Vient ensuite une autre généra-
tion. Quelques artistes qui veulent
échapper au service militaire en
Afrique, d’autres, boursiers de la
Fondation Gulbenkian, qui restent
quelques années. C’est le cas, dans
la première catégorie, de Darocha.
Mais, petit à petit, après Mai 68
et la Révolution portugaise, nous
assistons à l’implosion d’un autre
type d’artistes. Ceux que l’on peut
appeler les banlieusards. Des
artistes qui vivent et travaillent en
banlieue parisienne, et qui vont uti-
liser d’autres moyens de reconnais-
sance. Aucun n’expose dans les
galeries parisiennes. Ils utilisent sur-
tout les Centres Culturels décentra-
lisés, les Mairies. Luís Rodrigues est
un des cas les plus intéressants. Il
n’arrête pas d’exposer.
Parlons finalement des institu-
tions qui devraient défendre l’art
portugais en France. C’est un pano-
rama de désolation. L’Etat ne fait
presque rien. Il obéit aux règles
décrites par un attaché culturel de
l’Ambassade : Si on ne fait rien, on
est parfait ; si on fait quelque chose,
on est la cible de toutes les attaques.
Le travail de la Fondation est presque
nul ; et le Ministère de la Culture
portugais absent. Il y a quelques
initiatives de Império et de la Caixa
Geral de Depósitos, bien insuffisantes.
Ce qui nous mène à dire que tout
est à faire. Les Associations Portu-
gaises, après un long sommeil, se
reveillent, peut-être. Espérons-le
Paris, mars 1999
28 n° 5 - avril/mai 99
LLAATTIITTUUDDEESS
Hommage à Gonçalo Duarte*
Né en 1935 à Lisbonne
École de Beaux Arts Lisbonne et de
Munich
Boursier de la Fondation Gulbenkian à
Paris Membre du Groupe KWY (avec
Escada, Lurdes de Castro, Costa
Pinheiro, René Bértholo, João Vieira,
Jan Voss et Christo)
Vivait à Paris depuis 1961
Mort à Paris en 1986 à l’age de 51 ans.
EXPOSITIONS INDIVIDUELLES
• Galerie Judite da Cruz, Lisbonne 1971.
• Galerie Messine, Paris 1972.
• Galerie Toumarkine, Paris 1973.
• Centre Culturel Portugais Gulbenkian,
Paris 1979.
• Galerie Diagonal, Paris 1981.
• Galerie Costa do Sol, Estoril 1982.
• Galerie Diagonal, Paris 1984.
* en première page de couverture
L’immigration des artistes por-
tugais vers la France, et en
particulier vers Paris, est très
différente depuis le début du siècle.
Dans les années 10, il s’agissait sur-
tout d’artistes ayant des moyens, qui
s’installaient à Paris pour être au
cœur de l’événement, pour côtoyer
cette incroyable noria de créateurs
venus de toute l’Europe, et pour par-
ticiper activement aux grands mou-
vements des ruptures artistiques qui
caractérisent cette époque. Le plus
connu est Amadeo de Sousa Cardoso,
le seul Portugais à avoir été invité à
l’Armory Show de New York, en
1913, à la place d’honneur. Huit de
ses tableaux seront achetés par un
grand collectionneur américain, et se
trouvent maintenant dans les musées
de ce pays. A l’opposé, un autre
exemple est celui de Santa Rita Pintor,
boursier, très proche des Futuristes.
L’entre-deux-guerres connaît
l’éclosion du talent de Vieira da
Silva. L’immigration sera, pour elle,
définitive, de telle manière qu’elle
optera plus tard pour la nationalité
française, suite aux démêlés avec
le gouvernement de Salazar qui
avait, au moment de la guerre, refu-
sé la naturalisation portugaise à son
mari, le peintre Arpad Szenes, juif
hongrois. Vieira da Silva s’est parfai-
tement intégrée, depuis le début, au
milieu artistique international de Paris.
Peintres Portugais et Immigration
Egídio Álvaro
Juste après la guerre, les bourses
du gouvernement français ont per-
mis l’installation de certains artistes.
D’autres, comme Nadir Afonso,
firent un passage relativement bref.
Mais c’est surtout à partir des
années 60 que la présence artis-
tique portugaise se fait sentir.
Beaucoup d’artistes portugais expo-
seront alors dans de bonnes gale-
ries et participeront à l’activité des
Salons florissants. Dans cette pre-
mière vague, malgré les idées
reçues, il n’y a presque pas d’immi-
grés politiques. Le plus connu sera
Júlio Pomar, persécuté au Portugal
pour son militantisme. D’autres
s’installent à Paris pour avoir une
plus grande possibilité de création
et de contacts, et s’intègrent facile-
ment dans le milieu artistique.
Certains ont même joué un rôle
important dans la création de
l’époque. C’est le cas de René
Bertholo et de Lourdes Castro, créa-
teurs de la revue KWY, qui compte
parmi ses adhérents et collabora-
teurs Christo, Voss et Saura.
Deux éléments intéressants à ver-
ser au dossier de cette époque : Le
premier concerne l’imaginaire des
artistes. Au Portugal l’accent était mis
sur les influences étrangères, parti-
culièrement françaises, avec le
Surréalisme et l’Abstraction Lyrique.
Mais les artistes résidant en France
concevaient une tout autre peinture.
Une peinture très individuelle, sans
attache avec les courants ou les chefs
de file. C’est le cas de Eduardo Luiz,
de Gonçalo Duarte, de Henrique
Silva, d’Augusto Barros, de Jorge
Martins et de Escada. C’est une pein-
ture indéfinissable, en accord avec
les racines culturelles et les fan-
tasmes de chaque artiste. On pour-
rait dire qu’ils préfigurent l’art des
années 90, un art essentiellement
régional, dans le sens où il s’agit d’un
art lié aux caractéristiques de chaque
peuple, de chaque région, en oppo-
sition avec le mondialisme améri-
cain ou, plus tard, l’“européanisme”
allemand et italien.
Le deuxième élément est plutôt
négatif. A l’inverse des autres
artistes, surtout italiens, les Portugais
ne sont pas coopératifs. Ils sont
solitaires. Quand on trouve une
galerie, on la garde pour soi, et on
la ferme à tous les autres Portugais.
Seule exception, Augusto Barros,
toujours généreux, qui connaît tout
le monde à Saint-Germain et qui
ouvre les galeries à ses amis, bien
souvent à son détriment.
Augusto Barros