Islam de France, islam en France
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de l’actualité internationale et du chaos qui règne dans certains pays
musulmans (Irak, Syrie, Libye…), où la France intervient militai-
rement dans certains cas. La question est donc de savoir si l’on peut
découpler ces deux représentations, ou plutôt comment penser
l’islam en France en prenant en compte les réalités de l’ouverture
à la mondialisation et les nécessités du respect des principes de
notre démocratie. La France n’est pas une île et l’islam est, comme
l’ensemble des religions, mondialisé. Loin d’être uniforme, il est
traversé par plusieurs courants antagonistes où le conservatisme issu
des pays du Golfe demeure le plus prégnant. Dans de nombreux cas,
la réislamisation – dans le sens d’une entrée dans la pratique – ou
la conversion sont le fait de la fréquentation de sites internet loca-
lisés au-delà des frontières de l’Hexagone. À cela s’ajoute le fait que
la société française est en Europe celle où les musulmans sont les
plus nombreux. Alors que les premières générations étaient
discrètes, les plus jeunes entendent être visibles, au risque de
paraître s’opposer aux principes de la laïcité.
Depuis quelques années, l’expression « islam de France » est
fréquemment utilisée pour prendre de la distance vis-à-vis d’un
vaste ensemble géographique dont on ne dit pas assez qu’il possède
quelques zones de stabilité, voire de démocratie (Turquie, Indonésie,
Malaisie et, plus récemment, Tunisie). Mais cette formule rassurante
est totalement floue. Elle n’est fondée sur aucune doctrine politique,
pas plus qu’elle ne recoupe un corpus théologique précis. Certes,
les autorités françaises ont déployé des efforts, parfois de manière
autoritaire, pour obliger les instances religieuses musulmanes à
s’organiser. De même, des mesures ont été consenties pour que des
imams puissent être formés en France (formation dévolue entre
autres à des établissements catholiques, l’État ne pouvant assurer
ce genre de mission en raison de son caractère laïc). Mais le
problème est que l’encadrement de l’islam en France – et donc sa
perception par effet miroir – demeure largement influencé par
l’extérieur. Une instance comme le Conseil français du culte
musulman (CFCM) ne se fait entendre que lorsque des problèmes
interviennent. Elle n’a pas de plan d’action contre l’extrémisme et
ne joue pas le rôle d’un moteur théologique qui pourrait pratiquer
une exégèse modernisatrice (ijtihad) des textes coraniques. Ses
rares avis et prises de position ne pèsent guère face à l’influence de
prédicateurs étrangers, notamment ceux du Golfe, très présents
sur les réseaux sociaux. Plus important encore, cette organisation
fait l’objet d’une lutte d’influence entre pays étrangers (Maroc,
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