Document 1 : La raison est une pensée rationnelle, une pensée rationalisée dans sa construction réflexive.
La pensée rationnelle peut être caractérisée par deux traits principaux, qui s'opposent à
ceux des mentalités prélogiques, ou prérationnelles : la rigueur logique et la perméabilité
à l'expérience.
La rigueur logique est due à l'emploi du principe d'identité et de ses corollaires, les
principes de non-contradiction et du tiers-exclu : «une même chose ne peut pas, à la fois
être et n'être pas ce qu'elle est, en même temps et sous le même rapport» ; A est A ; A
n'est pas non-A ; entre A et non-A, il n'y a pas de terme intermédiaire. Ce principe donne
aux concepts qui entrent comme éléments dans nos raisonnements une «rigidité»
comparable à celle qu'ont les solides géométriques dans les démonstrations malgré les
translations que le géomètre leur fait subir, en pensée, dans l'espace euclidien.
La perméabilité à l'expérience est cette propriété de la même mentalité de ne tenir
compte, pour l'explication des phénomènes naturels, que d'autres phénomènes naturels.
Autrement dit, elle exclut toutes les causes surnaturelles comme la volonté ou les forces
occultes, qu'envisagent les primitifs et les enfants. À ce caractère de perméabilité à
l'expérience se rattache le principe du déterminisme, qui règle toutes les démarches de la
connaissance expérimentale, et qui s'exprime de plusieurs manières : tout a une cause,
rien ne vient de rien, les mêmes causes produisent les mêmes effets, toute la nature
obéit à des lois, etc. Gaston Viaud (1899-1961)
L'intelligence, son évolution et ses formes, 1946
Document 2 : Le constat de la participation de la raison à notre nature humaine est un fait ancien.
René Descartes, par S. Bourdon
Le bon sens est la chose du monde la mieux partagée : car chacun pense en être si bien
pourvu, que ceux même qui sont les plus difficiles à contenter en toute autre chose, n'ont
point coutume d'en désirer plus qu'ils en ont. En quoi il n'est pas vraisemblable que tous
se trompent : mais plutôt cela témoigne que la puissance de bien juger, et distinguer le
vrai d'avec le faux, qui est proprement ce qu'on nomme le bon sens ou la raison, est
naturellement égale en tous les hommes ; et ainsi que la diversité de nos opinions ne
vient pas de ce que les uns sont plus raisonnables que les autres, mais seulement de ce
que nous conduisons nos pensées par diverses voies, et ne considérons pas les mêmes
choses. Car ce n'est pas assez d'avoir l'esprit bon, mais le principal est de l'appliquer
bien. Les plus grandes âmes sont capables des plus grands vices, aussi bien que des
plus grandes vertus ; et ceux qui ne marchent que fort lentement peuvent avancer
beaucoup plus davantage, s'ils suivent toujours le droit chemin, que ne font ceux qui
courent, et qui s'en éloignent. René Descartes (1596-1650)
Discours de la méthode, 1637
Association ALDÉRAN © - Conférence 1600-221 : “La raison dans l’Être Humain” - 07/04/2007 - page 5