geste inverse : fleurir, s'ouvrir, se révéler
à son environnement.
Une fécondation souterraine
Observons précisément le geste de florai-
son du colchique. Au sommet de la tige
blafarde se dresse un bouton blanc. Puis,
dès son ouverture, les six tépales se colo-
rent d'un mauve pastel. La fleur fragile se
casse facilement. Puis elle va retomber
pour disparaître sans laisser de trace,
comme une apparition fugitive, un fan-
tôme! La suite de sa vie se passe sous
terre.
En fait, la partie que l'on voit en automne
n'est qu'une partie de la fleur sans véri-
table tige (ce n'est que le pédoncule flo-
ral), les feuilles restant à la base de la
fleur à l'état embryonnaire. Elles sont
retenues et ne pousseront que le prin-
temps prochain. La fécondation est parti-
culière : le grain de pollen posé sur le
sommet du pistil formera un tube polli-
nique qui progressivement descendra à
travers le centre de la fleur pour féconder
l'ovule qui se trouve sous terre. Ainsi la
véritable fécondation a lieu sous terre, en
fin d'automne, dans une ambiance
humide, froide, obscure à l'exact opposé
de la fécondation de la plupart des plantes
à fleurs qui a lieu au printemps ou en
début d'été dans l'air, la chaleur et la
lumière. Cette fécondation ressemble à
celle des champignons ou des plantes
inférieures par son environnement.
On ne verra plus trace du colchique jus-
qu'au printemps suivant. Vers mars-avril,
le promeneur découvrira de grosses
feuilles vertes épaisses portant en leur
centre deux ou trois gros fruits verts à
trois carpelles. De nombreuses personnes
ne savent pas qu'il s'agit du colchique.
Ces feuilles épaisses, charnues, ne subis-
sent aucune contraction : elles entourent
les fruits de manière tout à fait étonnante.
Chez la plupart des plantes, les feuilles
(bractées) ou les sépales entourant les
fruits sont très contractés, étroits car ils
sont soumis au processus de contraction
menant au fruit. Par contre, chez le col-
chique, deux processus opposés s'interpé-
nètrent : un processus végétatif puissant
et un processus de fructification, d'inté-
riorisation.
Comment comprendre la toxicité de cette
plante notamment pour les animaux
domestiques et en particulier les vaches?
Interpénétration des processus
Si l'on considère que la toxicité n'est pas
le résultat d'un simple hasard de l'évolu-
tion mais qu'elle est l'expression de la
nature de la plante, essayons de la com-
prendre à partir des processus agissant
dans la plante.
Deux processus essentiels agissent dans
chaque plante : le processus végétatif et
le processus floral qui conduit ensuite à
la fructification. En général, ces deux
processus se succèdent : les feuilles subis-
sent une métamorphose avec une expan-
sion suivie d'une contraction pour "laisser
place" à la fleur qui a son expansion dans
la formation des sépales puis pétales et sa
contraction dans les étamines et surtout
l'ovaire qui donnera naissance au fruit
après fécondation. Ainsi le processus
vital est peu à peu limité et le processus
floral peut s'imprimer au sommet de la
plante.
Chez le colchique, ces deux processus
essentiels sont inversés temporellement.
Contrairement aux autres plantes, la fleur
apparaît avant les feuilles, et en automne
au lieu du printemps. Le fruit apparaît au
N° 71 AUTOMNE 2010 -BIODYNAMIS25