MOOC : « des particules aux étoiles » Supernovæ de type Ia

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MOOC : « des particules aux étoiles »
Supernovæ de type Ia (Vanina Ruhlman-Kleider)
Bonjour, dans cette séquence, je vais vous parler des supernovæ de type Ia qui, il y a une
quinzaine d’années, ont permis de découvrir l’accélération de l’expansion de l’Univers. Les
supernovæ sont des explosions d’étoiles en fin de vie, et en tant que telles, sont des
phénomènes extrêmement lumineux, qu’il est possible de repérer même quand l’explosion
se situe à des milliards d’années lumière de la Terre. Sur cette animation montrant la galaxie
Centaurus A, on voit soudainement apparaître un point lumineux hors du centre de la galaxie
et très brillant. C’est la manifestation de l’explosion d’une étoile. En suivant l’évolution au
cours du temps de ce point, on peut mesurer le flux lumineux émis par l’explosion, qui dure
typiquement quelques mois et reconstruire ainsi ce qu’on appelle la courbe de lumière de la
supernova, ici figurée en bleu. En-dessous de la courbe de lumière, l’animation montre le
spectre de l’émission lumineuse et son évolution au fil du temps. Au maximum de la courbe
de lumière, l’analyse du spectre fournit de précieuses indications et montre qu’il n’y a pas
d’hydrogène, ni d’hélium mais du silicium.
Il s’agit d’une supernova de type Ia, différente des supernovæ gravitationnelles dont il est
question dans la séquence de nucléosynthèse stellaire. Pour les explosions de type Ia, les
courbes de lumière et les spectres sont reproductibles d’une supernova à l’autre, du fait de
leur origine thermonucléaire. La mesure du flux émis par ces explosions est donc révélatrice
de la distance de l’étoile qui a explosé, d’où l’idée d’utiliser ces supernovæ pour tester la
géométrie de l’Univers à grande échelle. Pour ce faire, il est nécessaire de mesurer pour
chaque supernova sa courbe de lumière et son spectre pour s’assurer qu’on a bien affaire à
un type Ia et pour mesurer une autre donnée essentielle, le décalage vers le rouge de la
supernova, z. L’indicateur de distance déduit du flux d’une supernova se définit alors de la
manière suivante.
Comme en géométrie euclidienne, on écrit que le flux émis par une supernova et reçu par
un observateur terrestre aujourd’hui est égal à sa luminosité intrinsèque divisée par 4 pi fois
le carré d’une distance dite de luminosité, dL. Si l’Univers était statique, dL serait la distance
entre la Terre et le lieu d’explosion. Mais l’Univers est en expansion. Dans ces conditions,
dL est égale à la distance physique actuelle du lieu d’explosion, multipliée par 1+z.
Réécrivons tout de suite la relation précédente en utilisant les magnitudes au lieu des flux,
comme il est habituel de le faire en astronomie. Les magnitudes sont des flux, normalisés au
flux d’un objet astrophysique étalon, dont on prend le logarithme en base 10, ce qui permet
de comparer plus facilement des objets de luminosités différentes, le tout avec un signe
moins par convention.
Pour une supernova, objet transitoire, on choisit comme référence la magnitude au pic de la
courbe de lumière et, pour pouvoir comparer entre elles différentes supernovæ, on rapporte
toutes les magnitudes au même référentiel, à savoir le filtre dans la bande spectrale B et le
référentiel de repos, d’où la notation mB étoile. En terme de magnitude, la relation
précédente se réécrit de la manière suivante : la magnitude apparente d’une supernova est
égale à une constante qui n’est autre que sa magnitude absolue, grand MB, plus 5 fois le
logarithme décimal de sa distance de luminosité. Dans cette relation, la magnitude apparente
est mesurée, ainsi que le décalage vers le rouge. On dispose par ailleurs d’un modèle
empirique pour décrire la magnitude absolue. On peut donc obtenir une mesure de la
distance de luminosité au décalage z de la supernova. Or, dans la théorie de la Relativité
générale, on peut prédire la valeur de dL en fonction de z pour différentes hypothèses
d’univers, caractérisées par les densités d’énergie actuelles des différentes composantes
que l’on suppose exister dans l’Univers. Ces densités sont notées Omega, par exemple
OmegaM pour la matière non relativiste. Cette formule montre que si l’on dispose d’un
ensemble de mesures de magnitudes de supernovæ pour différentes valeurs de décalages
vers le rouge, on peut comparer la loi entre magnitude et décalage vue dans les données à
celles prédites pour différentes valeurs des densités d’énergie. Si les mesures sont
suffisamment précises, on doit pouvoir déterminer les valeurs des différentes densités et
donc quantifier le contenu de l’Univers.
C’est avec cette idée en tête , qu’à la fin des années 90 deux équipes de cosmologistes ont
décidé de détecter des supernovæ lointaines, c’est-à-dire à haut décalage spectral,
supérieur à 0,1, pour déterminer la loi reliant magnitude au pic et décalage. Leur résultat est
montré sur ce diagramme, qui porte en ordonnée la magnitude au pic des supernovæ en
fonction du décalage spectral exprimé sur une échelle logarithmique. Les points rouges et
bleus désignent les mesures des deux collaborations. Les 3 courbes représentent la
variation de la magnitude au pic en fonction du décalage telle qu’on l’attend dans différents
modèles d’univers. On constate que ces lois ne se différencient qu’à haut décalage spectral,
supérieur à 0,1, ce qui correspond à des distances supérieures à 1 milliard d’années lumière
environ. Si l’on considère les tirets, qui montrent la loi prédite pour un univers plat composé
exclusivement de matière à l’heure actuelle, on constate que les magnitudes mesurées à
haut décalage spectral sont au-dessus de cette courbe. Les supernovæ Ia lointaines sont
donc de magnitude plus élevée, c’est-à-dire apparaissent moins brillantes qu’attendu pour un
univers composé de matière uniquement. Les supernovæ sont donc situées à des distances
plus grandes que celles prédites pour un univers fait uniquement de matière . Il y a donc
quelque chose en plus, qui agit à l’inverse de la matière qui fait se rapprocher les objets les
uns des autres par attraction gravitationnelle. Cette composante supplémentaire tend au
contraire à les éloigner, en accélérant l’expansion de l’Univers. On appelle cette composante
de nature inconnue énergie noire et on note sa densité d’énergie OmegaLambda. La courbe
pleine qui s’accorde avec les mesures de ce graphe représente un univers composé
aujourd’hui de 30% de matière et de 70% d’énergie noire.
A l’époque, ce résultat complètement inattendu, basé sur une centaine de supernovæ, dont
une cinquantaine seulement à haut décalage spectral, a suscité de nouvelles campagnes de
mesures plus précises. La conclusion des nouveaux résultats est sans appel. Sur la base de
plusieurs centaines d’objets mesurés précisément, dont le diagramme magnitude-décalage
est montré ici, l’accélération de l’expansion de l’Univers est confirmée à un très haut niveau
de confiance. La composition de l’Univers qui se déduit de ce diagramme est de 29,5% de
matière avec une incertitude de 3,4%, le reste étant emporté par l’énergie noire, à environ
70%.
Notre Univers est donc dominé par l’énergie noire, dont on ne connaît ni la nature ni l’origine,
et est en expansion accélérée depuis 5 milliards d’années environ. Ce résultat étonnant est
confirmé et affiné par les autres mesures cosmologiques comme vous pourrez le découvrir
dans les autres séquences de cosmologie, notamment celle qui suit sur les oscillations
acoustiques baryoniques.
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