Correspondances en Onco-Théranostic - Vol. II - n° 1 - janvier-février-mars 2013
32
Immunité
antitumorale
dossier thématique
Anticorps thérapeutiques
Therapeutic antibodies
Aurélien Marabelle1, 2, 3, Daniel Olive4, 5, 6
RÉSUMÉ
Summary
»
Les anticorps monoclonaux représentent une part grandissante
de l’arsenal thérapeutique disponible en oncologie. Les progrès
scientifiques réalisés au cours des 20 dernières années dans
notre compréhension du système immunitaire et les avancées
technologiques obtenues dans la conception des anticorps
monoclonaux permettent aujourd’hui de produire des anticorps
thérapeutiques dont l’effi cacité est augmentée, dont les cibles
sont diversifi ées et dont les combinaisons vont se potentialiser.
Les anticorps immunomodulateurs disponibles depuis peu en
clinique sont à ce titre des plus prometteurs pour l’obtention de
réponses tumorales durables.
Mots-clés : Immunothérapie − Immunomodulation − Anticorps
monoclonaux − CTLA4 − PD1.
Monoclonal antibodies represent a growing part of the
therapeutic molecules available in oncology. Over the last
20 years, the discoveries made in fundamental science
and the technical milestones that have been achieved in
the design of monoclonal antibodies result in therapeutic
antibodies with enhanced efficiency, diversified antigen
targets and increased synergistic combinations. The potential
of the recently developed immunomodulatory antibodies is
especially promising for their ability to trigger long lasting
tumor responses.
Keywords: Immunotherapy − Immunomodulation −
Monoclonal antibodies − CTLA-4 − PD-1.
U
n siècle s’est écoulé entre la démonstration
chez l’homme des vertus de la sérothérapie
dans le traitement de la diphtérie par Pierre
Paul Émile Roux a l’Institut Pasteur en 1894 (1) et le
premier essai clinique d’un anticorps monoclonal médi-
cament à l’université de Stanford par Ronald Levy en
1994 (2). Cependant, les applications de l’immunothé-
rapie en clinique se développent aujourd’hui bien plus
rapidement. Les avancées majeures des 20 dernières
années dans la conception et la production des anti-
corps monoclonaux (couramment désignés comme
“mAbs, pour Monoclonal Antibodies en anglais) per-
mettent maintenant de les utiliser comme stratégie
d’immuno thérapie passive dans de nombreux cancers,
en ciblant des antigènes exprimés par la tumeur. De
plus, il a été démontré tout récemment que ces anti-
corps pouvaient également être utilisés dans des stra-
tégies d’immunothérapie active en oncologie comme
agents immunomodulateurs en ciblant des molécules
de costimu lation ou de corégulation exprimées à la
surface des cellules immunitaires. Ces nouvelles cibles
off rent des perspectives de stratégies innovantes en
termes de thérapeutiques combinatoires et de mar-
queurs prédictifs de la réponse aux traitements.
Anticorps antitumoraux
Première génération d’anticorps monoclonaux
thérapeutiques
Le début des anticorps thérapeutiques monoclonaux
en oncologie coïncide avec le début de la médecine
personnalisée. En 1982, le Pr Ronald Levy montre, à
l’université de Stanford, en Californie, qu’il est possible
de générer un anticorps monoclonal thérapeutique sur
mesure pour chaque patient atteint d’un lymphome
folliculaire en ciblant lidiotype (B-cell receptor) exprimé
par la cellule tumorale (3). En eff et, par le jeu des recom-
binaisons somatiques, chaque idiotype de lymphocyte B
est unique. Cela en fait une cible thérapeutique idéale,
car chacun est exprimé de façon spécifi que par la cellule
tumorale. Cette stratégie permet alors de générer une
régression tumorale chez plus de la moitié des patients
traités. Cependant, elle est onéreuse et complexe à envi-
sager à grande échelle. Une solution est alors imaginée :
cibler un antigène, le CD20, communément exprimé par
tous les lymphomes folliculaires. Le rituximab est né et
deviendra le premier anticorps monoclonal thérapeu-
tique commercialisé. Depuis ce succès, d’autres anticorps
monoclonaux ont été générés et commercialisés en onco-
1 Centre de recherche en
cancérologie de Lyon,
UMR Inserm 1052 -
CNRS 5286, Lyon.
2 Institut d’hématologie et
d’oncologie pédiatrique,
GCS centre Léon-Bérard et
Hospices civils de Lyon.
3Université
Claude-Bernard -
Lyon-I et École normale
supérieure de Lyon.
4 Université d’Aix-Marseille,
Marseille.
5 Institut national de la
santé et de la recherche
médicale; Centre de
recherche en cancérologie
de Marseille.
6 IBiSA Cancer
Immunomonitoring
Platform, Institut Paoli-
Calmettes, Marseille.
Correspondances en Onco-Théranostic - Vol. II - n° 1 - janvier-février-mars 2013
33
Anticorps thérapeutiques
logie, ciblant soit un antigène exprimé à la surface de la
cellule tumorale soit un facteur de croissance impliqué
dans la vascularisation tumorale (tableau, p. 34).
Mécanismes d’action classiques
des anticorps antitumoraux
Le mode d’action de ces diff érents anticorps est com-
plexe et relève de la physiologie des anticorps. Ils
peuvent avoir une cytotoxicité propre en induisant
directement l’apoptose de la cellule tumorale après liai-
son avec leur cible, comme c’est le cas pour le rituximab
dans les lymphomes. Ils peuvent aussi être antagonistes,
en bloquant l’accès d’un facteur de croissance à son
récepteur (par exemple, l’HER2 et le trastuzumab). Mais,
grâce à des domaines d’activation situés sur leur partie
distale (Fc), les anticorps peuvent également induire
une destruction de la cellule cible indirectement par
activation du complément (voie d’activation CDC pour
Complement-Derived Cytotoxicity) ou par activation de
cellules de l’immunité innée telles que les lymphocytes
Natural Killers (NK), les monocytes/macrophages ou les
neutrophiles (voie d’activation ADCC pour Antibody-
Derived Cell Cytotoxicity) [fi gure] (4).
Nouvelles générations d’anticorps antitumoraux
Une des premières limites au développement des
anticorps thérapeutiques provenait de leur immuno-
génicité intrinsèque. En eff et, ces premiers anticorps
étaient produits dans des hybridomes humains/murins
et l’anticorps qui en résultait était une protéine chimé-
rique qui pouvait être reconnue comme étrangère et
donc éliminée par le système immunitaire de l’hôte. Les
nouvelles générations de mAbs sont par conséquent
des mAbs entièrement humanisés. Ensuite, il s’est avéré
que l’affi nité des récepteurs de la partie Fc des anticorps
exprimés par les cellules de l’immunité innée était un
facteur pronostique de la réponse aux traitements (5).
Par conséquent, l’innovation technologique a égale-
ment consisté en la production de mAbs dont l’isotype
est de meilleure affi nité pour les récepteurs Fc et dont la
glycosylation augmente les capacités d’ADCC des anti-
corps, comme, par exemple, l’obinutuzumab ou GA101,
nouvel anticorps anti-CD20 en cours d’essai clinique de
phase III (essai # NCT01010061, clinicaltrials.gov). Enfi n,
la spécifi cité des mAbs a permis d’utiliser ces molécules
comme vecteurs d’administration locale de traitements
cytotoxiques par la génération d’anticorps couplés à des
molécules de chimiothérapie, tels par exemple, l’anti-
CD33 gemtuzumab ozogamicine (Mylotarg®), utilisé en
compassionnel dans les leucémies myéloblastiques, ou
le nouvel anti-CD30 brentuximab védotine (Adcetris®)
dans les lymphomes anaplasiques et la maladie de
Hodgkin. Les anticorps permettent également une déli-
vrance de molécules radioactives à visée thérapeutique,
Structure et fonctions d’un anticorps Modes d’action des anticorps Amélioration des anticorps
Figure. Anticorps : structure et fonctions, modes d’action, amélioration.
Activation
de l’ADCC
Action antagoniste
ou agoniste sur la cible
Domaine
constant (Fc)
Domaine
variable (Fv)
Activation
du complément
Cytotoxicité directe
Antagonisme d’un récepteur de croissance
Effet agoniste induisant l’apoptose
Ciblage par un anticorps radiomarqué
Internalisation de toxines
Fonctions antitumorales dépendant du système
immunitaire
Activation du complément (CDC)
Phagocytose
Cytotoxicité médiée par les effecteurs immuns
exprimant les récepteurs Fc (ADCC)
Inhibition de mécanismes inhibiteurs des cellules
T (CTLA4 et PD1) et NK (KIR)
Activation immune (CD137, CD40)
Recrutement de cellules immunes (anticorps
bispécifi ques)
Action sur les vaisseaux et les phénomènes
immuno suppresseurs liés au microenvironnement
Inhibition du VEGF et de ses récepteurs
Inhibition des Treg, MDSC
Inhibition des cytokines immunosuppressives
(TGFβ)
Anticorps conjugués
Toxine
Radio-isotopes
Avantage : le ciblage par l’anticorps est complété
d’une fonction cytotoxique
Limites : dépend de la quantité d’antigène de
surface, de son internalisation, de la compétition
avec des antigènes solubles
Modifi cation de la partie Fc
Anticorps afucosylés
Avantages : augmentation de l’affi nité pour les
FcR qui vont médier l’ADCC, phagocytose
Inconvénients : augmentation de la toxicité contre
les tissus sains
Fragments d’anticorps
scFv
Fab
Nanobodies
TandAbs
Avantages : pénétration tissulaire et intratumorale
Correspondances en Onco-Théranostic - Vol. II - n° 1 - janvier-février-mars 2013
34
dossier thématique
Immunité
antitumorale
Tableau. Anticorps monoclonaux thérapeutiques commercialisés en France au 30 septembre 2011.
Nom Molécule Laboratoire Date AMM Cible Pathologies
Arzerra® Ofatumumab GlaxoSmithKline 19/04/2010 CD20 Leucémie lymphoïde chronique
Avastin® Bévacizumab Roche 12/01/2005 VEGF Cancer colorectal métastatique
Cancer du sein métastatique
Cancer bronchique non à petites cellules
Cancer du rein avancé et/ou métastatique
Cancers ovariens
Erbitux® Cétuximab Merck Serono 29/06/2004 EGFR Cancer colorectal métastatique exprimant l’EGFR
etprésentant le gène KRAS non muté
Herceptin® Trastuzumab Roche 04/09/2000 HER2 Cancer du sein métastatique,
avec surexpression tumorale de HER2
Mabcampath® Alemtuzumab Genzyme 10/07/2001 CD52 Leucémie lymphoïde chronique
Mabthera® Rituximab Roche 03/06/1998 CD20 Lymphomes non hodgkiniens
Leucémie lymphoïde chronique
Mylotarg® Gemtuzumab
ozogamicine
Pfi zer ATU CD33 Leucémie myéloïde chronique
Removab® Catumaxomab Fresenius Biotech 20/04/2009 EpCAM et CD3
(anticorps
bispécifi que)
Ascite maligne chez les patients atteints
de carcinomes EpCAM-positifs
Vectibix® Panitumumab Amgen 03/12/2007 EGFR Cancer colorectal métastatique exprimant l’EGFR
et présentant le gène KRAS non muté
Yervoy® Ipilimumab BMS 13/07/2011 CTLA4 Mélanome avancé, non résécable ou métastatique
Zevalin® Ibritumomab
tiuxétan
Schering AG 21/01/2004 CD20 Lymphome non hodgkinien
comme l’anti-CD20 90Y-ibritumomab tiuxétan (Zevalin®)
dans les lymphomes non hodgkiniens.
Anticorps immunomodulateurs
Rationnel pour une immunomodulation
en oncologie
Lavancée majeure pour l’immunothérapie des can-
cers est survenue dans un domaine indépendant de
l’oncologie. En 2002, 3 équipes ont publié de façon
concomitante, dans Nature Genetics, l’identifi cation
d’un gène, Foxp3, dont la mutation était responsable
d’un syndrome auto-immun fatal en néonatal chez
l’homme (le syndrome IPEX, pour Immune dysregulation,
Polyendocrinopathy, Enteropathy, X-linked) et d’atteintes
auto-immunes multiples chez la souris (phénotype
scurfy) [6]. De plus, elles ont montré que ce gène
était exprimé dans une sous-population de lympho-
cytes CD4+ ayant une fonction immuno suppressive.
La capacité à identifi er de façon spécifi que ces lym-
phocytes T régulateurs, communément dénommés
Treg, a permis un essor considérable de l’étude des
phénomènes de tolérance survenant dans le micro-
environnement tumoral. Il a par exemple été démontré
par la suite que l’importance de l’infi ltrat intratumoral
en Treg au diagnostic était directement corrélée à la
survie des patients dans de multiples cancers (cf. article
de J. Faget et al., p. 23) [7]. Il a pu être démontré que
l’immunosuppression des Treg, mais aussi d’autres T
CD4+ eff ecteurs, passe notamment par lexpression
d’une molécule appelée CTLA4 exprimée à leur surface
(8, 9). Lidentifi cation de CTLA4 a permis également
d’identifi er d’autres acteurs de l’immunosuppression
appartenant à la même famille de gènes. Il en est ainsi
du gène PD1 (Programmed cell Death protein 1), qui peut
être exprimé par les lymphocytes T CD4+ et CD8+ (10).
Son ligand, PD-L1, inhibe ainsi la fonction cytotoxique
des lymphocytes antitumoraux lorsqu’il est exprimé à
la surface des cellules tumorales PD1+ (11).
Anticorps antagonistes :
bloquer l’immunosuppression
Plusieurs industriels et académiques ont initié le
développement en clinique de ces anticorps immuno-
modulateurs en raison du rationnel prometteur produit
chez la souris. En eff et, ces modèles murins porteurs
de tumeurs ont démontré l’intérêt thérapeutique d’un
blocage par anticorps de ces diff érentes molécules
immunosuppressives.
Le “fi rst in class” et “fi rst in human de ces anticorps
immunomodulateurs a été l’anti-CTLA4 de BMS (ipi-
Correspondances en Onco-Théranostic - Vol. II - n° 1 - janvier-février-mars 2013
35
Anticorps thérapeutiques
limumab), qui a montré sa capacité à engendrer des
réponses antitumorales chez des patients atteints de
mélanomes métastatiques en échec thérapeutique (12),
y compris au niveau des sites intracérébraux (13). Lessai
clinique a cependant montré une toxicité signifi cative
chez les patients traités, de type auto-immune (diar-
rhées par infi ltrat colique, rashs cutanés, hypophy-
sites, etc.), mais qui répond généralement bien aux
corticoïdes.
Le succès de cet essai clinique a été suivi de près par
la double publication des essais de phase I/II utilisant
les anticorps anti-PD1 et anti-PD-L1, qui, eux aussi,
ont montré des réponses tumorales chez des patients
atteints de mélanomes métastatiques et de cancers du
poumon non à petites cellules, maladies considérées
comme peu sensibles aux traitements conventionnels.
De façon intéressante, l’essai clinique anti-PD1 a montré
que les patients ayant répondu au traitement expri-
maient tous le ligand PD-L1 en immunohistochimie au
niveau de leur tumeur, faisant de PD-L1 un probable
marqueur tumoral prédictif de la réponse au traitement
par anti-PD1 (cf. article de A. Boespfl ug et al., p. 17).
Deux particularités observées lors de ces essais d’anti-
corps immunomodulateurs les distinguent singulière-
ment des thérapeutiques conventionnelles. La première
est que les patients peuvent présenter des pseudo-
progressions tumorales au cours des premières semaines
qui suivent l’instauration du traitement (14). Le terme
pseudo-progression désigne une augmentation en ima-
gerie du volume des lésions tumorales, mais qui est
transitoire et que l’on attribue à linfi ltrat immunitaire qui
précède la réponse tumorale. La deuxième particularité
de ces molécules est quelles n’ont donné des réponses
tumorales que chez une petite proportion des patients
(inférieure à 20 %), mais ces réponses tumorales étaient
de longue durée (parfois plusieurs années), constatations
inhabituelles dans des pathologies réputées rapidement
et fatalement évolutives.
D’autres molécules régulant négativement la fonction
des lymphocytes T, telles que BTLA, TIM3, VISTA ou LAG3,
ont plus récemment été décrites (15). Ces molécules
font également l’objet de développement d’anticorps
antagonistes pour augmenter la fonction T eff ectrice.
Anticorps agonistes : activer les eff ecteurs
Comme expliqué précédemment, les anticorps mono-
clonaux thérapeutiques ont essentiellement été utilisés
jusqu’à présent pour leur capacité à bloquer des récep-
teurs (fonction antagoniste) ou à induire la déplétion
de la population cellulaire cible. Une autre particularité
des anticorps monoclonaux thérapeutiques est actuelle-
ment exploitée en immunothérapie antitumorale : leur
capacité à agir comme agonistes sur des récepteurs de
l’immunité. C’est par exemple le cas de l’anticorps anti-
CD137, actuellement développé en clinique dans les
tumeurs solides (essai # NCT00309023, clinicaltrials. gov).
CD137 (également connu sous le nom de 4-1BB) est un
récepteur de costimulation exprimé à la surface des
lymphocytes T et NK activés. L’anticorps anti-CD137
stimule par conséquent les lymphocytes exprimant
CD137, et l’objectif est daugmenter ainsi la réponse
immunitaire antitumorale physiologique. Un essai cli-
nique annexe fondé sur un rationnel plus élaboré est
également en cours. Lors de l’ADCC, les lymphocytes
NK sont activés par le biais de la reconnaissance du
fragment Fc de l’anticorps thérapeutique fi xé sur la
cellule tumorale. Cette activation se traduit 24 heures
plus tard par une expression de CD137 à la surface
des NK ayant trouvé leur cible. L’ajout de l’anticorps
anti-CD137 entraîne une augmentation de la fonction
cytotoxique des NK vis-à-vis de la cellule cible du pre-
mier anticorps thérapeutique. Par conséquent, cette
combinaison thérapeutique augmente leffi cacité de
l’ADCC des anticorps monoclonaux thérapeutiques
ciblant des antigènes tumoraux (16). Une combinai-
son anti-CD20 + anti-CD137 fondée sur ce rationnel
est actuellement en cours dans les lymphomes non
hodgkiniens (essai # NCT01307267, clinicaltrials.gov).
Un autre anticorps immunomodulateur agoniste, ciblant
la molécule CD134 (également connue sous le nom
de OX40), est en cours d’essai thérapeutique dans les
tumeurs de la prostate. Dautres molécules de costi-
mulation sont également la cible d’anticorps agonistes
comme HVEM, CD27 ou GITR (15).
Anticorps bispécifi ques: antitumoraux
et immunomodulateurs
Les progrès réalisés en génie génétique permettent
aujourd’hui de générer des anticorps contre pratique-
ment tout type de cible, y compris des cibles non pro-
téiques, comme par exemple l’anticorps dirigé contre
le ganglioside GD2 actuellement en développement
clinique dans le traitement des neuroblastomes (17).
Ces progrès techniques permettent également de pro-
duire des anticorps bispécifi ques ayant une double
spécifi cité. C’est le cas du blinatumomab, un anticorps
dont l’une des extrémités est dirigée contre le CD19
(un antigène exprimé par les blastes de leucémie
lymphoïdes) et l’autre contre le CD3 (molécule com-
posant le récepteur des lymphocytes T). Une fois lié à
sa cible blastique, l’anticorps peut activer la fonction
cytotoxique des lymphocytes T par la fonction ago-
Correspondances en Onco-Théranostic - Vol. II - n° 1 - janvier-février-mars 2013
36
Immunité
antitumorale
dossier thématique
niste vis-à-vis du CD3 de l’autre extrémité de l’anticorps.
Cette stratégie permet d’induire une lyse dirigée de la
cellule tumorale par les lymphocytes T, et l’anticorps
est par conséquent un anticorps thérapeutique à la
fois antitumoral et immunomodulateur. Cet anticorps
a donné des résultats impressionnants en mettant en
rémission moléculaire des patients adultes atteints de
leucémie lymphoblastique (18).
Conclusion
Le rôle joué par l’immunité dans l’effi cacité des chimio-
thérapies conventionnelles est maintenant formelle-
ment établi (19). Cependant, la chimiothérapie étant par
essence aplasiante, ce rôle est probablement atténué au
cours des cures. Le rôle de l’immunité est également bien
décrit pour la radiothérapie, mais il est limité aux zones
irradiées et ne permet généralement pas de contrôler
les maladies métastatiques (20). Les anticorps thérapeu-
tiques dirigés contre la cellule tumorale, acteurs majeurs
des thérapeutiques ciblées, permettent d’obtenir des
réponses tumorales systémiques souvent de courte
durée mais sans toxicité hématologique sur les eff ecteurs
immunitaires cytotoxiques. Le rationnel préclinique en
modèles murins permet de penser que la combinaison
de ces thérapeutiques ciblées avec les anticorps immu-
nomodulateurs off rira la possibilité d’augmenter à la fois
le nombre de patients répondeurs aux traitements et
la durée de la réponse à ces derniers.
1. Roux E, Martin L, Chaillou A. Trois cents cas de diphtérie
traités par le sérum antidiphtérique. Annales de l’Institut Pasteur
1894;8:640-61.
2. Maloney DG, Lilles TM, Czerwinski DK et al. Phase I clinical
trial using escalating single-dose infusion of chimeric anti-
CD20 monoclonal antibody (IDEC-C2B8) in patients with
recurrent B-cell lymphoma. Blood 1994;84(8):245-66.
3.
Miller RA, Maloney DG, Warnke R, Levy R. Treatment of B-cell
lymphoma with monoclonal anti-idiotype antibody. N Engl J
Med 1982;306(9):517-22.
4. Houot R, Kohrt HE, Marabelle A, Levy R. Targeting immune
eff ector cells to promote antibody-induced cytotoxicity in
cancer immunotherapy. Trends Immunol 2011;32(11):510-6.
5. Weng WK, Levy R. Two immunoglobulin G fragment C
receptor polymorphisms independently predict response to
rituximab in patients with follicular lymphoma. J Clin Oncol
2003;21(21):3940-7.
6. Ochs HD, Ziegler SF, Torgerson TR. FOXP3 acts as a rheostat
of the immune response. Immunol Rev 2005;203:156-64.
7. Ménétrier-Caux C, Gobert M, Caux C. Diff erences in tumor
regulatory T-cell localization and activation status impact
patient outcome. Cancer Res 2009;69(20):7895-8.
8. Olive D, Le Thi S, Xerri L, Hirsch I, Nunès JA. [The role of co-
inhibitory signals driven by CTLA-4 in immune system]. Med
Sci 2011;27(10):842-9.
9.
Wing K, Onishi Y, Prieto-Martin P et al. CTLA-4 control over
Foxp3+ regulatory T cell function. Science 2008;322(5899):
271-5.
10. Ghiotto M, Gauthier L, Serriari N, Pastor S, Truneh A, Nunès JA,
Olive D. PD-L1 and PD-L2 diff er in their molecular mechanisms
of interaction with PD-1. Int Immunol 2010;22(8):651-60.
11. Fourcade J, Sun Z, Pagliano O et al. CD8(+) T cells specifi c
for tumor antigens can be rendered dysfunctional by the tumor
microenvironment through upregulation of the inhibitory
receptors BTLA and PD-1. Cancer Res 2012;72(4):887-96.
12. Hodi FSS, O’Day SJ, McDermott DF et al. Improved survival
with ipilimumab in patients with metastatic melanoma. N Engl
J Med 2010;363(8):711-23.
13. Margolin K, Ernstoff MS, Hamid O et al. Ipilimumab in
patients with melanoma and brain metastases: an open-label,
phase 2 trial. Lancet Oncol 2012;13(5):459-65.
14. Hales RK, Banchereau J, Ribas A et al. Assessing oncologic
benefi t in clinical trials of immunotherapy agents. Ann Oncol
2010;21(10):1944-51.
15. Mellman I, Coukos G, Dranoff G. Cancer immunotherapy
comes of age. Nature 2011;480(7378):480-9.
16. Kohrt HE, Houot R, Goldstein MJ et al. CD137 stimulation
enhances the antilymphoma activity of anti-CD20 antibodies.
Blood 2011;117(8):2423-32.
17.
Yu AL, Gilman AL, Ozkaynak MF et al. Anti-GD2 antibody
with GM-CSF, interleukin-2, and isotretinoin for neuroblastoma.
N Engl J Med 2010;363(14):1324-34.
18. Topp MS, Kufer P, Gökbuget N et al. Targeted therapy
with the T-cell-engaging antibody blinatumomab of che-
motherapy-refractory minimal residual disease in B-lineage
acute lymphoblastic leukemia patients results in high res-
ponse rate and prolonged leukemia-free survival. J Clin Oncol
2011;29(18):2493-8.
19.
Galluzzi L, Senovilla L, Zitvogel L, Kroemer G. The secret
ally: immunostimulation by anticancer drugs. Nat Rev Drug
Discov 2012;11(3):215-33.
20. Ma Y, Conforti R, Aymeric L et al. How to improve the
immunogenicity of chemotherapy and radiotherapy. Cancer
Metastasis Rev 2011;30(1):71-82.
Références
1 / 5 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !