Embolie artérielle du membre inférieur après lithotritie

Progrès en Urologie (1997), 7, 1004-1006
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Embolie artérielle du membre inférieur après lithotritie
extracorporelle. A propos d’un cas
Yves PONSOT, Gabriel LABERGE, Michel CARMEL
Département de Chirurgie, Services de Chirurgie vasculaire et d’Urologie,
Centre Universitaire de Santé de l’Estrie, Sherbrooke, Québec, Canada
RESUME
Les auteurs rapportent un cas d’embolie artérielle
du membre inférieur droit survenu après traite-
ment par lithotritie extracorporelle d’un calcul de
l’uretère pelvien gauche.
Cette complication probable de la lithotritie n’a
jamais été rapportée dans la littérature.
Mots clés : Calculs urinaires, embolie artérielle, lithotritie
extracorporelle.
Progrès en Urologie (1997), 7, 1004-1006.
OBSERVATION
Un homme de 78 ans est hospitalisé dans un tableau de
colique néphrétique fébrile due à un calcul radio-
opaque de 15 mm situé à la jonction urétéro-vésicale
gauche.Après un traitement antibiotique qui stérilise
les urines et rend le patient apyrétique, celui-ci nous est
adressé pour lithotritie extracorporelle.
Le patient est traité sur un lithotriteur de dernière géné-
ration Siemens Lithostar Multiline.
Après visée radiologique en décubitus dorsal strict, le
traitement est réalisé par 4000 ondes de choc à la puis-
sance maximale autorisée pour les calculs du bas ure-
tère.Au cours de la visée du calcul nous n’avons pas
mis en évidence de calcification vasculaire dans l’axe
de l’onde de choc.
Ce traitement réalisé en externe sous sédation intravei-
neuse par 100 microg de fentanyl est bien supporté par
le patient. Ce dernier présente quelques heures après le
traitement des douleurs dans le membre inférieur droit.
Il ne viendra à l’urgence que 72 heures après où il est
diagnostiqué une obstruction arrielle aiguë du
membre inférieur droit.
Le patient subit en urgence une désobstruction artériel-
le à la sonde de Fogarty.Au cours de l’intervention il
n’est pas noté de lésion athéromateuse majeure au
niveau des axes vasculaires du membre inférieur droit.
Les suites post-opératoires sont marquées par la néces-
sité de réintervenir pour une deuxième désobstruction
puis pour une amputation de jambe. Le patient décède-
ra trois semaines plus tard des suites d’un accident vas-
culaire cérébral.
La position du patient en décubitus dorsal sur la table
de traitement est incompatible avec l’hypothèse d’une
compression vasculaire au cours de la lithotritie. Le
patient, bien que porteur d’une maladie vasculaire arté-
riosclérotique, ne souffrait pas avant la lithotritie d’in-
suffisance artérielle du membre inférieur droit. Le
bilan post-opératoire à la recherche d’une étiologie n’a
pas mis en évidence de maladie cardiaque emboligène
ni de coagulopathie.
L’examen anatomopahologique de l’embole n’a mis en
évidence qu’un caillot fibrino-cruorique banal sans
fragment de plaque d’athérome.
DISCUSSION
Le lithotriteur Siemens Lithostar Multiline est un appa-
reil multifonctionnel de dernière génération. Il permet
de traiter les calculs de l’appareil urinaire sur toute sa
hauteur à condition que la corpulence du patient soit
compatible avec la distance focale de l’appareil. La
table de traitement horizontale accueille le patient en
décubitus dorsal ou ventral selon la situation du calcul.
Il utilise un générateur d’ondes de choc électromagné-
tique situé sous le patient selon un axe latéral-externe
de 30 degrés. Ce générateur de dernière génération
(système M) a une distance focale de 12 cm et une sur-
face de pénétration supérieure de 40% par rapport au
générateur précédent (système C). La zone focale fait
6 x 60 mm et la pression générée est de 50 Mpa au
point focal. L’axe de l’onde de choc est orienté de 30
degrés par rapport à la verticale. Lorsqu’on traite un
calcul de l’uretère pelvien, le générateur est couplé sur
la fesse ipsilatérale du patient en décubitus dorsal
strict. L’onde de choc passe par l’échancrure sciatique.
Après avoir frappé le calcul, elle se dirige vers les vais-
seaux iliaques controlaraux. Le centrage radiolo-
gique du calcul se fait selon deux axes transversaux :
Manuscrit reçu : février 1997, accepté : mai 1997.
Adresse pour correspondance : Dr. Y.Ponsot, Centre Universitaire de santé de
lEstrie, Service dUrologie, Pavillon Fleurimont, 3001, 12è avenue nord,
Sherbrooke (Québec) J1J 5N4, Canada.
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10 degrés et + 30 degrés.L’axe de repérage à 30 degrés
est celui de l’onde de choc, il permet de voir si une
structure vasculaire calcifiée est sur le trajet de l’onde.
Il permet aussi de contrôler en cours de traitement la
bonne position du calcul et de le recentrer si nécessai-
re. La présence d’un anévrisme artériel ou d’une artère
calcifiée à proximité du centre de visée dans cet axe est
pour nous une contre-indication au traitement à cause
du risque potentiel de traumatisme vasculaire. Chez ce
patient, il n’y avait ni sur le cliché simple de l’abdomen
ni sur l’incidence de visée à 30 degrés de calcification
artérielle iliaque visible.
Nous avons retrouvé dans la littérature 2 cas de throm-
bose veineuse et 1 cas de thrombose artérielle comme
complication de la lithotritie extracorporelle [1, 3, 5].
Dans une de ces observations qui portait sur une throm-
bose portale après lithotritie d’un calcul biliaire, le
patient présentait une dysfonction des mécanismes de
la fibrinolyse pouvant être à l’origine de la complica-
tion [1]. Par contre, dans les deux autres cas, il n’y
avait aucun facteur prédisposant et le mécanisme invo-
qué était le traumatisme de l’onde de choc sur la paroi
vasculaire.Expérimentalement, il a été décrit la forma-
tion de petits thrombus dans la veine rénale après litho-
tritie chez le chien [2].Il est démontré que la lithotritie
a un effet traumatique vasculaire tant chez l’animal que
chez l’homme au point focal et sur le trajet de l’onde de
choc [4].La création de bulles de cavitation qui est une
observation commune dans le système porte au cours
de séances de lithotritie de calculs biliaires est avancée
comme cause possible d’un cas de thrombose porte [6].
Il n’a jamais été décrit à notre connaissance de compli-
cation telle une rupture d’anévrisme aortique ou la
migration de plaque d’athérome à la suite de lithotritie
extracorporelle.
Néanmoins le Siemens Multiline est un lithotriteur sûr
et notre expérience de plus de 400 traitements ne nous
a pas permis d’observer d’autres complications trauma-
tiques telle un hématome périrénal ou rétropéritonéal.
CONCLUSION
Nous rapportons le premier cas de complication vascu-
laire après lithotritie extracorporelle d’un calcul urété-
ral pelvien. Cette observation bien qu’exceptionnelle
doit nous rappeler que ce traitement n’est pas exempt
de morbidité due au traumatisme de l’onde de choc.
REFERENCES
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Commentaire du lecteur (E. Lechevallier, Hôpital Salvator,
Marseille)
Le risque vasculaire de la lithotritie extracorporelle a été évoqué
dès l’utilisation de cette technique chez l’homme. Cependant
aucune certitude n’existe concernant l’innocuité ou le risque des
ondes de choc sur les parois vasculaires.
In vitro, sur des parois d’anévrismes aortiques calcifiés réséqués
aucune différence histologique n’a été observée entre des échan-
tillons soumis à des ondes de choc et des échantillons témoins
[4]. En particulier les ondes de choc ne semblent pas in vitro
fragmenter les plaques calcifiées. Les auteurs de ce travail ne
fournissent pas d’explication à cette absence d’effet (protection
des plaques par le cholestérol?).
Cependant certains travaux [5] ont montré in vivo chez l’animal
des lésions des vaisseaux intrarénaux dues à la lithotritie extra-
corporelle. Ces lésions peuvent concerner les veines et les
artères. Il peut s’agir de lésions pariétales, de rupture ou de
thrombose.
En clinique il a été rapporté des cas de rupture d’anévrisme aor-
tique après lithotritie extracorporelle [2] bien que la causalité
lithotritie-rupture soit difficile à affirmer.
Certains auteurs ont mis en évidence des troubles de la biologie
de la coagulation après lithotritie rénale [3].
Dans le doute il paraît cependant prudent de dépister avant litho-
tritie extracorporelle une pathologie artérielle par une échogra-
phie chez les sujets à risques vasculaires ou les hommes de plus
de 65 ans [2].
Lorsqu’une telle pathologie existe, il est souhaitable d’éviter
d’aligner la zone pathologique sur l’axe de visée, de positionner
la tache focale à distance de l’artère pathologique et de réduire
la puissance de tir [1, 2].
REFERENCES
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Réponse des auteurs
Nous respectons toujours les contre-indications vasculaires de la
lithotritie extracorporelle et nous ne traitons pas par cette métho-
de les patients qui ont sur le trajet de l’onde choc une calcifica-
tion vasculaire lorsque nous effectuons le centrage dans l’axe de
30 degrés qui correspond au susdit trajet.
Néanmoins nous pensons qu’une maladie vasculaire artériosclé-
rotique n’est pas une contre-indication à la lithotritie si celle-ci
ne siège pas sur le trajet de l’onde.
____________________
SUMMARY
Arterial embolism of the lower limb after extracorporeal
lithotripsy.A case report.
The authors report a case of arterial embolism of the right lower
limb after extracorporeal lithotripsy for left pelvic ureteric stone.
This probable complication of lithotripsy has never been repor -
ted in the literature.
Key-words : Urinary stones, arterial embolism, extracorporeal
lithotripsy.
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