Quand et pourquoi rechercher des anticorps anti

publicité
Quand et pourquoi rechercher
des anticorps anti-GAD en
neurologie ?
J. Honnorat*
Dans le syndrome de l’homme raide,
les anticorps anti-GAD sont présents
chez plus de 90 % des patients présentant une forme généralisée dite “forme
classique” (5). Ils sont moins fréquents dans les autres formes de la
maladie, puisque la fréquence n’est
estimée qu’à 15 % dans les formes
limitées aux membres (6) et seuls
quelques rares cas isolés ont été rapportés dans les formes avec encéphalite ou avec myoclonus. Les anticorps
anti-GAD sont associés à des formes
idiopathiques du syndrome de
l’homme raide. Dans les formes paranéoplasiques, les patients présentent
des anticorps anti-amphiphysine (7).
La présence d’anticorps anti-GAD est
exceptionnelle dans ces formes paranéoplasiques (8). Les anticorps antiGAD, retrouvés chez les patients ayant
un syndrome de l’homme raide, présentent plusieurs caractéristiques qui
les distinguent de ceux qui sont observés chez les patients diabétiques. Tout
d’abord, le taux d’anticorps est très
élevé, bien supérieur à celui des diabétiques. L’épitope reconnu est différent.
Il est linéaire chez les patients avec
syndrome de l’homme raide et conformationnel chez les diabétiques. De ce
fait, les anticorps anti-GAD des
patients avec syndrome de l’homme
Jérôme Honnorat neurologue, PU-PH de
Neurologie et travaille dans le service
de neurologie du Professeur Trouillas à
Lyon. Il a beaucoup travaillé sur les syndromes paranéoplasiques et a récemment publié sur les anticorps anti-GAD
(Arch Neurol 2001)
raide peuvent être mis en évidence par
western-blot. Enfin, le mode d’activation du système immunitaire semble
différent dans les deux groupes. Chez
les diabétiques, on observe une activation majoritaire de la voie Th1, avec
augmentation de l’interleukine 1 et de
l’interféron gamma, tandis que chez
les patients avec un syndrome de
l’homme raide, c’est la voie Th2, avec
augmentation des interleukines 6 et 4,
qui est activée. De nombreux éléments
cliniques et expérimentaux sont en
faveur d’une atteinte élective du système GABA-ergique des interneurones de la moelle épinière comme
étant à l’origine du syndrome de
l’homme raide. Une étude récente,
effectuée in vitro, a montré que les
anticorps anti-GAD des patients avec
syndrome de l’homme raide pouvaient
réduire l’activité enzymatique de la
GAD et donc la synthèse de GABA,
contrairement aux anti-GAD de
patients diabétiques qui n’ont aucun
effet (9). Ce résultat suggère que les
anticorps anti-GAD pourraient avoir
un effet pathogénique direct sur la
moelle épinière des patients, mais
cette hypothèse reste à démontrer in
vivo. L’implication du système immunitaire dans la survenue des troubles
semble néanmoins très probable chez
les patients avec anticorps anti-GAD.
En effet, la fréquence des maladies
auto-immunes (dysthyroïdies, anémies auto-immunes, diabète, etc.) est
particulièrement élevée dans ce
groupe (60 %), alors qu’elle n’est que
de 6 % chez les patients avec syndrome de l’homme raide, mais sans
anti-GAD. Il est donc possible qu’il
puisse exister plusieurs mécanismes
L
a glutamate décarboxylase
(GAD) est une enzyme
majeure du système nerveux
qui catalyse la conversion du glutamate en GABA. Cette enzyme est
également exprimée dans les cellules
bêta du pancréas et a été identifiée
comme un antigène majeur et essentiel au développement du diabète
insulino-dépendant (DID) (1). Les
anticorps anti-GAD sont présents
chez plus de 80 % des patients présentant un DID et peuvent être
détectés plusieurs années avant le
début clinique de la maladie, ce qui
permet de les utiliser comme marqueur pronostique (2). Chez les
patients non diabétiques, il est
exceptionnel de détecter ces anticorps. Néanmoins, des taux élevés
ont également été retrouvés chez
quelques rares patients présentant
des troubles neurologiques. Ces anticorps anti-GAD pourraient jouer un
rôle direct et majeur dans la survenue
de ces syndromes. Actuellement,
deux syndromes neurologiques associés aux anticorps anti-GAD sont clairement identifiés : le syndrome de
l’homme raide (3), l’ataxie cérébelleuse d’apparence dégénérative (4). Il
est également possible qu’il existe
d’autres syndromes neurologiques
associés à ces anticorps, non encore
identifiés.
pouvant conduire à la survenue d’un
syndrome de l’homme raide, l’un
auto-immun et l’autre non. Dans ce
cas, la mise en évidence d’anticorps
anti-GAD serait particulièrement
importante, car elle permettrait de
sélectionner les patients susceptibles
de répondre à un traitement immuno-
186
Examen rare complémentaire
Examen rare complémentaire
suppresseur. Cette hypothèse reste à
confirmer.
Les patients présentant une ataxie
cérébelleuse et des anticorps antiGAD sont rares. Moins d’une vingtaine de cas ont été rapportés dans la
littérature, mais la présentation clinique est très stéréotypée, suggérant
un syndrome particulier (4). Il s’agit
majoritairement de femmes (90 %)
avec un âge moyen de 55 ans au début
de la symptomatologie cérébelleuse.
Une histoire familiale de maladie
auto-immune telle que DID ou maladies thyroïdiennes est fréquente (plus
de 50 % des cas). Un diabète insulinorequérant de début tardif est présent
chez plus de 71 % des patients, et
d’autres maladies auto-immunes,
comme des thyroïdites (hyper- ou
hypothyroïdie), des anémies hémolytiques, des myasthénies, des thymomes malins, des psoriasis ou des
maladies cœliaques, ont également été
rapportées. Le syndrome cérébelleux,
essentiellement statique, s’installe en
général progressivement, suggérant
une atteinte dégénérative. Un nystagmus et une dysarthrie sont fréquents et
il a également été rapporté une rigidité
d’un membre, suggérant un syndrome
de l’homme raide focalisé, une neuropathie périphérique ou une myasthénie. Le liquide céphalorachidien est en
principe normal pour ce qui est du
taux de protéine ou du nombre de cellules, mais il est important de rechercher des bandes oligo-clonales, observées de façon isolée dans 80 % des
cas. Le scanner et l’IRM encéphalique
montrent généralement une atrophie
cérébelleuse pure et diffuse chez plus
de 50 % des patients. Il n’a jamais été
observé d’atrophie du tronc cérébral.
L’existence de bandes oligo-clonales
dans le liquide céphalorachidien de
ces patients, associée à une synthèse
intrathécale d’anticorps anti-GAD,
ainsi qu’à la présence anormalement
élevée d’anticorps spécifiques d’organes et de maladies auto-immunes,
distingue clairement ces patients des
autres qui présentent une ataxie cérébelleuse sporadique, et suggère forte-
ment l’implication du système immunitaire dans la survenue de l’ataxie
cérébelleuse. De plus, le fait que certains patients ont un syndrome de
l’homme raide focalisé, associé à
l’ataxie, suggère que ces deux pathologies ont des mécanismes physiopathologiques communs. Comme dans le
syndrome de l’homme raide, le taux
d’anticorps anti-GAD est particulièrement élevé et l’épitope reconnu est
différent de celui des patients diabétiques. Les anticorps pourraient également jouer un rôle direct dans la survenue de l’ataxie, puisqu’il a été
démontré que le sérum de ces patients
ataxiques pouvait supprimer sélectivement la transmission GABA-ergique
sur des coupes de cervelet de rat (10).
De plus, ces patients seraient sensibles
à un traitement par veinoglobulines
(11).
Des taux élevés d’anticorps anti-GAD
ont également été rapportés chez des
patients présentant une épilepsie
réfractaire (12) ou des rétinopathies
(13), mais ces observations sont trop
rares, à l’heure actuelle, pour pouvoir
affirmer qu’il ne s’agit pas d’associations liées au hasard.
Conclusion
L’association d’un trouble neurologique et d’anticorps anti-GAD est
rare. Leur recherche est néanmoins
indispensable chez des patients présentant un syndrome de l’homme
raide ou une ataxie cérébelleuse sporadique, surtout s’il existe des antécédents familiaux ou personnels de
maladies auto-immunes. Leur présence est un argument important pour
évoquer une origine auto-immune à la
survenue des troubles et proposer un
traitement immuno-modulateur.
Néanmoins, l’interprétation du résultat du dosage devra être rigoureuse.
Seuls les taux élevés pourront être
retenus, les taux faibles pouvant être
liés à l’existence d’un diabète latent,
très fréquent dans la population générale.
Act. Méd. Int. - Neurologie (3) n° 8, octobre 2002
Références
1. Yoon JW, Yoon CS, Lim HW et al.
Control of autoimmune diabetes in NOD
mice by GAD expression or suppression in
beta cells. Science 1999 ; 284 : 1183-7.
2. Baekkeskov S, Aanstoot HJ, Christgau S
et al. Identification of the 64K autoantigen
in insulin-dependent diabetes as the
GABA-synthesizing enzyme glutamic acid
decarboxylase. Nature 1990 ; 347 : 151-6.
3. Solimena M, Folli F, Aparisi R et al.
Autoantibodies to GABA-ergic neurons
and pancreatic beta cells in stiff-man syndrome. N Engl J Med 1990 ; 322 : 1555-60.
4. Honnorat J, Saiz A, Giometto B et al.
Cerebellar ataxia with anti-glutamic acid
decarboxylase antibodies : clinical and
immunological data of a series of 14
patients. Arch Neurol 2001 ; 58 : 225-30.
5. Brown P, Marsden CD.The stiff man and
stiff man plus syndrome. J Neurol 1999 ;
246 : 648-52.
6. Barker RA, Revesz T, Thom M et al.
Review of 23 patients affected by stiff-man
syndrome : clinical subdivision into stiff
trunk (man) syndrome, stiff-limb syndrome, and progressive encephalomyelitis
with rigidity. J Neurol Neurosurg
Psychiatry 1998 ; 65 : 633-40.
7. Folli F, Solimena M, Cofiell R et al.
Autoantibodies to a 128-kd protein in three
women with the stiff-man syndrome and
breast cancer. N Engl J Med 1993 ; 328 :
546-51.
8. Silverman IE. Paraneoplastic stiff limb
syndrome. J Neurol Neurosurg Psychiatry
1999 ; 67 : 126-7.
9. Dinkel K, Meinck HM, Jury KM et al.
Inhibition of aminobutyric acid synthesis
by glutamic acid decarboxylase autoantibodies in stiff-man syndrome. Ann Neurol
1998 ; 44 : 194-201.
10. Ishida K, Mitoma H, Song SY et al.
Selective suppression of cerebellar GABAergic transmission by an autoantibody to
glutamic acid decarboxylase. Ann Neurol
1999 ; 46 : 263-7.
11. Abele M, Weller M, Mescheriakov S et
al. Cerebellar ataxia with glutamic acid
decarboxylase autoantibodies. Neurology
1999 ; 52 : 857-9.
12. Peltola J, Kulmala P, Isojarvi J et al.
Autoantibodies to glutamic acid decarboxylase in patients with therapy-resistant
epilepsy. Neurology 2000 ; 55 : 46-50 .
13. Steffen H, Menger N, Richter W et al.
Immune-mediated retinopathy in a patient
with stiff-man syndrome. Graefe’s Arch
Clin Exp Ophtalmol 1999 ; 237 : 212-9.
187
Examen rare complémentaire
Examen rare complémentaire
Téléchargement