5
Copyright – Académie d’Agriculture de France, 2015.
Pour leur part, les économistes n’ont guère de doute : dans le monde, la consommation de viande
continuera à augmenter en raison de l’élévation du niveau de vie des habitants des pays émergents,
en Asie tout particulièrement (dans un pays, la consommation de viande par habitant croît avec
l’augmentation du PNB) : en 2050, celle de porc devrait être multipliée par 1,4, celle de bœuf par 1,6,
celle de volaille par 2,6 et celle de mouton par 1,8.
Faut-il que les Français consomment moins de viande ? La réponse est oui parce que notre ration
alimentaire contient trop de protéines et que la part des protéines animales est trop élevée
comparativement à celle des protéines végétales. Faut-il diminuer la part des viandes rouges au
profit des viandes blanches (poulet, porc) ? La réponse est oui d’un point de vue environnemental et
plus nuancée sur le plan nutritionnel. Attention notamment à ce que l’apport en fer assimilable soit
suffisant. Faut-il donc s’abstenir de manger de la viande, voire bannir de son assiette tous les
produits d’origine animale comme le préconise les végétaliens ? Il revient à chacun d’en décider,
mais si on prend en compte les paramètres environnementaux et nutritionnels, la réponse est non.
Vers une alimentation plus personnalisée ?
Dans les années 1950, c’était simple, on attendait de nos aliments qu’ils apportent à notre corps les
calories et les nutriments dont il a besoin. Au début des années 1980, une nouvelle priorité se
dessine : il faut mieux prendre en compte les effets de l’alimentation sur la santé. En 2015, les
industriels procèdent à des enrichissements en minéraux et en vitamines : les produits laitiers et les
produits céréaliers sont les principaux vecteurs de ces apports. Sans oublier le fluor dans le sel. Dans
le même registre, des industriels modifient leurs formulations pour diminuer la teneur en sel et
bannir les acides gras trans d’origine industrielle. Plus récemment, des aliments sans gluten sont
proposés à ceux qui souffrent de la maladie cœliaque. Dernière des innovations, la fabrication d’un
lait dont la teneur en lactose a été réduite de 90 % permet à ceux qui sont intolérants à ce sucre de
boire du lait sans craindre d’effets secondaires indésirables.
Les aliments santé de deuxième génération ont des effets physiologiques spécifiques. Ce sont des
produits qui se déclinent au sein de cinq grandes familles : enrichis en phytostérols, en acides gras
oméga-3, en probiotiques (des microorganismes qui exercent un effet positif sur la santé au-delà des
effets nutritionnels traditionnels), en fibres et en antioxydants. Les plus connus sont des margarines
et des produits laitiers « qui font baisser la teneur du sang en cholestérol ». Des aliments sont vendus
pour faciliter la digestion, réduire les risques cardiovasculaires, rester jeune plus longtemps et même
accroître les fonctions cognitives. En Europe, heureusement, la période où les entreprises pouvaient
tout revendiquer, ou presque, est passée. Face à la prolifération d’allégations parfois fantaisistes, les
pouvoirs publics ont mis de l’ordre.
Deux nouveaux domaines d’investigation conduisent à repenser la conception que nous avons des
fonctions biologiques des aliments : celui des relations qui s’établissent entre notre génome et nos
aliments et celui de l’impact majeur du microbiote intestinal humain (les microorganismes qui
pullulent au sein de notre tube digestif) sur de multiples facettes de notre métabolisme. Les résultats
attendus de ces études pourraient sensiblement modifier les connaissances actuelles sur l’impact de
notre alimentation sur notre santé. Au cours des 10 ou 20 prochaines années, les industriels
devraient pouvoir s’appuyer sur ces connaissances pour concevoir de nouveaux produits à « effets
physiologiques spécifiques ». Mais de là à déclarer que l’analyse de notre génome et de notre
microbiote permettra de définir une diète alimentaire personnalisée, il y a un pas qu’on ne saurait
(encore) franchir même si certains des aliments seront le fruit d’une double innovation : une