serbes
est un des
hauts avait
lieuxpour
de leur
histoire.
Il estallant
un éléCorfouessentiel
aux Thermopyles.
ment
des royaumes serbes du XIIe au XIVe siècle. C’est après la défaite
du Champ
Merles en
que la
Serbie est intégrée
dansdel’Empire
ottoman.
Dans lesdes
frontières
de 1391
l’époque
préottomane,
au temps
Dioclétien
(284Mais
pendant
deux
siècles
les
souverains
serbes
ont
couvert
le
Kosovo
d’innombra305), les diocèses balkaniques de l’Empire romain portaient les noms suivants :
bles
églises(dépendant
et monastères
quipréfecture
sont pourd’Italie),
la plupart
des petits
d’œuvre
et qui
Dalmatie
de la
Mésie,
Dacie,chefs
Dardanie,
Épire
et
soulignent
la
piété
d’un
peuple
serbe
qui
sait
que,
du
XIVe
au
XXe
siècle,
l’Eglise
Macédoine (dépendant de la préfecture d’Illyrie). Il y avait aussi les diocèses d’Épire
orthodoxe
était
son seuletprotecteur
Le Kosovo
ne redevient
serbe
ancienne, de
Thessalie
d’Achaïe.contre
Il n’estl’occupant.
pas inintéressant
de noter
qu’aucun
de
qu’après
la
disparition
de
la
Turquie
d’Europe
(Traité
de
Bucarest
1913).
Le
Kosovo
ces territoires ne marque une frontière contemporaine, à la différence de ce qui se
est
alors
peuplé de Entre
60 %ledediocèse
Serbesd’Espagne
et de 40 %
d’Albanais.
l’administration
passe
en Occident.
et le
diocèse deC’est
Vienne
sur Rhône, la
serbo-croate
qui
va
permettre
l’albanisation
du
Kosovo.
limite est l’actuelle frontière entre la France et l’Espagne. Il en est de même entre la
préfecture des Alpes-Maritimes et les Alpes Cottiennes.
De 1918 à 1940, le Kosovo, ruiné par la Grande Guerre, voit nombre de ses
La seule
limite
quila demeure
dans
est celle
séparedes
le
habitants
serbes
fuirbalkanique
les ruines et
misère vers
lesl’histoire
autres régions
du qui
royaume
diocèse
de
Dalmatie
de
celui
de
Mésie :
c’est
la
limite
actuelle
entre
le
catholicisme
Serbes, Croates et Slovènes. En 1940 les Albanais représentent déjà un peu plus de
romain
orthodoxe.
grosso modo
la frontière
occidentale
la
moitiéetdelelacatholicisme
population. Leur
poids vaC’est
s’accentuer
pour des
raisons très
simples :
de lataux
Serbie
d’aujourd’hui.
Au d’un
tempstiers
de Dioclétien,
il ne des
s’agissait
que
de limites
leur
de fécondité
est alors
supérieur à celui
Serbes.
Aujourd’hui
les différences de taux sont encore plus grandes : en Albanie le taux de fécondité est
de 2,6, celui des Serbes de 1,4.
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Mais au delà des raison naturelle, il y a des raisons politiques. De 1941 à 1944,
les autorités fascistes italiennes envoient des Albanais coloniser le Kosovo. De plus,
Limites et frontières dans les Balkans, de l’Empire romain à nos jours Géostratégiques n° 31 • 2e trimestre 2011
concernant une ethnie homogène, les Illyriens. Ils allaient être rejetés en bordure
de l’Adriatique, d’abord par les Slaves du Sud qui s’installaient dans les diocèses de
Dalmatie et de Mésie, puis au ixe siècle par une population dénommée bulgare qui
venait de l’ensemble ouralo-altaïque, en d’autres termes, les Turcs.
Ces derniers se sont d’abord installés sur la moyenne Volga, où leurs descendants se sont établis dans la région de Kazan. Au cours des années, à l’exception des
Illyriens qui demeuraient un peuple à part, ces peuples se sont slavisés et une langue
serbo-croate dite « yougoslave » s’est mise en place. Ainsi, à côté des anciennes limites provinciales de l’Empire romain, se sont créées d’autres limites plus ou moins
ethniques.
En 1054, les populations du monde balkanique oriental constitué autour des
seigneurs serbes et bulgares ont rejoint l’Église catholique orthodoxe et le patriarche
de Constantinople, tandis que les Slaves de l’Ouest restaient fidèles au pape et au
Saint-Siège à Rome. Ainsi s’ajoutaient aux limites ethniques des limites religieuses
qui allaient peu à peu entraîner la constitution de deux grands royaumes autour de
deux souverains : l’État serbe et l’État bulgare. C’en était fini avec la domination byzantine, et du xe au xiiie siècle allaient s’affronter l’État bulgare, l’État serbe et l’Empire byzantin. Sur la côte adriatique s’est mis en place un ensemble de territoires
dépendant de la République de Venise, avec des ports importants : Split, Raguse
(Dubrovnik)… Ces territoires vénitiens, minuscules mais fort prospères, attiraient
des populations diverses constituant un melting-pot slavo-latin.
Le temps des Ottomans
Mais, à partir du xiie siècle, est apparue dans la région, à l’appel du basileus de Byzance en lutte contre les Serbes du roi Momar Dosan qui menaçaient
Constantinople, une tribu turque dynamique, musulmane, les Ottomans combattant tour à tour le deuxième Empire bulgare et le Royaume serbe, et ce dernier a été
défait au Clos des Merles, au milieu de la province jadis serbe du Kosovo (1389).
Peu à peu les Balkans, à l’exception des territoires vénitiens, sont devenus terre ottomane, ils allaient le rester de la fin du xive siècle au début du xxe siècle. Dès lors se
constituait à l’intérieur de l’Empire ottoman un système politico-administratif qui
laissait une large autonomie aux autorités locales, laïques ou religieuses.
La poussée ottomane s’est poursuivie jusqu’au xviie siècle, occupant la Dacie,
les futures provinces moldave et valaque, surtout la Hongrie, et à deux reprises les
Ottomans ont mis le siège devant Vienne après avoir occupé Buda et Pest. La contre-
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Géostratégiques n° 31 • 2e trimestre 2011
Complexités balkaniques
offensive des Habsbourg a ramené la frontière entre le Saint Empire et la Sublime
Porte sur la ligne Save-Danube. Cette frontière, après les traités de Karlovitz et de
Passarovitz, a permis aux Autrichiens et aux Hongrois de récupérer la Croatie, la
Slavonie et la Sirnie.
Sur la côte dalmate, une bonne partie de la Dalmatie autour de Split est devenue
vénitienne, tandis que Dubrovnik devenait une république indépendante. Seul le
Monténégro au sud de la Save est demeuré un État slave, orthodoxe et indépendant.
La frontière entre les Habsbourg et les Ottomans est demeurée inchangée de 1791
à 1856. Quant à la Dalmatie vénitienne et à la République de Dubrovnik, il ne
faut pas oublier qu’elles sont devenues de 1805 à 1813 les Provinces illyriennes de
l’Empire français.
Suite à l’intervention de la France dans ces territoires, les idées nationales et
révolutionnaires ont progressé rapidement. En 1806, les seigneuries serbes se sont
soulevées un moment contre les Ottomans, qui ont durement réprimé ces tentatives indépendantistes. À noter, l’importante influence du lycée français de Raguse
qui, d’octobre 1806 à juin 1813, allait former ceux qui seraient la première élite
moderne des territoires slaves dans les Balkans. En 1856, à l’issue de la guerre de
Crimée, le traité de Paris a accordé une très grande autonomie à ce qui allait devenir l’État serbe. La situation était semblable au-delà du Danube pour les provinces
roumaines de Moldavie et de Valachie.
En 1878 la guerre russo-turque a été un désastre pour les Ottomans – les armées
du tsar campaient dans les ports de Constantinople. La Russie a imposé au sultan
le traité de San Stefano qui a créé un État bulgare allant du Danube à la mer Égée,
de la mer Noire au lac d’Ohrid ; ce nouvel État devait être une annexe de l’Empire
russe aux portes de Constantinople. Cela a scandalisé toute l’Europe, et un congrès
s’est réuni alors à Berlin. Le traité de Berlin a remis les choses en place : la Grande
Bulgarie a disparu au profit d’une principauté de Bulgarie, vassale du sultan, le Sud
de la Bulgarie, la vallée de la Marika avec Plovdiv constituant la Roumélie orientale,
territoire autonome de l’Empire ottoman.
En fait, dès 1885, Roumélie et Bulgarie se sont réunies tout en demeurant vassales de l’Empire ottoman. En revanche, la Serbie autonome a été reconnue totalement indépendante. Il s’agissait encore d’un tout petit territoire – de Belgrade à
Nis, moins de 200 kilomètres. En revanche, la province de Bosnie-Herzégovine et
le Sandjak de Novi-Pazar ont été placés sous protectorat autrichien.
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Limites et frontières dans les Balkans, de l’Empire romain à nos jours Géostratégiques n° 31 • 2e trimestre 2011
L’époque post-ottomane (1830-1912)
Ainsi sont apparus au nord des Balkans deux États indépendants – rejoignant
le royaume hellène indépendant depuis 1829 avec à ses débuts un territoire réduit,
allant des Thermopyles au sud du Péloponnèse. La Thrace, la Macédoine, l’Albanie
demeuraient ottomanes. C’est d’ailleurs à Salonique qu’en 1910 s’est constitué le
mouvement Jeune Turc autour d’un jeune officier, Mustafa Kemal.
Le désordre dans l’Empire turc était tel que Grecs, Serbes et Bulgares se sont
unis pour libérer les territoires slaves et orthodoxes restés sous obédience ottomane.
En 1912, les armées turques ont été défaites mais les Alliés allaient s’entredéchirer
lors du partage des dépouilles : que faire en particulier de la Macédoine ? Devaitelle être bulgare, serbe ou grecque ? Salonique a posé un problème délicat : elle
était revendiquée par le mouvement panserbe mais aussi par les Grecs pour qui
la Macédoine était naturellement grecque. Cela a entraîné une deuxième guerre
balkanique. Serbes et Grecs alliés aux Roumains ont défait les Bulgares. Dès lors les
grandes puissances sont intervenues, accordant le Nord de la Macédoine à la Serbie,
le Sud avec Salonique à la Grèce qui a reçu aussi la Thrace occidentale. Les Serbes
voulaient annexer l’Albanie. Or, pour empêcher l’accès des Serbes à l’Adriatique, les
grandes puissances ont créé un État albanais confié à… un principicule allemand !
Ces décisions du traité de Londres de 1913 ont mis fin à la Turquie d’Europe. Seules subsistaient en Europe les villes de Constantinople et d’Andrinople, en
d’autres termes la banlieue de Constantinople.
Les mutations balkaniques au xxe siècle
La Première Grande Guerre vit les Turcs et les Bulgares alliés des Empires centraux, la Serbie et la Roumanie alliées de l’Entente, la Grèce restant neutre tout en
voyant Salonique occupée par les Franco-Anglais. La défaite des Empires centraux
allait entraîner une redistribution des cartes. Un royaume des Serbes, Croates et
Slovènes est alors né qui unissait – outre ces trois peuples – le Monténégro, la côte
dalmate et la Bosnie, au motif que les 4/5e de la population parlaient une langue
commune : le serbo-croate.
C’était négliger l’aspect religieux, aggravé par le panserbisme. L’Assemblée nationale du royaume a vu le chef des députés croates assassiné en pleine Chambre
par un député croate : en fait, de 1920 à 1941, la Yougoslavie allait être un État
serbe qui maltraitait les allogènes bosniaques et surtout croates. Cela a conduit à
l’assassinat du roi de Yougoslavie, Alexandre Ier en 1934 à Marseille.
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Complexités balkaniques
L’occupation de la Yougoslavie en 1941 par la Wehrmacht a entraîné trois
choses : une résistance serbe et monarchiste, une résistance croate et communiste
derrière Tito, enfin une montée de l’islam. C’est parmi les populations musulmanes
que recrutait en Bosnie la Waffen-SS ; ces forces pratiquaient une politique antiserbe
d’une rare brutalité. Cela existait également du côté croate. Les Anglo-Saxons allaient relever les mouvements de Tito, contribuant à la marxisation de la Yougoslavie
et à une diminutio capitis du pouvoir serbe dans la Yougoslavie titiste.
La Seconde Guerre mondiale a été terrible dans les Balkans. Croates et Bosniaques
musulmans se sont vengés, de manière sanguinaire, de l’impérialisme serbe d’avantguerre. Lorsque Tito qui était croate a pris le pouvoir en mai 1945, il avait en tête
l’idée que, pour rétablir l’équilibre entre les ethnies en Yougoslavie, il fallait diminuer
le poids des Serbes. Il a donc créé deux nouvelles républiques fédérées à l’intérieur
de la Yougoslavie : la Bosnie et la Macédoine, rejoignant ainsi les autres républiques
fédérées de Croatie, Serbie et Slovénie, deux de ces trois républiques pouvant se
prévaloir de limites anciennes ; en effet, les frontières serbes ont longtemps varié.
De surcroît, Tito a fait de Kosovo et de la Voïvodine des républiques autonomes
à l’intérieur de la République fédérée de Serbie. À la mort de Tito, croate, a succédé
un Serbe, Milosevic, qui a aussitôt cherché à rétablir et à renforcer le pouvoir serbe à
l’intérieur de la République fédérative yougoslave. Il s’est rappelé en particulier que
le Kosovo était vraiment l’âme de la Serbie. Il a oublié simplement que le Kosovo
était majoritairement peuplé d’Albanais qui s’étaient installés dans la province, se
substituant par là même aux Serbes qui s’étaient exilés volontairement, trouvant la
vie dans cette région beaucoup trop misérable. En 1913, il y avait encore près de
60 % de Serbes au Kosovo, ils n’étaient plus que 45 % en 1939 et autour de 30 %
en 1990.
Ethniquement, le Kosovo était albanais, et le panalbanisme était depuis longtemps une réalité incontournable, qui demeure encore aujourd’hui. Les revendications serbes sur la partie orientale de la Croatie, entre Save et Danube, ont déclenché
une véritable guerre serbo-croate qui allait entraîner l’implosion de la Yougoslavie.
Au sud, la Macédoine, territoire totalement artificiel dont le dialecte a été érigé en
langue nationale par Tito dès 1950, est devenu un nouvel État qui n’avait pas le droit
de porter le nom de Macédoine, à la demande expresse du gouvernement d’Athènes !
La Bosnie est à son tour devenue le champ clos des combats entre Serbes,
Croates et ceux que l’on appelait les Bosniaques – en d’autres termes, les Bosniaques
de langue serbo-croate et de religion musulmane. Il est aussi intéressant de no-
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Limites et frontières dans les Balkans, de l’Empire romain à nos jours Géostratégiques n° 31 • 2e trimestre 2011
ter qu’en 1914, sur 1 900 000 habitants, 1 825 000 parlaient le serbo-croate et
800 000 d’entre eux étaient musulmans1. En fait, le problème bosniaque n’était pas
un problème ethnique mais un problème religieux où s’affrontaient une centaine
de milliers de Serbo-Croates catholiques, 300 000 Serbo-Croates orthodoxes et
800 000 Serbo-Croates musulmans… problème que les négociateurs des accords de
Dayton n’ont pas su intégrer. Il est regrettable que les États européens membres de
l’OTAN n’aient pas davantage souligné l’élément religieux, l’importance du facteur
religieux, plutôt que de parler d’appartenance ethnique qui n’existait pas. On a
d’ailleurs aussi complètement négligé l’esprit de vengeance qui animait les populations orthodoxes contre les musulmans qui, aux côtés des SS, les avaient persécutées. Aujourd’hui, Croatie et Serbie ont retrouvé leurs frontières de 1914. La Bosnie
a un statut incertain car les conflits interreligieux demeurent en veilleuse.
Quant à la Slovénie, elle est, comme la Bosnie et la Macédoine, un État artificiel plus marqué par la tradition des Habsbourg que par son aventure yougoslave.
N’oublions pas que sa capitale, Ljubljana, quand elle s’appelait Laibach, était un des
hauts lieux de l’Empire d’Autriche où s’est illustré jadis un certain Chateaubriand.
En réalité, l’implosion de la Yougoslavie transformée en cinq mini-États indépendants difficilement gouvernables est en quelque sorte la preuve de l’absurdité du
droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. De surcroît, quand on compare l’évolution des Balkans et très particulièrement de la Yougoslavie, on constate combien est artificiel un système fondé sur la langue, les ethnies ou la culture. Ainsi
ce que Michel Fouchet a su le montrer dans Fronts et frontières, le « faisceau de
frontières » qu’a connu l’Europe depuis le xvie siècle et qui a véritablement disparu
en Europe occidentale se maintient dans l’Europe balkanique. Est-ce dû, comme l’a
dit François Thual, au « désir de territoire » ?
Il est en tout cas intéressant de comparer la situation balkanique à la situation de
l’Afrique d’aujourd’hui. Les frontières issues du traité de Berlin de 1885 ont donné
naissance à des États aux frontières totalement artificielles, englobant des ethnies et
des groupes religieux très différents.
Lorsque l’autorité de l’État central est réelle, l’évolution est pacifique, comme
cela a été le cas en Yougoslavie du temps de Tito, ou dans l’Empire des Habsbourg
du xviie siècle à 1918. Quand l’État central est faible, on assiste à de véritables
guerres tribales : c’est aussi vrai pour la République démocratique du Congo et la
1. Ces données statistiques éminentes sont tirées de l’Almanach de Gotha, 1914, dans le
chapitre consacré à l’Empire austro-hongrois.
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Géostratégiques n° 31 • 2e trimestre 2011
Complexités balkaniques
Côte d’Ivoire que pour l’ex-Yougoslavie. Ainsi, à travers l’histoire, on peut constater
la pérennité d’anciennes délimitations qui parfois se transforment, pour un temps,
en frontières d’État.
Les ethnies dans l’Europe balkanique en 1921. Carte extraite de F. G. Dreyfus, 1919-1939,
l’Engrenage, B. de Fallois 2003]
P.TORRES
IIES.
AUTRICHE
HONGRIE
Slovènes
Croates
ROUMANIE
Hongrois
Croates
Bosniaques
musulmans
Serbes
Serbes
Croates
Monténégrins
BUL
Albanais
Macédoniens
ITALIE
ALBANIE
GRECE
Peuplement
mixte : :
Hongrois
Serbes
Minorité
musulmane
51
Minorité
macé donienne
Population
musulmane
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