à savoir Ebn Taimia, intitulée Le soufisme et les pauvres. Probablement, il choisit
cette lettre en particulier parce qu’il n’aimait pas le soufisme. Mohammed
Mostafa Helmi étudia Ebn el Fared et l’amour divin et Tawfik el Tawil, qui était
le collègue de Mahfouz, étudia le soufisme chez El Charani, mais aussi Naguib
Mahfouz s’inscrivit en thèse sur le soufisme divin. Nous soupesons l’argument
qu’il y a une profonde tendance soufie chez lui ainsi qu’une quête vers l’absolu
qui se manifeste dans bon nombre de ses œuvres. C’est ce qu’enseignait le Cheikh
aux étudiants de la philosophie. Pourtant, tel que le confirme Badawi, le côté
scientifique n’était pas son fort, mais c’était le côté humain. « Il était la noblesse
même, l’esprit chevaleresque, il était toujours calme, souriant, il ne se mettait
presque jamais en colère, et, quand il s’énervait, il ne l’exprimait qu’en rougissant
et par un silence affreux. ». Selon Badawi, qui décrit sa personnalité, il avait un
esprit ouvert, il était sociable, il défendait la libération de la femme, et de là il
écrivit dans la revue Soufour des articles qui incitaient à la libération de la vie
sociale. Nous trouverons que Mahfouz, dans ses premiers écrits, aborde lui-aussi
le thème de la femme.
Parmi ses maîtres européens, citons Alexandre Koyré qui vint en Egypte trois fois
pour enseigner. La première fut de 1932 à 1934, la période où Mahfouz était
étudiant. Nous sont utiles les affirmations de Badawi sur lui dans un essai et une
interprétation de quelques aspects de la formation du grand écrivain. Badawi le
décrit en ces mots : « Il réconciliait la tendance métaphysique et la tendance
pratique, il s’intéressait aux courants soufis autant qu’à l’histoire de la science
moderne. Il écrivait beaucoup dans tous ces domaines et, dans ses écrits, il
essayait de lier la vision soufie et la vision scientifique de l’univers en même
temps. Par exemple, il trouve que l’affirmation des soufis allemands au XVIème
siècle que l’univers est infini fit que les physiciens le crurent infini » (64). Nous
constatons que, chez Mahfouz, ces deux tendances (la tendance vers la religion et
vers la science) prirent de l’ampleur. Cela fut le résultat de l’influence de Moussa
et d’Abdel Razek, et une lecture approfondie des Fils de notre quartier le montre.
Avant d’analyser ces œuvres, nous nous arrêtâmes sur deux articles qu’il écrivit
en 1930, à savoir Agonie de croyances et naissance de croyances publiés dans La
Nouvelle Revue et qui nous renvoie à l’influence de Salama Moussa sur lui. Quant
au second article, il porte sur la femme et les postes publics, publié dans La
Politique Hebdomadaire, il nous dévoile l’intérêt de Mostafa Abdel Razek qui
élabora longuement sur ce même thème dans la revue Soufour. Les deux articles
furent écrits dans le même mois, octobre 1930 ; c’est ce qui signifie que
l’influence des deux maîtres sur Mahfouz date de la même époque.
Dans le premier essai, il confirme l’agonie des croyances et la naissance d’autres,
à propos des idées de Salama Moussa puisqu’il énonça dans La Nouvelle Revue
que dirigeait ce dernier son opinion explicitement : « Nous voyons, à cette époque
où nous vivons, que toutes les anciennes croyances inculquées dans les esprits
pour de longues générations commencèrent à s’ébranler et à reculer peu à peu.
Notre époque [les années trente du vingtième siècle] est une ère intermédiaire
entre des croyances qui agonisent et périssent, et d’autres idées et théories qui ne
se stabilisèrent pas complètement et ne prirent pas leur place dans les esprits. »
Son opinion et sa confiance dans l’Histoire et le développement se révèlent en ces
mots : « Nous ne déprimons pas à cause de l’imminence de la disparition des
anciennes croyances et nous n’incitons pas les philosophes à ne plus les
rechercher ni à les critiquer….parce que nous croyons que ce bouleversement est