permis de définir la parenté qui existe entre les populations
macrophagiques et adipocytaires en séparant les cellules
issues de lignées, de celles issues de culture primaire. Que
ce soit au sein des lignées ou des cultures primaires, les
deux profils qui sont les plus proches sont ceux des préadi-
pocytes et des macrophages, ce qui renforce l’hypothèse
d’un lignage commun [21].
Nous avons ensuite cherché à déterminer in vivo s’il pou-
vait exister une transformation d’un type cellulaire en
l’autre. Pour cela, des préadipocytes, préalablement mar-
qués au DAPI, ont été injectés dans la cavité péritonéale de
souris Nude. Six heures après leur injection, la grande
majorité des préadipocytes possède une activité de phago-
cytose et surtout exprime les marqueurs spécifiques des
macrophages Mac-1 et F4/80. Cette « transdifférenciation »
est stable puisque les mêmes observations ont été faites une
semaine après l’injection. Outre les marqueurs spécifiques
de macrophages que sont Mac-1 et F4/80, les préadipocytes
acquièrent aussi l’expression des molécules de costimula-
tion que sont CD80 et CD86 [21].
Ce travail montre qu’il existe une proximité phénotypique
importante entre préadipocytes et macrophages, les préadi-
pocytes étant même capables de se transformer en macro-
phages dans certaines conditions.
Questions en suspens
Mécanisme cellulaire ?
L’ensemble de ces données montre que plus qu’une proxi-
mité entre ces deux types cellulaires, il existe une véritable
capacité de conversion du préadipocyte en macrophage.
Ces résultats rejoignent le champ d’étude très discuté ac-
tuellement qu’est la plasticité cellulaire. Plusieurs hypothè-
ses permettent d’expliquer cette conversion, mais les études
que nous avons faites permettent d’affirmer que la conver-
sion du préadipocyte en macrophage résulte d’une réelle
transdifférenciation et non d’une fusion ou de la phagocy-
tose par le macrophage du préadipocyte. Quoiqu’il en soit,
le mécanisme cellulaire n’a pas été décrit.
Rôle en physiologie
Les préadipocytes possèdent donc des fonctions macropha-
giques aussi bien chez le rongeur que chez l’homme, et ces
fonctions varient selon les conditions physiologiques ou
pathologiques. À la lumière de ces données, on peut émet-
tre l’hypothèse que les préadipocytes participent à la dé-
fense immunitaire de l’organisme. Cette hypothèse est ren-
forcée par la capacité des préadipocytes à se convertir en
macrophages et à acquérir ainsi de nouvelles propriétés de
macrophages dont ils étaient exempts avant leur conver-
sion. Les préadipocytes en exprimant notamment les molé-
cules de co-stimulation CD80 et CD86 pourraient moduler
l’activité des cellules immunitaires, mais cela reste cepen-
dant à démontrer. De plus par ses capacités sécrétoires, le
tissu adipeux pourrait avoir une action humorale dans la
réponse immunitaire. Enfin, grâce à leur capacité de phago-
cyter des corps apoptotiques dans certaines conditions, les
cellules du tissu adipeux pourraient participer activement
aux processus de remodelage tissulaire (figure 2).
Ces propriétés du tissu adipeux semblent avoir leur impor-
tance dans les réactions inflammatoires et notamment cel-
les décrites lors de modifications de la masse adipeuse.
Ainsi, l’obésité est en effet depuis quelques années associée
à un phénomène inflammatoire. Nous avons mis en évi-
dence que l’activité macrophage-like des préadipocytes
peut varier en fonction des conditions physiopathologi-
ques. En effet, si l’on considère le potentiel cytotoxique des
cellules (c’est-à-dire leur capacité à ingérer et à tuer les
particules ingérées), celui-ci augmente au cours d’une in-
flammation dans les macrophages et dans les préadipocy-
tes. Chez des animaux obèses, le potentiel cytotoxique des
macrophages diminue alors que celui des préadipocytes
augmente ce qui suggère que les préadipocytes pourraient
dans certains cas prendre le relais des macrophages pour
assurer un rôle de défense de l’organisme [22]. Cela aurait
d’autant plus d’importance que, outre le déficit d’activation
des phagocytes professionnels, les individus obèses présen-
tent un déficit général du nombre de monocytes qui matu-
rent en macrophages [23]. Il a été montré très récemment
que l’obésité chez la souris est associée à une augmentation
des signaux inflammatoires, et une augmentation du nom-
bre de macrophages dans les dépôts adipeux [24, 25]. Ces
macrophages seraient pour la plupart d’origine médullaire,
mais il n’est pas exclu qu’un certain nombre d’entre eux
proviennent d’une conversion de préadipocytes. Enfin, il
est possible que la transformation inverse puisse se pro-
duire et que, une fois le problème inflammatoire résolu, les
macrophages issus de la transformation des préadipocytes
reviennent à un phénotype adipocytaire. En effet, il existe
de grandes similitudes entre les adipocytes et les macropha-
ges spumeux observés au sein des plaques athéromateuses.
Le problème immunitaire deviendrait alors une cause pos-
sible de l’amplification du syndrome d’obésité.
Il faut souligner une fois encore que même si l’activité
macrophage-like des préadipocytes reste inférieure à celle
des phagocytes professionnels, la masse que représente le
tissu adipeux dans l’organisme et donc la proportion de
cellules préadipocytaires peuvent compenser le déficit d’ac-
tivité intrinsèque.
Le tissu adipeux est un tissu complexe dont les cellules
présentent une certaine plasticité phénotypique et fonction-
STV, n° 6, vol. 16, juin 2004 299
Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017.