« Quand nous prenons possession d'un pays, nous devons y amener avec nous la
gloire de la France, et soyez sûrs qu'on lui fera bon accueil, car elle est pure autant
que grande, toute pénétrée de justice et de bonté. Nous pouvons dire à ces peuples,
sans les tromper, que jamais nous n'avons fait de mal à leurs frères volontairement :
que les premiers nous avons étendu aux hommes de couleur la liberté des Blancs, et
aboli l'esclavage ; qu'en Cochinchine on s'est si bien trouvé de nous, que les
populations des pays voisins venaient s'abriter sous nos lois (…) ; qu'au Congo, M. de
Brazza traversait, sans tirer un coup de feu, de vastes territoires et des tribus
guerrières, parce qu'il a su se faire aimer ; que récemment encore nous refusions de
dépouiller les Arabes à notre profit et que nous recevions leurs remerciements (…) ;
que là enfin où la France est établie, on l'aime, que là où elle n'a fait que passer, on la
regrette ; que partout où sa lumière resplendit, elle est bienfaisante ; que là où elle ne
brille plus, elle a laissé derrière elle un long et doux crépuscule où les regards et les
cœurs restent attachés. »
Conférence à l’Alliance française, Albi, 1884
L’année suivante, en octobre 1885, il est candidat, pour la première fois, à la
députation. Sa profession de foi comporte une formule pro-coloniale sans
ambigüité :
« Comparez, et vous verrez : l’Empire nous a fait perdre deux provinces, la
République nous a donné deux colonies. »
Proclamation, septembre 1885
Élu, il siège alors avec les républicains opportunistes et accorde sa voix à Ferry,
notamment lors du débat sur les crédits nécessaires à la poursuite de la conquête
du Tonkin
. Il se situe alors à la droite d’un Clemenceau, par exemple, sans
compter les (à vrai dire rares) socialistes qui s’intéressent à la question coloniale.
Il ne semble pas regretter ce vote en 1889 encore. Dans un article de La Dépêche,
il critique certes cette expédition, mais c’est pour regretter les tergiversations de
l’amiral Courbet, chef du corps expéditionnaire : sans ces hésitations, « je crois
bien qu’il y eût au cœur de notre peuple un tressaillement d’allégresse militaire
qui aurait supprimé toute discussion »
.
Évolutions
On sait que ce n’est que plus tard, lors de la grève des mineurs de Carmaux, en
1892, qu’il donne une adhésion franche – et définitive – au socialisme. Cela
signifie-t-il qu’il abandonne radicalement ses analyses précédentes sur le
phénomène colonial ? Rien n’est moins sûr. En 1896, il appelle ses camarades à
mieux définir leur politique. La colonisation capitaliste est condamnée. Mais :
Conférence de M. Jean Jaurès, Maître de Conférences à la Faculté des lettres de Toulouse, Discours
devant l’Alliance française, Brochure, Albi, Impr. Pézous, 1884 (Gallica)
In Textes choisis, op. cit.
Ahmed Koulakssis, op. cit.
10 février 1889