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Introduction.
En 1939, selon les estimations de Danielle Delmaire, 4000 Juifs environ vivent dans le
Nord Pas de Calais
.
Ils se partagent en deux ensembles qui ne se mélangent guère : Français de souche ou
naturalisés d’une part, bien intégrés, établis dans les villes de la région (Lille,
Valenciennes, Boulogne sur Mer) ; Juifs étrangers venus d’Europe de l’Est récemment
installés dans le bassin minier du Pas de Calais, autour de Lens, formant une communauté
soudée par ses pratiques religieuses et culturelles (Le Yiddish, le port de la kippa et des
habits noirs pour les hommes), mais majoritairement pauvre et encore mal intégrée. Les
juifs polonais installés dans le bassin minier sont estimés à 1500 personnes environ. Les
relations avec la population ne vont pas sans heurts. Aux yeux des Polonais catholiques –
historiquement antisémites – comme aux yeux de la population minière française dont la
crise a accentué la xénophobie, ils apparaissent comme un corps étranger.
En dehors de la région minière, les communautés juives ne rencontrent l’hostilité de
certains éléments que dans les villes où elles constituent des groupes importants. A Berck,
une campagne d’affichage orchestrée par les camelots du Roi est suffisamment virulente
par ses propos antisémites pour entraîner la rédaction d’un article paru dans le Volontaire
Juif en janvier 1932. Maître Gilbert Heiszmann y affirme avec fermeté « le droit [des
anciens combattants] d’être Français », en réponse aux camelots du Roi qui mettent en
cause le patriotisme et le civisme des Juifs étrangers dans la commune de Berck-Plage, où
les membres de l’ACVJ (anciens combattants et volontaires juifs) envoient leurs enfants
en vacances
. L’année suivante, le quotidien de gauche L’Humanité révèle, le 22/08/1933,
des « incidents antisémites à Berck ». Depuis juillet 1930 existe à Berck une colonie
scolaire « Pour nos enfants » financée par des dons des œuvres caritatives juives de Paris
.
DELMAIRE Danielle, HILAIRE Yves-Marie, « Chrétiens et juifs dans le Nord Pas de Calais pendant la Seconde Guerre
mondiale », Revue du Nord n°237, 1978.
Cité dans un article de Philippe-E. LANDAU, docteur en histoire, conservateur des archives consistoriales de Paris, qui a
publié Les Juifs de France et la Grande Guerre. Un patriotisme républicain, Paris, CNRS Éditions, 1999. L’article de Me
Heiszmann est paru dans Le Volontaire Juif n°14 de mai 1932, p10.
L’Univers Israélite du 25 juillet 1930, retrace l’événement pour ses lecteurs : « Le dimanche 13 juillet, a été inaugurée, à
Berck-Plage, 19 rue des Bains, la Maison de l’œuvre "Pour nos enfants" ; œuvre dont la création remonte à quelques mois
seulement. La cérémonie d’inauguration s’ouvrit devant une foule nombreuse où l’on remarquait le Dr Malingre, maire de
Berck, entouré des membres du Conseil Municipal, de Me Marcel Kahn, Président de l’œuvre, de M. Friedmann, Préposé à la
surveillance de la "Cacherout", et, plusieurs sociétés juives avaient envoyé des délégations. La musique municipale prêta son
concours à la fête. Après qu’un chœur d’enfants eut entonné "La Marseillaise", M. Zoubritzky coupa le ruban qui barrait la
porte d’entrée, et à cette occasion fit à l’œuvre un nouveau don de 5.000 francs. On visita ensuite la maison où l’installation
perfectionnée fut l’objet de l’admiration de tous. Plusieurs discours furent ensuite prononcés, Me Marcel Kahn, M. Malingre,
des Conseillers Municipaux, M. Delmann, représentant de "L’Entraide Fraternel". Ils prirent successivement la parole et
furent chaleureusement applaudis. Une quête effectuée ensuite parmi l’assistance produisit plus de 12.000 francs, les
"Progressistes" pour 500 francs, ainsi que les "Amis Solidaires", "L’Entr’aide Fraternel", "L’Union de la Jeunesse Juive", et
"L’Agoudat Israël", "L’Avenir Fraternel", "Salvey" donnèrent 300 francs, les "Originaires de Roumanie" 200 francs, etc. En
outre, plus de vingt lits furent fondés par diverses sociétés ; l’un d’eux fut dédié à la mémoire du regretté Grand Rabbin
Raphaël Lévy. Cent enfants sont déjà installés dans cette maison, où ils passeront un mois, en attendant que d’autres leurs
succèdent. La nourriture est strictement cachère, le réfectoire est vaste ainsi que les dortoirs où les règles d’hygiène sont
soigneusement observées. En outre, les petits pensionnaires sont tous assurés contre les accidents. Des dons nombreux
parviennent chaque jour à cette belle œuvre : signalons, entre autres, celui de M. Bonis, transmis par M. le Grand Rabbin de
France, qui s’élève à 500 francs et celui de Mme Lévylier (300 francs), transmis par M. le Grand Rabbin Liber. Le nombre
d’adhérents augmente chaque jour et c’est avec une confiance légitime que les dirigeants envisagent l’avenir de l’œuvre. »