Déficit moteur isolé des releveurs du pied : intérêt de l’étude des muscles courte portion du biceps et jambier postérieur T. Maisonobe, P. Bouche Fiche à détacher et à archiver (service d’explorations fonctionnelles neurologiques, GH de la Pitié-Salpêtrière, Paris) Un patient de 43 ans présente depuis 8 jours un déficit isolé des releveurs du pied gauche. Il n’a aucun antécédent notable, pas de douleur ni de paresthésie. Aucune circonstance particulière ne peut expliquer la paralysie. L’examen permet de constater un déficit électif des releveurs du pied gauche : jambier antérieur, extenseur des orteils et pédieux. Les autres muscles testés sont normaux, notamment les péroniers latéraux, la loge postérieure de jambe et les muscles de la cuisse (faces antérieure et postérieure). Le côté controlatéral est normal. Il n’y a pas de déficit sensitif dans le territoire des nerfs sciatiques poplités externe (nerf musculo-cutané) et interne ou dans un territoire radiculaire. Les réflexes rotuliens et achilléens sont normaux des deux côtés. Les trois diagnostics évoqués sont : une atteinte partielle (nerf tibial antérieur) du nerf SPE, une atteinte radiculaire L4-L5 ou une atteinte du tronc du nerf sciatique n’intéressant que le contingent SPE du nerf. L’examen électroneuromyographique (ENMG) est alors réalisé afin de trancher entre ces trois diagnostics principaux (d’autres diagnostics sont théoriquement possibles tels qu’une forme débutante de maladie de motoneurone, une affection musculaire primitive ou une atteinte centrale). L’examen électromyographique effectué à l’aide d’une aiguille électrode concentrique confirme l’atteinte neurogène périphérique des muscles jambier antérieur, extenseur des orteils et pédieux à gauche. Les tracés d’effort sont très nettement appauvris avec sommation temporelle. Au repos, il n’y a pas d’activité spontanée anormale dans les muscles atteints. L’examen des autres muscles, notamment les péroniers latéraux, la loge postérieure de jambe, les muscles controlatéraux et le muscle quadriceps, est normal. L’étude de la conduction nerveuse motrice montre une vitesse de conduction normale sur le pédieux et le jambier antérieur, sans ralentissement au col du péroné, sans bloc de conduction. L’amplitude du potentiel évoqué musculaire sur le pédieux et le jambier antérieur est réduite à gauche. La conduction motrice et l’amplitude distale sont normales à droite. L’étude du nerf sciatique poplité interne est également normale. Les potentiels sensitifs des nerfs musculocutanés (nerf sciatique, nerf SPE et racine L5) et saphènes externes (nerf sciatique, nerf SPI et racine S1) sont normaux des deux côtés. Ainsi, l’atteinte isolée des releveurs du pied peut répondre à une atteinte radiculaire L4-L5, puisque le potentiel sensitif correspondant à L5 est normal. Il peut s’agir également d’une atteinte partielle du tronc du nerf sciatique, qui, le plus souvent, intéresse la part SPE du tronc ; mais l’absence d’altération des potentiels sensitifs n’est pas un argument favorable – bien que l’atteinte ne date que de huit jours –, et les potentiels peuvent décroître à partir du huitième jour. Enfin, le diagnostic le plus probable avec l’atteinte radiculaire est l’atteinte isolée de la branche tibiale antérieure du nerf SPE. Correspondances en Nerf & Muscle - Vol. II - n° 1 - octobre 2004 Il paraît intéressant dans cette approche diagnostique de tester certains muscles qui ne sont généralement pas étudiés en routine et qui permettent de mieux situer la lésion. Il s’agit du muscle jambier postérieur innervé par le nerf SPI et la racine L5. Ainsi, dans le cas de radiculopathie L5, il est habituellement atteint alors qu’il ne l’est pas dans une atteinte du SPE. Il s’agit aussi du muscle courte portion du biceps appartenant aux muscles ischiojambiers innervé par le SPE mais au-dessus du genou (il est issu du tronc du nerf sciatique dans la cuisse) ce qui permet, s’il est atteint, d’éliminer une lésion du nerf SPE au col du péroné. Chez le patient, ces deux muscles étaient normaux à l’examen EMG évoquant ainsi une lésion partielle du SPE : lésion isolée du nerf tibial antérieur puisque l’atteinte radiculaire L5 était écartée avec une atteinte située plus en haut (cuisse par le nerf sciatique) également. L’IRM confirmait l’atteinte du nerf tibial antérieur due à un kyste mucoïde. TECHNIQUE D’EXAMEN DU MUSCLE JAMBIER POSTÉRIEUR (figures 1-3) Le muscle jambier postérieur est innervé par le nerf SPI et par les racines L5 S1 avec une large prédominance L5. Sa mise en fonction entraîne une inversion du pied, celui-ci étant au préalable en dorsiflexion. Le patient est en décubitus dorsal. La jambe semi-fléchie en légère rotation externe. L’aiguille est insérée à un travers de doigt du bord interne du tibia, cinq travers de 19 Long fléchisseur des orteils dans le soléaire ou le long fléchisseur des orteils. Si elle est trop profonde, elle est dans le muscle jambier antérieur. La manœuvre consiste à demander au patient d’effectuer une inversion contre résistance du pied. TECHNIQUE D’EXAMEN DE LA COURTE PORTION DU BICEPS (figures 4, 5) Figure 2. Jambier postérieur. Insertion de l’aiguille. La courte portion du biceps est innervée par le nerf sciatique poplité externe par une branche collatérale issue du tronc du nerf sciatique au-dessus du creux poplité et par les racines L5 et S1. Le patient est en décubitus ventral, la jambe fléchie à 10°. L’aiguille est insérée en dedans du tendon de la longue portion du biceps à quatre travers de doigts au-dessus de la tête du péroné. Si l’aiguille est insérée à un niveau trop interne, elle est dans le semimembraneux. Si elle est trop latérale, elle est dans la longue portion du biceps fémoral. La manœuvre consiste à fléchir la jambe sur la cuisse contre résistance. ■ Figure 4. Courte portion du biceps. Insertion de l’aiguille. Figure 5. Courte portion du biceps. Flexion de la cuisse contre résistance. Soléaire à Tibia archiver doigts en dessous de la tubérosité du plateau tibial. L’aiguille est orientée obliquement de telle façon qu’elle pénètre sous le tibia en passant à travers le muscle soléaire et le long fléchisseur des orteils. Si l’insertion est trop superficielle, elle est et Jambier postérieur Figure 3. Jambier postérieur. Inversion du pied contre résistance. 20 Correspondances en Nerf & Muscle - Vol. II - n° 1 - octobre 2004 Fiche à détacher Figure 1. Coupe transversale jambe.