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Reflexions, le site de vulgarisation de l'Université de Liège
© Université de Liège - http://reflexions.ulg.ac.be/ - 19 April 2017
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Une mine d'or génétique
18/12/07
A la fois animales et végétales, les caractéristiques de Chlamydomonas reinhardtii ont suscité la curiosité
des scientifiques. Ils sont une centaine à avoir participé au décryptage du génome de cette petite algue verte.
Parmi eux, Pierre Cardol et Marc Hanikenne. Les résultats ont été publiés dans la revue Science (1). Des
données génétiques précieuses pour de futures applications en médecine et en biotechnologies.
«Chlamydomonas reinhardtii», le nom peut sonner chinois et pourtant cet organisme joue un rôle clé dans la
compréhension du langage…génétique.
Pour comprendre les organismes complexes, tel que l'homme, il est primordial de comprendre d'abord les
plus simples. Et cela, le monde scientifique l'a découvert depuis longtemps. C'est pourquoi Chlamydomonas
reinhardtii a retenu son attention. Cette petite algue verte d'un centième de millimètre, soit un diamètre 10
fois plus petit que celui d'un cheveu, a fait l'objet d'une recherche internationale. Plus de cent chercheurs ont
participé au décryptage du génome de cet être composé…d'une seule cellule ! La séquence de son génome,
c'est-à-dire la succession des paires de bases qui constituent son ADN, est connue depuis 2003-2004. Il restait
cependant à déterminer les gènes qui la composent et leur fonction. Cette tâche titanesque a été rendue
possible grâce à la contribution de laboratoires spécialisés du monde entier. Chacun s'est vu confié la mission
d'identifier les gènes impliqués dans son propre domaine de recherche. C'est ainsi que deux chercheurs de
l'Université de Liège ont été sollicités : Marc Hanikenne, chargé de recherche FNRS en Biologie cellulaire
végétale (Prof. P. Motte), et Pierre Cardol, chargé de recherche FNRS en Biochimie végétale (Dr. F. Franck)
et Génétique des Microorganismes (Prof. C. Remacle)..
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(1) Merchant SS, et al. The Chlamydomonas genome reveals the evolution of key animal and plant
functions, in Science, 2007,318(5848):245-50.
Petite mais riche !
Du haut de sa cellule unique, Chlamydomonas reinhardtii impressionne avec ses 121 millions de paires de
bases et ses 15.000 gènes. Un nombre particulièrement élevé pour un organisme unicellulaire. A titre de
comparaison, le génome de la levure du boulanger (Saccharomyces cerevisiae), ne contient « que » 13
millions de paires de bases.
On comprend dès lors que Chlamy, comme la surnomment affectueusement les scientifiques, a donné du fil
à retordre à la centaine de chercheurs impliqués dans le décryptage de son génome. Ces travaux ont duré
4 ans et ont principalement porté sur les mécanismes liés à la photosynthèse, à la nutrition et à la fonction
des flagelles, sorte de cils, chez cette petite algue verte. Le but était de repérer les gènes qui interviennent
dans ces mécanismes et de leur attribuer un rôle précis. Une démarche nécessaire pour mieux comprendre
le fonctionnement d'une cellule eucaryote. Ainsi, tel un dictionnaire des gènes, Chlamy a servi à décoder la
signification des «mots» qui composent son génome. Un grand pas en avant qui permet de mieux comprendre
des «textes» plus complexes.
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Les deux visages de Chlamy
Chlamydomonas reinhardtii vit naturellement dans les sols des régions humides où ses colonies
ressemblent à de fins tapis verts. Lorsqu'elle se retrouve dans de l'eau douce, cette algue a la particularité
de produire deux flagelles qui lui permettent de se déplacer à toute vitesse sur une mince pellicule d'eau.
Pourquoi a-t-elle été «élue» par les scientifiques ? Le répertoire génique de Chlamy est particulièrement
intéressant : c'est une véritable mosaïque évolutive. En effet, Chlamy présente à la fois des caractéristiques
propres au monde végétal et au monde animal. Comme les plantes, en présence de lumière solaire,
elle fabrique de la matière organique à partir d'eau (H20) et de dioxyde de carbone (CO2). C'est la
photosynthèse.
D'un autre côté, comme certaines cellules animales, Chlamy développe des cils : les flagelles, qui servent à
sa mobilité en milieu aqueux. Les protéines qui composent ces structures sont très semblables à celles que
l'on trouve dans les cils des cellules de l'épithélium de la trachée, du tractus génital féminin ou de l'intestin
chez l'homme par exemple. Ainsi, étudier la motilité des flagelles de cette algue apporte un éclairage sur la
façon dont les cils participent aux processus de transit de microparticules et aux mouvements.
Un petit être sans prétention comme Chlamydomonas reinhardtii peut donc aider les scientifiques à élucider
les mystères de certains mécanismes complexes qui régissent le règne animal et végétal. Autre apport de
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cette algue à la science : il y a de fortes chances que grâce à son génome «mixte», elle livre une partie des
secrets qui entourent l'ancêtre commun des plantes et des animaux.
«La levure verte»
Chlamydomonas reinhardtii est en quelque sorte l'équivalent «vert» de la levure. Comme ce champignon, elle
est unicellulaire, de petite taille et facilement cultivable en laboratoire. Une simple boîte de Petri, petite boîte
en plastique au fond de laquelle se trouve un liquide nutritionnel gélifié, lui suffit pour se multiplier en grand
nombre. Des cultures en milieu liquide sont également possibles.
De plus son génome est facile à manipuler. Les chercheurs peuvent aisément fabriquer des mutants. Loin
d'être des monstres tout droits sortis d'un film d'horreur, ces organismes génétiquement modifiés permettent
d'étudier la fonction précise des protéines. En supprimant ou en altérant l'un ou l'autre gène, le scientifique
bouleverse la «traduction» de ces fragments d'ADN en protéines effectives. Celles-ci n'assureront dès lors
pas leur rôle normalement. Ce sont ces changements de «comportements» chez les mutants de Chlamy qui
permettent aux chercheurs de savoir quel rôle joue telle ou telle protéine.
Mais à quoi cela sert-il de savoir des choses aussi pointues sur un organisme dont la plupart des gens n'ont
jamais entendu parler ? Outre nourrir la curiosité des scientifiques, l'objectif final est bien sûr de faire des
découvertes qui pourraient être exploitées afin d'améliorer nos conditions de vie, de près ou de loin.
Zoom sur la respiration de Chlamy
Au laboratoire de Génétique des Microorganismes, Pierre Cardol avait pour mission de déterminer les
composants complexes protéiques qui sont à la base des mécanismes de la respiration chez Chlamy. Si tout
le monde sait que les végétaux sont des organismes photosynthétiques, on ignore souvent qu'ils respirent !
Cette respiration se déroule dans les mitochondries, des organites intracellulaires. Il s'agit en fait de la
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transformation de nutriments obtenus lors de la photosynthèse : à partir de cette matière organique et en
présence d'oxygène, l'algue va produire du dioxyde de carbone et de l'eau en libérant de l'énergie. Ce
processus demande l'intervention de nombreux complexes protéiques encore mal connus. Pierre Cardol a
donc tenté d'en savoir plus. Il a analysé une centaine de gènes liés à la respiration. «On a découvert que
le premier complexe contient plus de 40 protéines, explique le chercheur, dont plus de 30 sont conservées
chez l'ensemble des organismes eucaryotes». Une constatation qui permet d'affirmer que ces protéines sont
importantes, peut-être même indispensables, pour le bon fonctionnement de la cellule eucaryote. C'est grâce
à l'utilisation de mutants (voir plus haut) que l'équipe de génétiques des microorganismes a mis le doigt sur
certaines protéines intéressantes. L'utilisation d'un programme informatique de comparaison systématique a
ensuite permis de repérer la présence de protéines homologues chez d'autres organismes, dont l'homme.
«A terme ces recherches visent à mettre en évidence des pistes thérapeutiques, poursuit Pierre Cardol,
Chlamy sert aussi de modèle pour étudier l'impact de mutations responsables de certaines déficiences chez
l'homme. Mettre en lumière ces mutations permet d'avancer dans l'élaboration d'éventuels traitements ».
Une algue comme source d'énergie propre ?
Bien comprendre les processus de production et de régulation d'énergie peut également servir les
biotechnologies : en absence de soufre, Chlamydomonas reinhardtii produit de l'hydrogène, un combustible
«propre». Le soufre est un élément chimique nécessaire à la synthèse de certains acides aminés qui
forment les protéines. «S'il y a une carence en soufre, la photosynthèse de Chlamy diminue, indique Pierre
Cardol, l'algue se débrouille alors pour mettre en place une autre voie énergétique, laquelle résulte en la
production d'hydrogène». Un processus physiologique intéressant au vu des préoccupations actuelles pour
l'environnement. Bien sûr la petite algue unicellulaire ne produit pas naturellement des quantités suffisantes
d'hydrogène pour pouvoir l'exploiter comme source d'énergie. Des tests sont en cours à Liège dans le
Laboratoire de Biochimie végétale : grâce à un photobioréacteur, des chercheurs calculent la production
d'hydrogène de différentes souches mutantes de Chlamydomonas reinhardtii. Ils espèrent ainsi proposer des
pistes pour produire de grandes quantités d'hydrogène à partir de microorganismes.
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