CONFÉRENCE PHILOSOPHIQUE
“Plus l’être humain sera éclairé, plus il sera libre.”
Voltaire
CE QUE N’EST PAS LA PHILOSOPHIE !
Contre-introduction impertinente à la philosophie
CONFÉRENCE PAR ÉRIC LOWEN
Association ALDÉRAN Toulouse
pour la promotion de la Philosophie
MAISON DE LA PHILOSOPHIE
29 rue de la digue, 31300 Toulouse
Tél : 05.61.42.14.40
Site : www.alderan-philo.org conférence N°1600-225
CE QUE N’EST PAS LA PHILOSOPHIE
Une contre-introduction impertinente à la philosophie
conférence d’Éric Lowen donnée le 30/10/2007
à la Maison de la philosophie à Toulouse
La philosophie n’est pas une chose compliquée, ni difficile. Mais l’image de la philosophie
que nous avons en général est une image faussée par de nombreux préjugés et déviations
intervenues tout au long de l’histoire pour des raisons multiples. Ainsi, le professeur de
philosophie n’est que rarement philosophe, Pascal n’est pas un philosophe et ce que l’on fait
en terminale n’est pas de la philosophie. La plupart du temps, ce sont les “philosophes” eux-
mêmes qui ont entrainé, en raison d’une incompréhension de la nature réelle de la philosophie,
ces déviations de la philosophie; aboutissant à faire de la philosophie une questionnite, une
réflexion sur la mort, une quête de sens, une métaphysique, etc. Cette conférence propose
un grand ménage des erreurs à l’égard de la philosophie, de Platon à Victor Cousin en passant
par Jasper ou Deleuze, afin de clarifier la philosophie et de pouvoir enfin l’appréhender pour ce
qu’elle est.
Association ALDÉRAN © - Conférence 1600-225 : “Ce que n'est pas la philosophie” - 13/01/2007 - page 2
CE QUE N’EST PAS LA PHILOSOPHIE !
Une contre-introduction impertinente à la philosophie
PLAN DE LA CONFÉRENCE PAR ÉRIC LOWEN
I TOUT CE QUI EST DIT “PHILOSOPHIE” N’EST PAS PHILOSOPHIE !
1 - Tout ce qui est dit “philosophie” n’est pas forcément de la philosophie
2 - Une utilisation extensive et polysémique, un fou définitionnel
3 - Des définitions plurielles et contradictoires de la philosophie au sein même de la philosophie
4 - Trois sortes de confusions : extraphilosophiques, intraphilosophiques et anti-philosophiques
II LES CONFUSIONS POPULAIRES
1 - Principe des confusions populaires
2 - L’origine de ces confusions populaires
3 - Les principales confusions :
A - Un “truc” réservé aux intellos
B - Faut être prof pour faire de la philo
C - Ce sont des sujets sans rapport avec la vie réelle
D - Une méditation sur la mort
E - Une consolation des malheurs de l’existence
4 - Des confusions révélatrices de la représentation officielle de la philosophie
5 - Les conséquences de ces confusions : une répulsion négative à l’égard de la philosophie
III LES CONFUSIONS "PHILOSOPHISTIQUES"
1 - Principe des confusions philosophistiques
2 - Les origines de ces confusions intraphilosophiques
3 - Les principes confusions
A - La philosophie imaginée comme un savoir
B - La philosophie imaginée comme une connaissance
C - La philosophie naturelle prise pour la philosophie
D - L’histoire de la pensée, la philosophistique, prise pour la philosophie
E - L’art du raisonnement logique et rationnel pris pour la philosophie
F - Les systèmes de pensée pris pour la philosophie
G - Les "théoria" - les théories explicatives - prises pour la philosophie
H - La philosophie comme étonnement
I - La philosophie comme questionnite
J - La philosophie comme conceptuologie, comme machine à fabriquer des concepts
K - La philosophie comme sophistique, où le discours philosophique est sa propre finalité
L - La philosophie amalgamée avec le professorat philosophique
M - La philosophie pensée limitée aux sujets de cette vrai-fausse philosophie
N - La philosophie pensée à l’aune des préjugés sur les philosophes
4 - L’essentiel des confusions proviennent de la philosophie et engendrent les réactions populaires
IV LES CONFUSIONS PROVOQUÉES PAR LES ENNEMIS DE LA PHILOSOPHIE
1 - Principe de ces confusions
2 - L’origine de ces confusions polémistes, instrumentalisées par les anti-philosophie
3 - Les principales confusions anti-philosophiques
A - La philosophie remet en cause l’ordre social, elle bouscule les traditions
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B - La philosophie détourne de l’utilité sociale
C - La philosophie sape l’autorité des “autorités”
D - La philosophie amène à l’impiété et à l’athéisme, au nihilisme
4 - Des confusions intéressantes car elles montrent, à contrario, des pouvoirs de la philosophie
V UN MÉNAGE INDISPENSABLE POUR RETROUVER LA VÉRITABLE PHILOSOPHIE
1 - Des confusions qui sont les principales causes de la décadence de la philosophie
2 - Car pour bien pratiquer la philosophie, il est indispensable de bien la comprendre
3 - Le nécessité de la débarrasser de ces confusions pour la retrouver et bien philosopher
4 - Un aspect phare du renouveau philosophique, de la renaissance philosophique
ORA ET LABORA
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Document 1 : Ce que nous appelons “philosophie” est-il toujours de la philosophie ?
Pour nous autres modernes (ou postmodernes), la philosophie est essentiellement un
discours, écrit ou oral, portant sur des notions ou des concepts, en quelque sorte un
discours sur le discours, donc une théorie, une construction conceptuelle ; c'est d'ailleurs,
pense-t-on, ce qu'elle a été dès l'origine, depuis les premiers penseurs de la Grèce, au
VIème siècle avant Jésus-Christ. N'est-elle pas d'ailleurs une spécificité occidentale, qui
a son origine dans le génie grec, particulièrement doué pour la spéculation, la discussion
et l'abstraction ? Toutes les philosophies de l'Antiquité et les œuvres qu'elles ont
produites ne se présentent-elles pas comme des exposés de théories et de savoirs
abstraits ?
TELLE EST DONC LA REPRÉSENTATION COURANTE que l'on se fait aujourd'hui de la
philosophie en général, et particulièrement de la philosophie antique. Mais correspond-
elle à la réalité ? La philosophie, au cours des âges, n'aurait elle pas oublié ses origines ?
Car des faits troublants pourraient ébranler notre tranquille assurance. Tout d'abord,
pourquoi donc un certain nombre de philosophes antiques se sont-ils volontairement
abstenus d'écrire ? Parce que, précisément, ils refusaient de construire des théories et
de les enseigner ? C'est le cas, par exemple, de Socrate, de Pyrrhon, d'Arcésilas, de
Carnéade et, en un certain sens, d'Épictète. Pourquoi surtout certains personnages qui
n'ont jamais enseigné dans une école philosophique ni écrit d'ouvrage philosophique,
mais ont été des hommes d'action, tels Dion de Syracuse ou Caton d'Utique, étaient-ils,
dans l’Antiquité, considérés comme des philosophes ? Théorie et philosophie sont-elles
alors vraiment inséparables ?
Il nous faut donc revenir sur l'origine et sur la signification du mot philosophie. Si l'on avait
dit aux premiers penseurs grecs qu'ils étaient des philosophes, ils n'auraient pas très bien
compris de quoi il s'agissait. Le mot n'existait même pas à leur époque. Mais ils auraient
accepté qu'on les nommât des “sages” (sophoi), le mot “sagesse” signifiant alors
l'habileté, l'expérience, le savoir-faire en toutes sortes de domaines. Cette sagesse, ce
savoir ou savoir faire des premiers penseurs de la Grèce est né à la périphérie du monde
grec, dans ces colonies d'Asie Mineure qui étaient en contact avec les sagesses plus
anciennes encore de l'Égypte et du Proche-Orient. Avec l'essor de la démocratie
athénienne au VIème siècle avant Jésus-Christ, cette activité intellectuelle va venir, au
moins en partie, se fixer désormais au cœur de la Grèce, à Athènes, et prendre une tout
autre forme, avec ce que l'on appelle le mouvement des sophistes. Ceux-ci se
présentaient comme des professionnels de l'enseignement de la sagesse, se déclarant
prêts, moyennant finance, à fournir à la jeunesse avide de pouvoir l'habileté à raisonner,
à parler, à convaincre et finalement à gouverner. Ce sont les premiers “professeurs”, de
notre civilisation occidentale. Le mot philosophia, qui fait son apparition à cette époque, a
encore un sens très vague : il englobe tout ce qui se rapporte à la culture intellectuelle et
générale.
Mais un événement déterminant va se produire : c'est, dans les dernières années du
Vème siècle avant Jésus-Christ, la vie et la mort de Socrate. Grâce surtout à
l'interprétation qu'en a donnée Platon, la vie et la mort de Socrate vont devenir les
modèles de la vie et de la mort du philosophe en général, et la philosophie, se distinguant
de l'antique sagesse-savoir, va prendre conscience de son essence véritable. Dans «le
Banquet», Socrate est comparé à Éros : de même que celui-ci, privé de beauté, aime
celle-ci et cherche à l'atteindre, de même Socrate est privé de sagesse mais s'efforce de
l'atteindre. La sagesse, désormais conçue comme un mode d'être parfait, divin et
inaccessible, se distingue radicalement de la philosophie (amour ou recherche de la
sagesse), qui sera un effort sans cesse renouvelé pour vivre concrètement selon cette
norme transcendante de la sagesse. Socrate n'est pas un théoricien, il prétend ne rien
savoir, et s'il interroge les autres, c'est pour les obliger à s'examiner et à changer de vie.
Et finalement son seul véritable enseignement, c'est sa vie : «je ne cesse pas de faire
voir ce qui me paraît être juste ; à défaut de discours, je le fais voir par mes actes.»
Désormais, la vraie philosophie ne sera plus conçue comme un pur savoir, une habileté
ou une culture, mais comme une manière de vivre, une manière d'être au monde,
engageant toute la vie, un exercice de la vie et un «exercice de la mort», selon
l'expression de Platon.
Cela ne veut pas dire qu'il n'y a plus de discours philosophique. Mais il n'est jamais
purement théorique, malgré apparences ; il est toujours lié et subordonné à la décision
fondamentale du philosophe de choisir un certain mode de vie, qui sera d'ailleurs très
différent s'il est platonicien, ou aristotélicien, ou cynique, ou épicurien, ou stoïcien, ou
sceptique, et qui impliquera chaque fois une certaine vision du monde. Le discours
philosophique aura pour tâche d'inviter à prendre cette décision et à la justifier, ou encore
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