122
minerva
décembre 2013 volume 12 numéro 10
Considérations sur la méthodologie
Cette étude clinique a été bien élaborée. Les critères d’inclusion
et d’exclusion sont clairement mentionnés. Le nombre de pa-
tients nécessaire par groupe pour montrer une différence quant
aux effets indésirables et aux jours de maladie liés à un rhume
a été calculé au préalable. La randomisation a été effectuée par
blocs, et les mesures prises pour préserver le secret d’attri-
bution sont bien décrites. L’intervention a été clairement pré-
sentée (type de plante, parties utilisées et manière de préparer
la teinture mère) et permet d’apprécier si les résultats peuvent
être extrapolés dans la pratique. Le traitement placebo est, lui
aussi, clairement défini. Une étude pilote préalable a montré
que les patients n’étaient pas capables de distinguer le placebo
de la teinture mère d’Echinacea purpurea. Pendant le suivi, les
patients ont tenu un journal dans lequel ils ont noté les effets
indésirables, la survenue de symptômes du rhume et leur gravi-
té ainsi que la prise concomitante de médicaments symptoma-
tiques. Le médecin a ensuite déterminé si les effets indésirables
pouvaient être attribués à la prise du médicament. Nous igno-
rons toutefois le degré d’objectivité de cette phase de l’étude.
L’épisode de rhume est clairement défini sur la base de l’estima-
tion subjective du patient (au moins 3 jours d’écoulement nasal)
et du score global de sévérité (0 = absence à 3 = sévère) de
8 symptômes (céphalées, frissons, éternuements, nez bouché,
écoulement nasal, mal de gorge, toux et mal-être) pendant 6
jours. Pour l’évaluation de la sécurité, les auteurs ont utilisé une
analyse par protocole (au moins un contact avec le patient après
l’inclusion). Pour l’efficacité préventive des rhumes, ils auraient
utilisé une analyse en intention de traiter. Les auteurs ont testé
la robustesse des résultats en effectuant une analyse également
pour une sous-population qui avait parfaitement respecté le
traitement, mais qui était toutefois trop limitée pour donner des
résultats statistiquement fiables.
Mise en perspective des résultats
La non-infériorité de l’Echinacea par rapport au placebo a été
montrée en ce qui concerne les effets indésirables liés au médi-
cament. Comme le rhume guérit spontanément, les chercheurs
ont en effet opté pour la sécurité comme critère de jugement
principal dans la comparaison entre l’Echinacea et le placebo.
Le nombre de jours de maladie liés à un rhume était significati-
vement plus faible dans le groupe Echinacea que dans le groupe
placebo. Il est cependant difficile d’estimer si cette différence
est également pertinente sur le plan clinique. En effet, il n’y avait
pas de différence significative entre les deux groupes quant
au nombre d’épisodes de rhume. Les patients dans le groupe
Echinacea ont par ailleurs recouru significativement moins à des
médicaments symptomatiques (aspirine, paracétamol ou ibu-
profène). Nous ne savons pas si la puissance de l’étude était
suffisante pour montrer une différence pour le nombre d’épi-
sodes de rhume d’une part, et d’autre part, il faut également
souligner que le nombre de sorties de l’étude était plus faible
que prévu. Les critères de non-inclusion étaient très nombreux,
ce qui fait que les patients sont peu représentatifs de la po-
pulation moyenne des cabinets de médecine générale et des
pharmacies de première ligne. L’interprétation des résultats
est encore plus difficile du fait qu’il était permis de prendre un
traitement à visée thérapeutique en cas de rhume pendant le
traitement à visée prophylactique. Une récente synthèse de la
Cochrane n’a trouvé que 3 études évaluant l’Echinacea en pré-
vention du rhume, versus placebo. Aucune étude n’a montré une
différence quant au nombre de patients présentant un ou plu-
sieurs épisodes de rhume2. La revue Minerva a précédemment
commenté une étude montrant une efficacité préventive contre
les infections des voies respiratoires, mais il s’agissait d’une po-
pulation spécifique d’étudiants recevant une préparation d’un
mélange de différentes espèces d’échinacées3. L’étude menée
par Jawad et coll est toutefois la plus vaste étude préventive
randomisée contrôlée par placebo portant sur la teinture mère
d’Echinacea purpurea. En raison de la composition particulière
de cette teinture mère, comportant surtout les parties supé-
rieures de la plante, il est toutefois difficile de comparer les ré-
sultats de cette étude avec ceux de précédentes études. L’im-
portance de la composition est illustrée dans une étude récente
qui a montré qu’une composition à base des parties supérieures
(comme dans l’étude de Jawad) avait plus d’effet sur les symp-
tômes du rhume qu’une composition à base de racines4. Pour
ce qui est de l’efficacité dans le traitement du rhume, les résul-
tats des différentes études de la synthèse méthodique précitée
(N = 19) sont contradictoires2. C’est peut-être la conséquence
d’une différence dans la composition des préparations utilisées.
La revue Minerva a commenté l’une des études incluses dans
cette synthèse, en concluant que des adultes jeunes en bonne
santé qui commencent un rhume ne tirent aucun bénéfice de la
prise de gélules d’une préparation sèche de la plante5.
Discussion
Références voire site web www.minerva-ebm.be
Conclusion de Minerva
Dans cette étude randomisée en double aveugle, correc-
tement menée d’un point de vue méthodologique, la prise
quotidienne, durant 4 mois, d’une préparation spécifique à
concentration d’alcool élevée (teinture mère) d’Echinacea
purpurea pour la prévention du rhume dans une population
d’adultes en bonne santé se montre sans danger. Les résul-
tats sont toutefois inconstants en termes de prévention. Une
diminution significative du nombre de jours de maladie liés au
rhume et du recours à des médicaments symptomatiques est
observée mais non du nombre d’épisodes de rhume.
Pour la pratique
La prise d’Echinacea purpurea n’est pas recommandée dans
les guides de bonne pratique, ni pour le traitement ni pour la
prévention du rhume6,7. La teinture mère d’Echinacea purpu-
rea est un médicament que l’on ne peut se procurer qu’en
pharmacie. Elle est contre-indiquée chez les patients atopi-
ques8. Comme mesures préventives de rhume, NICE-CKS7
recommande en premier lieu les mesures d’hygiène : se la-
ver les mains à l’eau chaude et au savon, s’essuyer les mains
si possible avec une serviette qui n’a pas été utilisée par
quelqu’un d’autre, laver les jouets des enfants à l’eau savon-
neuse.