dossier de presse

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CENTRE NATIONAL
DE LA RECHERCHE
SCIENTIFIQUE
dossier de presse
jeudi 15 septembre 2005
Présentation de l’article publié dans le numéro du jeudi 15 septembre 2005 de
la revue Nature :
Extreme oxygen isotope ratio in the
early solar system
par
Jérôme ALÉON
Centre de Recherches Pétrographiques et Géochimiques, CRPG-CNRS, BP 20, 54501 Vandoeuvre-lès-Nancy , France,
Nouvelle adresse : Lawrence Livermore National Laboratory, Chemical Biology and Nuclear Science Division, PO Box 808, L231,
Livermore, CA 94550, USA
Tél : 925-424-4518 - [email protected], [email protected]
François ROBERT
Laboratoire d’Étude de la Matière Extraterrestre, Muséum National d’Histoire Naturelle, 61 rue Buffon, 75005 Paris , France,
Tél: (33) 1 40 79 35 38 - [email protected]
Jean DUPRAT
Centre de Spectrométrie Nucléaire et de Spectrométrie de Masse, IN2P3, Bât. 104, 91405 Orsay Campus, France,
Tél: (33) 1 69 15 52 83 - [email protected]
et
Sylvie DERENNE
Laboraoire de Chimie Bioorganique et Organique Physique, ENS Chimie, 11 rue Pierre et Marie Curie, 75231 Paris Cédex 05, France,
Tél: (33) 1 43 29 51 02 - [email protected]
L’article en diagonale
Une nouvelle famille de silicates extra-terrestres a été découverte dans la météorite de Murchison. Cette famille, des micro-grains (≤10 micromètres) d’oxyde
de silicium piégés dans un polymère organique, a été identifiée sur la base de sa
composition isotopique en oxygène. Cette composition, qualifiée «d’extrême»,
est plus différente du Soleil que toutes les compositions reportées actuellement
dans les objets du système solaire. Contrairement à ce que montrent tous les
travaux réalisés depuis 20 ans sur les anomalies isotopiques dans les micrograins extra-terrestres, elle ne peut pas être expliquée par une origine dans
d’autres étoiles mais requiert des réactions nucléaires dues à une activité très
intense du Soleil jeune.
Il s’agit d’un travail interdisciplinaire qui fait preuve d’un haut degré d’intégration
d’expertises très différentes: Jérôme Aléon (le premier signataire ; CRPG à Nancy) est
un spécialiste des analyses isotopiques à la sonde ionique, Jean Duprat est un physicien nucléaire qui a réalisé l’ensemble des calculs de spallation présentés dans l’article,
Sylvie Derenne (ENSCP-Paris) et François Robert (MNHN-Paris) travaillent depuis
plusieurs années à établir la structure moléculaire et l’origine de cette matière organique qui contient cette nouvelle famille de silicates extra-terrestres.
Michel Champenois : Chargé de communication CRPG/CNRS.
tél : 03 83 59 42 36/06. fax : 03 83 51 17 98
[email protected]
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quelques détails supplémentaires
l’oxygène : un traceur de la formation du système solaire
L’oxygène est un constituant majeur des roches et du gaz du système
solaire. Il possède 3 isotopes, l’oxygène 16O (8 protons et 8 neutrons) étant
près de 1000 fois plus abondant que l’17O et 18O (respectivement 1 et 2
neutrons de plus). Dans les météorites primitives qui n’ont jamais subies les
processus géologiques conduisant aux planètes, la composition isotopique de
l’oxygène nous renseigne sur l’origine des premiers solides du système solaire
et sur leur mode de formation. L’écrasante majorité des objets du système
solaire ont une composition identique à quelques % près à celle du Soleil, ce
qui nous indique qu’ils se sont formés par condensation d’un gaz solaire isotopiquement homogène. Pourtant quelques grains de tailles infimes (inférieurs à
1 millième de millimètre) présentent au contraire des compositions qui différent fortement du Soleil : ce sont des grains formés autour d’étoiles ayant vécu
avant la formation de notre système solaire. Ils ont transporté en eux dans le
milieu interstellaire la signature nucléaire du site stellaire où ils ont été synthétisés (Géantes rouges, Novae, Supernovae…), avant d’être incorporés dans le
jeune système solaire en formation, il y a 4.56 milliards d’années. Découverts
il y a plus de 15 ans, ils ont été baptisés « grains présolaires «, et leur étude
permet de comprendre le fonctionnement des étoiles et l’origine des éléments
dans notre Galaxie.
l’oxygène le plus «lourd» de la galaxie dans une nouvelle famille de
grains extra-terrestres
Nous avons découverts dans la météorite de Murchison, une météorite
primitive tombée en 1968 en Australie, une nouvelle famille de matériaux
extra-terrestres possédant des compositions isotopiques d’oxygène extrêmement surprenantes : ils contiennent proportionnellement près de 100 fois plus
de 17O et de 18O (oxygènes «lourds») que la matière solaire normale. Un tel
écart à la composition solaire est supérieur à tous ceux observés à ce jour dans
des grains présolaires et aucun processus de nucléosynthèse stellaire classique
ne peut les expliquer. Ces compositions sont les plus «extrêmes» observées
dans notre Galaxie et n’ont été observées auparavant qu’une seule fois dans du
gaz orbitant autour d’une géante rouge anormale (HR4049). Ces grains sont
des grains riches en silice (ils sont constitués presque uniquement de silicium
et d’oxygène), ils représentent près d’un millionième de la météorite totale. Ils
possèdent deux spécificités uniques : d’une part, ils sont formés d’un mélange
d’oxygène «extrême» et d’oxygène solaire et d’autre part, leur silicium a une
composition isotopique solaire.
Michel Champenois : Chargé de communication CRPG/CNRS.
tél : 03 83 59 42 36/06. fax : 03 83 51 17 98
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une nouvelle preuve de l’irradiation intense émise par le soleil jeune
Une première hypothèse serait que le jeune Soleil ait croisé la route d’une
géante rouge anormale semblable à HR4019 lors de sa formation et que cette
étoile ait ensemencé le système solaire. Cette hypothèse soulève de nombreuses questions sur l’environnement immédiat de notre étoile lors de sa formation ainsi que sur la nucléosynthèse dans les géantes rouges qui ne permet pas
d’expliquer les compositions que nous observons.
Cette situation énigmatique nous a emmené à proposer une explication
alternative : la condensation dans le jeune système solaire d’un réservoir
d’oxygène «anormal» produit par irradiation. Les observations des étoiles
jeunes de masse solaire ont montré que la plupart de ces étoiles possèdent un
disque de gaz et de poussières orbitant autour de l’étoile centrale. Ces étoiles
passent par un stade très actif associé à une intense émission de rayons X et
des éjections violentes de matière appelées jets moléculaires. Lors de cette
phase agitée, le jeune Soleil a pu produire d’intenses flux de particules légères
(des noyaux d’hydrogène et des noyaux d’hélium) accélérés à haute énergie
(environ 10% de la vitesse de la lumière) susceptibles d’induire des réactions
nucléaires avec le gaz environnant. L’irradiation d’un gaz de composition
solaire par de telles particules produit un réservoir d’atomes de noyaux
d’oxygène présentant des compositions isotopiques tout à fait semblables à
celles observées dans nos grains. Ce réservoir d’oxygène a ensuite pu se
condenser sous forme de grains riches en silice dans un environnement riche
en monoxyde de silicium, un gaz qui est couramment observé dans les jets
moléculaires des étoiles similaires au Soleil en formation. Le modèle proposé
permet d’expliquer à la fois les compositions isotopiques d’oxygène et de silicium de nos grains et leur mode de formation.
un regard nouveau sur l’astrophysique des poussières cosmiques
Aussi paradoxal que cela puisse paraître, nous pensons que ces grains ne
sont pas des grains présolaires, mais qu’ils se sont formés autour du Soleil
jeune. Le modèle que nous proposons pose de nouvelles questions sur l’astrophysique des poussières cosmiques : une composition isotopique «extrême» ne
suffit plus pour prouver que des grains sont des grains interstellaires formés
autour d’autres étoiles, la découverte de ces grains suggère un rôle important
de l’irradiation lors de la synthèse des briques du système solaire. Les réactions
nucléaires dûes à l’irradiation peuvent non seulement expliquer une partie des
radioactivités (maintenant éteintes) observées dans les météorites, mais elles
peuvent aussi changer drastiquement la composition isotopique des éléments
majeurs du système solaire comme l’oxygène qui est le troisième élément
le plus abondant dans l’Univers. Ce travail se place dans la continuité d’études débutées depuis longtemps par nos équipes sur les éléments légers dont
Michel Champenois : Chargé de communication CRPG/CNRS.
tél : 03 83 59 42 36/06. fax : 03 83 51 17 98
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les compositions isotopiques plaident en faveur d’une irradiation massive du
jeune système solaire. La communauté scientifique internationale reste très
divisée sur ce dernier point, mais la voix de «l’Ecole Française» se renforce
encore une fois grâce à cette remarquable observation. Enfin, nos observations
suggèrent que les jets moléculaires autour des étoiles jeunes, et en particulier
autour du Soleil, ont un rôle important à jouer lors de la synthèse des matériaux
planétaires.
2µm
Grains de silice
observés au microscope
électronique à
balayage. Les fausses
couleurs surimposées à
l’image traduisent
l’intensité de
l’anomalie isotopique
(excès de 18O).
grain de silice en plaquette portant
des excès de 18O et 17O
aggrégat de grains de silice
enrichis en 17O et 18O (petits
grains gris clair) accolés à un
grain de corindon solaire
(gros grain gris foncé)
Michel Champenois : Chargé de communication CRPG/CNRS.
tél : 03 83 59 42 36/06. fax : 03 83 51 17 98
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