
Correspondances en Onco-Théranostic - Vol. II - n° 1 - janvier-février-mars 2013
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Anticorps thérapeutiques
limumab), qui a montré sa capacité à engendrer des
réponses antitumorales chez des patients atteints de
mélanomes métastatiques en échec thérapeutique (12),
y compris au niveau des sites intracérébraux (13). L’essai
clinique a cependant montré une toxicité signifi cative
chez les patients traités, de type auto-immune (diar-
rhées par infi ltrat colique, rashs cutanés, hypophy-
sites, etc.), mais qui répond généralement bien aux
corticoïdes.
Le succès de cet essai clinique a été suivi de près par
la double publication des essais de phase I/II utilisant
les anticorps anti-PD1 et anti-PD-L1, qui, eux aussi,
ont montré des réponses tumorales chez des patients
atteints de mélanomes métastatiques et de cancers du
poumon non à petites cellules, maladies considérées
comme peu sensibles aux traitements conventionnels.
De façon intéressante, l’essai clinique anti-PD1 a montré
que les patients ayant répondu au traitement expri-
maient tous le ligand PD-L1 en immunohistochimie au
niveau de leur tumeur, faisant de PD-L1 un probable
marqueur tumoral prédictif de la réponse au traitement
par anti-PD1 (cf. article de A. Boespfl ug et al., p. 17).
Deux particularités observées lors de ces essais d’anti-
corps immunomodulateurs les distinguent singulière-
ment des thérapeutiques conventionnelles. La première
est que les patients peuvent présenter des pseudo-
progressions tumorales au cours des premières semaines
qui suivent l’instauration du traitement (14). Le terme
pseudo-progression désigne une augmentation en ima-
gerie du volume des lésions tumorales, mais qui est
transitoire et que l’on attribue à l’infi ltrat immunitaire qui
précède la réponse tumorale. La deuxième particularité
de ces molécules est qu’elles n’ont donné des réponses
tumorales que chez une petite proportion des patients
(inférieure à 20 %), mais ces réponses tumorales étaient
de longue durée (parfois plusieurs années), constatations
inhabituelles dans des pathologies réputées rapidement
et fatalement évolutives.
D’autres molécules régulant négativement la fonction
des lymphocytes T, telles que BTLA, TIM3, VISTA ou LAG3,
ont plus récemment été décrites (15). Ces molécules
font également l’objet de développement d’anticorps
antagonistes pour augmenter la fonction T eff ectrice.
Anticorps agonistes : activer les eff ecteurs
Comme expliqué précédemment, les anticorps mono-
clonaux thérapeutiques ont essentiellement été utilisés
jusqu’à présent pour leur capacité à bloquer des récep-
teurs (fonction antagoniste) ou à induire la déplétion
de la population cellulaire cible. Une autre particularité
des anticorps monoclonaux thérapeutiques est actuelle-
ment exploitée en immunothérapie antitumorale : leur
capacité à agir comme agonistes sur des récepteurs de
l’immunité. C’est par exemple le cas de l’anticorps anti-
CD137, actuellement développé en clinique dans les
tumeurs solides (essai # NCT00309023, clinicaltrials. gov).
CD137 (également connu sous le nom de 4-1BB) est un
récepteur de costimulation exprimé à la surface des
lymphocytes T et NK activés. L’anticorps anti-CD137
stimule par conséquent les lymphocytes exprimant
CD137, et l’objectif est d’augmenter ainsi la réponse
immunitaire antitumorale physiologique. Un essai cli-
nique annexe fondé sur un rationnel plus élaboré est
également en cours. Lors de l’ADCC, les lymphocytes
NK sont activés par le biais de la reconnaissance du
fragment Fc de l’anticorps thérapeutique fi xé sur la
cellule tumorale. Cette activation se traduit 24 heures
plus tard par une expression de CD137 à la surface
des NK ayant trouvé leur cible. L’ajout de l’anticorps
anti-CD137 entraîne une augmentation de la fonction
cytotoxique des NK vis-à-vis de la cellule cible du pre-
mier anticorps thérapeutique. Par conséquent, cette
combinaison thérapeutique augmente l’effi cacité de
l’ADCC des anticorps monoclonaux thérapeutiques
ciblant des antigènes tumoraux (16). Une combinai-
son anti-CD20 + anti-CD137 fondée sur ce rationnel
est actuellement en cours dans les lymphomes non
hodgkiniens (essai # NCT01307267, clinicaltrials.gov).
Un autre anticorps immunomodulateur agoniste, ciblant
la molécule CD134 (également connue sous le nom
de OX40), est en cours d’essai thérapeutique dans les
tumeurs de la prostate. D’autres molécules de costi-
mulation sont également la cible d’anticorps agonistes
comme HVEM, CD27 ou GITR (15).
Anticorps bispécifi ques: antitumoraux
et immunomodulateurs
Les progrès réalisés en génie génétique permettent
aujourd’hui de générer des anticorps contre pratique-
ment tout type de cible, y compris des cibles non pro-
téiques, comme par exemple l’anticorps dirigé contre
le ganglioside GD2 actuellement en développement
clinique dans le traitement des neuroblastomes (17).
Ces progrès techniques permettent également de pro-
duire des anticorps bispécifi ques ayant une double
spécifi cité. C’est le cas du blinatumomab, un anticorps
dont l’une des extrémités est dirigée contre le CD19
(un antigène exprimé par les blastes de leucémie
lymphoïdes) et l’autre contre le CD3 (molécule com-
posant le récepteur des lymphocytes T). Une fois lié à
sa cible blastique, l’anticorps peut activer la fonction
cytotoxique des lymphocytes T par la fonction ago-