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Les fleurs d'automne du colchique
paraissent bien évanescentes si on
les compare en esprit avec leur
proche parent, le crocus de printemps. La
ressemblance est grande mais le geste
général est différent. Le crocus
s'élance verticalement, ferme sur
sa tige hors de la collerette de
feuilles lancéolées sortant de
terre alors que le colchique
semble s'élever à regret sur une
tige frêle et blanchâtre, sans
feuille.
Pour comprendre ce geste d'ex-
halaison comme si la plante était
«à bout de souffle», il faut réali-
ser ce que signifie l'automne pour
la plupart des plantes. C'est l'époque
où les feuilles fanent, les fleurs égale-
ment et la plante se concentre dans son
fruit et sa graine. Le monde végétal
est dans un grand geste d'intériorisa-
tion et de maturation. C'est à ce
moment, dans
cette ambiance,
que le colchique
accomplit le
VIE DE LA NATURE
Le colchique,
une fleur d'automne
Tout le monde connaît la chanson «Colchique dans les prés, c'est la
fin de l'été». Pour faire connaissance avec
cette plante si étrange, il faut commencer
par l'observer lors de sa floraison en
automne. C'est surtout dans les prés riches,
à terre argileuse, humide que l'on décou-
vrira les fleurs mauve pâle du colchique
parmi l'herbe verte. Une observation plus
poussée au cours de l'année nous permettra
d'approcher l'énigme de sa toxicité…
Représentation schématique du colchique en
fleur en automne
Feuilles de
l’année passée
Ancien
bourgeon
racines
Feuilles en
gaine
1, 2, feuilles
en gaine de
l’année
Bourgeon
I, II, III
futures
feuilles
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geste inverse : fleurir, s'ouvrir, se révéler
à son environnement.
Une fécondation souterraine
Observons précisément le geste de florai-
son du colchique. Au sommet de la tige
blafarde se dresse un bouton blanc. Puis,
dès son ouverture, les six tépales se colo-
rent d'un mauve pastel. La fleur fragile se
casse facilement. Puis elle va retomber
pour disparaître sans laisser de trace,
comme une apparition fugitive, un fan-
tôme! La suite de sa vie se passe sous
terre.
En fait, la partie que l'on voit en automne
n'est qu'une partie de la fleur sans véri-
table tige (ce n'est que le pédoncule flo-
ral), les feuilles restant à la base de la
fleur à l'état embryonnaire. Elles sont
retenues et ne pousseront que le prin-
temps prochain. La fécondation est parti-
culière : le grain de pollen posé sur le
sommet du pistil formera un tube polli-
nique qui progressivement descendra à
travers le centre de la fleur pour féconder
l'ovule qui se trouve sous terre. Ainsi la
véritable fécondation a lieu sous terre, en
fin d'automne, dans une ambiance
humide, froide, obscure à l'exact opposé
de la fécondation de la plupart des plantes
à fleurs qui a lieu au printemps ou en
début d'été dans l'air, la chaleur et la
lumière. Cette fécondation ressemble à
celle des champignons ou des plantes
inférieures par son environnement.
On ne verra plus trace du colchique jus-
qu'au printemps suivant. Vers mars-avril,
le promeneur découvrira de grosses
feuilles vertes épaisses portant en leur
centre deux ou trois gros fruits verts à
trois carpelles. De nombreuses personnes
ne savent pas qu'il s'agit du colchique.
Ces feuilles épaisses, charnues, ne subis-
sent aucune contraction : elles entourent
les fruits de manière tout à fait étonnante.
Chez la plupart des plantes, les feuilles
(bractées) ou les sépales entourant les
fruits sont très contractés, étroits car ils
sont soumis au processus de contraction
menant au fruit. Par contre, chez le col-
chique, deux processus opposés s'interpé-
nètrent : un processus végétatif puissant
et un processus de fructification, d'inté-
riorisation.
Comment comprendre la toxicité de cette
plante notamment pour les animaux
domestiques et en particulier les vaches?
Interpénétration des processus
Si l'on considère que la toxicité n'est pas
le résultat d'un simple hasard de l'évolu-
tion mais qu'elle est l'expression de la
nature de la plante, essayons de la com-
prendre à partir des processus agissant
dans la plante.
Deux processus essentiels agissent dans
chaque plante : le processus végétatif et
le processus floral qui conduit ensuite à
la fructification. En général, ces deux
processus se succèdent : les feuilles subis-
sent une métamorphose avec une expan-
sion suivie d'une contraction pour "laisser
place" à la fleur qui a son expansion dans
la formation des sépales puis pétales et sa
contraction dans les étamines et surtout
l'ovaire qui donnera naissance au fruit
après fécondation. Ainsi le processus
vital est peu à peu limité et le processus
floral peut s'imprimer au sommet de la
plante.
Chez le colchique, ces deux processus
essentiels sont inversés temporellement.
Contrairement aux autres plantes, la fleur
apparaît avant les feuilles, et en automne
au lieu du printemps. Le fruit apparaît au
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printemps au centre de grosses feuilles :
les deux processus (végétatif et fructi-
fère) s'interpénètrent alors totalement. Et
la tige qui élève d'ordinaire la plante vers
le soleil est totalement inhibée : elle se
transforme en tige souterraine renflée.
Poussant dans un terrain riche, favorisant
la force végétative qui se révèle dans les
grosses feuilles épaisses de printemps, le
colchique a inversé les processus puisque
la floraison a lieu six mois avant et la
fructification aura lieu au printemps au
moment où toutes les plantes s'ouvrent
dans leur floraison, le colchique se
concentre dans son fruit. Du coup, le fruit
paraît assez mal formé, gonflé, végétatif.
Cette interpénétration des processus
végétatifs et floraux amène la plante à se
conduire un peu comme un animal; seul
l'animal est capable à la fois
d'avoir sa pleine vitalité et sa
qualité psychique (réalisé chez la
plante dans la fleur). Ceci s'ex-
prime pour le colchique par la
présence d'une substance très
toxique, la colchicine qui est un
alcaloïde. On constatera chez de
nombreuses plantes toxiques
cette caractéristique d'interpéné-
tration des processus : le proces-
sus végétatif n'est pas retenu,
contracté vers le haut de la
plante; au contraire, il semble
même s'amplifier et simultané-
ment la fleur apparaît comme
posée dans cette exubérance
végétative : ceci est caractéris-
tique chez les Solanacées comme
la belladone ou le datura par
exemple.
Pour bien comprendre en profon-
deur son processus de croissance
si particulier, il faut observer la
plante en détail au cours de sa
croissance sur une année. Bonnes
observations!
JEAN-MICHEL FLORIN
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Colchique en fleur qui voisine avec des feuilles de
pissenlit
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Il y a bien longtemps, vivait dans un château un noble Seigneur avec ses douze filles,
qui étaient belles et gracieuses et n'aimaient rien tant au monde que de danser : elles
dansaient dans les couloirs du château, sur les escaliers, dans les jardins, partout. Quand
l'automne arrivait, on ne pouvait plus les faire tenir tranquilles : revêtues d'habits parfu-
més, mauves ou roses, elles dansaient sur la prairie au crépuscule, dansaient, dansaient,
dansaient.
Voici que leur père tomba malade. Il pria ses filles de le soigner et de le veiller. Elles
vinrent à son chevet, le soulevèrent sur ses oreillers, puis se retirèrent l'une après l'autre,
allèrent enfiler leurs robes de danse roses ou mauves, et coururent à la prairie. Là, elles
dansaient dans les rayons du soleil couchant, dansaient encore quand la lune se leva et
inonda la prairie de ses rayons argentés.
Bientôt, leur père sentit sa fin approcher. Il pria à nouveau ses filles de le veiller. Elles
le lui promirent, mais bientôt se mirent à parler à voix basse, et disparurent l'une après
l'autre, sauf une qui se tenait là, près de son père mourant. Il la regarda d'un air sup-
pliant et lui dit " Je t'en prie mon enfant, reste auprès de moi ce soir, car je vais vous
quitter! " Elle hésita, mais ensuite, elle pensa à ses sœurs qui étaient déjà dehors sur la
prairie et frrrtt, elle sortit, courut à sa chambre, mit la robe de danse et s'en alla en tour-
billonnant vers la prairie.
À peine avait-elle rejoint ses sœurs que la lumière au château s'éteignit. Leur père
venait de mourir. Les sœurs eurent l'impression que des mains invisibles s'emparaient
d'elles. Elles serrèrent bien fort autour d'elles leurs habits de danse. Elles se sentaient
devenir de plus en plus petites et ne pouvaient plus se mouvoir. Elles voulurent appeler
à l'aide, mais elles n'avaient plus de voix. Personne ne vint à leur secours.
Le lendemain matin, les habitants du château trouvèrent le vieux Seigneur mort. Mais il
n'y avait nulle trace de ses filles, que l'on chercha en vain.
Dans la prairie, on trouva douze fleurs mauves, pâles et frémissantes qui ne poussaient
pas là auparavant. On les appela les Colchiques.
C'est ma grand-mère qui m'a raconté cela.
Quant à l'automne, elle regardait par la fenêtre la prairie devant le parc et y voyait des
colchiques, elle disait toujours : «Dieu ait pitié de ces pauvres âmes! Sais-tu, mon
enfant, que les vaches donnent du lait ensanglanté si elles mangent des colchiques
vénéneux
«Du lait ensanglanté - quelle horreur!» pensais-je. Et en esprit, je voyais danser les
belles demoiselles, à la lumière de la lune, dans leurs habits mauves jusqu'à ce qu'elles
s'immobilisent, transformées en fleurs pâles, frissonnantes, dans la prairie humide de
l'automne.
Extrait de «Ces plantes qui nous entourent, contes et légendes choisies», épuisé
Ed. Association Il était une fois
La légende du colchique
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