La politique arctique de l`Alaska - Chaire Raoul-Dandurand

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La politique arctique de l’Alaska
Conjuguer intérêts nationaux et réalités régionales
JOËL PLOUFFE
Secrétariat sur la géopolitique de l’Arctique
Chaire Raoul-Dandurand
La politique arctique de l’Alaska
Conjuguer intérêts nationaux et réalités régionales
JOËL PLOUFFE
Avant-­‐propos Cette note de recherche est préparée à l’hiver/printemps 2013 et est publiée dans le cadre
des activités du Secrétariat sur la Géopolitique de l'Arctique de la Chaire RaoulDandurand, à l’attention du Ministère des relations internationales, Francophonie et
Commerce extérieur du Québec (MRIFCE). Les trois sections de cette étude
correspondent aux questions soulevées par le MRIFCE avant et pendant la préparation de
cette note et les conclusions de cette recherche ont été présentées au MRIFCE à Québec
le 18 juin 2013, en compagnie de représentants du MRIFCE, du ministère du
Développement durable, de l’Environnement, Faune et Parcs ainsi que du ministère des
Ressources naturelles.
La Chaire Raoul-Dandurand en études stratégiques et diplomatiques rend cette note
publique. Elle contient en effet une somme d’informations susceptibles d’aider à mieux
comprendre des transformations profondes à l’œuvre dans les relations internationales et
qui sont susceptibles de toucher le Québec et le Canada.
À propos de l’auteur Joël Plouffe a été chercheur au Secrétariat sur la géopolitique de l’Arctique à la Chaire
Raoul-Dandurand (UQAM) et est présentement doctorant en Administration publique à
l’École nationale d’administration publique (ENAP) et chercheur à l’Observatoire de la
politique et la sécurité de l’Arctique (OPSA). En 2013, il a été Visiting Scholar au Center
for Global Affairs - New York University, et au Jackson School of International Studies University of Washington. Il est co-directeur de la revue Arctic Yearbook, une
publication internationale et interdisciplinaire, consacrée à l’analyse géopolitique de
l’Arctique.
2 Résumé Plus que jamais, l’augmentation des activités humaines dans la zone septentrionale des
Etats-Unis suscite intérêt et appréhension. Dans un contexte de changements climatiques
en Arctique, l’Alaska cherche donc à mesurer les répercussions de cette mutation sur son
territoire et d’en tirer des avantages majeurs, notamment sur les plans économique et du
développement durable. Or si le potentiel de développement est estimé à des centaines de
millions de dollars dans la zone arctique de l’Alaska, et que des acteurs privés et
politiques sont plus que jamais prêts à investir et à s’investir dans la région, l’État est tout
de même aux prises avec d’importants déficits au plan des infrastructures pouvant
soutenir les pressions de la ruée vers le Grand Nord. De surcroît, alors que la mutation
arctique dévoile le potentiel économique de l’État (industries extractives, tourisme,
pêche, transport maritime), la fonte des glaces demeure l’un des plus gros défis auxquels
font face les États arctiques, et l’Alaska n’est aucunement épargné. Des villages au Nord
disparaissent en raison de l’érosion des côtes et de la fonte du pergélisol, forçant des
centaines d’habitants à se relocaliser. Cette réalité du changement climatique coûte cher à
l’État, et exige des responsables locaux et fédéraux de planifier l’avenir de cet État
septentrional et celui de sa population.
C’est pourquoi, au vu des risques et opportunités afférents au changement climatique,
l’Alaska s’est engagé il y a quelques années dans un processus de réflexion inédit sur son
avenir : le développement d’une première politique alaskienne de l’Arctique. L’objectif
de cette réflexion stratégique est double : favoriser une discussion régionale sur l’avenir
de l’État et influencer le processus décisionnel à Washington qui touche à l’Arctique et
aux enjeux de l’Alaska.
Cette étude dresse un portrait sommaire du processus en cours sur la politique arctique de
l’Alaska, et tente d’en tirer des leçons ou des exemples qui pourraient contribuer à la
réflexion du Gouvernement du Québec sur sa propre vision du Nord (ou politique
nordique/arctique).
3 4 Table des matières Introduction ................................................................................................................................ 5
Partie I: Les fondements : une politique formulée par et pour le Nord ........................ 9 1. Des motifs régionaux ........................................................................................................................................ 9 1.1 Le climat : un territoire en mutation ................................................................................................. 10
1.2 Le fédéral : une approche trop centralisée ? ................................................................................... 14
1.3 L’économie : un État sous pression de la mondialisation ....................................................... 18 Partie II : La portée: Une démarche orientée vers l'extérieur ...................................... 26
2. Des actions stratégiques ................................................................................................................................ 26 2.1 Problématiser: l’Arctique change ...................................................................................................... 26
2.2 Évaluer : un processus de réflexion .................................................................................................. 29
2.3 Actions : la commission politique arctique de l’Alaska ............................................................. 32
2.4 Politique internationale : une paradiplomatie renforcée ? ......................................................... 33 Partie III – Conclusions : Options politiques pour le Québec nordique/arctique ..... 40 3.1. Conclusions/observations générales sur l’Alaska nordique/Arctique .................................. 40
3.2. Options politiques pour le Québec nordique/arctique : un début de réflexion .................. 41
5 Introduction
Le changement climatique est l’un des plus gros défis auxquels font face les États
arctiques. En Alaska – État le plus septentrional des États-Unis – les effets se font sentir
depuis plusieurs années déjà. En effet, au Nord, la fonte des glaces a des conséquences
considérables sur la vie des côtiers devenus réfugiés climatiques. Des villages entiers sont
engloutis dans une mer violente – dépourvue de ses glaces – qui dévore les côtes
septentrionales de la « dernière frontière américaine » et qui force des centaines
d’habitants à se relocaliser dans des lieux plus sécuritaires, moins vulnérables. Les coûts
de relocalisation sont énormes pour l’État et surtout pour les populations affectées,
forcées de quitter leur lieu de vie.
À travers ces mutations inédites, alors que certains villages disparaissent littéralement
dans le Nord de l’État, la fonte des glaces en mer de Beaufort et des Tchouktches, et le
climat plus favorable aux activités humaines dans la zone arctique, ouvrent aussi la voie à
de nouvelles occasions d’affaires en Alaska. À cet égard, bien qu’il soit réel et source de
problèmes majeurs pour les résidents du Nord – et lourd pour les coffres de l’État –,
l’impact du climat sur ce vaste territoire arctique ne se résume pas aux catastrophes
naturelles. Bien au contraire, comme ailleurs dans le monde circumpolaire, l’Alaska
cherche désormais à planifier et à maximiser le potentiel économique de la mutation de
son espace arctique – sur terre et en mer – afin que l’ensemble de l’État puisse bénéficier
des retombées d’un nouvel élan de développement économique.
Il y à peine quelques années, s’il semblait pratiquement impensable de développer la zone
septentrionale de l’Alaska – notamment en raison des conditions climatiques peu
favorables aux activités économiques et l’absence d’intérêt des multinationales –, il reste
que l’extrême Nord des États-Unis se transforme aujourd’hui en un nouveau territoire à
exploiter, du jamais vu depuis la découverte de pétrole à Prudhoe Bay à la fin des années
1960.
En effet, le réchauffement du climat et la fonte des glaces arctiques, conjugués à la
demande mondiale pour les hydrocarbures et la pression de la mondialisation, favorisent
l’arrivée de compagnies pétrolières, gazières et minières en quête de nouvelles zones
d’extraction où abondent des ressources naturelles inexploitées (i.e. gaz, pétrole, uranium,
zinc, diamants, charbon, fer, or, minerais précieux, ressources halieutiques, forêts
subarctiques) et davantage accessibles notamment par voie maritime. Le potentiel de
développement est estimé à des centaines de millions de dollars dans la zone alors que
des acteurs privés et l’État sont plus que jamais prêts à investir et à s’impliquer dans la
région. De fait, en plus de la croissance des activités extractives sur terre, la fonte des
glaces favorise aussi une augmentation inédite d’activités économiques dans les eaux
6 alaskiennes (transport maritime, tourisme, pêches, exploration de gaz et de pétrole), une
zone cependant dépourvue d’infrastructures adéquates pouvant accommoder la ruée vers
l’Arctique.
Dans tous les cas, et dans ce contexte de changements majeurs pouvant avoir des impacts
catastrophiques sur la faune et la flore alaskiennes ainsi que sur la vie et la santé des
résidents du Nord – notamment les Iñupiat, les Yupiks, les Aléoutes et les Gwich’in –, il
appartient aux autorités locales et fédérales d’accompagner les acteurs économiques pour
limiter l’impact écologique de leurs activités croissantes sur le territoire de l’Alaska.
Phénomène irrévocable, la mutation de l’Alaska amène les décideurs politiques, la
communauté des affaires et la société civile à repenser le développement, la sécurité et la
prospérité de l’État dans des termes nouveaux. C’est pourquoi, au vu des risques et
opportunités afférents au changement climatique, l’Alaska s’est engagé il y a quelques
années dans un processus de réflexion inédit sur son avenir.
L’objectif de cette réflexion stratégique est le développement d’une première politique
alaskienne de l’Arctique qui, dans un premier temps, décrira comment, dans le contexte
de l’évolution du climat et des conséquences qui en découleront, l’Alaska compte
développer son territoire et faire avancer ses intérêts et ceux de tous ses résidents.
Dans un deuxième temps, face aux changements climatiques et aux défis émergents dans
le Grand Nord, cette vision compte faire valoir l’Alaska comme un atout stratégique des
États-Unis : de nouveaux investissements fédéraux sont nécessaires en Alaska
(notamment pour les activités maritimes) afin de développer le potentiel de la région et
assurer la sécurité et prospérité nationales des États-Unis. La politique arctique de
l’Alaska cherche donc aussi à influencer les priorités de la politique nationale de
l’Arctique (actuellement en reformulation à Washington), une politique qui serait
incomplète, selon les autorités et résidents de l’Alaska, si elle était formulée sans la
contribution/consultation actives des Américains qui connaissent et habitent le Nord. La
politique arctique de l’Alaska sera publiée en 2015, à la suite du processus de réflexion et
de consultation entamé en 2008 et se poursuivant tout au long des années 2013 et 2015.
Cette note de recherche propose un état des lieux de la formulation de la politique
arctique de l’Alaska. Il offre une revue générale des orientations politiques de l’Alaska
dans le contexte des changements climatiques et cherche à décrire les enjeux émergents
qui interpellent l’Alaska comme acteur subnational du monde circumpolaire, seul État
fédéré septentrional des États-Unis dans la zone arctique. Le document met en évidence
l’influence du phénomène de la fonte des glaces sur la gouvernance de l’État depuis
l’arrivée au pouvoir de l’administration de Sean Parnell (gouverneur) et Mead Treadwell
(lieutenant gouverneur) en 2009.
L’analyse est divisée en trois parties. La première porte sur les motivations et
7 l’élaboration (en cours) d’une première politique arctique pour l’Alaska guidée par des
intérêts partagés entre l’unité fédérée et le gouvernement fédéral. La deuxième aborde la
question de l’action extérieure de l’Alaska, dont les fondements apparaissent renforcés,
d’une part, par des enjeux émergents dans la zone arctique, et d’autre part, par la
nécessité d’influencer la politique arctique des États-Unis. Finalement, la dernière partie
présente des options politiques préliminaires pour le gouvernement du Québec qui visent
à alimenter une réflexion nouvelle et approfondie sur le Québec comme État fédéré du
monde circumpolaire, la définition de ses intérêts arctiques et la contribution qu’il
souhaite apporter pour faire avancer ses intérêts.
Figure 1 : Zone arctique Alaska/Etats-Unis
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8 Partie I : Les fondements : une politique formulée par et pour le Nord
Le processus de formulation de la toute première politique arctique pour l’Alaska est un
exercice de réflexion et de planification collectif qui cherche justement à conjuguer les
intérêts et les préoccupations de l’unité fédérée avec ceux de la nation dans un voisinage
circumpolaire en mutation. Cette première partie présente le contexte dans lequel a
émergé la réflexion sur la redéfinition des intérêts et des priorités de l’Alaska.
Figure 2 : Zone arctique/monde circumpolaire
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1. Des motifs régionaux
Avec la publication du Arctic Climate Impact Assessment (ACIA) en 2004 et du
quatrième Rapport d’évaluation du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution
du climat (GIEC) en 2007, qui révèlent tous les deux la tendance documentée et
9 incontestable au réchauffement de la planète, les États-Unis semblent avoir redécouvert
leur « dernière frontière ». Les rapports publiés constatent ainsi que l’Arctique se
réchauffe à un rythme effréné depuis les années 1970. La disparition des glaces pourrait
entraîner une augmentation sans précédent du trafic maritime dans le Pacifique Nord, le
détroit de Béring, la mer de Beaufort et des Tchouktches. La perspective d’une présence
accrue d’activités humaines en Arctique fait donc apparaître de nouvelles appréhensions
sécuritaires qui alimentent dès lors le débat sur les impacts géopolitiques de la fonte des
glaces sur la puissance américaine.
1.1 Le climat : un territoire en mutation
En 2012, la banquise arctique estivale a atteint sa superficie la plus faible depuis les
premières mesures satellitaires en 1979 : 3,41 millions de km2 le 16 septembre 2012 contre
4,17 millions de km2 lors du précédent record établi le 18 septembre 2007 (la banquise
mesurait environ 8 millions de km2 il y a vingt ans). En effet, le déclin est réel et inquiétant,
et laisse entrevoir un océan Arctique libre de glace l’été dès 20151 . Toutefois, « la
communauté scientifique n’envisageait pas la disparition totale de celle-ci en été2. »
Figure 3 : Étendues minimales de glaces de mer dans l’océan Arctique
(mesures prises en septembre de chaque année)
Étendue de glace minimale
Année
en millions de km2
Moyenne 1979 à 2010
6,7
Moyenne 1979 à 2000
6,14
2007
4,7
2008
4,59
2009
5,13
2010
4,63
2011
4,33
2012
3,41
D’après : NSIDC (2012, 19 septembre). National Snow and Ice Data Center. Arctic sea
ice extent settles at record seasonal minimum http://nsidc.org/arcticseaicenews/2012/09/arctic-sea-ice-extent-settles-at-record-seasonalminimum/ c. 12.6.13.
1
R. Séguin. (2008, 12 décembre). Scientists predict seasonal ice-free Arctic by 2015. The Globe
and Mail. http://www.theglobeandmail.com/news/national/scientists-predict-seasonal-ice-freearctic-by-2015/article1350832/. c. 3.6.13. Voir les travaux des scientifiques Louis Fortier et
David Barber du Réseau de centres d’excellence du Canada ArcticNet à l’Université Laval,
disponibles en ligne : http://www.arcticnet.ulaval.ca/index-fr.php.
2
F. Lasserre. (2011). Changements climatiques dans l’Arctique. Vers la disparition de la banquise
? In Frédéric Lasserre (dir.), Passages et mers arctiques. Géopolitique d’une région en mutation
(pp. 11-32). Québec : Presses de l’Université du Québec. p. 23.
10 Encadré 1 : L’Alaska : État septentrional en pleine mutation
Newtok, petit village de 350 habitants est en train de disparaître. Situé sur le littoral
ouest, à la même latitude que la ville d’Anchorage, le village est menacé notamment par
l’érosion, provoquée par la rivière Ninglick à proximité du village, qui dévore la côte et
qui force l’évacuation des habitants indigènes Yupiks. Le coût de la relocalisation dans
un village plus lointain est estimé à environ 137 millions de dollars, soit 370 000 dollars
par habitant de Newtok3.
Histoire semblable sur l’île de Sarichef au Nord. Depuis une quinzaine d’années,
Shishmaref, un petit village inupiak de 600 habitants, posé sur cette île arctique au nord
du détroit de Béring, voit ses habitations englouties dans la mer des Tchouktches. Du fait
du réchauffement arctique, la banquise – véritable bouclier hivernal qui servait de
protecteur contre l’érosion – se forme plus tardivement à tous les ans, ouvrant ainsi la
voie aux vagues féroces des tempêtes violentes qui frappent de plus en plus fort et pour
des périodes plus longues sur les côtes de ce village.
Et si l’île rétrécit, elle fond aussi : la fonte du pergélisol sous le village de Shishmaref
force les habitants, de réels réfugiés climatiques nord-américains, à l’abandonner après 4
000 ans d’occupation. Selon les climatologues, Shishmaref « est ‘le canari dans la mine
de charbon’, le village dont l’engloutissement alertera le monde4. »
Les cauchemars de Newtok et de Shishmaref ne sont pas uniques dans le Grand Nord des
États-Unis. Selon le Bureau général des comptes à Washington, 184 villages autochtones
sur la côte nord-ouest de l’Alaska devraient eux aussi quitter impérativement leur
emplacement actuel.
À Juneau et à Washington, la fonte des glaces est préoccupante. La perspective d’une
augmentation des activités humaines/économiques en Arctique est inquiétante puisque les
Américains observent qu’ils sont très mal préparés pour surveiller, patrouiller ou gérer
leur territoire arctique. À cet égard, les militaires américains, la marine et la garde côtière
évaluent depuis 2001 les répercussions possibles de la fonte des glaces sur leurs
opérations en zone arctique et le niveau de vulnérabilité du pays face aux nouveaux
enjeux de sécurité émergeants. Ils recommandent formellement une révision et une
évaluation stratégiques complètes des capacités américaines en matière de navigation
arctique. Celle-ci sera menée par la National Academy of Sciences (NAS).
3
Suzanne Goldenberg et Richard Sprenger. (2013). America’s first climage refugees. The
Guardian.
http://www.guardian.co.uk/environment/interactive/2013/may/13/newtok-alaskaclimate-changerefugees. c. 2.7.13.
4
Riche
Pascal.
(2013).
Shishmaref,
le
village
qui
fond.
Libération.
http://www.liberation.fr/grandangle/0101515921-shishmaref-le-village-qui-fond. c. 11.6.13.
11 Figure 4 : Projection de l’érosion littorale de Newtok, AK : 2007-2027
Source : U.S. Global Change Research Program. (2009).
http://nca2009.globalchange.gov/alaska. c. 4.6.13.
Figure 5 : Shishmaref, Alaska
Source : NOAA. Arctic Change. Human and Economic Indicators – Shishmaref.
http://www.arctic.noaa.gov/detect/human-shishmaref.shtml. c.7.6.13.
12 Des carences polaires
Dans son rapport de 2006 qui portait sur la carence des capacités polaires des États-Unis
dans l’Arctique (infrastructures, ressources humaines, expertises), les experts de la NAS
concluent ainsi que « puisque la puissance américaine a un intérêt marqué pour la
sécurité, le développement économique, la recherche scientifique et la stabilité politique
de l’Arctique, l’augmentation des activités humaines dans le Grand Nord – engendrée par
le réchauffement et la fonte des glaces – va obliger les États-Unis à jouer un rôle plus
influent en Arctique afin de protéger ses intérêts territoriaux et aussi projeter sa puissance
maritime dans une région en plein changement. » De ce fait, selon Anita K. Jones,
professeure à l’Université de Virginie et présidente du Comité de rédaction du rapport, «
nos observations indiquent que les Etats-Unis font face à un nouvel enjeu en Arctique : la
convoitise internationale engendrée par l’intérêt économique dans la région. » Toutefois,
explique-t-elle, « les États-Unis ne sont pas prêts à faire face aux changements en
Arctique. »
Or, contrairement aux idées reçues, les Américains sont quasiment absents des eaux
arctiques, résultat direct de la fin de la guerre froide et de l'absence de menace imminente
aux abords septentrionaux du territoire américain. Toute la question est désormais de
savoir comment les États-Unis vont rattraper leur décalage en Arctique, tant au niveau du
savoir-faire (sécurité militaire, environnementale, humaine) qu’au niveau des capacités
navales/militaires sur un territoire immense et complexe.
Depuis quelques années maintenant, les autorités politiques de l’Alaska (appuyées par
plusieurs agences et départements) demandent au gouvernement fédéral d’investir
massivement dans les infrastructures maritimes de l’État. D’une part, ils soutiennent qu’il
faut être présents, informés et préparés pour assurer efficacement la sécurité nationale du
pays contre tout risque pouvant émerger dans le Nord. Par exemple, les transits de navires
dans le détroit de Béring n’ont cessé d’augmenter ces dernières années, passant de 220 en
2008 à plus de 480 transits enregistrés pour l’année 2012. Or, comme l’ont souligné
certaines autorités politiques, comme Mead Treadwell, ancien président de la United
States Arctic Research Commission (USARC) et lieutenant gouverneur de l’Alaska
depuis 2009 dans l’administration républicaine du Gouverneur Sean Parnell 5 , si
Washington continue à négliger son Nord, c’est l’ensemble du pays qui sera affaibli.
D’autre part, de nouveaux investissements fédéraux en Alaska contribueraient aussi au
développement économique du Grand Nord américain, là où les retombées économiques
des nouveaux projets (comme les industries extractives) pourraient être intéressantes pour
5
Sean Parnell est gouverneur républicain de l’Alaska depuis l’été 2009. Il était le lieutenant
gouverneur de Sarah Palin. Il devient gouverneur de l’Alaska lorsque Palin, colistière du
républicain John McCain aux élections présidentielles de 2008, démissionne de son poste le 3
juillet 2009.
13 l’ensemble du pays.
C’est pourquoi, en 2009, l’administration du Président George W. Bush décide de réviser
la stratégie américaine pour le Nord pour qu’elle puisse refléter les intérêts, priorités et
enjeux contemporains des États-Unis en Arctique. Toutefois, le processus enclenché ne se
fait pas sans heurts : l’absent de la nouvelle politique arctique des États-Unis est l’Alaska.
Il devient alors nécessaire pour l’État de faire valoir non seulement ses intérêts mais aussi
son expertise locale ‘arctique’ auprès des décideurs à Washington par l’entremise d’un
discours nouveau et une vision claire6, afin que celles-ci soient intégrées dans une
nouvelle politique nationale globale.
1.2 Le fédéral : une approche trop centralisée ?
En janvier 2009, à la veille de la fin de son deuxième mandat, le Président Bush signe la
nouvelle politique américaine de l’Arctique. Il s’agit d’un geste politique fort attendu (et
souhaité) par la communauté épistémique arctique américaine. En effet, tout au long du
mandat de G. W. Bush, chercheurs, acteurs politiques et militaires conseillaient fortement
au président de réviser l’ancienne politique américaine de l’Arctique de 1994 (USAP94).
En effet, Mead Treadwell, lorsqu’il était président de la USARC, recommandait une
révision complète de la USAP94 afin qu’elle puisse être davantage intégrée en matière de
recherche arctique dans les domaines de la sécurité, de la recherche et de sauvetage
(SAR), de la protection environnementale, du développement économique, de la santé et
l’écologie, de la biodiversité, de l’exploration et l’exploitation des hydrocarbures, du
commerce maritime, de la pollution maritime et de l’écotourisme. C’est pourquoi la
USARC décide de se joindre à un mouvement de lobbying sans précédent en 2006 à
Washington (ainsi en va-t-il des témoignages au sein de commissions parlementaires) qui
vise notamment à convaincre le Congrès de procéder à l’achat de nouveaux brise-glaces
pour les eaux arctiques du pays, et encourager l’adhésion des États-Unis à la Convention
des Nations unies sur le droit de la mer (UNCLOS).
Les militaires ont également joué un rôle majeur dans le processus menant à la révision
6
Sur ce point : « Aucun individu (que ce soit le président des États-Unis) ou groupe (comme le
National Petroleum Council ou le Sierra Club) ne définit l’intérêt national. Au contraire, il est le
résultat d’un ensemble de valeurs et de croyances de la société entière. Produit d’un long
processus politique concurrentiel, il est influencé et déterminé par une multitude de perceptions
factuelles qu’ont les groupes d’intérêts nationaux. Il doit également être formulé en fonction des
intérêts d’autres acteurs régionaux, afin de maintenir un climat de bon voisinage. Dans le même
temps, s’il est possible de l’identifier, il reste que l’intérêt national est évolutif dans le temps et
modifiable selon l’interprétation qu’ont les décideurs et groupes d’intérêts des faits conjoncturels.
» [Traduction libre de l’anglais] William E. Westermeyer et Kurt M. Shusterich (dir.). (1984).
United States Arctic Interests The 1980s and 1990s, New York: Springer-Verlag, p. 6.
14 de la USAP94, comme le Military Advisory Board, un groupe de militaires américains à
la retraite (généraux et amiraux) qui ont publié en avril 2007 un rapport clé intitulé
National Security and the Threat of Climate Change. Selon le témoignage de Paul G.
Gaffney II, un auteur du rapport, « si le réchauffement se poursuit en Arctique, émergera
de la fonte des glaces une nouvelle voie maritime – le passage du Nord-Ouest. Or, seronsnous prêts à faire face à l’augmentation du trafic maritime dans cette région ? Avonsnous les capacités adéquates pour défendre notre pays dans cette région ? Avons-nous et
aurons-nous les navires pour mettre en oeuvre notre politique maritime ? Nos
technologies de surveillance maritime seront-elles suffisamment avancées pour détecter
les activités sous-marines dans un environnement changé ou le nouveaux flux de navires
battant pavillon étranger ? Avons-nous besoin de nouvelles bases militaires en Arctique ?
Voilà quelques questions qui doivent être examinées par nos stratèges en matière de
sécurité nationale à Washington7. »
Encadré 2 : U.S. Arctic Region Policy, 20098
La politique américaine de 2009 énonce six objectifs généraux pour la mise en œuvre de
politiques qui :
1. veilleront aux intérêts de sécurité nationaux et internes des États-Unis dans la zone
arctique ;
2. protégeront l’environnement de l’Arctique et conserveront ses ressources
biologiques ;
3. seront conformes aux objectifs du développement durable et seront guidées par la
bonne gestion des ressources naturelles et du développement économique dans la zone
arctique ;
4. renforceront les institutions de coopération entre les huit États de la zone arctique
(États-Unis, Canada, Danemark, Finlande, Islande, Fédération de Russie et la Suède) ;
5. engageront les peuples indigènes dans les processus visés menant aux décisions qui
les touchent ;
6. amélioreront les mécanismes de surveillance et de recherche dans le milieu
environnemental au niveau local, régional et global.
En résumé, la politique arctique américaine de 2009 :
1. Engage les États-Unis comme puissance arctique dans le monde ;
2. Énumère les intérêts stratégiques américains : la défense et la sécurité ; les ressources
énergétiques ; la science ; la coopération et l’environnement ;!
7
Military Advisory Board, « Testimony of Vice Admiral Richard Truly, USN (Ret.) », The CNA
Corporation, 9 mai 2007.
8
J. Plouffe. (2011). Les puissances tierces dans la zone arctique. Posture stratégique et
diplomatique de la France. Rapport rédigé dans le cadre du Laboratoire de l’IRSEM, Institut de
recherche stratégique de l’École militaire, Paris, p. 74-75.
15 3. Réaffirme l’importance pour Washington de maintenir un statu quo stratégique dans la
région, en s’appuyant sur la coopération circumpolaire inclusive et inspirée des
mécanismes fonctionnels comme le Conseil de l’Arctique ou d’autres moyens
multilatéraux.
Or si le contexte de la fonte des glaces (i.e. les records de 2005 à 2007) incite les
décideurs à Washington de procéder à une nécessaire révision de la USAP94, l’incident
du drapeau russe planté dans l’océan Arctique à l’été 2007 sert indubitablement
d’accélérateur dans le processus qui va mener à la publication de la nouvelle Arctic
Region Policy (ARP) en 2009.
L’Arctique stratégique
Le 2 août 2007, des chercheurs et géologues, accompagnés de l’explorateur et homme
politique russe Artur Chilingarov, ont planté un drapeau russe à 4 261 mètres de
profondeur sous la glace du pôle Nord, exploit pratiquement impossible à réaliser sans
capacités polaires technologiquement avancées. Le département d’État a rapidement
dénoncé le geste russe en affirmant que cela n’avait aucune signification.
Cet incident a éveillé un nouvel intérêt américain pour la géopolitique de l’Arctique, tout
en renforçant celui de l’Alaska. Ainsi, pour la première fois, le président américain a jugé
nécessaire d’envoyer son Secrétaire d’État, Hillary Clinton, à la réunion ministérielle du
Conseil de l’Arctique à Nuuk au Groenland en 2011. En ce qui concerne la politique
étrangère américaine, cette réunion est historique pour deux raisons. D’une part, parce
que tous les États membres du Conseil, y compris les Américains, ont signé à Nuuk le
premier accord international sur la recherche et sauvetage dans la zone arctique. D’autre
part, parce que la Secrétaire d’État Clinton était accompagnée non seulement par un autre
membre du cabinet Obama, le Secrétaire de l’Intérieur, Ken Salazar, mais aussi de la
sénatrice républicaine de l’Alaska, Lisa Murkowski. Cette dernière est non seulement une
« ambassadrice » de la « dernière frontière » américaine au Congrès, mais aussi une
fervente défenseur des intérêts économiques de l’Alaska et d’un rôle accru de cette entité
fédérée dans les relations internationales arctiques des États-Unis. À cet égard,
soulignons qu’en mai 2013, le nouveau secrétaire d’État, John Kerry, était présent à la
réunion ministérielle du Conseil de l’Arctique à Kiruna en Suède, accompagné
notamment de la sénatrice Murkowski.
Un an après la réunion de Nuuk en 2011, la sénatrice Murkowski (R-Alaska) et le
sénateur Mark Begich9 (D-Alaska) insistent auprès du Président Obama pour qu’une
9
Le 11 février 2013, le sénateur Begich a introduit une nouvelle loi au sénat intitulée « S.270 To
16 véritable stratégie américaine pour l’Arctique dans laquelle se trouverait notamment une
vision précise pour la gouvernance des eaux arctiques des États-Unis soit développée et
mise en œuvre. Ainsi, dans une lettre adressée au président10, les sénateurs soulignent que
les États-Unis sont le seul pays de l’Arctique
which lacks such a formal strategy which ties together all the
individual agency policies and visions » et que depuis la publication
de la US ARP en 2009, les États-Unis « has advanced in a less than
organized fashion, with multiple federal agencies creating their own
departmental policies, roadmaps, and vision and strategy statements
to help guide future development. We think it is now time to take the
next step in this policy development: creation of an overall national
U.S. strategy for the Arctic.
Finalement, les deux sénateurs demandent formellement au président d’inclure l’Alaska
dans le processus de formulation de cette politique nationale : « We ask that the State of
Alaska have a meaningful role in this process, possibly through their participation in the
Arctic Policy Group11. »
En mars 2013, à Washington, le Center for Strategic and International Studies (CSIS)
emboîtait le pas aux sénateurs alaskiens avec leur propre liste de recommandations pour
le président américain. Le CSIS recommandait de :
créer une stratégie à long-terme qui garantit le développement
économique et la durabilité de l’environnement ; une meilleure
coordination entre les différentes agences qui traitent de problèmes
liés à la région ; un leadership accru au sein du département d’État
pour les questions arctiques ; la nomination d’un envoyé spécial
américain pour l’Arctique, ayant un statut d’ambassadeur ; le
développement d’une solide campagne de diplomatie publique sur le
sujet12.
amend the State Department Basic Authorities Act of 1956 to establish a United States
Ambassador at Large for the United States. » Le texte de la loi est en ligne :
http://www.gpo.gov/fdsys/pkg/BILLS-113s270is/pdf/BILLS-113s270is.pdf. Voir aussi « Begich
introduces
Key
Arctic
Bills.
»
Mark
Begich
Alaska
:
http://www.begich.senate.gov/public/index.cfm/pressreleases?ContentRecord_id=d931ad85995a-4fb7-a7ef-2d1de9c27c99
10
La
lettre
est
disponible
ici
:
http://www.arctic.gov/downloads/Begich%20&%20Murkowski%20letter%20to%20POTUS%20
7_11_12.pdf
11
Ibidem.
12
Affaires-stratégiques.info, http://www.affaires-strategiques.info/spip.php?article8051. Voir
également H.A. Conley. (Mars, 2013). The New Foreign Policy Frontier. U.S. Interests and
17 Une première stratégie nationale pour l’Arctique
En mai 2013, le Président Obama a dévoilé sa toute première « stratégie » américaine
pour la région de l’Arctique13 dans laquelle la circumpolarité des États-Unis est réitérée,
inévitablement par la présence de l’État de l’Alaska, dont le potentiel économique est à
découvrir. De plus, le président américain y signe la préface, se prononçant ainsi sur la
question arctique pour la première fois de ses deux mandats. Il affirme que « L’Arctique
est l’une des dernières grandes frontières de notre planète. Notre esprit pionnier est
naturellement attiré vers cette région pour les opportunités économiques qu’elle présente
et en reconnaissance de la nécessité de protéger et de préserver cet environnement
unique, précieux et changeant14. » Or il y a sans doute ici une évolution historique au
niveau du contenu de cette stratégie américaine pour l’Arctique. À cet égard, le document
introduit de nouvelles pistes de collaboration entre l’État fédéral et l’État fédéré mais
aussi entre les populations autochtones du Nord de l’Alaska et Washington, dans le but de
penser et élaborer une politique nationale pour l’Arctique pragmatique et représentative
des intérêts de tous les acteurs concernés. Dans cette perspective, des tables rondes sont
prévues en Alaska entre bureaucrates fédéraux et alaskiens dès le mois de juin 2013 afin
de démontrer un engagement actif avec les autochtones de l’Alaska, l’État de l’Alaska et
d’autres intervenants clés15.
1.3 L’économie : un État sous la pression de la mondialisation
Le potentiel économique de l’Alaska augmente avec le réchauffement climatique. Ainsi,
les autorités locales et fédérales, ainsi que la communauté des affaires et les résidents du
Nord s’affairent à gérer la ruée vers l’Arctique qui, d’après plusieurs observateurs,
pourrait être très rentable pour l’Alaska. Avec la demande mondiale pour les
hydrocarbures, la disparition des glaces arctiques et l’attrait des ressources naturelles
inexploitées sont des incitatifs nouveaux pour explorer les zones d’exploitation du Nord
de l’Alaska, en mer et sur terre, autrefois inaccessibles en raison de la forte présence des
glaces et du climat inhospitalier.
Actiors
in
the
Arctic.
http://csis.org/files/publication/130307_Conley_NewForeignPolFrontier_Web_0.pdf. c. 10.6.13.
13
National Strategy for the Arctic Region. May 2013.
http://www.whitehouse.gov/sites/default/files/docs/nat_arctic_strategy.pdf. c. 12.6.13.
14
Ibidem.
15
Gaëtan Barralon. (10 mai 2013). Arctique : la stratégie des États Unis mêle « opportunité » et
« responsabilité ». 45eNord.ca. http://www.45enord.ca/2013/05/arctique-la-strategie-des-etatsunismele- opportunite-et-responsabilite/. c. 13.6.13.
18 Comme ailleurs dans le monde circumpolaire, les risques du développement économique
dans les lieux difficilement accessibles de l’Alaska sont bien connus. En effet, pousser le
développement et les activités économiques plus au Nord de ce territoire septentrional est
une entreprise audacieuse, coûteuse et exigeante pour tous les acteurs impliqués, comme
l’a très bien illustré l’incident de la plateforme Kulluk qui s’est échouée en janvier 2013
sur une île inhabitée au large des côtes de l’Alaska.
En effet, le 1er janvier dernier, le Kulluk, plateforme louée par la compagnie Shell, qui
transportait 600 000 litres de diesel et environ 50 000 litres d’huile de graissage et de
liquide hydraulique, a rompu les amarres avec les deux remorqueurs qui la tiraient vers
Seattle à cause d’une violente tempête au sud des îles Kodiak, dans le golfe de l’Alaska.
Figure 7 : Lieu de l’incident du Kulluk 2013
Si les autorités n’ont rapporté aucun déversement de carburant (ou blessé), l’incident a
forcément relancé le débat sur les risques de l’exploitation des hydrocarbures dans les
eaux arctiques de l’Alaska, dont la mémoire collective (et l’environnement) a été
marquée par la marée noire de l’Exxon Valdez en 1989. Or, que l’on approuve ou non la
ruée économique vers l’Arctique, elle est bel et bien en marche. Pour l’Alaska, qui vise à
maximiser ses intérêts et à favoriser la rentabilité et la profitabilité des nouvelles
entreprises économiques sur son territoire, il devient plus nécessaire que jamais
d’accompagner l’exploitation économique dans le Nord – cela s’inscrit dans son intérêt –
pour qu’elle ait la moindre empreinte écologique possible.
C’est pourquoi l’Alaska, qui a des responsabilités partagées (avec le fédéral) sur terre et
en mer dans l’Arctique, est très actif sur les dossiers du transport maritime et de
19 l’exploitation des ressources naturelles. Ainsi, selon le département de l’Intérieur
américain :
The Alaska Statehood Act of 1958 granted the state approximately 104 million
acres (42 million hectares) of land, ownership of the submerged lands of
navigable waterways and submerged lands up to 3 miles (4.8 km) offshore under
the Submerged Lands Act, and primary authority to manage fish and wildlife
unless covered by federal law. State officials are dedicated to their constitutional
duty to responsibly develop and utilize the state’s natural resources for the benefit
of citizens and to safeguard the state’s fish, wildlife, and natural environment16.
La navigation commerciale panarctique, l’exploitation des hydrocarbures (gaz et pétrole
en mer de Beaufort et des Tchouktches) et des ressources minières (zinc, plomb, or,
cuivre), la pêche commerciale et le tourisme sont autant d’opportunités économiques
nouvelles qui ont le potentiel de transformer la vie des Alaskiens dans une perspective de
sécurité économique.
Dans une perspective de sécurité maritime (traditionnelle ou nouvelle), la fonte des glaces
vient aussi rehausser la dimension stratégique du territoire de l’Alaska dans l’équation de
sécurité nationale du pays. Ainsi pour la première fois depuis la fin de la guerre froide, le
département de la Défense est appelé à repenser son rôle dans le Grand Nord des ÉtatsUnis afin d’y assurer une présence adéquate et pour pouvoir y opérer au besoin. Cela
exige un lourd travail de planification stratégique à long terme, de nouvelles ressources
financières et humaines pour mener à terme la politique arctique des États-Unis, et un
savoir faire militaire nouveau dans une zone négligée par Washington depuis des dizaines
d’années.
16
Managing for the Future in a Rapidly Changing Arctic. A report to the President. Interagency
Working Group on Coordination of Domestic Energy Development and Permitting in Alaska.
http://www.doi.gov/news/upload/ArcticReport-03April2013PMsm.pdf.
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(
Figure 8 : Navigation dans le détroit de Béring (1er mai – 26 oct. 2010)
(
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Source : IUCN/NRDC/UAF Workshop. 26-28 juin 2012. Nome, Alaska.
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https://cmsdata.iucn.org/downloads/nome_workshop_report_final.pdf
p. 13
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!"#$N(
Ainsi, du ( fait de la fonte des glaces et l’augmentation des activités humaines dans la zone
(
arctique, (l’augmentation des investissements du Département de la Défense pour assurer
la sécurité( nationale du pays sur son flanc nord maritime est à prévoir. Ces nouveaux
(
investissements
auront également des répercussions sur l’économie locale. De fait,
(
(
l’économie
de l’Alaska s’est traditionnellement développée autour des activités
(
militaires,( en plus des services publiques, le pétrole, les pêches, les conserveries de
poisson et( le tourisme.
=>(
Seul État( septentrional des États-Unis, les intérêts de l’Alaska sont conduits par sa
situation géographique et ses réalités régionales circumpolaires. En revanche, l’intérêt
arctique de la puissance américaine est également façonné par la présence même de
l’Alaska en Arctique. Or comme disent les Alaskiens : les États-Unis sont un pays
arctique à cause de nous, l’Alaska.
21 Figure 9 : Exploration pétrolière et évaluations environnementales
!"#$%&'()*)'Multiple environmental evaluations of proposed oil and gas activities in the Arctic are often underway simultaneously
(BOEM—Bureau of Ocean Energy Management; BSEE—Bureau of Safety and Environmental Enforcement; NMFS—NOAA’s National
Marine Fisheries Service). (image: Bureau of Ocean Energy Management)
Source : “Managing for the Future in a Rapidly Changing Arctic: A Report to the President.” The
Interagency Working Group on Coordination of Domestic Energy Development and Permitting in
Alaska; Chair: David J. Hayes, Deputy Secretary, Department of the interior. 2013.
http://www.doi.gov/news/upload/ArcticReport-03April2013PMsm.pdf
À cet égard, dans le contexte de la mutation de l’Arctique, l’Alaska est un ‘enjeu’
inévitable pour les décideurs à Washington. Or si la situation géographique de l’État lui
attribue une place privilégiée dans le processus décisionnel dans le Sud, exploiter ce rôle
privilégié est devenu une réelle obsession en Alaska depuis quelques années, afin de
maximiser les intérêts locaux des résidents du Nord. Ainsi, les changements climatiques
semblent favoriser l’interdépendance accrue entre Washington et sa périphérie arctique
sur des dossiers communs et de juridiction partagée, mais aussi de compétences fédérales
exclusives. De fait, il est à prévoir que le fédéral et l’entité fédérée renforcent leur
collaboration au niveau de la politique maritime américaine (droit de la mer, navigation,
écosystèmes, pêches) ; les politiques environnementales (règlementation
environnementale [autorité de l’EPA] et les politiques qui touchent aux ressources
naturelles en mer et sur terre, activités extractives à l’intérieur de l’État [zones
22 fédérales]); relations bilatérales et multilatérales (diplomatie avec le voisinage immédiat
et sa périphérie, les institutions internationales) ; la politique climatique, et la défense
nationale (industrie militaire et sécurité intérieure).
Finalement, comme État fédéré du monde circumpolaire, l’Alaska a rapidement reconnu
qu’il était dans son intérêt de s’ouvrir au voisinage et de renforcer ses démarches
internationales pour faire avancer ses intérêts et, en raison du désintérêt historique de
Washington au niveau de l’Arctique, ceux du pays.
Collaboration gouvernement fédéral/Alaska
En 2012-2013, l’État de l’Alaska a été consulté par le gouvernement fédéral sur cinq
dossiers clés17:
1. Le Conseil de l’Arctique : recherche et sauvetage ; l’entente sur la préparation en
cas de pollution pétrolière en Arctique ; les groupes de travail ; les priorités 201517 de la présidence américaine du Conseil de l’Arctique18. Au sujet de la présidence
américaine du CA, l’Alaska a recommandé quelques orientations politiques :
a. Communautés durables (emplois, baisse des coûts de l’énergie)
b. Assainissement
c. Prévention de suicides
d. La sûreté et efficacité du commerce et transport maritimes dans l’Arctique.
2. Integrated Arctic Management : améliorer la communication et la coordination.
3. Integrated Arctic Research Policy Committee Arctic Research Plan : FY20132017.
4. Sûreté et efficacité du commerce et transport maritimes dans l’Arctique.
Contribuer activement aux processus d’évaluations et la formulation de politiques
sur les risques de l’augmentation du transport maritime dans la mer de Béring et
l’océan Arctique, soit aux États-Unis, avec les États arctiques et/ou dans les
institutions internationales.
5. Arctic Fishery Management Plan (FMP) – étendre la juridiction américaine
jusqu’à la zone « Donut Hole » (ou « trou de beigne »).
17
Selon Stefanie Moreland. State of Alaska. Office of the Governor. State of Alaska Arctic Policy
and Priorities. Alaska Arctic Policy Commission. 2013.
18
Voir aussi Institute of the North. Alaska’s Priorities for and Role in the 2015 U.S.
Chairmanship
of
the
Arctic
Council.
http://www.institutenorth.org/assets/images/uploads/articles/Final_Report__Arctic_Council_executive_summary_-final.pdf c. 14.6.13.
23 Figure 11 : Un développement précaire : changements climatiques et
infrastructures vulnérables
Source : “Managing for the Future in a Rapidly Changing Arctic: A Report to the President.” The
Interagency Working Group on Coordination of Domestic Energy Development and Permitting in
Alaska; Chair: David J. Hayes, Deputy Secretary, Department of the interior. 2013.
http://www.doi.gov/news/upload/ArcticReport-03April2013PMsm.pdf
24 Encadré 4 : « State Projects Addressing Emerging Arctic Issues » (2013)
• DOT-U.S. ACE Alaska Deep-Draft Arctic Port System Study
• DCCED shipping study
• Arctic search and rescue resources, disaster response, recovery planning
• AIS (automatic identification system) vessel monitoring
• Oil spill response
• Barrow airport expansion
• Statewide Digital Mapping Initiative
• Roads to resources
• Coastal erosion, community relocation
• Broadband task force, planning
• Village safe water
• Coordination to address suicide intervention
25 Partie II : La portée : Une démarche orientée vers l’extérieur
Dans cette seconde partie, nous exposerons l’évolution depuis 2008 de la démarche
menant à l’élaboration des orientations et des objectifs de la politique arctique de
l’Alaska qui sera publiée en 2015. Aussi, nous présenterons les actions publiques et les
efforts entrepris par l’État pour promouvoir ses intérêts arctiques dans certains forums
régionaux. Cette partie est plutôt sommaire compte tenu du peu d’information disponible
à ce sujet.
2. Des actions stratégiques
Dans le contexte climatique et géopolitique « post-2007 » (avec la fonte record des glaces
et impact des enjeux géopolitiques dans l’Arctique sur la sécurité nationale des ÉtatsUnis), l’Alaska est rapidement interpelé par tous les changements en cours, tant au niveau
national (nouvelle politique américaine de l’Arctique ; influence de l’Arctique sur les
politiques nationales et internationale du fédéral), qu’au niveau régional (perspectives de
navigation accrue dans les eaux arctiques ; enjeux de pêche émergents ; infrastructures
manquantes ou vulnérables).
Or si l’Alaska doit subir les effets du climat sur son territoire, c’est précisément
l’occasion pour cette entité subétatique arctique des États-Unis de tirer profit de
l’attention inédite accordée au Nord afin de mettre de l’avant ses « atouts » comme État,
ses expertises comme peuple nordique américain et sa vision des États-Unis comme
puissance arctique.
2.1 Problématiser: l’Arctique change
Bien que ce ne soit pas la première fois de son histoire que l’Alaska cherche à
promouvoir ses intérêts à Washington ou ailleurs dans le monde, l’effet du « planté du
drapeau russe » en 2007 y est pour beaucoup et favorisera l’action publique de l’Alaska
sur le dossier du Grand Nord. À partir de 2008, des acteurs influents de l’État saisissent
l’occasion pour définir la problématique arctique, c’est-à-dire de faire en sorte que les
termes du débat au sein de la fédération soient définis par la population locale en Alaska,
seule population américaine arctique légitimée, croit-elle, (par sa géographie, son
économie et sa culture) à informer le processus décisionnel à Washington.
En s’appropriant l’enjeu arctique, l’objectif de l’Alaska est double. D’une part, participer
activement avec Washington au développement d’une nouvelle politique arctique pour
les États-Unis qui correspondra non seulement aux intérêts du pays mais surtout aux
26 intérêts locaux de l’État septentrional. D’autre part, dans le monde circumpolaire et sur la
scène internationale, compte tenu de l’inaction de Washington sur ce front, jouer un rôle
direct dans tous les domaines qui sont complètement ou partiellement de sa compétence,
afin de favoriser le rayonnement de l’Alaska et son développement économique. Ainsi,
au niveau national, l’Alaska cherche à établir une solide collaboration qui s’inscrira dans
les intérêts de l’acteur fédéral et de l’unité fédérée, alors qu’au niveau international, outre
la politique économique, les autorités de l’État chercheront à influencer les débats sur le
régime réglementaire de l’Arctique.
Préoccupations alaskiennes
Le gouverneur Sean Parnell, au pouvoir depuis la démission de l’ancienne gouverneure
Sarah Palin (il était son lieutenant gouverneur), s’est adressé au sénat des États-Unis au
mois d’août 2009, quelques semaines après avoir entré en poste. S’adressant à la sénatrice
Lisa Murkowski et au U.S. Senate Appropriations Subcommittee on Homeland Security
qu’elle présidait, le gouverneur a exhorté le gouvernement américain à procéder à l’achat
de nouveaux brise-glaces polaires pour les eaux arctiques. Il a aussi encouragé le
gouvernement de Barack Obama à élaborer et mettre en œuvre une doctrine nationale
pour l’Arctique. Selon lui, l’Alaska a un rôle majeur à jouer dans la formulation de la
politique américaine de l’Arctique19:
The Arctic’s abundant resources, human and natural, and our strategic location for
national security demand our attention. (…) The people of Alaska understand and
eagerly accept our role in the examination and development of national Arctic
policy. Any conversation about the Arctic must also include Alaska’s natural
resources: coal, gold, zinc, silver, copper, natural gas and oil. These resources
make the Arctic vital to American energy security. Alaska is America’s Arctic
energy breadbasket. We have traditional and renewable sources of energy in
staggering volumes here. Alaska can play an even greater role in reducing the
amount of oil and gas we import from abroad. And we can be America’s test-bed
for renewable and alternative energy sources.
La sénatrice Murkowski est également très engagée dans la promotion des intérêts de
l’Alaska à Washington et dans le monde. À la séance de nomination de Hillary Clinton au
poste de secrétaire d’État en 2009, elle a d’ailleurs profité du passage de madame Clinton
au comité sénatorial sur les affaires étrangères du Sénat le 13 janvier 2009 pour
l’interroger au sujet de la géopolitique de l’Arctique. Elle lui a demandé comment elle
19
Governor Parnell Testifies on Arctic Policy. Calls for New Coast Guard Station in Alaska. 20
août 2009. http://gov.alaska.gov/parnell/press-room/full-press-release.html?pr=5020. c. 14.6.13.
27 envisageait promouvoir les intérêts des États-Unis comme nation arctique20 :
The lost of summer sea ice from climate change is having a truly dramatic effect on
the Arctic. And the Bush Administration saw this unfolding. We’ve been working
with them for about the past 18 months to advance a new Arctic policy – Arctic
policies about 15 years stale that was just released on Friday. […] But I’d like your
comments here this morning on the evolving role of the Arctic, on the role that we
can play as an Arctic nation in dealing with our neighbors. We discussed the issue
of Russia. […] But I’m pretty certain that you haven’t fielded yet a question on the
Arctic.
Sur la question arctique, la sénatrice Murkowski semble avoir entretenu une relation
privilégié avec la secrétaire d’État Clinton tout au long de son mandat, ce qui lui a
vraisemblablement permis de faire avancer les intérêts de l’État quelle représente. En
2011, elle a accompagné Hillary Clinton à la rencontre ministérielle du Conseil de
l’Arctique au Groenland (Nuuk), et en 2013, elle a encore une fois été invitée à faire
partie de la délégation américaine à la rencontre ministérielle du Conseil de l’Arctique à
Kiruna, en Suède, avec le nouveau secrétaire d’État John Kerry.
L’actuel lieutenant gouverneur de l’Alaska, Mead Treadwell, est un acteur central et
influent au niveau du débat arctique aux États-Unis et en Alaska depuis plusieurs années.
Élu en Alaska en 2010, il s’est engagé à promouvoir l’industrie des hydrocarbures, les
nouvelles technologies, le plein emploi et la coopération circumpolaire. Résidant de
l’Alaska depuis trente ans, il a notamment été commissaire et président de la USARC de
2001 à 2010, un acteur clé de la formulation de la ARP signée par George W. Bush en
2009, et le directeur de l’opération de nettoyage du déversement de pétrole à Cordova
lors de la catastrophe de l’Exxon Valdez en 1989. En tant que membre fondateur de la
Yukon Pacific Corporation, il est aussi un entrepreneur de renom en Alaska ayant
contribué à la création du projet de gazoduc trans-alaskien (TransCanada, ExxonMobil).
Au début des années 1990, il a représenté l’État de l’Alaska dans les délégations
américaines de l’Arctic Environmental Protection Strategy (AEPS), le Conseil de
l’Arctique et le Northern Forum. Treadwell a été senior fellow du think tank Institute of
the North (ION) basé à Anchorage, et vice-président de Commonwealth North, un forum
en politiques publiques en Alaska.
C’est à titre de co-auteur du rapport Why the Arctic Matters. America’s Responsibilities
as an Arctic Nation21, publié en 2009, que Mead Treadwell cherchera à définir les termes
20
Department of State. United States. Nomination To Be Secretary of State. Hillary Rodham
Clinton. Testimony Before the Senate Foreign Relations Committee. Washington DC. January 13,
2009.
21
Le groupe d’étude était composé de participants venant de milieux et groupes d’intérêts
différents: Alaska Marine Pilots, LLC ; University of Alaska, Anchorage ; Nature Conservacy ;
28 du débat arctique aux États-Unis. Publié par Commonwealth North, le document de plus
de cinquante pages met de l’avant et détaille six recommandations pour le gouvernement
américain :
Renforcer la recherche en Arctique, notamment au niveau du climat, la santé des
résidants de l’Alaska et le potentiel économique des ressources arctiques.
Élever le niveau de vie des résidants de l’Arctique tout en favorisant le
développement durable des ressources arctiques (énergie, minéraux, pêches,
transport, tourisme).
Contribuer aux stratégies régionales pour assister les résidants du Nord à
s’adapter aux changements climatiques et à préserver la biodiversité de la région.
Prendre en considération les besoins propres à la région arctique et voir
comment l’Arctique et l’Alaska peuvent contribuer à la mise en œuvre d’un
régime national/global pour la lutte contre le changement climatique.
Investir dès maintenant dans les infrastructures nécessaires pour la sécurité et le
développement de l’État et des États-Unis.
Appuyer les institutions internationales dans l’Arctique et ratifier la Convention
des Nations unies sur le droit de la mer (intérêts : transport maritime, pêches).
Ce rapport identifie quatre atouts de la zone arctique de l’Alaska et des États-Unis. Il
suggère que le gouvernement fédéral, en collaboration avec l’Alaska, dirige son regard et
concentre ses efforts sur ces quatre piliers :
• Les populations : « The indigenous peoples of the Arctic are an important
piece of the American cultural landscape. »
• Les terres et espaces maritimes : « Approximately one out of every 15 acres
of U.S. land is located in the Arctic. »
• Les ressources naturelles : « Alaska is rich with natural resources,
particularily in the Arctic regions »
• Les infrastructures : « The Arctic is also home to a large amount of existing
infrastructure, ranging from military bases to industrial facilities to
transportation corridors : Trans-Alaska Pipeline ; Dalton Highway ; North
Slope oil production facilities ; Military facilities ; Ports ; Fish processors ;
Airports.
2.2 Évaluer : un processus de réflexion
En 2010, le parlement de l’Alaska a créé un groupe de travail sur le Nord intitulé Alaska
AIDEA ; Hoefler Consulting Group ; Anchorage School Board ; Carlile Transportation System,
Inc. ; Baywind Communications ; At&T ; University of Alaska, Fairbanks ; Institute of the North
; Smart Stock Investing, LLC ; Canadian Consulate ; North Star Group ; UBS.
29 Northern Waters Task Force (ANWTF) dont le mandat consistait à formuler des
recommandations sur les défis et les opportunités découlant des changements climatiques
en Alaska et en Arctique. Comment préparer l’Alaska pour l’avenir, quel est son rôle et
celui du gouvernement fédéral ?
Sur une période de deux ans, le groupe de travail a mené des enquêtes sur le terrain
(interviews/rencontres) en Alaska et dans certains pays du monde circumpolaire afin d’en
apprendre davantage sur les enjeux régionaux et les préoccupations des résidents
rencontrés. Le ANWTF a consulté plus de 65 experts provenant du milieu universitaire,
de la défense nationale américaine, des ONG, ainsi qu’une douzaine d’agences fédérales
et d’État. Sur le terrain, il a rencontré une centaine de résidants lors d’enquêtes à Juneau,
Barrow, Wainwright, Kotzebue, Nome, Wales, Bethel et Unalaska. Le groupe de travail a
cherché à attirer l’attention sur les besoins urgents de l’Arctique américain, tant pour
l’État fédéré que pour Washington.
Les tâches du ANWTF étaient les suivantes :
•
•
•
•
Assess and facilitate creation of a state and federal commission responsible
for overseeing the development of state and federal northern waters ;
Facilitate regional coordination, cooperation, and outreach regarding the
creation of the commission to keep local stakeholders informed and to
incorporate their input into the process ;
Identify and coordinate efforts of mutual concerns for federal, state, and local
agencies, as well as international interests, in the creation of the commission
; and
Conduct hearings in the Arctic and Sub-Arctic regions of Alaska.
Le ANWTF a publié son rapport en 2012, regroupées en six catégories prioritaires
différentes : Gouvernance, Investissements pour la planification territoriale et les
infrastructures, Développement des hydrocarbures, Pêches, Transport maritime,
Recherche
Parmi les recommandations formulées pour chacune des catégories thématiques, notons
les suivantes :
Actions publiques aux niveaux national et international :
Washington doit procéder à la formulation d’une nouvelle politique nationale pour
l’Arctique, en y incluant un financement approprié pour sa mise en œuvre.
L’État de l’Alaska et le gouvernement fédéral doivent encourager l’adoption
d’ententes internationales pour le commerce et le transport maritimes, les pêches,
les hydrocarbures, et d’autres enjeux transfrontaliers.
30 Le parlement de l’Alaska et l’État de l’Alaska doivent appuyer et encourager de
manière collective une plus grande coopération internationale au sein du Conseil de
l’Arctique et le Conseil Circumpolaire Inuit-Alaska (ICC-Alaska).
Participation de l’État/locale
Le parlement de l’Alaska doit créer une commission pour développer une stratégie
arctique pour l’Alaska. Cette commission devra consulter de manière substantielle
la population de l’Alaska. Les communautés et organisations dans les communautés
arctiques de l’Alaska devraient créer un groupe de travail sur l’Arctique.
L’Alaska doit maintenir sa participation au sein de l’Arctic Caucus du Pacific
Northwest Economic Region (PNWER).
Exploration et développement des hydrocarbures :
L’État de l’Alaska et le gouvernement fédéral doivent renforcer leur collaboration
afin de prévenir, contenir, contrôler, nettoyer les déversements dans les eaux
arctiques.
L’État de l’Alaska devrait avoir comme objectif de devenir un leader mondial sur
l’exploration et la production sécuritaires des hydrocarbures en Arctique.
Transport maritime
Le gouvernement fédéral doit travailler avec la communauté internationale afin de
finaliser le Code Polaire et établir un programme pour le trafic maritime dans le
détroit de Béring.
Le parlement de l’Alaska et l’État de l’Alaska doivent continuer d’appuyer les
centres de formation maritimes en Alaska.
Investissements pour la planification territoriale et les infrastructures :
Le parlement de l’Alaska doit exhorter le gouvernement américain à construire une
base navale pour la garde côtière américaine dans l’Arctique.
Le parlement de l’Alaska doit exhorter le gouvernement américain à financer les
brise-glaces et tous les autres bâtiments pouvant naviguer dans les eaux de glace.
Il faut appuyer le programme Scenarios Network for Alaska & Arctic Planning de
l’Université de l’Alaska, Fairbanks.
Planifier et construire des ports dans la région arctique.
L’État de l’Alaska doit prendre en considération les propositions avancées visant à
étendre les réseaux de fibre optique dans les eaux nordiques.
L’État de l’Alaska doit explorer des méthodes nouvelles pour financer les
31 infrastructures du Nord de l’Alaska.
Pêches :
L’État de l’Alaska et le gouvernement fédéral doivent développer des programmes
de gestion qui viendront en aide aux communautés côtières, en attendant un régime
fédéral pour les pêches arctiques.
Recherche :
L’État de l’Alaska et le gouvernement fédéral doivent identifier des orientations
prioritaires pour la recherche arctique.
Favoriser la recherche fondée sur le savoir autochtone en Alaska.
2.3 Actions : la commission politique arctique de l’Alaska
En avril 2012, le parlement de l’Alaska a créé la Alaska Arctic Policy Commission
(AAPC) qui poursuit sur la lancée et le travail du ANWTF. Il s’agit d’une commission
d’enquête (ou un processus) dont le mandat consiste à formuler une politique régionale de
l’Arctique pour l’Alaska. Les 26 commissaires rencontreront des alaskiens d’un peu
partout dans l’État en 2013/2014 afin de définir une vision globale du développement de
l’Alaska, le rôle de l’Alaska dans l’Arctique et des pistes de réflexion sur les enjeux et
défis locaux pour mieux guider le processus décisionnel dans les années à venir. La
AAPC offre l’occasion à tous les résidents de l’État de faire part de leurs appréhensions
et ambitions quant au développement de l’État. L’exercice en cours vise aussi à mettre en
relief tous les processus fédéraux qui ont des incidences sur l’Alaska. Une politique
arctique sera rédigée et dévoilée en 2015.
Six sous-groupes de travail – vraisemblablement inspirés des thématiques de la ANWTF
– ont été formés pour encadrer le processus de consultation :
1. Développement des hydrocarbures, ressources naturelles et mines
2. Science, savoir autochtone, recherche, changement climatique et énergie
3. Gouvernance, enjeux autochtones, Conseil de l’Arctique
4. Développement de la planification territoriale et les infrastructures
5. Sécurité intérieure et nationale, garde côtière
6. Transport maritime, gestion de la pêche et de la faune
La première rencontre du processus de consultation s’est déroulée à Juneau en mars 2013.
Elle était diffusée en ligne. Pour cette première rencontre, plusieurs experts se sont réunis
32 autour de thématiques générales qui guideront tout au long des prochains mois les
discussions dans multiples communautés de l’Alaska. Elle incluait le Lieutenant
gouverneur Mead Treadwell : Global and Historical Arctic Policy Perspective, Stefanie
Moreland, première assistante du Gouverneur : State of Alaska’s Policy, Fran Ulmer,
présidente de la USARC : Arctic Research, l’Amiral Thomas Ostebo : Coast Guard
Operations in the Arctic, Brendan Kelly, directeur associé, Polar Science, Office of
Science and Technology. : National Arctic Strategy, Lawson Brigham, professeur
émérite, University of Alaska, Anchorage : Current Arctic Marine Policy Issues, le Maire
Reggie Joule : Northern Waters Task Force Report, Pat Pouchot, Special Assistant to
Department of Interior Secretary Federal Policy Alice Rogoff : ‘Arctic Circle’, a new
circumpolar networking group and annual conference/ The private sector’s role in Arctic
investment et Nils Andreassen, Institute of the North sur des questions portant sur le rôle
de l’Alaska dans l’Arctique, les termes du succès et les éléments clés à considérer.
2.4 Politique internationale : une paradiplomatie renforcée ?
Comme on l’a vu dans les parties précédentes, l’Alaska cherche à jouer un rôle clé dans
la définition des orientations stratégiques de la politique étrangère américaine lorsqu’il est
questio de l’Arctique. À l’extérieur des États-Unis, l’Alaska intervient également sur la
scène internationale en exerçant un pouvoir d’influence et d’attractivité.
D’une part, l’Alaska a intérêt à influencer les acteurs qui concluent des traités
internationaux avec les États-Unis surtout lorsque les politiques adoptées sont
susceptibles d’avoir des répercussions sur les politiques et les intérêts de l’État. D’autre
part, et c’est la voie dans laquelle l’Alaska semble de plus en plus vouloir se lancer,
l’unité fédérée cherche à faire valoir son identité arctique et ses particularités
géographiques pour favoriser des investissements dans des secteurs très spécialisés (et
uniques au Nord des États-Unis) comme le transport maritime transarctique, les
technologies polaires et les industries extractives arctiques.
Il existe plusieurs exemples d’initiatives paradiplomatiques22 entreprises par l’État de
22
À cet égard, Stéphane Paquin définit les variables qui mènent vers la paradiplomatie« la
mondialisation et la crise de l’État-nation qui serait à l’origine du développement de la
paradiplomatie. Les entités subétatiques agiraient de la sorte afin de « favoriser leurs exportations,
mais aussi […] d’attirer les investissements étrangers ».
« le processus d’internationalisation et d’intégration régionale, puisque ces deux phénomènes
touchent directement les champs juridictionnels des entités subétatiques»
« le nationalisme pousserait les entités fédérées à établir des politiques extérieures, en vue de
valoriser la croissance du sentiment national d’un groupe minoritaire dans un État multiculturel. »
« le régime politique. Il présente la personnalité des décideurs comme étant lié à l’essor de la
paradiplomatie. A. Chaloux. (2008). Fédéralisme américain et environnement : le rôle des États
fédérés dans le développement d’une diplomatie parallèle. Federalisme-e. vol. 9,
33 l’Alaska. Celles qui touchent aux intérêts arctiques/circumpolaires sont appelées à croître.
Avec son voisin canadien, la gouverneure Sarah Palin et le premier ministre du Yukon
Dennis Fentie ont d’ailleurs conclu une entente bilatérale en 2008 pour favoriser de
meilleures relations intergouvernementales.
Les secteurs clés touchés par cette entente sont23 :
•
•
•
•
•
•
•
Le tourisme
Le transport
Les échanges économiques et le commerce
Le développement des ressources naturelles
Le changement climatique
La gestion de la faune
Le développement économique et les infrastructures
L’Alaska cherche également à jouer un rôle d’influence auprès du Conseil de l’Arctique,
soit via des canaux paradiplomatiques ou via des pressions exercées par divers acteurs du
Nord auprès de décideurs à Washington (notamment auprès des affaires polaires) :
Il y a d’abord le conseil de l’Arctique. Depuis la rencontre ministérielle du Conseil de
l’Arctique à Nuuk au Groenland en 2011, l’Alaska est représenté à ces réunions de haut
niveau par la sénatrice de l’Alaska Lisa Murkowski. À la veille de la présidence
américaine du Conseil de l’Arctique en 2015, l’Alaska cherche certainement à s’y tailler
une place centrale. Les deux co-présidents de la Alaska Arctic Policy Commission
(AAPC) estiment que les Alaskiens doivent être intégrés plus formellement dans la
formulation des priorités américaines pour l’Arctique, en tant que « résidents souverains
» de l’Arctique. Voici ce qu’ils ont suggéré au Président Obama le 17 mai 2013 via le
quotidien The Arctic Sounder, en référence à la présidence américaine du Conseil de
l’Arctique qui arrive dans deux ans :
- Le secrétaire d’État doit être nommé président du Conseil de l’Arctique en 20152017 (puisqu’il est peu réaliste d’envisager la nomination d’un Alaskien à ce poste
de haut niveau fédéral, relevant par tradition du Département d’État).
- Les Alaskiens peuvent et doivent jouer un rôle clé lors de la future présidence
américaine du conseil : i) pour promouvoir les idées et les priorités du Nord au sein
de ce forum de haut niveau international ; ii) puisque cette contribution correspond
aux orientations de la politique nationale dévoilée en mai 2013 ; iii) une telle
http://www.queensu.ca/iigr/pub/Ejournals/federalismE/volume-9.pdf, p. 85. c. 5.6.13.
23
Alaska-Yukon
Intergovernmental
Relations
Accord
(2008)
http://www.gov.yk.ca/news/pdf/ak_yukon.pdf
34 :
initiative respecte le processus du Conseil de l’Arctique et le leadership du
département d’État.
Plus spécifiquement, les auteurs soutiennent que24 :
First, the chair of the Arctic Council's Sustainable Development Working
Group should be an Alaska resident. Of the council's six working groups,
only the SDWG is mandated to be led by the chairing nation. Furthermore,
the meetings of SDWG traditionally occur within the host country […]
Second, during the United States chairmanship, the State Department
should request from the State of Alaska an Alaska liaison to the Bureau of
Ocean and Polar Affairs, in which the senior Arctic official is placed. The
Alaska liaison position should be held by an Alaskan who can then
collaborate with the U.S. Senior Arctic Official throughout the
chairmanship. Finally, we would like to join with Senators Mark Begich and
Lisa Murkowski in the call for an Arctic ambassador in the State
Department. […] And if an Arctic ambassador is appointed, certainly it
would make sense for that person to be from Alaska – the state that makes
America an Arctic nation.
En 2012, la sénatrice d’État Lesil McGuire a fait adopter la loi SJR-17 au parlement de
l’Alaska25 afin d’autoriser la tenue de la rencontre en Alaska du Arctic Council Task
Force on Arctic Marine Oil Pollution Preparedness and Response.
Il existerait aussi à Washington un groupe de travail alaskien ad hoc sur le Conseil de
l’Arctique. Selon le ANWTF :
« The state of Alaska should continue participation in the Emergency
Prevention and Preparedness Working Group and Task Force of the Arctic
Council and become active in other Arctic Council initiatives by attending
related forums. Presently, the state of Alaska moderates bimonthly meetings
for an Arctic Council Ad Hoc Working Group. This serves in large part to
allow the U.S. Department of State to provide updates on Arctic Council
activities and receive input from Alaskans. The state should continue these
periodic reports and otherwise work to keep Alaskans informed of progress
in these endeavors. »
Finalement, au début des années 2000, le secrétariat du Arctic Climate Impact Assessment
(ACIA) était situé à la University of Alaska Fairbanks : http://www.acia.uaf.edu/. La
24
Rep. Lesil McGuire et Rep. Bob Herron. (2013, 17 mai). Arctic Council appointments should
be
alaskans.
http://www.thearcticsounder.com/article/1320arctic_council_appointments_should_be. c.14.6.13.
25
La loi stipulait : « Welcoming the Arctic Council Task Force for Arctic Marine Oil Pollution
Preparedness and Response to the state for its March 2012 meeting and urging the task force to
use its time in the state to inform and inspire the work of the task force. »
35 présidence américaine du Conseil de l’Arctique permettra ainsi à l’Alaska de poursuivre
sa collaboration avec les groupes de travail du Conseil de l’Arctique et à y présenter de
nouvelles initiatives et de nouveaux engagements à moyen et long terme,
vraisemblablement avec l’appui du gouvernement fédéral (notamment le Département
d’État).
Encadré 7 : Groupes de travail du Conseil de l’Arctique26
Programme de surveillance et d’évaluation de l’Arctique (PSEA) : se penche sur la
surveillance et l’analyse des effets des pollutions anthropiques,
Protection de l’environnement marin de l’Arctique (PEMA) : se penche sur la lutte
contre la pollution marine dans l’Arctique.
Programme de préparation aux situations d’urgence, de prévention et
d’intervention (PPSUPI) : se penche sur l’élaboration et la mise en oeuvre de stratégies
en cas d’urgence environnementale.
Conservation de la faune et de la flore arctique (CFFA) : se penche sur la coordination
de la recherche et la diffusion d’information concernant les espèces et les habitants.
Groupe de travail chargé du développement durable (GTDD) : chargé d’améliorer le
développement dans une perspective durable des économies, de la culture et du bien-être
des populations autochtones.
Programme d’action et de surveillance des contaminants dans l’Arctique (PASCA) :
cherche à réduire la pollution environnementale en incitant les gouvernements à adopter
des politiques coercitives concernant les contaminants et les émissions polluantes.
Il y a ensuite le Pacific Northwest Economic Region (PNWER) qui exerce une influence
et un leadership via le Arctic Caucus. Le PNWER a été mis sur pied en 1991 et a pour
vocation d’accroître le développement économique et les échanges commerciaux dans la
région du Pacifique Nord-Ouest de l’Amérique du Nord. Il existe 17 groupes de travail au
sein du PNWER qui traitent de sujets différents comme l’énergie, la haute technologie et
l’environnement. Le PNWER regroupe la Colombie-Britannique, l’Alberta, le Yukon, et
cinq États américains (Alaska, Idaho, Montana, Oregon et Washington). Le 23e sommet
du PNWER se déroulera à Anchorage les 14 au 19 juillet 2013.
26
T Williams. (2008). L’Arctique : les acteurs de la coopération circumpolaire. Arctic Council,
PRB-08-15F, Ottawa, Service d’information et de recherche parlementaires, Bibliothèque du
Parlement.
36 De surcroît, lors de la présidence alaskienne du PNWER en 2009, l’idée de créer un
groupe de travail nommé Arctic Caucus a été avancée par la sénatrice d’État alaskienne
Lesil McGuire (RAnchorage). Le Arctic Caucus est un forum d’échanges qui offre aux
entités fédérées/subnationales de l’Arctique de l’ouest de l’Amérique du Nord – Alaska,
Yukon et les Territoires du Nord-Ouest – un lieu de rencontre pour échanger et partager
des informations sur des enjeux communs et d’établir des ponts de collaboration dans des
secteurs propres au Nord. Les membres du caucus visent à mettre de l’avant des objectifs
communs notamment en matière de développement économique. Ces membres
proviennent des secteurs publics et privés des régions visées par le forum. Chacune des
entités subétatiques du caucus a l’occasion de présider le forum et à déterminer son
agenda à tous les trois ans. Lors de la rencontre du caucus à Anchorage en juillet 2013, il
sera notamment question du commerce et du développement économique (« Trade and
Economic Development : Arctic Value of the North to the South : Economic Impact to
the Region »). Outre le Arctic Caucus, il sera également question de l’Arctique dans
plusieurs séances lors du sommet du PNWER en 2013 :
Opening Breakfast : Arctic Challenges and Opportunities – featuring John
Higganbotham, Senior Destiguished Fellow at Carleton University.
Overview of Alaska’s Petroleum Resources : Prudhoe Bay and Outer Continental
Shelf Development in the Arctic – Drue Pearce, Chair, Institute of the North.
Water Policy : Alaska’s Water Landscapes : Are we missing the boat?
Health Care : Tele-health in the Arctic.
De plus, en 2011 et 2012, le quotidien Alaska Dispatch a organisé à Gridwood près de
Anchorage deux conférences/rencontres internationales nommées « The Arctic
Imperative » pour discuter des enjeux économiques et politiques dans la zone arctique,
notamment (mais non exclusivement) ceux qui touchent à l’Arctique nord-américain.
Selon les organisateurs de cet événement, ce type de rencontre a pour objectif de :
« sharpen the focus on the policy and investment needs of the U.S.
Arctic by providing a forum for leaders from all disciplines to
collaborate on solutions. »
L’agenda de 2012 portait sur les thématiques suivantes :
Resources
Oil and Gas
Minerals
Arctic Investment Opportunities
Marine Shipping
Port Development
Telecommunications
Real-Time Navigation and Ice-Imaging
TechnologyFisheries
Aviation
Principles for Responsible Arctic
Development
Cultural and Corporate Values for
Inuit People
37 Emerging Industry Needs
Icebreakers and Icebreaking-Capable
Tanker Technology
Oil Spill and Pollution Prevention and
Response
Sustainable Development
Corporate Social Responsibility
Arctic International Affairs
National Security
U.N. Law of the Sea
Search and Rescue
S’agissant des Investor and Business Roundtables, selon des sources du Arctic
Imperative, aucune rencontre ne se tiendra à l’été 2013 sous cette bannière. Or
l’organisation indique qu’elle prendra part à une nouvelle rencontre qui se tiendra à
Reykjavik en Islande, intitulée The Arctic Circle. Nous ne savons pas au moment
d’écrire ces lignes si l’événement reviendra en Alaska en 2014.
Le Arctic Circle, lancé à peine quelques jours avant la rencontre ministérielle du Conseil
de l’Arctique à Kiruna au printemps 2013, est un nouveau sommet (qui se déroulera pour
la première fois en octobre 2013) qui a pour vocation d’offrir un lieu de rencontre où
chercheurs, autorités politiques, communauté des affaires et populations locales pourront
échanger sur une base annuelle notamment des questions de développement économique
en Arctique :
We aim to strengthen the decision-making process by bringing
together as many Arctic and international partners as possible to
interact under one large "open tent." Participants in the Arctic Circle
will include a range of Arctic and global decision-makers from all
sectors, including political and business leaders, indigenous
representatives, nongovernmental and environmental representatives,
policy and thought leaders, scientists, experts, activists, students and
media. This annual assembly, organized as a nonprofit, is a new
mechanism for existinginstitutions, organizations, forums, think tanks,
corporations and public associations to reach a global audience of
those interested in Arctic affairs in an efficient way. The Arctic Circle
aims to support, complement and extend the reach of the work of the
Arctic Council. By facilitating broad international dialogue at an
open gathering held in mid- October of each year, the Arctic Circle
will foster greater cooperation on Arctic issues.
La sénatrice alaskienne Lisa Murkowski est membre honoraire de ce forum, ainsi que
Ólafur Ragnar Grímsson (Président de l’Islande), le Prince Albert II de Monaco, Artur
Chilingarov (explorateur et politicien russe qui avait planté le drapeau de Russie au fond
de l’océan Arctique en 2007), Kuupik Kleist (premier ministre du Groenland jusqu’en
mars 2013). D’autres Alaskiens figurent dans la liste du comité consultatif tels le
Lieutenant gouverneur Mead Treadwell, Alice Rogoff, propriétaire et fondatrice du
38 quotidien Alaska Dispatch, Edward Itta, United States Arctic Research Consortium.
Il faudra attendre la première rencontre du Arctic Circle au mois d’octobre 2013 afin de
mieux saisir les contributions majeurs de cet événement, son avenir ainsi que le message
communiqué par l’Alaska au sein de ce forum international, nouveau pôle de sa
paradiplomatie arctique.
De plus, l’Alaska assure également une présence au sein des forums et organisations en
lien avec les enjeux du Pacific Nord ou de l’Arctique comme le Northern Forum, Conseil
Circumpolaire Inuit-Alaska, North Pacific Fisheries Management, Arctic Frontiers,
Arctic Dialogue, Western Governors Association/Western Premiers Conference, Pacific
Salmon Commission, The Northwest Wildland Fire Compact, Council of States
Governments-West Council of Western Attorney Generals, l’ACIA, l’UNESCO, le
Aspen Institute.
Enfin, l’Alaska fait également valoir ses intérêts nordiques via les voyages à l’étranger du
gouverneur Parnell, les participants permanents du Conseil de l’Arctique (Arctic
Athabaskan Council ; Aleut International Association ; Gwich’in Council International ;
Inuit Circumpolar Conference), le Code Polaire/Organisation maritime internationale
39 Partie III – Options politiques : quelles leçons pour le Québec nordique/arctique ?27
3.1. Conclusions/observations générales sur l’Alaska nordique/Arctique :
Le contexte du changement climatique et l’augmentation des activités humaines partout
dans le Nord forceront l’Alaska à maximiser ses intérêts stratégiques comme entité
subétatique de l’Arctique.
L’Alaska a une identité et des intérêts particuliers aux États-Unis. L’Alaska est
non seulement une entité fédérée, mais aussi une région nordique de l’Amérique
du Nord, du Pacifique Nord, du monde circumpolaire et du monde, avec des
particularités
identitaires,
historiques,
culturelles,
démographiques,
géographiques, climatiques, politiques, économiques et industrielles, et des
voisins clés (Russie, Canada, Asie) à protéger comme jamais.
Seul État septentrional américain, l’Alaska est présente sur la scène fédérale pour y
influencer la politique arctique des États-Unis.
Le potentiel d’influence est alors très élevé puisqu’il y a une interdépendance
formelle entre l’État fédéral et l’État fédéré depuis 1959 (cette interdépendance
est sous étudiée et mal comprise). Celle-ci augmente avec la mutation de
l’Arctique. L’Alaska « gère » la frontière, le fédéral « utilise » la frontière. Une
nouvelle forme de collaboration bilatérale émerge donc entre ces acteurs et sur
des enjeux communs. Très bien !
L’Alaska demeure la référence et une source d’information privilégiée pour les ÉtatsUnis lorsqu’il est question des enjeux circumpolaires.
Au niveau de la politique étrangère américaine, avec l’Alaska, les États-Unis ont
une proximité unique avec le monde circumpolaire et sa périphérie. Le territoire
américain s’étend au-delà du cercle polaire vers la mer de Beaufort et l’océan
Arctique, et partage un espace géographique (frontières), politique (voisinage),
unique (climat et océan) et privilégié (club des « puissances arctiques ») avec
d’autres États et acteurs du monde circumpolaire, dont la Russie à quelques
kilomètres à l’est et le Canada à l’ouest (et l’Asie en périphérie). Très bien
Compte tenu de sa situation géographique, son identité et sa culture, l’Alaska possède un
savoir-faire arctique régional/circumpolaire et culturel que Washington tentera de
27
Cette note présente des pistes de réflexion qui ne se veulent pas des recommandations
formelles, mais plutôt des options politiques qui visent à encadrer de manière préliminaire la
discussion présentée dans ces lignes.
40 maîtriser pour ses besoins en matière de sécurité nationale et que les autorités locales
chercheront à renforcer pour des fins surtout économiques.
Les enjeux sont de plus en plus complexes (et techniques) pour Washington.
Depuis le 11 septembre 2001 et pour la première fois depuis la fin de la Guerre
froide, le concept de frontière, telle qu’on le conçoit au 49e parallèle en termes
de sécurité nationale, gagne l’État de l’Alaska. La fonte des glaces renforce le
sentiment de vulnérabilité américain. Pour des fins de sécurité nationale et de
développement économique de l’Alaska, Washington doit désormais investir
dans les infrastructures de l’Alaska. Or dans le contexte économique actuel, le
secteur privé y jouera certainement un rôle majeur.
Une consultation arctique sans précédent aux États-Unis.
La AAPC – qui mènera à la politique arctique de l’Alaska, et le développement
d’une politique arctique américaine sont deux processus majeurs dans l’histoire
arctique des États-Unis. Il encourage ainsi la consultation de la population dans
la formulation de politiques majeures et qui auront des répercussions au-delà du
territoire américain. Il favorise également une plus grande collaboration entre le
gouvernement fédéral, l’Alaska, la société civile, la communauté des affaires,
l’industrie et les populations autochtones de l’Alaska. Très bien !
3.2. Options politiques pour le Québec nordique/arctique : un début de réflexion
Vers une vision ‘arctique’ et ‘nordique’ (circumpolaire) pour le Québec
Comme le démontre le cas de l'Alaska, les unités subétatiques et fédérées du
monde circumpolaire, en Amérique du Nord et dans le nord de l’Europe, sont
encouragées à définir et faire valoir leurs identités arctique/nordique. L’identité
du Québec du Nord est, dans la province et en termes de relations
Québec/Ottawa et Québec/monde, peu connu et doit être développé davantage.
Une consultation comme la AAPC (ou le ANWTF) sous forme de réflexion
stratégique est souhaitable voire nécessaire au Québec dans le but de développer
une politique nordique québécoise, et ce en collaboration égale avec les
populations du Nord (i.e. inspiré par le processus Parnasimautik au Nunavik, en
cours depuis plusieurs mois maintenant et mené par la Société Makivik).
Découvrir le Québec du Nord, faire découvrir le Québec du Nord
Le cas de l’Alaska démontre bien que la définition d’une politique arctique passe
d’abord par la cartographie des intérêts et des enjeux de l’acteur en question. Le
41 Québec doit mieux affirmer son identité nordique afin de saisir ses besoins
actuels et futurs. En faisant découvrir son territoire du Nord à l’extérieur de ses
frontières, le Québec suscitera non seulement un intérêt économique de
l’étranger pour cette zone en Amérique du Nord, mais pourra aussi attirer en
terre québécoise une expertise scientifique étrangère (ou canadienne) qui pourra
contribuer au développement durable et l’enseignement du Québec du Nord.
Le Québec du Nord, territoire unique
Quelles sont les particularités du Québec nordique/arctique dans le monde
circumpolaire et comment ces dimensions peuvent-elles contribuer au
rayonnement du Québec dans le monde et comme acteur du monde
circumpolaire ? Quels sont les intérêts et les valeurs que le Québec souhaiterait
mettre de l’avant avec ses partenaires arctiques ? Comment le Québec du Nord
peut-il favoriser la reconnaissance internationale du Québec fédéré ; ses
compétences et responsabilités ; ses occasions d’affaires ; son savoir.
La paradiplomatie nordique/arctique du Québec
À la veille de la présidence américaine du Conseil de l’Arctique, qui sera suivie
par les pays de la zone Euro-Arctique de la mer de Barents (BEAR : Finlande,
Islande, Russie, Norvège, Danemark et Suède), le Québec doit orienter sa
paradiplomatie arctique autour des présidences tournantes, ce qu’il lui permettr
notamment de collaborer étroitement et en symbiose avec les intérêts des acteurs
majeurs du monde circumpolaire. Cette orientation paradiplomatique permettra
de conclure des ententes innovatrices dans l’esprit de la déclaration commune «
Portant sur une collaboration dans le développement du développement nordique
durable », signée entre le gouvernement du Québec et le Conseil nordique des
ministres (zone euro-arctique). De surcroît, une réflexion doit également se faire
au plan de la paradiplomatie nordique/arctique entre le Québec et les pays
observateurs du Conseil de l’Arctique, notamment la France et la Chine, deux
États avec qui le Québec entretien déjà d’étroites relations culturelles et
économiques.
La présidence canadienne du Conseil de l’Arctique
Au pays et dans le monde, le gouvernement de Stephen Harper exploite très
maladroitement la présidence canadienne (2013-2015) du Conseil de l’Arctique.
Le Québec a donc tout intérêt de prendre les devants et profiter de l’attention
majeure que lui offre cette présidence pour susciter l’intérêt au Québec sur
l’Arctique et d’enclencher un processus de réflexion qui mènera à la première
dimension nordique de la politique internationale du Québec, aux côtés des pôles
États-Unis et Francophonie.
42 Le Québec et le Nord et l’Arctique canadiens et nord-américain
Les acteurs subétatiques de la zone arctique de l’Amérique du Nord commencent
à peine à collaborer. Le PNWER est un exemple innovateur de coopération
économique dans l’Arctique de l’Ouest. Il n’existe pas de forum similaire
ailleurs en Amérique du Nord, comme par exemple dans l’Arctique de l’Est où
se situe géographiquement le Québec. Aussi, au plan de l’Amérique, il n’existe
pas de forum de coopération régional pour échanger sur les enjeux de l’Arctique.
Le Québec doit se poser la question à savoir s’il est dans son intérêt de
promouvoir ou de créer de tels forums pour faire avancer ses intérêts.
La science : pilier de la dimension nordique de la politique internationale du Québec
La recherche qui porte sur le Nord et l’Arctique, tant au niveau des sciences
naturelles que les sciences sociales, est une richesse inépuisable du Québec.
Valoriser, favoriser et financer le savoir nordique/arctique permettra au Québec
de se démarquer de ses voisins nord-américains qui négligent ou sous-estiment
ces domaines de recherche fondamentale, et de rayonner dans le monde
circumpolaire, tout en faisant avancer ses intérêts. Lorsqu’il est question de la
recherche nordique et circumpolaire, le Québec doit financer et favoriser la
recherche terrain, ici comme ailleurs. Lorsqu’il est question de la diffusion du
savoir scientifique québécois au niveau de l’Arctique et du Nord, une stratégique
de communication rigoureuse et innovatrice au niveau des nouvelles
technologies (site webs, applications, livres numériques, cartes en ligne etc.) est
nécessaire. Offrir un rôle plus important aux communautés locales (notamment
les jeunes autochtones du Nord et du Nunavik) dans la conception et la mise en
oeuvre de la diffusion du Nord et de l’Arctique québécois est à prendre en
considération.
43 Chaire Raoul-Dandurand
455, boul. René-Lévesque Est
UQAM, Pavillon Hubert Aquin
4e étage, Bureau A-4410
Montréal (Québec) H2L 4Y2
Tél. : 514 987-6781
[email protected]
www.dandurand.uqam.ca
Chaire Raoul-Dandurand, décembre 2013
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