24 février 2012 – N°. 174
L’apparition des contraintes de solvabilité :
le choc pour les pays en difficulté de la
zone euro
RECHERCHE ECONOMIQUE
Rédacteur :
Patrick ARTUS
Les pays en difficulté de la zone euro (Italie, Espagne, Grèce, Portugal,
Irlande) ne subissaient pas, avant 2008, de contraintes de solvabilité,
puisqu’ils bénéficiaient de taux d’intérêt inférieurs au taux de croissance.
L’inversion de la hiérarchie entre taux d’intérêt et taux de croissance fait
apparaître des contraintes de solvabilité (extérieure, budgétaire, concernant
la dette privée) qui forcent brutalement tous les agents économiques du pays
à épargner davantage et à investir moins, d’où la récession dans ces pays. Il
faut se demander si d’autres pays, dans le futur, vont basculer dans cette
situation de taux d’intérêt supérieurs au taux de croissance à partir de la
situation inverse. C’est probablement le cas de la France.
L’inversion de la
hiérarchie entre taux
d’intérêt et taux de
croissance
Regardons les situations de l’Italie, de l’Espagne, de la Grèce, du Portugal, de
l’Irlande, et aussi de l’Allemagne et de la France.
Nous voulons comparer les taux d’intérêt et les taux de croissance pour ces
pays. Pour la Grèce, le Portugal, et l’Irlande, les taux d’intérêt à long terme de
marché n’ont plus beaucoup de sens depuis le début de la crise puisque ces pays
ne se financent plus à long terme sur les marchés ; il faut donc aussi regarder les
taux d’intérêt à maturité courte (3 mois).
Les graphiques 1a à 1g et le tableau 1 montrent que, jusqu’en 2007, le taux de
croissance était supérieur aux taux d’intérêt en Italie, Espagne, en Grèce,
faiblement au Portugal, en Irlande, en France. L’Allemagne au contraire avait
des taux d’intérêt supérieurs au taux de croissance (graphique 1f). Depuis 2011,
les taux d’intérêt à long terme sont au contraire supérieurs au taux de
croissance dans tous les pays sauf l’Allemagne. En France, ils le sont
faiblement.
Graphique 1a
Italie : PIB valeur et taux d'intérêt
-6
-4
-2
0
2
4
6
8
99 00 01 02 03 04 05 06 07 08 09 10 11 12 13 -6
-4
-2
0
2
4
6
8
PIB valeur (GA en %)
Taux d'intérêt à 3mois (T-bills)
Taux d'int à 10ans (GOV.)
Sources : Datastream, bloomberg, prévisions NATIXIS
Graphique 1b
Espagne : PIB valeur et taux d'intérêt
-6
-4
-2
0
2
4
6
8
10
99 00 01 02 03 04 05 06 07 08 09 10 11 12 13 -6
-4
-2
0
2
4
6
8
10
PIB valeur (GA en %)
Taux d'intérêt à 3mois (T-bills)
Taux d'inrêt à 10ans (GOV.)
Sources : Datastream, bloomberg, prévisions NATIXIS
Graphique 1c
Grèce : PIB valeur et taux d'intérêt
-8
0
8
16
24
32
40
99 00 01 02 03 04 05 06 07 08 09 10 11 12 13 -8
0
8
16
24
32
40
PIB valeur (GA en %)
Taux d'intérêt à 3mois (T-bills)
Taux d'int à 10ans (GOV.)
Sources : Datastream, bloomberg, prévisions NATIXIS
Graphique 1d
Portugal : PIB valeur et taux d'intét
-5
0
5
10
15
99 00 01 02 03 04 05 06 07 08 09 10 11 12 13 -5
0
5
10
15
PIB valeur (GA en %)
Taux d'intérêt à 3mois (T-bills)
Taux d'intérêt à 10ans (GOV.)
Sources : Datastream, Bloomberg, prévisions NATIXIS
Flash 2012 –174- 2
Graphique 1e
Irlande : PIB valeur et taux d'intérêt
-15
-10
-5
0
5
10
15
20
25
99 00 01 02 03 04 05 06 07 08 09 10 11 12 13 -15
-10
-5
0
5
10
15
20
25
PIB valeur (GA en %)
Taux d'intérêt à 3mois (T-bills)
Taux d'intérêt à 10ans (GOV.)
Sources : Datastream, Bloomberg, prévisions NATIXIS
Graphique 1f
Allemagne : PIB valeur et taux d'intérêt
-9
-6
-3
0
3
6
9
99 00 01 02 03 04 05 06 07 08 09 10 11 12 13 -9
-6
-3
0
3
6
9
PIB valeur (GA en %)
Taux d'intérêt à 3mois (T-bills)
Taux d'intérêt à 10ans (GOV.)
Sources : Datastream, Bloomberg, prévisions NATIXIS
Graphique 1g
France : PIB valeur et taux d'intérêt
-3
-2
-1
0
1
2
3
4
5
6
99 00 01 02 03 04 05 06 07 08 09 10 11 12 13 -3
-2
-1
0
1
2
3
4
5
6
PIB valeur (GA en %)
Taux d'intérêt à 3mois (T-bills)
Taux d'intérêt à 10ans
(
GOV.
)
Sources : Datastream, Bloomberg,
p
révisions NATIXI
S
Tableau 1
Moyenne de l'écart entre PIB en valeur* et taux d'intérêt
Pays Italie Espagne Grèce Portugal Irlande Allemagne France
1999 - 2011 0,91 4,41 -0,39 - 10,38 -1,30 0,49
2002 - 2007 1,03 4,83 4,93 - 5,38 -0,24 1,21
Moyenne de l'écart entre PIB en valeur*
et taux d'intérêt à 3 mois (T-bills) 2008 - 2011 -1,20 -1,15 -4,17 -2,33 -6,58 0,21 0,10
1999 - 2011 -0,56 2,92 - 1,50 9,18 -2,42 -0,75
2002 - 2007 -0,54 3,46 3,33 -0,22 4,18 -1,60 -0,14
Moyenne de l'écart entre PIB en valeur*
et taux d'intérêt à 10 ans 2008 - 2011 -4,11 -3,98 -10,38 -5,48 -10,81 -1,78 -2,11
(*) : GA en %
Source : NATIXIS
Hiérarchie entre taux
de croissance et taux
d’intérêt et contrainte
de solvabilité
Pour toutes les dettes, (dette extérieure, dette publique, dette des ménages et
des entreprises), on a la dynamique :
(Taux d'endettement par
rapport au PIB)année t (1 + Taux d'intérêt
nominal – Taux de
croissance en valeur)
(Taux d'endettement
par rapport au PIB)année t+1 x
- (Excédent primaire par rapport au PIB)année t
Flash 2012–174- 3
S’il s’agit de la dette extérieure ; l’excédent primaire est l’excédent de la balance
courante hors intérêts payés sur la dette extérieure ; dans le cas de la dette
publique, il s’agit de l’excédent budgétaire primaire ; dans le cas de la dette
des ménages, de la capacité de financement des ménages accrue des
intérêts payés sur la dette des ménages ; dans le cas de la dette des
entreprises, du besoin de financement des entreprises hors intérêts payés
sur leur dette.
Tant que taux d’intérêt est inférieur au taux de croissance, la dynamique du
taux d’endettement est stable : quelque soit l’excédent ou le déficit primaire,
le taux d’endettement converge vers une valeur stable qui est :
S’il y a un excédent primaire, il s’agit d’un taux d’endettement négatif, donc d’un
actif d’équilibre (et non d’une dette) ; s’il y a déficit primaire, il s’agit bien d’une
dette d’équilibre.
Mais si le taux d’intérêt est supérieur au taux de croissance, la dynamique du
taux d’endettement est instable, et, pour que le taux d’endettement se
stabilise à un niveau donné, il faut qu’on ait :
la contrainte de solvabilité apparaît donc quand le taux d’intérêt est supérieur
au taux de croissance, elle n’existe pas tant que le taux d’intérêt est inférieur
au taux de croissance.
Les effets de
l’apparition de la
contrainte de
solvabilité
Nous avons vu que les taux d’intérêt (à long terme) sont devenus supérieurs à
la croissance :
- en Italie en 2008 ;
- en Espagne en 2008 ;
- en Grèce (nous regardons aussi dans le cas de la Grèce, du Portugal et
de l’Irlande les taux d’intérêt à court terme) fin 2008 ;
- au Portugal : en 2008, surtout en 2011 ;
- en Irlande : de 2008 à 2010, ceci n’est plus le cas en 2011.
En Allemagne, le taux d’intérêt à long terme est inférieur à la croissance, en
France légèrement supérieur. On doit donc observer, au moment où les taux
d’intérêt deviennent supérieurs au taux de croissance (en Italie, en Espagne,
au Portugal, en Irlande) l’apparition d’une contrainte de solvabilité qui force :
- à réduire le déficit courant, pour assurer la solvabilité externe
(graphique 2) ; et ceci apparait clairement dans tous les pays, sauf en
France et en Italie ;
- à faire apparaître un excédent budgétaire primaire, pour assurer la
solvabilité budgétaire (graphique 3) ; tous les pays se dirigent bien dans
cette direction depuis 2009 ;
(Taux de croissance en valeur – Taux d'intérêt)
- (excédent primaire par rapport au PIB)
=
Taux d'endettement par
rapport au PIB d'équilibre
(stabilisé)
(Taux d'endettement % PIB stabilisé) x (Taux d'intérêt – Taux de croissance)
(Excédent primaire % PIB) > à :
Flash 2012 –174- 4
- à augmenter l’épargne financière des ménages et à réduire leur
endettement et leur investissement pour assurer la solvabilité des ménages
(graphiques 4 a/b). L’épargne financière a augmenté en Espagne, en Irlande,
au Portugal, en Grèce, pas en Italie ou en France. Le crédit aux ménages a
ralenti partout, plus faiblement en Italie et en France ; en Allemagne, il ne
progressait pas.
Graphique 2
Balance courante (en % du PIB)
-20
-15
-10
-5
0
5
10
99 00 01 02 03 04 05 06 07 08 09 10 11 12 -20
-15
-10
-5
0
5
10
Italie Espagne Grèce
Portugal Irlande Allemagne
France
Sources : Datastream, NATIXIS
Graphique 3
Déficit / excédent budgétaire primaire
(en % du PIB)
-15
-12
-9
-6
-3
0
3
6
9
12
99 00 01 02 03 04 05 06 07 08 09 10 11 12 13-15
-12
-9
-6
-3
0
3
6
9
12
Espagne Italie
France Grèce
Irlande Allemagne
Portugal
Sources : Datastream, prévisions NATIXIS
Graphique 4a
Epargne financre des ménages*
(en % du RDB)
-30
-20
-10
0
10
20
99 00 01 02 03 04 05 06 07 08 09 10 11 12 -30
-20
-10
0
10
20
Italie Espagne
Grèce Portugal
Irlande France
Allemagne
Sources : Datastream, NATIXIS
(*) Epargne brute des ménages - investissement
logement en valeur des ménages
Graphique 4b
Crédits aux ménages (GA en %)
-20
-10
0
10
20
30
40
50
99 00 01 02 03 04 05 06 07 08 09 10 11 12 -20
-10
0
10
20
30
40
50
Italie Espagne
Grèce Portugal
Irlande Allemagne
France
Sources : Datastream, Sources Nationales, NATIXIS
- à réduire le besoin de financement des entreprises, donc à accroître leur
taux d’autofinancement (graphique 5) à réduire leur investissement. Le
taux d’autofinancement s’est accru dans tous les pays sauf la France ; en
Allemagne il était déjà élevé, au Portugal il a peu augmenté.
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