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Ces trois théories sont les principales d'une panoplie impressionnante peuplant le champ du non-équilibre.
Rien n'est encore parvenu à les départager. En effet, c'est la prédictivité qui fait habituellement le succès
d'une théorie. Or, si les prédictions de ces théories sont effectivement différentes dans les détails, elles se
rejoignent lorsqu'elles sont moyennées. C'est donc ailleurs que dans la prédictivité qu'il faut chercher ce qui va
pouvoir les distinguer, comme l'explique Lebon : «Une théorie particulière peut être plus adaptée pour étudier
un phénomène donné et pas du tout pour un autre. Par exemple, la théorie de Prigogine n'est pas adaptée
à l'étude du comportement des polymères, tandis que celle de Truesdell ou la nôtre donnent des résultats
satisfaisants. Pour l'étude des ondes de choc dans les gaz, l'approche classique ne convient pas, tandis que
la thermodynamique étendue est plus adaptée. Dans l'état actuel des choses, comme nous n'avons pas une
théorie du non-équilibre universelle, il est recommandé de sélectionner une théorie en fonction du problème
à étudier.»
Domaines porteurs
L'existence de nombreuses théories du non-équilibre fait de ce domaine de recherche un lieu où règne une
grande rivalité entre les chercheurs. Mais au-delà de ces conflits, la thermodynamique porte en son sein de
nombreuses applications très actuelles. Elle est très sollicitée, dans toutes les technologies concernées par
exemple, par la propagation des ultra-sons, des ondes de choc, les supra-conducteurs, les microfluides et
les nanostructures. Dans ce dernier cas, on est en effet confronté au problème crucial du transport de la
chaleur : empêcher une nanopuce de chauffer est primordial pour sa survie.
Une autre problématique très étudiée à partir de la thermodynamique du non-équilibre est celle de la formation
de structures en réseaux («pattern formation») De quoi s'agit-il ? «Prenez une mince couche de silicone et
parsemez-la de paillettes qui seront les témoins des mouvements qui vont se créer en elle. Emprisonnez le
tout entre deux plaques et chauffez par le bas De petits rouleaux vont apparaître dans le fluide. Ce sont les
cellules de Bénard. Elles résultent de la différence de température entre la plaque du haut et celle du bas. C'est
donc le non-équilibre qui est le moteur responsable de l'apparition de ces structures. Le même phénomène
se produit lorsque vous chauffez de la margarine dans une poêle pour cuire votre steak : si vous êtes attentif,
vous verrez apparaître de petites structures polygonales, le plus souvent des hexagones ou des pentagones,
cette fois-ci.»
C'est parce que la formation de cellules de Bénard entraîne une modification des propriétés mécaniques
et thermiques du matériau qu'elles sont très étudiées en physique. Par exemple, la chaleur ne se transmet
pas de la même façon suivant que le système est homogène ou structuré. Une autre raison de leur intérêt
est leur similitude avec l'évolution des êtres vivants. L'embryon dans le ventre de sa mère est au début très
homogène, puis des structures se forment : la tête, puis les pieds, etc. Ainsi, la thermodynamique du non-
équilibre intéresse aussi beaucoup les biologistes.