1. Q6)tIT LA SCIENCE ÉCONOMIQUE LEÇON D'OUVERTURE Dli COURS D'ÉCONOMIE POLITIQUE A l.'UNIVERSIT/j Oit OENÎiVI (11 Novembre 1902) PAR EIJGARD -MJLIIÂUD II PARIS GENÈVE SOCIÉTÉ' NOUVELLE GEORC ET C" de Librairjo et d'djtjon Librairies de i'JnhrersI4é 17, rue Cujac (\T.) - u- - - 10, Corraterie 1902 I I I iIi Document 0000005760978 - r cj LÀ SCIENCE ÉCONOMIQUE Messieurs, Je remercie M. le Doyen de la Faculté des Lettres des Sciences Sociales des paroles qu'il vient de prononcer. Je tiens aussi, au moment où je prends - possession de cette chaire, à remercier l'Université de Genève, M. le Président du Département de l'instruction publique et le Conseil d'État de la République ( l e Genève, de l'honneur qu'ils in 'on t fait en in y appelant. Enfin, je manquerais à un devoir si je n'adressais un respectueux hommage à la mémoire 4 de celui qui a réorganisé l'enseignement des scien' ces économiques dans cette Université et en a si sintgulièrement élargi les bases, - à la mémoire dit 'Vgrand homme d'Etat que le peuple genevois perdait • au mois de mai dernier, M. Georges Favon. CI Messieurs, (j Je me propose, dans cette première leçon, de -définir l'esprit et la méthode selon lesquels sera donné mon enseignement. Cela est nécessaire, en raison des divergences (le tendances pratiques et 'des divergences de méthodes dont l'économie poli- "ous offre le spectacle, soit que nous l'enrisa_ s son état présent, soit que nous en considérions -histoire cela est nécessaire, en d'autres snies, en raison de ce fait qu'il existe, en économie I 2 LA SCIENCE ÉCONOMIQUE politique, des écoles. Les économistes ne sont point même d'accord sui l'objet précis de leur science Nous ne pouvons entre'., aujourd'hui, dans la discussion de ce point. Pour fixer les idées , et parce qu'une définition au moins provisoire et très gênéraie non paraît immédiatement indispensable, nous dirons, avec M. Charles Gicle, que l'économie politique a polir objet les rapports dès hommes vivant en société, en tant que ces rapports tendent à la satisfaction de leurs besoins matériels et au développement de leur bien-être » Le fait qu'il a existé et qu'il existe encoreplusieurs écoles d'économie politique s'explique par deux enlises générales d'abord cette science traite de questions dans lesquelles sont engagés les intérêts les plus immédiats des hommes, - intérêts qui ne sont point tous concordants ni dans l'espace, ni clans le temps - et ei second lieu, pour la manière dont elle en traite, elle ne pouvait manquer de subir J'influence des formes de pensée philosophiques ou scientifiques successivement oui simultanément régnantes dans les pays où elle se développait. Les trois grands systèmes qui ont paru d'abord clans lestemps modernes, le s y stème inercan Lue, le sy stème physiocràlique, et le système ou smithianisme, traduisent de la manière la liste ou plus apparente des intérêts, des besoins. Le mernucantilisme répondait à l'impérieuse nécessité de méraire éprouvée et par l'industrie et le commerce grandissants, et iar les États eux-mêmes qui se trollvaient en voie de développement et d'organisation, et étaient obligés, pour entretenir leurs armées permanentes, et leurs cours royales, et surtout les nombreux rouages nouveaux (le leurs administrations, à s'assurer de nouvelles et considérables ressources (C E LA SCIENCE ÉCONOMIQUE 3 financières. Le système physiocratiquc traduisit les besoins de l'agriculture, écrasée par les contraintes féodales, et aussi des besoins nouveaux du commerce et de l'industrie, que les réglementations mercantilistes commençaient à gêner dans leur libre essor. Le smithianisme Poursuivit la lutte confit toutes les entraves opposées à l'expansion économique, et principalement à l'expansion du commerce et de l'industrie,, par les formes de l'organisation féodale, et par les manifestations diverses de l'esprit d'intervention nouveau. La forme sous laquelle se firent jour les tendances des physiocrates et celles des économistes de l'école de Smith, était celle (le la philosophie rationaliste, naturaliste, provirlentialistà du xviii0 siècle. Les besoins dont leurs doctrines sont l'expression se couronnent en quelque sorte d'une auréole métaphysique. L'ordre économique qui répond à ces besoins, ils le conçoivent comme un ordre parfait, naturel, voulu par Dieu, éternel, ils l'entrevoient, à la lumière de la raison, dans les plans de la Providence, comme Malebranche lisait dans la pensée divine les rapports (le perfection des êtres, immuables et éternels. Les lois de la société capitaliste en voie de développement leur apparaissent comme les lois immuables et éternelles de lit humaine au terme de son progrès. La doctrine du laissez /hire, de France et d'Angleterre, se répandit en Allemagne, en Italie, en Espagne, un peu partout en Europe. Mais à mesure qu'elle se répandait, à mesure que les années passaient, son caractère changeait. Au début, les intérôts du commerce et de l'industrie coïncidaient avec • les intérêts généraux de la société ; mais à mesure que se développa ],a capitaliste, dans son 4 LA SCIENCE ÉCONOMIQUE sein l'antagonisme du travail et du capital se développa du intime mouvement. Des écrits socialistes, des soulèvements ouvriers appelèrent l'attention publique sur cet antagonisme, et dès lors les représentants de l'école du laissez passer se donnèrent pour tâche essentielle la lutte contre le socialisme. Leurs devanciers avaient été les organes 'les aspirations du grand commerce et de la grande industrie, mais non sans se soucier également du bien des ouvriers. Ils devinrent, eux, contre les ouvriers, les avocats du patronat. Les arguments par lesquels Descartes ci les disciples de Descartes, principalement Malebranche et Leibniz, avaient entendu concilier avec la toute-bonté divine la présence dans le monde du mal pliysi que, métaphysique et moral, servaient maintenant aux économistes à concilier l'existence du mal social - la misère avec la perfection de l'ordre capitaliste. C'était le même providentialisme, le même optimisme, la môme pensée d'une harmonie profonde sous des discordances ap Nrentes. Bastiat écrivit le livre type les Harmonies économiques. - Dunoyer proclama Dans la meilleure organisation sociale, la misère et l'inégalité sont choses ittivuables. La misère est un niaI nécessaire. Plus lhu,nanité dans son développement avait h redouter l'e[fôt de certains vices, et plus il était essentiel qu'ils fussent entourés de maux capables d'eu, détourner. Il est bon qu'il y ait dans la société des lieux inférieurs, où soieni exposées à tomber les familles qui se conduisent 'na', et dont elles ne puissent se relever qu'à force de se hie,, conduire. La Misère est ce redoutable enfer. C'est un ahime épouvantable, placé à côté des fous, des dissipateurs, des débauchés, de Joutes les espèces d'hommes vicieux, pour les contenu, s'il est possible, pour les recevoir et les ehêti er, s'ils n'ont su se contenir. LA SCIENCE ÉCONOrUIQUE Misère, vous le vo y ez, dans l'esprit tic cet économiste, était synonyme de vice. Et voici, d'autre part, Léon Faucher qui s'écrie, en 1.848: T013j0j1 supprimer la misère, c ' est en quelque sorte con- damner la Providence. Le niai existe sur la terre, il est la conséquence de la liberté humaine, l'homme peut se tromper—, il faut qu'au bout de ses fautes apparaisse le clttiiiienL dans ce inonde, c'est matériellement la perte de ],a En retranchant la pauvreté de ce monde, on en retran clierait le travail. Et Germain Garnier, traducteur d'Adain Sinilh, écrit de son côté: Quiconque fait l'aumône sans examen est coupable d'un véritable délit social. Qui nous délivrera de ces prétendus droits des pauvres, droits de glaner, de grapilkr, de chaumer, de pacager sur la terre d'autrui, et de toits ces outrages la propriété exercés pat' la lie du peuple des campagnes Je combattrai aussi ces asiles pour la vieillesse et toutes ces institutions enfantées par une fausse humanité ou par une pitié aveugle, qu'il faut absolument faite disparaître, Le Gouvernement doit, en outre, interdite foule aumône faite sans informations suffisantes. tes. Quand bien même la société se trouverait dans cette situation, la plus défavorable à l'ouvrier, celle où la classe des travailleurs excède la demande de travail quand le taux du salaire serait ait bas, tin individu ne serait pas pour cela plus exposé que font attire à manquer d'occupation et ne serait pas plus autorisé que tout autre à réclamer de la sociélé une assistance gratuite, qui ne pourrail: être qu'une faveur obtenue sans aucun motif raisonnable. Jules Siinon écrit: Il y aura toujours de la misère. C'est une mauvaise Ai torique que vous faites et ' exagérant toutes ces plaies que personne ne saurait guérir. G LA SCIENCE ÉCONOMIQUE Duchâtel répète Avec le gotiveriiement le meilleur, les causes de la misère subsistent. Les lois du monde moral, comme celles du monde physique, sont placées au-dessus de la puissancé du I ég isl aleur. Et Hippolyte Passy confirme Parmi les faits dont ta constance et l'universalité attestent le caractère providentiel, nul n'est plus distinct que l'inégalité des richesses. Voilà ce qu'était devenue, entre les mains de ses représentants officiels, l'économie politique quelque chose comme une théodicée du régime capitaliste. L'objectif (le ces hommes était d'établir la vanité des aspirations socialistes. Celles-ci s'étaient fait jour d'abord, ait début du xix° siècle, sous une forme idéologique identique en réalité à celle sous laquelle les économistes du laissez, faire avaient exprimé leur pensée. Les Oiven, les Saint-Simon, les Fourier croyaient, eux aussi, à un ordre nai.urel et rationnel, voulu par la providence ils étaient d'accord en cela avec les économistes; la persistance dit mal social, son développement môme au lendemain de la révolu Lion politique et économique qui avait été accomplie, au lendemain de l'avènement de l'ordre nouveau, les amenait seulement à celte conclusion que les philosophes et les économistes individualistes du xvnV siècle s'étaient-troinpés, qu'ils avaient fait un usage incorrect do leur raison, et que par suite ils n'avaient pas découvert le véritable ordre naturel, le véritable plan de la pro\'icleItce ; celui-ci avait pour principe non pas le- - LA SCIENCE ÉCONOMIQUE droit illimité de l'individu, mais le droit supérieur de la société, s'affirmant par la production en coinmiin et l'appropriation commune cl: des instruments de travail et des produits du travail. La société humaine serait heureuse si elle adoptait, au heu du système de la libre concurrence, qui avait l'ait ban- queroute, un système nouveau, - leur système. Le mouvement des idées et le mouvement écono mique et historique devaient, vers le milieu du siècle, donner à la pensée socialiste une nouvelle forme. La philosophie classique allemande, issue de Leibniz et de Kant, avait abouti à 1-legel, et, dans l'begelianisme, la grande idée dont les principales découvertes scientifiques du xix° siècle allaient être autant de confirmations avait trouvé son expression métaphysique, - l'idée de l'incessant devenir, de la perpé tuelle transformation de tout ce qui est, du passage continu des formes inférieures de l'être à des formes Supérieures en un mot, de l'évolution. Cette vue nouvelle des choses, Hegel l'appela la pensée dialectique. Elle était la négation de l'idée d'un ordre immuable, immobile, dont à travers ses erreurs et ses fautes l'humanité se rapprocherait de plus en plus, si tant est qu'elle ne l'ait point encore atteint. Elle était l'affirmation que, de même que l'humanité avait eu une histoire, elle aurait encore une histoire, que la société humaine se trouvait, comme toutes choses, dans le perpétuel devenir hisi.orique. Par Ilegel et en Hegel l'histoire devenait, sinon la science tout entière, sinon la science principale, du moins tin point de vue essentiel de toute science. Cette prédominance du point de vue historique en toutes choses, et dans les choses humaines et sociales cri particulier, allait être l'idée directrice du socialisme théorique nouveau dont Karl Marx jeta les 8 LA SCIENCE ÉC0?0MJQUE bases. Marx emprn:nta à Fle-el sa méi.hode dialectique et historique. - Sa méthode, non son s ystème. La philosophie de Hegel était idéaliste :àl'origine du mouvement des choses se trouvait l'idée, et les divers moments dit universel n'étaient rien d'autre qu'autant de manifestations successives, toujours plus han tes, (le l'Idée. Marx conserva la forme dialectique et historique de cette philosophie, mais substitua à son fond idéaliste un fond matérialiste. II renversa le point de vue. Les choses n'étaient plus des expressions de Vidée ; les idées étaient au contraire des reflets des choses. L'élément substantiel, le facteur déterminant et moteur était, non l'idée, niais la réalité matérielle. Quelle allait étre, dans l'évolution des sociétés humaines, la réalité matérielle déterminante et motrice? Des fluits se rattachant aux luttes sociales et politiques du XIX° siècle fournirent à Marx une hypothèse. Quels faits? Laissons ici la Parole à Frédéi-ic Eugels, ami et collaborateur de Karl Marx. En 1831, nous dit-il, avait eu lieu à Lyou la preilliére insurrection ouvrière; de 1838à 1842, ic premier mouvement ouvrier national, celui des chai-Listes anglais, atteignit son point culminant- La lutte de classes entre le p roi étau-i al et la bourgeoisie prenait place ail premier plan des pays les plis avancés d'Europe clans la même mesure où s'y clévelopait d'un côté la grande industrie, de l'a tt ire coté la domination politique récemment conquise de la bourgeoisie. Les doctrines, enseignées par l'économie bourgeoise, de l'identité des intérêts du capital et du travail, de l'harmonie universelle et du bien-être universel du peuple comme conséquence de la libre concurrence, étaient démenties d'une façon de plus en plus frappante pal- les faits. Tolites ces choses uie pouvaient plus éLue écartées, non plus que te socialisme français et anglais qui en était l'expression théorique bien: qu'es I i-t-mement imparfaite. Mais la vieille conception idéaliste de l'histoire, qui n'était pas encore délogée, ne connaissait pas de LA SCIENCE ÉCONOMIQUE 9 luttes de classes reposant sur des intérêts matériels, ni dune •. manière générale d'intérêts matériels; la production ainsi que tous les faits économiques ne trouvaient en elle qu'une place accessoire, connue éléments inférieurs de 1' « histoire (le la civilisation. » Les nouveaux faits forcèrent à soumettre toute l'histoire L lui nouvel examen, et il apparut alors que toute l'histoire antérieure, à l'exception des états primitifs, n'était que l'histoire de luttes de classes, que les classes sociales en lutte sont les produits des conditions de production et d'échange, en un mot des conditions économiques de leur époque; que par suite à chaque moment la structure économique de la société forme la base réelle par laquelle s'explique en dernière instance toute ].a des institutions juridiques et politiques, ainsi que du mode de représentation religieux, philosophique, etc., de chaque époque historique. Hegel avait délivré la conception de l'histoire de la métaphysique, il l'avait faite dialectique, -_mais elle était essentiellement idéaliste. Maintenant lidéalisme était chassé de son dernier asile, de la conception de l'histoire; une conception matérialiste de l'histoire était donnée, et ].a était trouvée pour expliquer la conscience des hommes par leur être, au lieu d'expliquer comme jusqu'ici leur être par leur conscience Ainsi le point de départ du matérialisme historique - c'est le nom qu'a recu cette théorie - a été In constatation d'antagonismes de classes très apparents dans la société contemporaine et la détermination des causes économiques de ces antagonismes. Partant (le celte consi atation et de cette détermination, Marx conçut une hypothèse, dont il chercha ensuite la confirmation dans l'histoire, et qu'il estima confirmée par elle. A cette conception générale de l'évolution sociale se rattache une théorie (les révolutions d'une itnportance capitale. Marx l'a exposée en quelques mots dans la préface -il sa Critique (le I'Jico,wmic politique, publiée en 1859. 11 cttt citer ces quelques mots D W LAi SCrETÇGJE ÉC'ONOMJQUE A un' certain moment db leur dd'e1oppvment', les: forces, productives de la société sont en contradiction inec les rapportsde' procltrcuoi qfli existtnt' alors ou; en termes judi-. n ques; avec les- rapportsci'e propriété à Fintérieurdesquels.cés forces productives se sont 'nues jusque-1h. Ces ' rapports, cpii.consriliiaienuautrefoisles tonnes' du développement des forces productives, deviennent, des obstacles pohtu' celles-ci. Alors mit» une: époque de révolution', sociale. Le cIiangenent: de 1.1 base'écoiiozniqueruine phisou. moins rapidement toute l:énonme'Stlperstruri:ii-re. Et c'estainsi qLiC,JOPSqUC Fondre féodal estdeycnt'i une entrave'p'our'les Ïbrcesproditcti •v.'es qui s'étaient développées' en' lui jusque4h; PorcPre féoribi' n été' 15 ri sé dé ni ô'rn e, pense Karl Marx, l'orde de la produ etion capitaliste es[_ devenu auj'ourcl'hiu une entrave air-développement4 des forces cruiionù grandi. en lui, j usq&Fci :' ceU ordre' doit. érre 1rié il, sera, brisé nécessa'emefft. Telle est la conception ilisrorique que Marx oppose à l'idée métaphysique d?un, ordre naturel, rationnel et éternel, - identique d'ailleurs à l'ordre capitaliste, - que nous trouvons à 'la hase de la doctrine des économistes orthodoxes. Pour eux, la science écononiiq ne consiste clans la détermination des lois universelles et immuables qui répondent à l'ordre naturel de la production dés richesses dans une société conçue par la raison, et que leur raison conçoit comme la société présente - pour lui, elfe est l'étude des lois propres aux différentes formes de production qui se sont succédé d'ans l'histoire, ces lois ayant par suite na caractère historique comme l'es processus de phénomènes dont' cItes sont le ressort. Mais il n'y tu pas entre eux et Fui cette seu!I'e différence qu'il conçoit' comme une sinpl'e i phase de l'histoire l'ordi'e capitaliste qu'ils cons dèrent, eux, LA 'SCIENCE ÉcONOMJQUE di cojuine sen ahoutisseinent. Ils concoi vent aussi (le manière p roîondénient di.Q'é.rcnte la nature ditiline des éléments detla soeiétéicapital]ste. Adam Smiihcet Ricardo awienI. fait (le remarquables efforts en vue d'arriver kladéterrninatjande ces éléments, en vue de dégager en particulier ]'essence.de la valeur ; ils avaieniahouti à des résultats qui ;attestaientia pênetration de leurregard, ili vigueur de leurs capacités déductives, l'indpendauce de leur pensée. Mais après eux, lorsque les intérts dela grande industuie et du capital mobile cessèrent (leS ,J)lIS ei,p1is dêtre les intérêts fondamentaux de la société, .lorsque le conflit du patronat industriel et du prolétariat au premier plan (les FOCCfl pations de l'Anglet eiie, de Lia .Erance, de l%Europe tout entière, le SOUCi des intérêts 1de du uilass:e patronale troubla et obscurcit le regard des économistes ;:la'scienceofflcielle ne fui plus (Ille la perpétuelle -répétition des ;propoitiois •ibrl]Iulées par les deux ; grands devanciers, de celles principalement qui étaient le plus aisément .utilisahies contre le-socialisme,; la science économique tfut comme frappée, chez ses rqprésentants bourgeois, d'un arrêt ide développement elle avait passé de l'analyse sincère à l'assertion dogmatique, 'de la cititique à d'apologétique. Nous itrouvons in continuation deson oenMre d'ana lyse .etdecritique 'chez Karl Marx. Celui-ci, -sattachant au irésultat des recherches de Smith et de Bicardo, pariant du point où ils &étaient arrêtés et poursuiant leur aravail d'investi;gation minutieuse et de-flédudtion, ahou Lit, à une détermination remarquablement précise ei féconde de la mesure de ila valeurtetdi la détermination de iloeigine ide da plusvalue. 1a valeur :dunemarchandise ' était constituée par.la ,quantité dettrava il. sociaiemeTltné ces saire à La 12 LA SCIENCE ÉcoNor.1IQuJ production; la plus-value résultait de l'achat, par le capitaliste, non du travail, mais de 1a force de travail de l'ouvrier ; elle émit la quantité de valeur :non payée représentant la différence entre la valeur de la force de travail de l'ouvrier et la valeui incorporée par l'exercice de cette force dans les marchandises produites. Ainsi était expliquée, selon les tenues de Frédéric Engels, l'origine de la production capitaliste en même temps que celle (le la production de capital. Tout le mécanisme dit capitaliste se trouvait comme pénétré d'une merveilleuse clarté. Nous avons fait connItre les intérêts qui devaient, à partir d'un certain montent, entraver le développenient de l'économie politique classique la critique marxiste a mis j) nu ces intérêts, dénoncé les sophismes sous lesquels ils se dissimulaient, et permis aux elle et dont ils germes de vérité qu'elle portait en elle enrayaient le travail, de lever en une magnifique moisson. Mais les conclusions apologétiques e. les vues doctrinales de l'école orthodoxe ne devaient pas être critiquéés seulement (lit (le vue socialiste. Dans plusieurs pays, des intérêts nationaux essentiels - autres que ceux de la classe ouvrière - se sentirent menacés par le progrès des idées de laisses folie et de laissez passer, des idées libreéchangistes répandues avec tant de fougue à travers le moiidè par ces deux Anglai, Suiith et Ricardo. La liberté sans limite des transactions était favorable au développement de l'industrie et du commerce de l'Angleterre ; mais était-elle favorable au développede tous les pays? ment de l'industrie et (lit Le commerce et l'industrie de l'Angleterre avaient LÀ SCIENCE ÉCONOMIQUE 13 une grande avance sur ceux des autres pas ; ils étaient par suite en mesure de défier toute concurrence et avaient tout intérêt à la liberté illimitée des transactions mais n'était-ce pas précisément une raison pour que les autres nations se tinssent sur leurs gardes P L'économie politique orthodoxe ne connaissait ni (le conditions de temps ni de conditions de lieu ; elle émettait des apliorismes ayant une valeur universelle et éternelle. Mais ne pêchait-elle point précisément par là? Telles mesures pouvaient être d'un excellent effet à une certaine époque et pour un certain pays, et produire des effets désastreux dans tel autre pays ou à telle autre époque. il fallait, pour ne point exposer la pratique aux plus déplorables erreurs, tenir compte dans la théorie des circonstances historiques et su'tout des conditions nationales. Telles étaient les considérations que fit valoir le premier, en Allemagne, Friedrich List, dans son Système national d'éccnomie politique, en 1841. La National-OEkonornie l'économie nationale - était fondée. Mais la réaction contre la doctrine du laisses faire - réaction qui s'accentua de plus en plus dans ta seconde moitié du xix° siècle - ne devait pas répondre à ces seules préoccupations. Le machinisme, en se développant, engendra dans la classe ouvrière des maux eflrayauts. En Angleterre d'abord - puisque c'est en Angleterre qu'il apparut et se développa d'abord - l'opinion publique s'émut du sort de tout jeunes enfants qui demeuraient eut toute la journée, ou toute la nuit, et parfois toute la journée et toute la nuit, attelés à une même machine, à un ni éme métier pins, c'est en Fiance que l'attention publique se porta sur l'action délétère, eontiuûment destructive de vies ouvrières, (hi régime industriel non- <J4 :LA SCIENCE ÉCONOMIQUE veau en Prusse, des unédecïn s de darmée stgualè ,relit lesdangersque présentaitan point de vue de ila défense nationale iinsysLème de travail qui rendait .lmpropres:au service militaire, dates certaines localités, 90rconscrit. s siliALOO. Et des lois furent élaboirées dans les di: fl.'érents parlements, n .Angletet-re., en -France, ten .Adlemagne, dans toute PEurope, en vue de potg.er des travailleurs. LLa,clurée du travail fiitiimitée, pour.]es enfants tel les ifemmes d'abord., luis, dans ipinsieurs pays, pour les hommes adultes. En Franco,, en4841, time première loi -interdisait de d'aire iravaillerdans des tueliers,des enfants de moins de .8 ans,'de-Saireitravail]er les enfants de 8h 11ans dilus de .8rheures, les enfants de 421à 16 ans plus de 42 heures. Datitresiclispositions protectrices furent éclickes •er 4848, en 4874, en 1892. lEn 1900, une snouveLlc IIoi éublii, à terme, An journée de 10heures - pOur (ensiles travai1leurs,---- cesLàdircponr:les <adtu I€teshoinmes r.aussijnen que p°' dés femmes et-les enftints, -- clans clous les établissements mixtes, c'est-à-dire occupant en in.ème tenps que des hotuunes flunean inoinsdesd eux atitrescatégories -detraveilleurs. De;t-xéupes étaient prévues lotit, dabord £t.immédiatdnlent la journée de Al. heures.; 1puis, à partir dut 0r avril J90, la journée (le .10 h. 1/2 —,&est Je Jégim e -acind .; - <à partir du jer avril .1.904: (bit entrer en vgueur.la jouraiée 1de i-0 heures. D'autre part, en France aussi, la journée q de 8 henres pour les minears, dont la Chambre des députés e 1plusieurs ibis adopté de pu -soleil icipe, est, apparence,ii la veille d?ètre votée par lc<Sénat. jEt-c'est aii)si<que dans itous les pays ou a pénétré la grande dndutrie capitaliste, .l'Etat iitervieu'L 'de Plus en ,plus pour arrêter la duréemaxima-du travail,, pour en .rgiementer . les conditions, t potir assurer Fh\ SCIENCE ÉCOXOMIÏaIAE w 1s traaiilem's conU'e les risques- qcii y sont inhé_ vents, pourassul'eirauai' les travailleurs c Gntr la maladie-, l'invalidité, la vieillesse; Et, quellb-: que' puisse êtie l'bpinion:de l'économie politique ortho-dxe sur, ces fiuii.s ce' sont dès' fiifts- sociaux: uoiiWe IC-quels elle ne' peut ri-en, qu'élever' de vaines pro-. t'estation&. Mids l'économie politique ori.hadbxe- est' seLI1 à protester'. Beaucoup d'autres représenlant's: de l'a méme science :sont au conl.rafre très favorables- au mouveinent intrventionnisi:e. Tel' est le cas, par exemple, du' pins grand nombre des prefèsseus. allemands ci autrichiens. C'est ainsi (1u:db-w Wa'-gner,. dtrns son Echr der pobitisclien Œkonomie après ai-cil' cit'é, comme ayant une parenté' érroiUe- avec sa propre pensée, des hommes' comnre- SchaNe', Lange, H. von Scheel, ffôb-Iér, T'bn-. nies, von Jheriig A'nrontMenger eu Gierke; kclare que s'ils ne forment pas et' ne veulent' pas: l'uriner' u rie école, Sur un point. essentiel clii moins ils sont entièrement. daccor6 entre, eux et avec lui;: « T'ous dit-il, u cc.point de vue semblables, aux socialistes.,, aboi' d-ent les' questions, économiques et' juridiques (lu point dé- vue social; du- point de de vue de l'intérêt de lé communauté; ils reconnaisent. Fa dépendance réciproque du droit,, méme dii droit, privé, et de l'économie,. et en tirent des-conclusions-. Fis remplit-cent, tout comme moi, itt vieille et. usuelle-conception'. de l'économie' et d'u' 1h science économine:, l'a, con ceptioaincIi\iHhalÎste, par 1h conception. socià-l'e-,, l'a vieille: conception. individuelle ([e tout dioiï,, méme. du droit privé,dn.sysuèniede; la1?rop.riétéet du, SMsr' tènie des contrats, par la conception sociale. Gela commence à afr peu à prit tic' plus en- p-lus etf à clé?,'mi'?ie, ainsi, da'ir'l'ecovwn 'i-e'politique; ce 'ddpia- 16 LA SCIENCE ÉCONOMIQUE cernent général du point de vue qui conduit «e plus en plus de l'individualisme au socialisme, sans aboutir à ce dernier. Chacun est arrivé à cette conception, pour l'essentiel, i udépenda i riment des autres, et la représente selon la manière qui lui est propre,ce qui est précisément la chose remarquable. Mais le but que se propose chacun, avec plus OU moins de clarté et de conséquence, est de trouver entre l'individnalisme cl le socialisme une juste position interin édiaife, bien qu'en cela l'un puisse penser qu'il se trouve encore sur le terrain de l'individualisme, et que l'ail Ire se considère jeti t-être déjà comme un socialiste complet. u De son côté, le professeur Gustav Schinoller, que des différences méthodologiques importantes séparent pourtant d'Adolf Wagner, caractérise le point de vue actuel de la science économique - et non plus seulement de quelques économistes ->à peu près clans les mêmes termes Elle reconnaît, dit-i!, que la liberté modern de l'individu et (le la propriété ne peut plus disparaître mais elle estime en ,né,nc temps qu'une socialisation économique croissante se produit, que des relations économiques étroites se nouent, qui doivent, pour satisfaire les légitimes prétentions de tous les ifuércssds, conduire à de nouvelles institutions et à de nouvelles formes de réparition des revenus; elle reconnaît qu'une trop grande différenciation entre les classes sociales menace de leurs luttes le temps présent, et que seules de grandes réformes sociales peuvent parèl' au oral ; enfin elle reconnaît que dans les relations des ] ,'tais, à quelque point que chacun développe pour soi sa Nie économique, et avec quelque énergie que dans certains cas chacun doive défendre ses intérêts particuliers, un rapprochement doit s'effectuer peu à peu dans le sens de Féconomie mondiale. En France, ce sont principalement encore les théories de l'économie politique orthodoxe qui sont LA SCIENCE ÉCONOMIQUE 17 enseignées clans les Universités mais des tendances qui rappellent celles des professeurs allemands sont représentées par deux des maîtres les plus en vue, MM. Gicle et Cauwès. En tête de la dernière édition de ses Principes d'économie poiiiiqueT M. Charles Gidea inscrit comme épigraphe ces mots tic Tolstoï, dans Résurrection: « Tout le mal vient de ce qu'on croit qu'il y a certaines relations entre les hommes oitl'on peut agir sans amour. Or, de telles relations n'existent pas. n - cc Cette maxime, explique M. Gicle. inc parait bien exprimer le besoin nouveau de notre temps, celui de faire intervenir dans les relations sociales et . dans l'explication des phénomènes sociaux des mobiles autres que le seul intérêt individuel. n - La vieille doctrine individualiste, l'ancien économ isine libéral et orthodoxe se trouve, on le voit, de plus en plus battu en brèche de tous côtés. Et, plus Ott Moins assuré, plus ou moins hardi, le mouvement clans le sens du socialisme se poursuit sans relâche, irrésistible comme les nécessités de l'histoire, comme la force persuasive du bien, comme la vertu prohan te du vrai. Les divergences de tendances pratiques rie sont pas les seules par lesquelles diffèrent les écoles d'économie politique. il faut signaler à côté d'elles comme jouant un autre rôle, mais un rôle non moins important, les divergences de tendances méthodologiques. Les économistes de l'école classique; se motivant clans le inonde (le concepts a priori et de principes rationalistes que le cartésianisme avait légués au xviii 6 siècle, procédaient par analyse, abstraction et déduction Les méthodes d'observation et 18 LÀ SCIENCE ÉCONOMIQUE d'induction qui déterminèrent dans les sciences de la nature, au cours du xix° siècle, tant d'importants progrès, ne devaient point tarder à être appliquées aux sciences sociales et à la sociologie en général, à l'économie politique en particulier. Ce fut le mot d'ordre de se délier des notions a priori, des idées abstraites, du travail déductif, et de se tenir aussi près q ue possible du fait réel, clii demi(, empirique, de la matière à observation et à expérimentation. Quel était le donné empirique auquel l'économiste devait minutieusement s'attacher P C'étaient, d'une part:, les formes et les institutions de la société économique présente. d'autre part, les tonnes et les institutions économiques qui s'étaient succédé dans l'histoire. En France, certains s'appliquèrent à l'observer età décrire la condition économique de divers milieux sociaux, par exemple de familles ouvrières, - tels Le Play et son école. En Allemagne, nombre de chercheurs se livrèrent à des travaux parfois tout à fait remarquables sur l'histoire des fotines écononuques 011 de telle d'entre elles, ils ont formé l'école dite historique, dont Friedrich List, Hildebrand, Knies, Boscher ftire:ut les protagonistes, dont Gns' tav Schmoller est aujourd'hui le représentant le plus autorisé. En opposition avec ces savants, d'autres, concevant l'économie politique non plus sur le type des sciences de la nature et de l'histoire, niais surie type des sciences mathématiques, se sont donné pour tâche d'en faire une science pure, déduite de quelques données tout à fait générales, de quelques postulats tout à fui élémentaires: c'est l'école inathéniatique, souvent dénommée école autrichienne h cause des importants travaux de Karl Menger et de es élèves, mais dans laquelle se sont illustrés des r •. LA SCIENCE ÉCONOMIQUE 1.9 hommes (le nationalité anglaise, comme Stanley Jevons de nationalité française, connue M. Léon Walras, qui fut pendant de nombreuses années professeur à l'université de Lausanne de nationalité italienne, comme M. le professeur Pantaleon I, auquel J'ai l'honneur de succéder dans cette chaire. Notre point de vue méthodologique il(, sera ni celui de l'école mathématique ni celui de l'école lustorique, - ce clui ne veut, point dire que nous ne fassions une très grande place d'une pari, à la reclietche historique et (l'autre part ii la déduction rationnelle sous sa forme mathématique chaque fois qu'elle nous parait utilement applicable Ai' histoire nous emprunterons et notre conception générale de l'évolution des lbrmes et des institutions économiques, et les données particulières permettant d'établir l'évolution de telle d'entre elles. C'est l'histoire complétée par l'observation des phénomènes présents qui doit fournir à l'économiste, selon nous, tous les matériaux de son travail d'élaboration. Mais nous reprochons à l'école historique de s'en trop tenir à la découverte érudite, à la constatation et à la description, et d'autre part d'avoir confondu l'éconoinie politique et l'histoire éconoinicjue. L'économie politique doit dégager des phénomènes leurs lois, montrer, par delà le donné empirique, ses causes. A cet effet, après l'observation et la constatation, la généralisation et l'induction sont nécessaires. Comment généraliser, induire, établir des lois? Dans les sciences physiques, entre l'observation de certains faits et la détermination de leurs lois, le plus souvent divers procédés expérimentaux prennent place- Eu économie politique, dans la plupart (les cas, il est impossible d'expérimenter, et cela est impossible surtout lorsqu'il s'agit de découvrir les éléments. y. ,••.:*. t .4..t 20 r- LA SCIENCE ÉCONOMIQUE .. Comment, Ihire alors? C'st ici qu'intervient i'ai.ivita pure de l'esprit, son travail propre sur les aonnées de l'observation, l'exercice de7 ses facultés ,hbstractivs. « Dans l'analyse des formes économiques, ainsi que l'observe Marx, nous nepotvons nous ' servir ni du microscope, ni des réactifs chimiques.. La force d'abstraction doit e;1 tenir lieu. » Et par là, par ce travail d'abstraction et -de construction rationnelle, que nous déclarons nécessaire, nous nous rapprochons de l'école déductive, de. l'école mathématique -mais par là seulement. L'économiste doit à chaque instant, selon nous, cour fronter les résultats de son analyse, de ses abstractions et de ses déductions, avec les faits tels cjllenous les enseigne l'observation de la société présente-oit * l'étude des sociétés passées. Il doit procéder., comin le phy sicien, comme le chimiste, comme le biologiste, des faits aux lois, et nn pas de quelques faits élémentaires à des lois très générales, mais des faits * variés et souvent complexes qui marquent les diverses phases. de l'histoire économique, aux lois évôlutives très spéciales et très déte:rminéesui leur correspondent. .. Telle est la méthode que nous appliquerons dans notre enseignement. Et nous avons dit , par là ménTe quel en sera l'esprit c'est celui qui se dégage de tout le Inouveinent scientifique de noire temps, celui de la science même. traductrice fidèle de l'4re des . choses, - et de leu r: devenir. 4 4 . L, G.ç*vrat,it, e•,- I -. -I, r 0. -t 1 - t