Quentin Ludwig
Histoire, courants religieux, cultures
Le bouddhisme
Bouddhisme_FINAL 18/08/05 17:30 Page 3
© Groupe Eyrolles, 2005,
ISBN 2- 081-35 9 X
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Le Bouddha de la Terre pure
Dans le Hôbôgirin8, il est écrit qu’« Amida
est aujourd’hui sans aucun doute, la divi-
nité la plus populaire du panthéon
bouddhique ; il a éclipsé le Bouddha
historique, Sâkyamuni, dans tout le
domaine de l’église chinoise et japo-
naise ». Il s’agit d’un roi légendaire qui
renonça à son trône pour devenir moine.
Selon la légende, il explora pendant des
milliers d’années un nombre infini de
royaumes dans l’univers et finit par créer
son propre royaume, la Terre Pure (ou
paradis Sukhâvati), après avoir fait
plusieurs vœux, dont le 18econcerne son
Paradis. Parmi les différents bouddhas
promettant un futur dans un paradis
(paradis de Tusita de Maitreya, paradis
d’Abhirati d’Aksobhya), Amida a rencon-
tré le plus de succès pour des raisons
encore mystérieuses. Cependant, « deux
faits s’imposent à l’attention dans ce
problème si obscur : entre tous les boud-
dhas des points cardinaux, Amida seul
reste immuablement attaché à une
direction fixe : toujours il préside à
l’Ouest. En outre, son culte va de pair
avec le culte d’une autre divinité non
moins mystérieuse, Avalokiteshvara »8.
L’association Amida-Avalokiteshvara est
telle que dans l’ensemble du monde
bouddhique sino-japonais, toutes les
images d’Avalokiteshvara portent sur la
tête une petite image d’Amida.
Avec le temps, il s’est développé autour
d’Amida un véritable culte, une doctrine
du salut et des récits de ses vies anté-
rieures (Jâtaka), comme pour le
Bouddha historique. Comme pour ce
dernier, on décrit pour Amida un corps
d’Essence (sa nature-propre), un corps de
métamorphose (son apparition comme
roi-mendiant), un corps de fruition
(Amida après son vœu fondamental).
Le paradis d’Amida
Amida a promis d’emmener tous les
êtres qui invoquent son nom dans cette
Terre Pure que l’on peut comparer au
paradis des chrétiens. « Ce Paradis est un
Terrain où naissent les Auditeurs et les
Bouddha-pour-soi ; on y mange, on y
marche, les jours et les nuits s’y succè-
dent, et Amida y prêche la loi du Véhicule
triple » 9. Tout n’y est que « luxe, calme et
Amida
© Eyrolles Pratique
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Il s’agit du nom japonais du Bouddha de la lumière infinie de la Terre Pure. Ce
Bouddha est inconnu du bouddhisme premier (le Petit Véhicule, Hînayâna, conti-
nue d’ailleurs à l’ignorer totalement) et n’a fait son apparition qu’assez
tardivement avec le Grand Véhicule. En sanscrit, ce Bouddha porte le nom
d’Amitâbha mais comme son culte est surtout important au Japon (mais aussi en
Chine et au Tibet), c’est sous son nom japonais qu’il est le plus connu. Signalons
que le chef spirituel du Tibet (le Patchen-Lama), se présente comme une réincar-
nation d’Amida.
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volupté » bien que l’amour soit absent de
ce paradis interdit aux femmes (pour y
pénétrer les femmes renaissent sous la
condition d’homme). Ce paradis est la
dernière escale avant le nirvâna car après
leur renaissance sur terre les hommes
entrent directement dans le nirvâna sans
aucune possibilité de renaître dans une
condition inférieure ; le fait de renaître
dans le paradis d’Amida provoque donc
une sorte de blocage karmique (il n’y a
plus de rétribution automatique pour les
actes bons ou mauvais).
Le nembutsu
Le Bouddha Amida a donné lieu à de
nombreuses interprétations. Ainsi, pour
les bouddhistes zen, ce qu’on appelle
Amida, c’est la nature de bouddha innée
en chaque homme. Amida, disent-ils,
c’est moi-même et son Paradis, c’est
mon esprit. Le but étant de réaliser le
Paradis en ce monde-ci. Quoiqu’il en soit,
le culte d’Amida correspond à un
moment essentiel dans l’évolution du
bouddhisme. L’homme peut maintenant
accéder au nirvâna sans passer par de
multiples états de réincarnation car la
Le paradis d’Akshobhya
Le Bouddha Aksobhya (l’Inébranlable) a pour paradis Abhirati, situé à l’est de l’univers.
Son nom lui provient du vœu qu’il fit alors qu’il était encore bodhisattva de ne jamais se
mettre en colère contre un être vivant. Les fidèles qui respectent, eux-aussi, ce vœu sont
assurés de renaître dans son paradis et de ne plus jamais renaître dans un état inférieur.
Dans l’iconographie, ce bouddha est représenté avec le haut du corps peint en bleu (ou
en doré). Il a pour support un éléphant bleu et ses mains forment souvent le geste
(mudrâ) de la prise à témoin de la terre.
© Eyrolles Pratique
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Le Bouddha historique dans
son attitude la plus connue :
assis en position de lotus, les
mains pratiquant le dhyâna-
mudrâ, c’est-à-dire le mudrâ
de la concentration sur le
Dharma (la loi). Pour réaliser
ce mudrâ, il suffit de poser les
deux mains l’une sur l’autre,
les doigts sont allongés et les
pouces se touchent. Il se crée
ainsi un petit triangle qui
symbolise le feu spirituel.
Cette photo a été prise à Bân
Hit, au Viêt-Nam.
© Corel
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renaissance dans le paradis d’Amida (où
ne vivent, rappelons-le, que des
hommes, les femmes renaissant dans ce
paradis sous la condition masculine) est
l’ultime étape vers le nirvâna. En japo-
nais, la formule d’invocation d’Amida est
Namu Amida Butsu
(Honneur au
Bouddha Amida), ce qui donne
nembutsu, le nom de la formule d’accès
au paradis. La pratique de l’« école de la
Terre Pure » (Jôdo-shû) consiste unique-
ment à répéter cette formule rituelle11, ce
qui constitue une « voie facile » (contrai-
rement à la « voie sainte difficile » de la
discipline et de l’effort) pour entrer dans
le paradis d’Amida puis parvenir à l’Éveil.
En effet, selon les théoriciens de l’école
de la Terre Pure seule une minorité de
personnes sont capables de suivre la
« voie sainte » et de parvenir par leurs
efforts — par leur force personnelle (
jiriki
)
à l’Éveil ; la plupart, pensent-ils, ont
besoin de l’aide d’une force extérieure
(
tariki
), laquelle leur est apportée par
Amida, le bouddha compatissant, et
Avalokiteshvara, le bodhisattva de la
compassion.
Amida
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Le Paradis de la Terre Pure
« Si un homme pense de toutes ses forces au Bouddha Amida du Paradis de l’Ouest, et
que dans sa Déflexion des Bonnes racines de ses pratiques il forme le Vœu de naître
dans ce monde-là, il obtiendra d’y aller naître. Il y verra sans cesse le Bouddha, et il n’y
aura donc jamais pour lui de Régression. Car, s’Il inspecte le Corps d’Essence, l’Ainsité
de ce Bouddha là-bas, et s’applique sans relâche aux Exercices, il obtiendra finalement
de renaître dans son Paradis, et de stationner dans la Concentration Correcte. » 12
Dans le bouddhisme du
Petit Véhicule, le person-
nage Bouddha était très
modeste et souvent repré-
senté seulement par un
objet symbolique (trône,
lotus, lion, etc.). Dans le
bouddhisme du Grand
Véhicule, Bouddha n’est
plus seulement un homme
et ses statues sont propo-
sées à la dévotion des
populations. Pour impres-
sionner définitivement les
fidèles, certaines statues
atteignent ainsi des dimen-
sions considérables.
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Auditeur
Dans la terminologie bouddhique, un Auditeur est un saint, celui qui connaît la vérité
grâce à l’enseignement du Bouddha ou de l’un de ses disciples. Comme figure emblé-
matique d’Auditeur, on peut citer Ananda, le cousin et disciple de Bouddha.
Accompagnant partout son maître, il en retenait toutes les paroles. C’est ainsi qu’au
premier concile bouddhique, c’est Ananda qui fut chargé de réciter toutes les paroles de
Bouddha, lesquelles furent consignées dans les Sûtras. Un Auditeur est donc celui qui
atteint l’Éveil grâce à l’expérience d’un autre. Larhat, le saint bouddhique par définition,
qui atteint l’Éveil grâce à l’enseignement de Bouddha est lui-aussi un Auditeur. Les cinq
premiers moines (et disciples) de Bouddha représentent un exemple type d’arhat : ils
sont parvenus à l’Éveil (très vite d’ailleurs…) grâce à l’enseignement de Bouddha. On sait
que la tradition attribue également le titre d’arhat à Bouddha lui-même, ce dont on peut
s’étonner car il est parvenu à l’Éveil sans enseignement extérieur. Paul Magnin, l’auteur
d’un des meilleurs ouvrages consacré au bouddhisme, explique fort bien ce paradoxe : la
tradition, écrit-il « considère que le Bouddha représente l’arhat idéal bien qu’il ait vrai-
ment parcouru le chemin de libération par lui-même et jusqu’au bout, sans avoir reçu
l’enseignement d’un autre. Toutefois, la Loi qu’il enseigne s’est imposée à lui lors de
l’Éveil : elle lui est donc extérieure, puisqu’il en a été instruit d’une manière intuitive et
fulgurante. » 10 Pour atteindre l’état de sainteté (arhat), il existe quatre étapes : la
première est celle de « celui qui est entré dans le courant », le second stade est « celui
qui revient une fois », le troisième stade est « celui qui ne revient jamais », le quatrième
est celui de l’arhat qui est libéré de toute souillure.
Bouddha-pour-soi (pratyekabuddha)
Le bouddha-pour-soi (ou Bouddha-par-soi ou encore « illuminé solitaire ») est un saint
solitaire qui obtient l’Éveil par lui-même bien qu’il ait sans doute rencontré Bouddha ou
un de ses disciples et écouté l’enseignement de la Loi dans une vie antérieure. Solitaire
dans l’accès à l’Éveil, il est également solitaire dans ses contacts sociaux : il ne prêche
pas et ne vit pas en communauté. Pour devenir bouddha-pour-soi, il est nécessaire d’ac-
cumuler des mérites dans ses nombreuses vies antérieures et de pénétrer le sens de la
loi de coproduction conditionnée (voir page 174). Cet Éveillé solitaire a souvent été
comparé à un rhinocéros. Dans la métaphore bouddhique, le bouddhisme ancien (Petit
Véhicule) est comparé au chevreuil blessé qui ne s’occupe que de lui, le bouddha-pour-
soi à un rhinocéros qui s’occupe encore de ses enfants et le Grand Véhicule à un éléphant
qui veille sur son troupeau tout en tenant à l’œil le chasseur dangereux.
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