Le champ proche non-rayonnant

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Le champ proche non-rayonnant
Technologies nouvelles, concepts anciens
Il est bien naturel de commencer par une définition du domaine que nous allons explorer. Il
s’agit : « d’échanges d’énergie à courtes distances sans fils ni support matériel qui, bien
qu’utilisant des champs électriques et magnétiques, ne font appel ni au modèle de la
propagation d’ondes ni au concept associé de photons».
Cette première définition, qui procède par exclusions successives, est révélatrice d’un sujet
conceptuellement délicat pour le physicien actuel. Cette difficulté est pourtant relativement
récente. Si l’on remonte un bon siècle en arrière, avant la découverte des ondes
électromagnétiques (par la suite EM), les scientifiques disposaient de tout un arsenal de
concepts classiques permettant de décrire et de quantifier de manière totalement satisfaisante
de telles situations.
L’embarras qui a fait suite à l’émergence des théories quantiques est lié, selon nous, comme
nous venons de le suggérer et l’expliciterons pour les lecteurs intéressés, à l’appropriation
impropre de la notion d’interaction véhiculée par des grains d’énergie vus comme des
particules classiques ; les photons.
Que les lecteurs novices ou simplement pragmatiques se rassurent, ces technologies
nouvelles, qui vont permettre aux ingénieurs de vous débarrasser des fils électriques qui
encombrent votre vie quotidienne, s’expliquent bien mieux à l’aide de concepts classiques de
force à distance et de milieux continus qu’à l’aide de la théorie quantique des champs. Dans la
littérature du domaine de l’énergie sans fil, sont souvent utilisées de manière impropre des
expressions comme « émetteur », « rayonnement » ou encore « ondes évanescentes », alors
qu’étonnamment une ignorance totale de la physique des ondes et des théories quantiques est
plus un avantage qu’un handicap pour comprendre les concepts rattachés aux champs proches
non-rayonnants.
L’exposé didactique qui suit est structuré en trois niveaux de lecture. Cela ne signifie pas que
le premier niveau élude des aspects importants et pourra être sauté par certains lecteurs, mais
seulement que la physique sous-jacente est introduite d’une manière élémentaire, expurgée au
maximum de contenus mathématiques et de concepts abscons.
Le deuxième niveau est aussi très pragmatique, complémentaire du précédent on y introduit
les outils mathématiques de base et on pénètre un peu plus certains aspects conceptuels.
Le côté un peu dramatique de l’entrée en matière précédente s’adresse aux plus téméraires des
lecteurs ; ceux qui armés d’un solide bagage scientifique atteindront le troisième niveau de cet
apprentissage. En dehors d’y trouver l’introduction du formalisme utilisé pour justifier les
résultats et idées introduites antérieurement, les lecteurs y seront invités à entreprendre une
méditation quasi-métaphysique sur la pertinence du concept de particule ponctuelle
fondement du modèle standard de la physique moderne.
Commençons maintenant ce voyage dans le monde du sans-fil non-rayonnant par des
considérations élémentaires sur l’origine et le sens du vocabulaire utilisé.
De toutes les expressions compactes utilisées de nos jours pour décrire ces technologies
naissantes, la plus consensuelle chez les spécialistes est « champ-proche électromagnétique »
ou plus simplement « champ-proche ». Il faut dire que cette expression est assez mal choisie
ou au mieux incomplète. Commençons par expliciter ce point.
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C'est quoi au juste le champ proche ?
La notion de proximité relative est facile à comprendre, il s'agit de comparer la distance du
point d'observation à la taille de l'objet que l'on considère. Si ce rapport est très petit on se
trouve à proximité immédiate de l'objet et s'il est grand on se trouve relativement loin de se
dernier, évidemment en physique tout est relatif !
d
Tout est relatif
Point d’observation
d << L Courte distance relative
d >> L Longue distance relative
L
Fig. 1: Concept de proximité relative
Cette notion permet de simplifier l'analyse mathématique de nombreux problèmes suivant que
l'on se place au voisinage immédiat de l'objet d'étude ou loin de ce dernier, ce faisant on
réalise certaines approximations. Rappelons que le modèle physique parfait est utopique, toute
théorie physique n'étant par essence qu'une description approximative d'un tout interconnecté
bien plus complexe. L'art du physicien appliqué étant de déterminer avec les outils existants
les approximations qui décrivent au mieux, avec la précision souhaitée, la situation
considérée. L’art du physicien théorique étant de choisir et définir les concepts élémentaires
qui rendent les observations le plus simplement intelligibles par notre esprit humain c'est-àdire d’élaborer les outils les plus appropriés pour ce faire1. La notion de proximité
géométrique relative est ainsi le premier concept physique élémentaire que nous rencontrons,
il rentre dans la grande famille de ce que l’on appelle l’ « analyse dimensionnelle ».
Malheureusement ce n'est pas à cette notion de proximité relative que renvoie usuellement
l'expression "champ proche", mais plutôt à une comparaison de la distance d'observation avec
la longueur d'onde du rayonnement issu de l’objet. En effet les ondes se propageant à une
vitesse donnée, on peut associer à chaque fréquence une longueur particulière appelée
longueur d’onde. On peut alors comparer la distance d’observation à la longueur d’onde. Si la
distance d’observation est grande devant la longueur d’onde, on dit que l’on se situe dans le
champ lointain, alors que si elle est petite devant la longueur d’onde, on se situe dans le
champ proche2.
d
λ
Ici nous sommes
dans le domaine du
champ lointain
d << λ Champ EM proche
d >> λ Champ EM lointain
Fig. 2: Concept de proximité électromagnétique
1
Cette recherche des explications les plus simples possible est connue sous le nom de « Principe du Rasoir
d’Ockham ».
2
Suivant la taille et la forme de l'objet rayonnant on peut distinguer d’autres zones intermédiaires telles que la
zone de Fraunhofer pour les antennes en forme de cornet.
-2www.tmms.co.jp/wireless-power
Les deux notions précédentes, celle de la proximité géométrique et celle de la proximité EM
peuvent se combiner. On peut ainsi être proche d'un objet tout en étant dans son champ EM
lointain (si la longueur d’onde est beaucoup plus petite que la taille de l’objet) ou inversement
être loin d'un objet tout en étant toujours dans son champ EM proche (si la longueur d’onde
est beaucoup plus grande que la taille de l’objet).
Cette notion de double proximité est parfois source de confusions, en effet si ce n’est pas
précisé on ne peut pas savoir si la proximité se réfère à la taille de l’objet ou à la longueur
d’onde, mais elle est surtout insuffisante pour caractériser une propriété physique importante
des dispositifs pratiques: leur aptitude à rayonner de l’énergie à distance. En effet les critères
de proximité ne nous disent pas, pris individuellement, si un objet stocke préférentiellement
de l'énergie autour de ses électrodes comme le fait un condensateur par exemple ou si l'objet
rayonne la plus grande partie de l'énergie mise en œuvre sous la forme de la
propagation d'ondes EM comme c'est le cas pour un téléphone mobile. Pour ce faire il faut
considérer le troisième rapport de distances possible celui de la taille de l'objet comparé à la
longueur d'onde.
Moi je rayonne
pas mal !
λ
L
λ << L Energie rayonnée au loin
λ >> L Energie stockée localement
Fig. 3: Objets principalement rayonnants ou peu rayonnants
Ce dernier rapport ne fait plus intervenir la distance d'observation ; il existe ainsi des objets
qui sont essentiellement rayonnants si leurs dimensions sont comparables ou plus grandes que
les longueurs d'ondes considérées et d'autres qui stockent l'énergie sans déperdition notable
dans leur proche environnement si leurs dimensions sont nettement plus petites que les
longueurs d'ondes considérées.
Lorsqu’on se place dans une situation de champ proche non-rayonnant c’est que l’on
considère la zone de proximité EM (une distance à l’objet petite devant la longueur
d’onde) pour un objet qui ne rayonne que très peu d’énergie au loin (dont la taille est
petite devant la longueur d’onde).
Dans les cas limites idéaux des champs électriques ou magnétiques statiques, par exemple
lorsque l’on considère un condensateur chargé ou un aimant permanent, la zone de champ
proche est infinie et le rayonnement d’énergie à grande distance est nul.
Et alors ?
Pour les dispositifs non-rayonnants, la plus grande partie de l’énergie mise en œuvre reste
stockée dans la zone de champ proche EM. Ainsi si deux dispositifs de ce type sont placés
dans leurs zones de champs proches respectives, ils sont en mesure d’échanger de l’énergie à
très haut rendement sans faire appel à du rayonnement. C’est par exemple le cas quand on
-3www.tmms.co.jp/wireless-power
manipule des aimants permanents ou des charges électriques pour déplacer des objets à courte
distance. Plus généralement c’est aussi le cas dans les dispositifs impliquant une interaction
entre dipôles électromagnétiques tournant relativement lentement (c'est-à-dire dans la pratique
presque tous les générateurs électriques existants). C’est aussi le cas pour certains dispositifs
dits « solid-states » (où le champ tournant lentement virtuellement est obtenu sans pièces
mécaniques mobiles) tels que les transformateurs ou plus généralement les bobines couplées
(dans la mesure où elles restent placées dans leurs zones de champ proche non-rayonnant).
Pour les lecteurs intéressés, nous détaillerons dans la partie consacrée aux circuits couplés à
distance le cas beaucoup plus mal connu des dispositifs électriques impliquant des dipôles
électriques oscillants couplés.
Les dispositifs que nous étudierons entrent ainsi dans le sous- groupe « solid-state » des
machines électrotechniques.
Choix d’un vocabulaire adapté
Les dispositifs de champ propre échangent de l’énergie sous une forme très différente de celle
mise en œuvre dans le cas du champ lointain. Pour éviter des confusions et s’affranchir de la
lourdeur de définitions par exclusions, il nous semble pertinent de choisir un vocabulaire clair
et précis. Pour définir les deux domaines d’application des champs proches non rayonnants
nous proposons d’appeler système à « induction magnétique » ceux qui utilisent un champ
proche non rayonnant à dominante magnétique et systèmes à « influence électrique » ceux
qui utilisent un champ proche non rayonnant à dominante électrique1. Il nous arrivera de
désigner par « Induction » le domaine des systèmes à induction magnétique et par
« Influence » celui des systèmes à influence électrique. Nous essayerons
d’éviter
l’expression « quasi-statique », pourtant courante, car l’analyse montrera que de tel systèmes
sont fondamentalement dynamiques2. Il nous semble par ailleurs approprié de garder, chaque
fois que cela est possible, les expressions historiques de l’électrotechnique, comme « force
électromotrice », « dipôle générateur », « dipôle électromoteur ». Lorsqu’il s’agira de bobine
couplées de manière non rayonnante, même sur des distances relatives importantes, nous
utiliserons des expressions du type : «bobines primaire » et « bobine secondaire » et non pas
« émetteur et récepteur » ou encore « antennes » comme c’est beaucoup trop souvent le cas
dans la littérature moderne, révélant la présence du dogme grandissant du tout ondulatoire.
λ
d
Antenne réceptrice
Antenne émettrice
Fig. 4 : Exemple de situation et de vocabulaire adapté pour le champ lointain
1
Dans certains pays tels que les Etats-Unis l’expression « induction électrique » est plus courante que celle d’
« influence électrique » cependant cela est source de confusions et ne correspond pas aux faits historiques.
2
La seule justification possible est de donner à l’expression « quasi-statique » le sens de « non rayonnant » ce
qui n’est pas ce qu’elle signifie étymologiquement.
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λ
d
Bobine primaire
Bobine secondaire
Fig. 5 : Exemple de situation et de vocabulaire adapté pour le champ proche non-rayonnant
Pour terminer cette entrée en matière, donnons un ordre d’idée de valeurs pratiques. Pour une
fréquence de 1Mhz (la majorité des systèmes récents fonctionnent en dessous de cette valeur)
la longueur d’onde est de 300m. Ainsi des dispositifs à taille humaine séparés par des
distances de l’ordre du mètre sont largement dans la zone de champ proche non-rayonnant.
En résumé
La notion de proximité telle qu’elle apparaît dans l’expression champ proche ne suffit pas
pour décrire le comportement des objets EM, il faut rajouter un autre concept, la notion
d'énergie totale rayonnée, et celle plus abstraite encore d'énergie potentielle qui reste stockée
au voisinage de l'objet et dont la nature reste encore mystérieuse de nos jours.
Depuis les succès incontestables de la théorie quantique du champ électromagnétique (EDQ
dans la suite) on a tendance à croire que tous les échanges d'énergie EM se font par de simples
échanges de photons. Ceci est formellement vrai et il n'est pas question dans la suite de
remettre en cause des résultats indiscutables obtenus en accord si précis avec l'expérience
mais de se garder d'une absence prolongée d'interprétation physique ou pire d'une
interprétation ondulatoire dogmatique qui nous semble maintenant trop courante.
Dans le domaine de l’EDQ y a en effet photons et photons. Seuls ceux du champ lointain sont
dit réels car détectables et mesurables individuellement alors que pour le champ proche c'est
une toute autre affaire. Plus étonnant encore le champ proche prend deux formes distinctes et
totalement découplées souvent qualifiées de manière impropre de quasi-électrostatique et de
quasi-magnétostatique et que nous appellerons respectivement « influence électrique » et
« induction magnétique » ou en utilisant les noms « Influence » et « Induction ». Ces
domaines, même s’ils prennent des formes technologiques modernes, peuvent être décrits et
modélisés simplement à l’aide d’outils, concepts et vocabulaire anciens développés lors de
l’émergence de l’électrotechnique c'est-à-dire bien avant la découverte des ondes EM.
Le lecteur qui ne souhaite pas approfondir davantage le domaine fondamental est invité
maintenant à choisir un domaine d’application et suivre la progression didactique proposée.
Le niveau 2 propose un approfondissement des notions classiques de force à distance en
insistant sur le caractère quasi-mécanique du champ proche qui nous conduit à proposer un
nouveau cadre conceptuel.
Dans le niveau 3 nous développons le thème de l'unification EM, mais d'une certaine manière
à contre courant. Nous montrons qu'il existe une rupture fondamentale non triviale aussi bien
qualitative que quantitative au sein des équations classiques dites de « Maxwell» et que cette
situation perdure dans le cadre quantique. Cette bifurcation permet de formaliser la distinction
que nous venons de faire entre champ proche et champ lointain.
-5www.tmms.co.jp/wireless-power
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