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Immunité
antitumorale
dossier
thématique
anticorps thérapeutiques
Therapeutic antibodies
Aurélien Marabelle1, 2, 3, Daniel Olive4, 5, 6
de l’arsenal thérapeutique disponible en oncologie. Les progrès
scientifiques réalisés au cours des 20 dernières années dans
notre compréhension du système immunitaire et les avancées
technologiques obtenues dans la conception des anticorps
monoclonaux permettent aujourd’hui de produire des anticorps
thérapeutiques dont l’efficacité est augmentée, dont les cibles
sont diversifiées et dont les combinaisons vont se potentialiser.
Les anticorps immunomodulateurs disponibles depuis peu en
clinique sont à ce titre des plus prometteurs pour l’obtention de
réponses tumorales durables.
Summary
RÉSUMÉ
» Les anticorps monoclonaux représentent une part grandissante
Keywords: Immunotherapy − Immunomodulation −
Monoclonal antibodies − CTLA-4 − PD-1.
Mots-clés : immunothérapie − immunomodulation − anticorps
monoclonaux − ctLa4 − pD1.
U
Centre de recherche en
cancérologie de Lyon,
UMR Inserm 1052 CNRS 5286, Lyon.
2 Institut d’hématologie et
d’oncologie pédiatrique,
GCS centre Léon-Bérard et
Hospices civils de Lyon.
3 Université
Claude-Bernard Lyon-I et École normale
supérieure de Lyon.
4 Université d’Aix-Marseille,
Marseille.
5 Institut national de la
santé et de la recherche
médicale ; Centre de
recherche en cancérologie
de Marseille.
6 IBiSA Cancer
Immunomonitoring
Platform, Institut PaoliCalmettes, Marseille.
1
32
Monoclonal antibodies represent a growing part of the
therapeutic molecules available in oncology. Over the last
20 years, the discoveries made in fundamental science
and the technical milestones that have been achieved in
the design of monoclonal antibodies result in therapeutic
antibodies with enhanced efficiency, diversified antigen
targets and increased synergistic combinations. The potential
of the recently developed immunomodulatory antibodies is
especially promising for their ability to trigger long lasting
tumor responses.
n siècle s’est écoulé entre la démonstration
chez l’homme des vertus de la sérothérapie
dans le traitement de la diphtérie par Pierre
Paul Émile Roux a l’Institut Pasteur en 1894 (1) et le
premier essai clinique d’un anticorps monoclonal médicament à l’université de Stanford par Ronald Levy en
1994 (2). Cependant, les applications de l’immunothérapie en clinique se développent aujourd’hui bien plus
rapidement. Les avancées majeures des 20 dernières
années dans la conception et la production des anticorps monoclonaux (couramment désignés comme
“mAbs”, pour Monoclonal Antibodies en anglais) permettent maintenant de les utiliser comme stratégie
d’immunothérapie passive dans de nombreux cancers,
en ciblant des antigènes exprimés par la tumeur. De
plus, il a été démontré tout récemment que ces anticorps pouvaient également être utilisés dans des stratégies d’immunothérapie active en oncologie comme
agents immunomodulateurs en ciblant des molécules
de costimulation ou de corégulation exprimées à la
surface des cellules immunitaires. Ces nouvelles cibles
offrent des perspectives de stratégies innovantes en
termes de thérapeutiques combinatoires et de marqueurs prédictifs de la réponse aux traitements.
Anticorps antitumoraux
première génération d’anticorps monoclonaux
thérapeutiques
Le début des anticorps thérapeutiques monoclonaux
en oncologie coïncide avec le début de la médecine
personnalisée. En 1982, le Pr Ronald Levy montre, à
l’université de Stanford, en Californie, qu’il est possible
de générer un anticorps monoclonal thérapeutique sur
mesure pour chaque patient atteint d’un lymphome
folliculaire en ciblant l’idiotype (B-cell receptor) exprimé
par la cellule tumorale (3). En effet, par le jeu des recombinaisons somatiques, chaque idiotype de lymphocyte B
est unique. Cela en fait une cible thérapeutique idéale,
car chacun est exprimé de façon spécifique par la cellule
tumorale. Cette stratégie permet alors de générer une
régression tumorale chez plus de la moitié des patients
traités. Cependant, elle est onéreuse et complexe à envisager à grande échelle. Une solution est alors imaginée :
cibler un antigène, le CD20, communément exprimé par
tous les lymphomes folliculaires. Le rituximab est né et
deviendra le premier anticorps monoclonal thérapeutique commercialisé. Depuis ce succès, d’autres anticorps
monoclonaux ont été générés et commercialisés en onco-
Correspondances en Onco-Théranostic - Vol. II - n° 1 - janvier-février-mars 2013
Anticorps thérapeutiques
logie, ciblant soit un antigène exprimé à la surface de la
cellule tumorale soit un facteur de croissance impliqué
dans la vascularisation tumorale (tableau, p. 34).
Mécanismes d’action classiques
des anticorps antitumoraux
Le mode d’action de ces différents anticorps est complexe et relève de la physiologie des anticorps. Ils
peuvent avoir une cytotoxicité propre en induisant
directement l’apoptose de la cellule tumorale après liaison avec leur cible, comme c’est le cas pour le rituximab
dans les lymphomes. Ils peuvent aussi être antagonistes,
en bloquant l’accès d’un facteur de croissance à son
récepteur (par exemple, l’HER2 et le trastuzumab). Mais,
grâce à des domaines d’activation situés sur leur partie
distale (Fc), les anticorps peuvent également induire
une destruction de la cellule cible indirectement par
activation du complément (voie d’activation “CDC” pour
Complement-Derived Cytotoxicity) ou par activation de
cellules de l’immunité innée telles que les lymphocytes
Natural Killers (NK), les monocytes/macrophages ou les
neutrophiles (voie d’activation “ADCC” pour AntibodyDerived Cell Cytotoxicity) [figure] (4).
nouvelles générations d’anticorps antitumoraux
Une des premières limites au développement des
anticorps thérapeutiques provenait de leur immuno-
Structure et fonctions d’un anticorps
Activation
du complément
Domaine
variable (Fv)
Action antagoniste
ou agoniste sur la cible
Modes d’action des anticorps
Cytotoxicité directe
Antagonisme d’un récepteur de croissance
Effet agoniste induisant l’apoptose
Ciblage par un anticorps radiomarqué
Internalisation de toxines
Activation
de l’ADCC
Domaine
constant (Fc)
génicité intrinsèque. En effet, ces premiers anticorps
étaient produits dans des hybridomes humains/murins
et l’anticorps qui en résultait était une protéine chimérique qui pouvait être reconnue comme étrangère et
donc éliminée par le système immunitaire de l’hôte. Les
nouvelles générations de mAbs sont par conséquent
des mAbs entièrement humanisés. Ensuite, il s’est avéré
que l’affinité des récepteurs de la partie Fc des anticorps
exprimés par les cellules de l’immunité innée était un
facteur pronostique de la réponse aux traitements (5).
Par conséquent, l’innovation technologique a également consisté en la production de mAbs dont l’isotype
est de meilleure affinité pour les récepteurs Fc et dont la
glycosylation augmente les capacités d’ADCC des anticorps, comme, par exemple, l’obinutuzumab ou GA101,
nouvel anticorps anti-CD20 en cours d’essai clinique de
phase III (essai # NCT01010061, clinicaltrials.gov). Enfin,
la spécificité des mAbs a permis d’utiliser ces molécules
comme vecteurs d’administration locale de traitements
cytotoxiques par la génération d’anticorps couplés à des
molécules de chimiothérapie, tels par exemple, l’antiCD33 gemtuzumab ozogamicine (Mylotarg®), utilisé en
compassionnel dans les leucémies myéloblastiques, ou
le nouvel anti-CD30 brentuximab védotine (Adcetris®)
dans les lymphomes anaplasiques et la maladie de
Hodgkin. Les anticorps permettent également une délivrance de molécules radioactives à visée thérapeutique,
Fonctions antitumorales dépendant du système
immunitaire
Activation du complément (CDC)
Phagocytose
Cytotoxicité médiée par les effecteurs immuns
exprimant les récepteurs Fc (ADCC)
Inhibition de mécanismes inhibiteurs des cellules
T (CTLA4 et PD1) et NK (KIR)
Activation immune (CD137, CD40)
Recrutement de cellules immunes (anticorps
bispécifiques)
Action sur les vaisseaux et les phénomènes
immunosuppresseurs liés au microenvironnement
Inhibition du VEGF et de ses récepteurs
Inhibition des Treg, MDSC
Inhibition des cytokines immunosuppressives
(TGFβ)
Amélioration des anticorps
Anticorps conjugués
Toxine
Radio-isotopes
Avantage : le ciblage par l’anticorps est complété
d’une fonction cytotoxique
Limites : dépend de la quantité d’antigène de
surface, de son internalisation, de la compétition
avec des antigènes solubles
Modification de la partie Fc
Anticorps afucosylés
Avantages : augmentation de l’affinité pour les
FcR qui vont médier l’ADCC, phagocytose
Inconvénients : augmentation de la toxicité contre
les tissus sains
Fragments d’anticorps
scFv
Fab
Nanobodies
TandAbs
Avantages : pénétration tissulaire et intratumorale
Figure. Anticorps : structure et fonctions, modes d’action, amélioration.
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Tableau. Anticorps monoclonaux thérapeutiques commercialisés en France au 30 septembre 2011.
Nom
Molécule
Laboratoire
Date AMM
Cible
Pathologies
Arzerra®
Ofatumumab
GlaxoSmithKline
19/04/2010
CD20
Leucémie lymphoïde chronique
Avastin®
Bévacizumab
Roche
12/01/2005
VEGF
Cancer colorectal métastatique
Cancer du sein métastatique
Cancer bronchique non à petites cellules
Cancer du rein avancé et/ou métastatique
Cancers ovariens
Erbitux®
Cétuximab
Merck Serono
29/06/2004
EGFR
Cancer colorectal métastatique exprimant l’EGFR
et présentant le gène KRAS non muté
Herceptin®
Trastuzumab
Roche
04/09/2000
HER2
Cancer du sein métastatique,
avec surexpression tumorale de HER2
Mabcampath®
Alemtuzumab
Genzyme
10/07/2001
CD52
Leucémie lymphoïde chronique
Mabthera®
Rituximab
Roche
03/06/1998
CD20
Lymphomes non hodgkiniens
Leucémie lymphoïde chronique
Mylotarg®
Gemtuzumab
ozogamicine
Pfizer
ATU
CD33
Leucémie myéloïde chronique
Removab®
Catumaxomab
Fresenius Biotech
20/04/2009
Vectibix®
Panitumumab
Amgen
03/12/2007
EGFR
Cancer colorectal métastatique exprimant l’EGFR
et présentant le gène KRAS non muté
Yervoy®
Ipilimumab
BMS
13/07/2011
CTLA4
Mélanome avancé, non résécable ou métastatique
Zevalin®
Ibritumomab
tiuxétan
Schering AG
21/01/2004
CD20
Lymphome non hodgkinien
EpCAM et CD3
(anticorps
bispécifique)
comme l’anti-CD20 90Y-ibritumomab tiuxétan (Zevalin®)
dans les lymphomes non hodgkiniens.
Anticorps immunomodulateurs
rationnel pour une immunomodulation
en oncologie
L’avancée majeure pour l’immunothérapie des cancers est survenue dans un domaine indépendant de
l’oncologie. En 2002, 3 équipes ont publié de façon
concomitante, dans Nature Genetics, l’identification
d’un gène, Foxp3, dont la mutation était responsable
d’un syndrome auto-immun fatal en néonatal chez
l’homme (le syndrome IPEX, pour Immune dysregulation,
Polyendocrinopathy, Enteropathy, X-linked) et d’atteintes
auto-immunes multiples chez la souris (phénotype
scurfy) [6]. De plus, elles ont montré que ce gène
était exprimé dans une sous-population de lymphocytes CD4+ ayant une fonction immunosuppressive.
La capacité à identifier de façon spécifique ces lymphocytes T régulateurs, communément dénommés
Treg, a permis un essor considérable de l’étude des
phénomènes de tolérance survenant dans le microenvironnement tumoral. Il a par exemple été démontré
par la suite que l’importance de l’infiltrat intratumoral
34
Ascite maligne chez les patients atteints
de carcinomes EpCAM-positifs
en Treg au diagnostic était directement corrélée à la
survie des patients dans de multiples cancers (cf. article
de J. Faget et al., p. 23) [7]. Il a pu être démontré que
l’immunosuppression des Treg, mais aussi d’autres T
CD4+ effecteurs, passe notamment par l’expression
d’une molécule appelée CTLA4 exprimée à leur surface
(8, 9). L’identification de CTLA4 a permis également
d’identifier d’autres acteurs de l’immunosuppression
appartenant à la même famille de gènes. Il en est ainsi
du gène PD1 (Programmed cell Death protein 1), qui peut
être exprimé par les lymphocytes T CD4+ et CD8+ (10).
Son ligand, PD-L1, inhibe ainsi la fonction cytotoxique
des lymphocytes antitumoraux lorsqu’il est exprimé à
la surface des cellules tumorales PD1+ (11).
anticorps antagonistes :
bloquer l’immunosuppression
Plusieurs industriels et académiques ont initié le
développement en clinique de ces anticorps immunomodulateurs en raison du rationnel prometteur produit
chez la souris. En effet, ces modèles murins porteurs
de tumeurs ont démontré l’intérêt thérapeutique d’un
blocage par anticorps de ces différentes molécules
immunosuppressives.
Le “first in class” et “first in human” de ces anticorps
immunomodulateurs a été l’anti-CTLA4 de BMS (ipi-
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Anticorps thérapeutiques
limumab), qui a montré sa capacité à engendrer des
réponses antitumorales chez des patients atteints de
mélanomes métastatiques en échec thérapeutique (12),
y compris au niveau des sites intracérébraux (13). L’essai
clinique a cependant montré une toxicité significative
chez les patients traités, de type auto-immune (diarrhées par infiltrat colique, rashs cutanés, hypophysites, etc.), mais qui répond généralement bien aux
corticoïdes.
Le succès de cet essai clinique a été suivi de près par
la double publication des essais de phase I/II utilisant
les anticorps anti-PD1 et anti-PD-L1, qui, eux aussi,
ont montré des réponses tumorales chez des patients
atteints de mélanomes métastatiques et de cancers du
poumon non à petites cellules, maladies considérées
comme peu sensibles aux traitements conventionnels.
De façon intéressante, l’essai clinique anti-PD1 a montré
que les patients ayant répondu au traitement exprimaient tous le ligand PD-L1 en immunohistochimie au
niveau de leur tumeur, faisant de PD-L1 un probable
marqueur tumoral prédictif de la réponse au traitement
par anti-PD1 (cf. article de A. Boespflug et al., p. 17).
Deux particularités observées lors de ces essais d’anticorps immunomodulateurs les distinguent singulièrement des thérapeutiques conventionnelles. La première
est que les patients peuvent présenter des pseudoprogressions tumorales au cours des premières semaines
qui suivent l’instauration du traitement (14). Le terme
pseudo-progression désigne une augmentation en imagerie du volume des lésions tumorales, mais qui est
transitoire et que l’on attribue à l’infiltrat immunitaire qui
précède la réponse tumorale. La deuxième particularité
de ces molécules est qu’elles n’ont donné des réponses
tumorales que chez une petite proportion des patients
(inférieure à 20 %), mais ces réponses tumorales étaient
de longue durée (parfois plusieurs années), constatations
inhabituelles dans des pathologies réputées rapidement
et fatalement évolutives.
D’autres molécules régulant négativement la fonction
des lymphocytes T, telles que BTLA, TIM3, VISTA ou LAG3,
ont plus récemment été décrites (15). Ces molécules
font également l’objet de développement d’anticorps
antagonistes pour augmenter la fonction T effectrice.
anticorps agonistes : activer les effecteurs
Comme expliqué précédemment, les anticorps monoclonaux thérapeutiques ont essentiellement été utilisés
jusqu’à présent pour leur capacité à bloquer des récepteurs (fonction antagoniste) ou à induire la déplétion
de la population cellulaire cible. Une autre particularité
des anticorps monoclonaux thérapeutiques est actuellement exploitée en immunothérapie antitumorale : leur
capacité à agir comme agonistes sur des récepteurs de
l’immunité. C’est par exemple le cas de l’anticorps antiCD137, actuellement développé en clinique dans les
tumeurs solides (essai # NCT00309023, clinicaltrials.gov).
CD137 (également connu sous le nom de 4-1BB) est un
récepteur de costimulation exprimé à la surface des
lymphocytes T et NK activés. L’anticorps anti-CD137
stimule par conséquent les lymphocytes exprimant
CD137, et l’objectif est d’augmenter ainsi la réponse
immunitaire antitumorale physiologique. Un essai clinique annexe fondé sur un rationnel plus élaboré est
également en cours. Lors de l’ADCC, les lymphocytes
NK sont activés par le biais de la reconnaissance du
fragment Fc de l’anticorps thérapeutique fixé sur la
cellule tumorale. Cette activation se traduit 24 heures
plus tard par une expression de CD137 à la surface
des NK ayant trouvé leur cible. L’ajout de l’anticorps
anti-CD137 entraîne une augmentation de la fonction
cytotoxique des NK vis-à-vis de la cellule cible du premier anticorps thérapeutique. Par conséquent, cette
combinaison thérapeutique augmente l’efficacité de
l’ADCC des anticorps monoclonaux thérapeutiques
ciblant des antigènes tumoraux (16). Une combinaison anti-CD20 + anti-CD137 fondée sur ce rationnel
est actuellement en cours dans les lymphomes non
hodgkiniens (essai # NCT01307267, clinicaltrials.gov).
Un autre anticorps immunomodulateur agoniste, ciblant
la molécule CD134 (également connue sous le nom
de OX40), est en cours d’essai thérapeutique dans les
tumeurs de la prostate. D’autres molécules de costimulation sont également la cible d’anticorps agonistes
comme HVEM, CD27 ou GITR (15).
Anticorps bispécifiques : antitumoraux
et immunomodulateurs
Les progrès réalisés en génie génétique permettent
aujourd’hui de générer des anticorps contre pratiquement tout type de cible, y compris des cibles non protéiques, comme par exemple l’anticorps dirigé contre
le ganglioside GD2 actuellement en développement
clinique dans le traitement des neuroblastomes (17).
Ces progrès techniques permettent également de produire des anticorps bispécifiques ayant une double
spécificité. C’est le cas du blinatumomab, un anticorps
dont l’une des extrémités est dirigée contre le CD19
(un antigène exprimé par les blastes de leucémie
lymphoïdes) et l’autre contre le CD3 (molécule composant le récepteur des lymphocytes T). Une fois lié à
sa cible blastique, l’anticorps peut activer la fonction
cytotoxique des lymphocytes T par la fonction ago-
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niste vis-à-vis du CD3 de l’autre extrémité de l’anticorps.
Cette stratégie permet d’induire une lyse dirigée de la
cellule tumorale par les lymphocytes T, et l’anticorps
est par conséquent un anticorps thérapeutique à la
fois antitumoral et immunomodulateur. Cet anticorps
a donné des résultats impressionnants en mettant en
rémission moléculaire des patients adultes atteints de
leucémie lymphoblastique (18).
Conclusion
Le rôle joué par l’immunité dans l’efficacité des chimiothérapies conventionnelles est maintenant formellement établi (19). Cependant, la chimiothérapie étant par
essence aplasiante, ce rôle est probablement atténué au
cours des cures. Le rôle de l’immunité est également bien
décrit pour la radiothérapie, mais il est limité aux zones
irradiées et ne permet généralement pas de contrôler
les maladies métastatiques (20). Les anticorps thérapeutiques dirigés contre la cellule tumorale, acteurs majeurs
des thérapeutiques ciblées, permettent d’obtenir des
réponses tumorales systémiques souvent de courte
durée mais sans toxicité hématologique sur les effecteurs
immunitaires cytotoxiques. Le rationnel préclinique en
modèles murins permet de penser que la combinaison
de ces thérapeutiques ciblées avec les anticorps immunomodulateurs offrira la possibilité d’augmenter à la fois
le nombre de patients répondeurs aux traitements et
la durée de la réponse à ces derniers.
■
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