
XII HEGEL – Introduction à une lecture critique
le tissu logique du système. Le révisionnisme est ici de bon aloi qui vise
non pas la justification de la dialectique, mais sa régénération au-delà
ou en deçà de sa gangue métaphysique. Après avoir montré dans des
travaux précoces que la logique de Hegel ne saurait être une logique
formelle, ce que Hegel savait déjà mais que nos contemporains
semblaient ignorer, j’ai voulu réinterpréter la logique hégélienne comme
syllogistique dynamique, c’est-à-dire comme une logique traditionnelle
(aristotélicienne) dynamisée par le procès de la sursomption (Aufhebung),
véritable moteur de la dialectique de la contrariété (et non de la contra-
diction) – c’est là la matière première des appendices de la fin de
l’ouvrage. Comme l’avait bien vu Croce, qui n’avait rien du logicien, ce
ne sont pas les énoncés contradictoires, mais les énoncés contraires qui
sont l’objet de la dialectique et dont la force motrice, que Hegel appelle
Moment pour le momentum de la mécanique newtonienne, réside dans
la dynamique de la double négation (negatio duplex ou doppelte Negation)
qui assure le passage ou la médiation (Vermittlung) des contraires vers
leur ultime résolution dans l’unité du Savoir absolu, pour parler comme
Hegel.
Il ne s’agira pas de parler comme Hegel, ni de parler contre Hegel
dans ce texte, mais d’adopter l’attitude du lecteur critique qui n’est
peut-être pas toujours fidèle à l’esprit tout en restant attentif à la lettre.
Ma lecture mettra donc l’accent sur le langage de Hegel, son vocabu-
laire et sa syntaxe, plutôt que sa sémantique qui a une visée idéaliste et
que je veux détourner au profit d’une critique constructive, démontage
plutôt que déconstruction, de l’échafaudage métaphysique et du
discours métaphysicien. Sur cette lancée, je chercherai à dégager sous la
phénoménologie de l’esprit une phénoménologie du langage et sous la
science de la logique une logique interne du langage. La conclusion de
l’ouvrage est consacrée à la mise en évidence de ce motif recteur.
J’utiliserai les traductions existantes en les modifiant à ma guise
quand je ne traduirai pas littéralement le texte de Hegel. Et j’aurai
recours librement à mes inventions de vocables, comme « sursomp-
tion » pour Aufhebung, qui a connu une belle fortune sans mon secours,
et à mes ressources de logicien et philosophe des sciences plus souvent
qu’à celles de l’historien de la philosophie que je ne suis pas.