Les fonctions du sport D e la psychologie dans le sport ? Mais dans quel but ? Beaucoup le considèrent comme un simple spectacle, comme une manière de "passer " le temps, de se défouler. D’autres le perçoivent comme un objet inutile de notre société, sans aucun but. Or, les activités physiques pratiquées dès l’Antiquité jusqu’au sport contemporain ont véhiculé et véhiculent encore des fonctions symboliques typiques des sociétés dont ils découlent. En Mésopotamie ou encore en Grèce Antique, les rencontres sportives avaient pour objet l’affrontement de plusieurs adversaires. Les pratiques sportives actuelles, elles, diffusent selon Brohm les valeurs de la société : éloge de la performance, de la compétitivité. Pour Defrance, le sport a pour fonction de "produire des figures héroïques sportives originales et fortes ". Pour Bromberger « une société dit beaucoup d’elle-même à travers ses passions collectives » (in Football, la bagatelle la plus sérieuse du monde, p.9). C’est avec la mondialisation conjointe du spectacle sportif et de l'information que la seconde moitié de notre siècle va voir naitre un phénomène intrinsèquement lié au sport : une forme de passions collectives à dimension universelle, la passion sportive. Le sport est alors élevé au rang de spectacle et son théâtre, le stade, devient le lieu où tout se joue. Pour Perelman (1997), le stade « possède cette « vocation » architecturale d'agir techniquement sur les individus, en fin de compte de les instrumentaliser. [...] il établit d'emblée une emprise irrésistible sur les individus ». De plus, la médiatisation des différentes réunions sportives va contribuer à rendre l’objet sportif comme intégrant l’individu. pleinement la vie de De l’autre coté de l’objectif, le sportif qui va se trouver influencé par cette passion sportive. Il va lui être demandé de se dépasser, de faire toujours mieux. Les enjeux grandissant, il va devoir être le meilleur, celui qui symbolise la réussite, qui « opère une transfiguration des actes réellement accomplis ... » (Defrance), qui répond aux caractéristiques du " héros moderne". En d’autres termes, celui qui symbolise « le culte de la performance» (Ehrenberg). Le sport ne représente pas qu’un simple spectacle ayant pour finalité de divertir les foules, il est un outil d’observation (notamment pour les processus d’identification) mais aussi un vecteur de fonctions symboliques. Parmi ces fonctions, on peut noter : La fonction cathartique Un modèle d’identification Un modèle d’ascension sociale Cependant, il est important de noter que ces fonctions sont plus ou moins discutées selon les différents courants d’études. En ce qui concerne la fonction cathartique, le sport remplirait «une fonction de dérivation de l’agressivité et de réduction de la tension sociale » (J. Defrance in Sociologie du sport, SoPsy – Décryptage Psychosociologique 005 1 p.76). Le sportif en activité déchargerait ses pulsions par l’intermédiaire de ce qu’il se passe sur le terrain et les diverses actions de jeu lui permettraient, en fonction de l’intensité, de dériver son agressivité de façon sublimée. Pour Brohm, il en est tout autrement puisqu’il déclare que « la pratique du sport réduit le champ de la conscience sociale (politique) mais elle engage dans une économie psychique répressive, le fonctionnement intime de l’individu venant redoubler les mécanismes externes de répression des pulsions ». L’individu sportif en viendrait à réprimer ses désirs lorsqu’il se trouve sur le terrain de sport. Leyens, lui, affirme que « le spectacle de la violence a pour conséquence d’augmenter la violence du spectateur : il l’éveille, la suscite et la renforce » (in Foot et violence, un phénomène de société : exemple du Heysel, p.128). Dans un deuxième temps, le sport développerait de véritables modèles d’identification dans la mesure où le sportif qui réalise une performance particulièrement extraordinaire (record du monde, geste technique jugé comme « éblouissant ») est perçu comme un héros, un mythe vivant. En effet, « la célébration des héros sportifs […] opère une transfiguration des actes réellement accomplis et des personnes » (J. Defrance in Sociologie du sport, p.78). On peut appuyer cela par le fait que la réalisation d’une performance perçue comme « infaisable » mais qui est réussie par le sportif au terme d’un travail coûteux devient un geste léger, «simple », harmonieux et lui permet d’accéder au rang de «surhomme », de héros. Il existe un véritable « culte de la performance » (Ehrenberg). « La figure du héros fonctionne comme support d’identification collective […] et peut contribuer à désamorcer des tensions liées à l’inégalité sociale… » (J. Defrance Ibid., p.78). C’est alors qu’intervient la troisième fonction symbolique du sport en tant que modèle d’ascension sociale. Il permet de briser certains stéréotypes négatifs « attachés » à certaines populations stigmatisées dans la mesure où l’achèvement et la réussite d’une performance vont permettre de relier des caractéristiques positives aux populations initialement « marquées ». De plus, le sport en tant que modèle d’ascension sociale permet de fournir ou au moins d’amener une issue possible à une situation devenue socialement inconfortable. Defrance explique cela en déclarant « que d’autres ont cherché à montrer comment le champion permettait de penser un destin commun, de donner un point de ralliement pour des populations hétérogènes en voie d’intégration dans un groupe nouveau… » (Ibid., p.78). Ce modèle d’identification reste cependant à nuancer puisque le regard d’autrui obéit à des mécanismes complexes. Grégoire Besnard Pour aller plus loin : Brohm, J., M., les meutes sportives: critique de la domination, éditions l'harmattan, 2000. Bromberger, C., Football: la bagatelle la plus sérieuse du monde, Paris, Bayard éditions, 1998. Defrance, J., Sociologie du sport, Paris, éditions de la découverte, 2006. Ehrenberg, A., Le culte de la performance, Paris, éditions Calmann-Lévy, 1991. Leyens, J., P., Foot & violence un phénomène de société: exemple du heysel. Perelman, M., Le sport barbare, éditions Michalon, Paris, 2008. SoPsy – Décryptage Psychosociologique 005 2