Mauvaise Nouvelle - Processus d’islamisation, littérature et politique
Processus d’islamisation, littérature et
politique
Par Paul Voltor
Soumission ne parle pas de l’Islam, pas du tout ! Ah bon ? Au prétexte qu’il s’agit d’une fiction, il ne faudrait surtout
pas considérer la dimension politique de ce roman qu’est Soumission. Comme s’il y avait une différence entre la
politique et la littérature… Bien sûr Soumission ne présente pas une thèse de l’auteur. Les thèses ne servent qu’à
écrire des essais qui sont achetés par des gens convaincus, cherchant à justifier leur point de vue, et ne les lisant
au final pas. Non, Soumission est une narration, donc une écriture capable d’entrer dans un être, de s’y déposer et
de le modifier. Et ce qui se dépose parle de l’Islam. Et ce qui se dépose parle de politique.
Un Islam d’autant plus vrai qu’il est modéré
Non Soumission n’est pas un petit roman moderne où l’auteur parle de son moi profond, c'est-à-dire de ses
entrailles en se léchant le nombril. Il n’appelle pas les commentaires psychologisant des légions critiques gloseurs
révélant l’effet miroir de l’homme, extrapolant en constatant : ça me fait quelque chose quelque part. Non. La place
de l’Islam est essentielle dans le livre. La religion musulmane dans ce roman est bien plus qu’un simple décorum
pour une intrigue. C’est le champ du possible pour révéler la capacité de l’homme postmoderne à se soumettre.
C’est aussi et surtout la possibilité, par la rencontre faite avec le monde occidental, d’imaginer un Islam du point de
vue le plus favorable et le moins caricatural pour l’homme d’aujourd’hui. Ce qui émerge de cette confrontation est
un substrat quasiment inattaquable. Sur France 2, au lendemain de la parution de son livre, Houellebecq disait
lui-même avec l’apathie qu’on lui connait que l’Islam de son roman est un Islam extrêmement modéré, sans doute
le plus modéré du monde. C’est parfait, cela nous convient bien. Cela signifie qu’on va pouvoir l’attaquer
frontalement, le critiquer radicalement sans que nous soit opposée une accusation d’amalgamisme, sans que nous
soit imposée l’obligation de distinguer des méchants et des gentils. Merci à Houellebecq d’avoir imaginé ce monde
de l’Islam modéré en Occident, de l’Islam humaniste.
L’Islam réinvente la paix romaine
Houellebecq ne fait certes pas une narration destinée à condamner l’Islam, c’est évident. Il crée une fiction où
l’Islam est la suite logique d’une postmodernité. Le livre révèle donc une certaine conception de l’homme par
l’Islam mais aussi dans la société occidentale. Il montre que nous sommes prêts, que la République et la société
de consommation nous ont préparé à la soumission, pire, nous y ont déjà placés. Le livre de Houellebecq montre
que le musulman sera le genre humain. Il est finalement le citoyen idéal pour succéder au consommateur qui avait
succédé au soldat. Grâce à l’Islam, la République peut espérer organiser la paix mondiale, réinventer la paix
romaine, de façon plus efficace qu’avec les droits de l’homme et les supermarchés. Mohamed Ben Abbes, le
nouveau président de la République Française, conserve d’ailleurs l’essentiel des institutions républicaines et
ambitionne de prendre la présidence de l’Europe en tournant le dos petit à petit à ses financiers du golfe. Le
directeur de la Sorbonne devenu ministre dans le roman avait d’ailleurs construit sa thèse d’un Islam humaniste, et
je crois bien que les deux mots vont très bien ensemble. Ce nouveau président musulman de la France souhaite
en effet « incarner un nouvel humanisme, présenter l’Islam comme la forme achevée d’un humanisme nouveau,
réunificateur… » (Soumission – Michel Houellebecq – Flammarion – ISBN 978-2-0813-5480-7 - p152)
La géopolitique selon Houellebecq
Au delà de l’Islam illustré offert par ce livre, le lecteur a accès à des visions géopolitiques du héros et de
personnages du roman, tout à fait criantes de vérité et non soumises, puisque issues de la narration d’une sphère
privée, à la censure du politiquement correct. Seule la narration peut dire des vérités, puisque ce sont les vérités
toutes relatives dites par un personnage forcément critiquable par ailleurs. Les vérités géopolitiques sortent de la
bouche d’interlocuteurs à figure d’expert du narrateur.
Ainsi on peut lire : « Curieusement, les pays occidentaux étaient extrêmement fiers de ce système électif qui n’était
pourtant guère plus que le partage du pouvoir entre deux gangs rivaux, ils allaient même parfois jusqu’à
déclencher des guerres afin de l’imposer aux pays qui ne partageaient pas leur enthousiasme. » (Ibid. p50) Ca
sent l’aphorisme de comptoir et la critique du système UMPS à plein pot. A un autre moment, comme en
Mauvaise Nouvelle - Processus d’islamisation, littérature et politique
confidence évidente, sort une phrase que tout le monde dit en privé et s’interdit de partager en public sur la sortie
de l’Euro : « A long terme les conséquences pour l’économie française seront peut-être très bénéfiques ; mais
dans un premier temps nous allons connaître des convulsions financières considérables. » (Ibid. p 87) Par ces
dialogues, Houellebecq illustre l’hypocrisie de notre société actuelle, où tout le monde est d’accord sur les
diagnostiques et les solutions et où personne n’a le courage de les porter publiquement.
Houellebecq livre également une analyse simple et criante de vérité sur une gauche tiraillée entre l’antiracisme et
la laïcité. Il décrit cette gauche tétanisée par son antiracisme, qui ne parvient même plus à brailler quand sonne
l’heure et à lancer « ses anathèmes depuis ses citadelles médiatiques sur le retour des heures sombres,
l’ambiance nauséabonde »… L’Islam s’installe et détruit tous les combats antérieurs sur la laïcité et le féminisme
sans plus aucune résistance efficace de la part de la gauche. On laisse même les juifs fuir notre République.
Deuil identitaire
Houellebecq n’est pas totalement dénué d’intentions. Il n’est, je pense, pas totalement neutre. Même s’il se sait
capable de se soumettre, il livre dans sa narration, comme en souvenir ce qu’a été la France, sa culture, son
rayonnement et ce qu’elle doit à la Chrétienté. En s’arrimant à son auteur de prédilection, Huysmans, il fuit. Il se
retrouve à Martel… Mais rassurez-vous, l’Islam n’est pas du tout le sujet du livre. Et le village de Martel fonctionne
dans l’imaginaire comme le symbole de la France : une terre rurale, un clocher, un bourg. Le paysage est celui des
paroisses dessinées par saint Martin. Et puis il y a son escapade à Rocamadour, sa mini retraite de trois jours au
monastère, qui peut en fait être vue comme une tournée d’au-revoir, d’adieu. C’était bien, c’était mieux, mais il n’a
pas l’énergie d’aller vers ce passé, de s’y accrocher. Cette nostalgie nous est transmise et procure une sorte de
révolte en nous, un sursaut identitaire. Choisissant le lieu de sa fuite, le héros optant pour le sud-ouest déclare :
« le confit de canard me paraissait peu compatible avec la guerre civile » (ibid. - p126) Il y a dans cet aphorisme
de terroir de quoi se rattacher aux oripeaux culturels français. Mais la sentence est sans appel, l’identité n’est que
prétexte à en faire le deuil. Il donne d’ailleurs comme définition du fascisme : une tentative spectrale (…) de
redonner vie à des nations mortes.
L’Islam : un humanisme contraire au féminisme
Cet Islam modéré et humaniste qui se construit, ne peut faire l’économie de la polygamie. Si l’Islam est accepté,
c’est également qu’il permet aux mâles dominants de la société de disposer de plusieurs femmes, donc d’un plaisir
légal, où le désir est hors jeu, la conquête est hors jeu. Il est amusant d’ailleurs de constater comment la polygamie
a tout de suite pour conséquence de voir l’âge des épouses diminuer. La polygamie, organisant la raréfaction de la
femme, fait cheminer tranquillement vers une forme de pédophilie. Mais ce n’est qu’un roman, ce n’est pas la
réalité, bien sûr. A chacun de faire le tri. La réalité n’est peut être pas pire, qui sait ? Le rapport de l’homme à la
femme semble trouver facilement sa place également du fait d’un féminisme agressif ayant ôté par le passé toute
identité à l’homme occidental. Ce féminisme moderne a finalement rendu enviable et estimable le modèle
musulman. Les hommes peuvent enfin être heureux de retrouver une véritable position dans la société, de se
sentir beaux et désirables car apportant : sécurité, argent, statut, etc. Mais Houellebecq s’amuse à montrer
l’amorce d’un échec de cette société si confortable, il lézarde les certitudes. En effet, comment tenir une vie sociale
acceptable sans femme ? (Ibid. p235) La complémentarité homme-femme offerte dans une société occidentale
serait un gage de monter le niveau des discussions ! Sinon, il ne reste que le foot pour faire société entre hommes.
Ce constat ne va pourtant rien empêcher, il ne se pose qu’en parenthèse, un doute suspendu mais la conversion
est inéluctable.
Opportunismes et collaborationnisme
Finalement la conversion à l’Islam de la France est à la fois le résultat d’une préparation à la soumission opérée
par l’esprit révolutionnaire de la République qui a nié la personne humaine, et également le résultat d’une
préparation à la soumission opérée par le matérialisme capitaliste qui a rendu extrêmement docile et triste l’individu
postmoderne. Mais, nous constatons que la préparation n’est pas tout, la conversion à l’Islam est aussi le fruit de
multiples opportunismes. Nous venons de voir l’opportunisme masculin souhaitant jouir sans la souffrance du désir,
souhaitant recouvrer son identité mise à mal. Mais l’homme n’est pas le seul à trouver intérêt à la venue de l’Islam.
L’argent achète tout. Françoise et son espion de mari sont achetés pour une retraite dorée en province, l’ami
universitaire avoue également que « cela paye bien », le confort matériel accompagne le confort affectif. Les
lendemains qui chantent arrivent, le peuple va roter tout seul dans sa mangeoire. Dans le bal des opportunismes,
même les catholiques sont présents. Ils vont trouver un intérêt dans cette société pour que le fait religieux cesse
d’être agressé. La droite bourgeoise peut se satisfaire que la racaille disparaisse du centre commercial Italie 2. Le
« à quoi bon » se voit remplacé par un « pourquoi pas. » Après les opportunismes, nous voyons le
Mauvaise Nouvelle - Processus d’islamisation, littérature et politique
collaborationnisme d’Etat se remettre en route. La force de la France est de toujours pouvoir miser sur son
administration et l’esprit « fonctionnaire » d’un bon nombre d’individus dont les intellectuels. Ces derniers, dont
Brückner, se mettent à produire les essais dont cette France islamisée a besoin. « L’intellectuel de France n’avait
pas à être responsable, ce n’était pas dans sa nature » (Ibid. - p271).
La force de ce roman est de nous donner l’impression à chaque fois que l’on referme le livre, d’être dans cette
société. On a l’impression que nous est racontée notre actualité. On prend ainsi conscience que notre propre
soumission est déjà à l’œuvre. J’ai eu à plusieurs reprises envie de twitter contre Bayrou ou Mohamed Ben Abbes,
avant de réaliser que nous avions encore à combattre Juppé et Tarik Ramadan. Le processus d’islamisation de la
France décrit dans Soumission est on ne peut plus réaliste. Par ce processus, la littérature de Houellebecq dit
beaucoup de notre préparation actuelle à la soumission. Il nous modifie en nous faisant sortir brutalement de
l’illusion d’être encore un individu postmoderne dans une société purement occidentale. On regarde nos pieds et
notre monde n’est déjà plus là.
1 / 3 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !