Evaluation de la douleur du patient non communicant

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Evaluation de la douleur du patient non communicant
Douleur des personnes âgées
B. Pradines. Service de Soins de Longue Durée du Centre Hospitalier d'Albi. 81013 ALBI Cedex*
Introduction
L’intérêt de l’évaluation de la douleur résulte en une mobilisation médico-soignante accrue envers la
douleur, une diminution de la subjectivité de chaque professionnel, une meilleure appréciation de
l’intensité douloureuse, une augmentation du nombre de traitements adaptés et une augmentation du
nombre de réévaluations des traitements (1). Cependant, les troubles de la communication verbale sont
un obstacle à l’évaluation classique chez des personnes atteintes de démences sévères ou très sévères.
De même, une comorbidité ou une autre pathologie non démentielle peuvent invalider l’interrogatoire.
Ce sujet est d’actualité, surtout du fait de :
- l'augmentation du nombre des personnes âgées et très âgées,
- l'augmentation du nombre des personnes âgées souffrant de troubles cognitifs,
- la grande fréquence des pathologies douloureuses au grand âge. Par exemple, Lopez-Tourres (2)
retrouve toujours une douleur chez trente-trois patients déments en fin de vie.
- l’éventualité de voir les personnes démentes parvenir plus régulièrement en phase avancée non
verbalisante du fait des progrès réalisés dans leur prise en charge.
Par « non communicant », on entend généralement l’impossibilité d’établir une relation, de transmettre
une information, un message 1. En médecine, l’interrogatoire revêt une importance que les progrès des
examens complémentaires n’ont pas supplantée. Le sujet âgé demeure heureusement communicant
dans la quasi-totalité des cas par le « langage non-verbal ». Le néologisme de « dyscommunicant » (1)
(3) ou le qualificatif de « non-verbalisant » sont sans doute mieux adaptés à la description de ces
situations où le langage corporel seul est exploitable. Face à la douleur, l’efficacité du traitement
dépend de la qualité de l’évaluation qui doit être systématique afin de la dépister.
Principales échelles d’hétéro évaluation utilisées en France
Qui sont les malades nécessitant une hétéro-évaluation ?
L’hétéro-évaluation est requise quand les malades présentent une expression verbale qui n'est pas
considérée comme crédible par l'observateur, ce qui équivaut à une incapacité à s'auto évaluer, même
avec l’assistance du soignant.
Items proposés dans les outils d’hétéro-évaluation
Les grilles d'hétéro-évaluation utilisent des termes variés. Pourtant, ces derniers sont souvent
identiques ou comparables.
Ces grilles rendent compte des éléments suivants :
- Observations du patient en dehors des soins et des sollicitations.
- Observations du patient pendant les soins et les sollicitations.
- Retentissements de la douleur sur ses activités de la vie quotidienne (AVQ).
Le tableau 1 objective les items généralement cités dans la littérature.
* Site web : http://www.geriatrie-albi.fr E-mail : [email protected]
Tableau 1. Items notés selon leur intérêt par 46 soignants sollicités par nos soins en 2003.
1
Encyclopædia Universalis 2006
1
Les items en italique se retrouvent avec des formulations comparables dans les trois grilles françaises
Doloplus 2, ECPA-2 et ECS (échelle comportementale simplifiée).
Item
Expression du visage : mimique et regard crispés
Plaintes non verbales exprimées pendant le soin telles que : cris,
gémissements, geignements, grognements, soupirs
Réactions pendant la mobilisation à type de crispation
Réactions pendant les soins des zones suspectes à type de crispation
Plaintes non verbales exprimées en dehors du soin telles que : cris,
gémissements, geignements, grognements, soupirs
Position spontanée au repos (position antalgique)
Changement de comportement
Protection, soutien, frottement, ou massage d'une zone suspecte
Mouvements réduits ou mobilité réduite, hors et/ou dans le lit
Troubles du comportement à type d'agitation
Anticipation anxieuse aux soins
Sommeil perturbé
Toilette et/ou habillage perturbés
Signes neurovégétatifs tels que : tachycardie, hypertension, sueurs
Perturbation de la relation à autrui
Appétit perturbé
Note moyenne sur 20
et écart-type
18,93 +/- 1,58
18,89 +/- 1,47
17,80 +/- 2,56
17,76 +/- 2,68
17,34 +/- 2,88
17,15 +/- 3,39
16,67 +/- 2,95
16,21 +/- 3,60
15,60 +/- 3,79
15,5 +/- 3,72
14,43 +/- 4,26
14,21 +/- 4,38
13,97 +/- 3,90
13,63 +/- 4,06
13,60 +/- 3,85
13,45 +/- 4,62
Les outils français
Dans tous les cas, lorsque la personne âgée est communicante et coopérante, il est logique d'utiliser les
outils d'autoévaluation : en effet, nul ne connaît mieux sa douleur que le patient lui-même. Les trois
outils d’hétéro évaluation les plus utilisés en France en 2010 comportent de nombreux items
identiques ou très proches : le Doloplus 2 (4), l’ECPA-2 (5), et l’Algoplus (6). En complément, le
schéma corporel nous semble indispensable dans la prise en charge thérapeutique (7).
Tout instrument de mesure, pour être utilisable en pratique, doit être validé. Ce qui revient à vérifier
qu'il donne un résultat sensible, reproductible, fiable et spécifique.
Il ne faut pas comparer les scores entre malades. Seule l'évolution d'un patient donné nous intéresse :
c’est la cinétique des scores.
Les grilles peuvent être divisées toutefois en deux groupes : celles faisant état d’une description
globale ou bien celles qui établissent une distinction nette entre le repos d’une part, les mouvements et
les soins d’autre part.
- Les grilles faisant état d’une description globale : en France, le Doloplus 2 et l'Algoplus.
* le Doloplus 2 est validé depuis 2001 (8). Cette grille mesure des symptômes regroupés en trois
familles de retentissements comportant en tout dix items cotés de 0 à 3 :

retentissement somatique

retentissement psychomoteur

retentissement psychosocial
L'utilisation nécessite un apprentissage. Il convient de coter en équipe pluridisciplinaire de préférence.
Il ne faut pas coter en cas d'item inadapté. La cotation d'un item isolé n'a pas de sens. C'est le score
global qui est à considérer. Si celui-ci se concentre sur les derniers items, la douleur est peu probable,
ce qui s’accorde avec les résultats de notre enquête de 2003 citée ci-dessus. Le Doloplus 2 possède le
mérite de son ancienneté, de sa validation, de la qualité du site Internet le décrivant. Il est pourtant peu
utilisé, souvent considéré comme long à mettre en œuvre et à coter.
L’Algoplus (9) possède le mérite d’une simplicité accrue : cinq items seulement appelant une réponse
par oui ou par non :
2
1 – Visage : froncement des sourcils, grimaces, crispation, mâchoires serrées,
visage figé,
2 – Regard : regard inattentif, fixe, lointain ou suppliant, pleurs, yeux fermés,
3 – Plaintes : « Aie », « Ouille », « j’ai mal », gémissements, cris,
4 – Corps : Retrait ou protection d’une zone, refus de mobilisation, attitudes figées
5 – Comportements : Agitation ou agressivité, agrippement.
Sa brièveté pourrait assurer son succès, encore difficile à apprécier du fait de sa nouveauté (2007).
L'échelle Algoplus a été spécifiquement développée pour évaluer et permettre la prise en charge des
douleurs aiguës chez un patient âgé pour tous les cas où une auto évaluation fiable n'est pas praticable
(troubles de la communication verbale).
L'utilisation d'Algoplus est ainsi particulièrement recommandée pour le dépistage et l'évaluation des :
- pathologies douloureuses aigues (ex : fractures, période post-opératoire, ischémie, lumbago, zona,
rétentions urinaires...)
- accès douloureux transitoires (ex : névralgies faciales, poussées douloureuses sur cancer...)
- douleurs provoquées par les soins ou les actes médicaux diagnostiques.
La présence d'un seul comportement dans chacun des items suffit pour le coter « oui ».
Chaque item coté « oui » est compté un point et la somme des items permet d'obtenir un score total sur
cinq. Un score égal ou supérieur à 3 est fortement évocateur : la présence d'une douleur est alors
détectée avec une sensibilité de 87% et une spécificité de 80%. Il est ensuite nécessaire de pratiquer
régulièrement de nouvelles cotations. La prise en charge est satisfaisante quand le score reste
strictement inférieur à deux. Testé tout d’abord aux Urgences, il pourrait constituer un outil simple de
dépistage de la douleur et de suivi thérapeutique en institution gériatrique si l’on admet que les
douleurs les plus fréquemment rencontrées sont aiguës, intermittentes et persistantes. Elles
apparaissent presque toujours lors des mobilisations et des soins.
L’Algoplus s’apparente à la grille CNPI 2 publiée par Feldt (10).
- Les grilles évaluant des items au repos et pendant le mouvement ou les soins.
Parmi elles, l’échelle française ECPA-2 (Echelle Comportementale d'évaluation de la douleur pour la
Personne Agée) validée depuis 2007 (11). Comme le Doloplus 2, l’ECPA-2 est recommandée par
l’ANAES (12). L’ECPA-2 s’adresse aux personnes âgées d’âge égal ou supérieur à 65 ans souffrant de
troubles de la communication verbale. Tous les mots de l’échelle sont issus du vocabulaire des
soignants. Ainsi, l'ECPA-2 peut être utilisée aussi bien par des infirmières, des aides-soignantes que
par des médecins. Elle comprend 8 items avec 5 modalités de réponses cotées de 0 à 4. Chaque niveau
représente un degré de douleur croissante et est exclusif des autres pour le même item. Le score total
varie donc de 0 (absence de douleur) à 32 (douleur totale).
La cotation par une seule personne est possible. Le temps de cotation varie selon l’entraînement de
l’observateur : elle oscille entre 1 et 5 minutes.
La seule mais indispensable précaution est de coter la dimension « observation avant les soins »
réellement avant les soins et non pas de mémoire après ceux-ci. Il y aurait alors contamination de la
deuxième dimension sur la première.
La cotation douloureuse n’a pas de cadre restrictif : on peut l’effectuer à n’importe quel moment et la
répéter à volonté.
- Le schéma corporel
Le patient ne pouvant pas mettre en garde les soignants quant à ses zones douloureuses, il est très utile
de disposer d’un schéma corporel sur lequel elles sont consignées afin de pratiquer des manipulations
adaptées.
Ce renseignement simple est d’autant plus justifié que la rotation des personnels et des patients est
rapide et que l’on se situe au début du séjour hospitalier. Les familles représentent la meilleure source
2
Check list of Nonverbal Pain Indicators
3
d’information dans ce domaine. Aucune prémédication antalgique ne remplacera un geste correct et
doux effectué par des soignants formés et informés.
- Notre pratique des outils :
Le schéma corporel est diffusé auprès de tous les intervenants dès qu’une zone douloureuse est connue
ou identifiée. Nous avons utilisé en soins de longue durée d’abord le Doloplus 2, puis l’ECPA-2,
enfin l’Algoplus en mesurant un score au repos et un score lors des mouvements et des soins. Cette
pratique, bien que rapide et vite adoptée par les équipes soignantes, n’est pas validée. Elle est toutefois
informative sur les douleurs les plus fréquentes dans ce type de services : les douleurs incidentes liées
aux mouvements et aux soins.
Discussion
Caractéristiques des sujets âgés non verbalisants
Dans la situation de la communication exclusivement non verbale, les patients âgés souffrent le plus
souvent de démence sévère ou très sévère (13). La phase ultime de la maladie démentielle est
représentée par le stade 7 de la classification GDS de Reisberg (14) : « toutes les capacités verbales
sont perdues au cours de ce stade ». Les stades moins tardifs peuvent être concernés, mais de manière
moins constante. Une co-morbidité préalable ou simultanée peut empêcher ou altérer la
communication verbale, telle qu'une aphasie, une dysarthrie sévère ou une aphonie. Il en va de même
d'un trouble sensoriel grave tel qu’une surdité totale (12) ou des troubles visuels sévères qui interfèrent
avec l'évaluation de la douleur en interdisant l'usage de certains outils. Un état confusionnel
empêchera le plus souvent toute autoévaluation pertinente.
L’évaluation des fonctions cognitives à l’aide du MMSE (15) est souvent inférieure à 5, voire
irréalisable, alors que ce test totalement réalisé aboutit à un score de 30 points. Toutefois, le score
obtenu avec cet outil ne constitue pas un élément fiable pour départager les personnes relevant d’une
autoévaluation et celles qui obligent à recourir à l’hétéro évaluation (16). Or, l’autoévaluation est
toujours préférable : échelle numérique (EN) et échelle verbale simple (EVS) sont les seuls outils
praticables dan ces situations. Les limites de leur utilisation restent encore à préciser : incohérence des
réponses aux qualificatifs de l’EVS, EVS et EN effectuées simultanément et concurremment, rappel de
mots après tâche distractive (17) …
La psychopathologie, dominée par les troubles de l’humeur (anxiété, dépression) et les productions
(délire, hallucinations), doit impérativement être appréciée sous peine d’échec thérapeutique tant son
lien avec la douleur est désormais bien établi.
Les limites de l’hétéro évaluation
Les outils peuvent donner l'illusion que les douleurs sont d'appréciation simple, alors que l’hétéro
évaluation n'est qu'un élément de la prise en charge de la douleur, à l'instar de la détection, du
diagnostic et du traitement. Ils ne disent rien du diagnostic qu’ils ne doivent pas retarder car l’attitude
thérapeutique adéquate en dépend. Ils ne proposent pas une pondération de leurs items dont la
pertinence est variable, comme nous l’avons présumé à la lecture des réponses de l’enquête de 2003
évoquée précédemment. L'effet de nouveauté a pu conduire à les privilégier par rapport à
l’autoévaluation : le risque est de renoncer à la composante verbale quand elle est encore exploitable.
Une autre dérive est la confiance excessive dans les scores dont découleraient des protocoles de
soins stéréotypés : Grille => score => protocole => traitement standardisé
Il convient aussi de ne pas conclure trop vite sur un ou deux symptômes. Pour Regnard (18), il n’est
pas possible de distinguer la douleur parmi les autres inconforts majeurs dans une population de
malades de soins palliatifs souffrant de troubles cognitifs sévères. Dans l’éventualité où un inconfort
non douloureux ne peut pas être mis en évidence, un test antalgique pourrait trouver sa justification.
Toutefois, il conviendra de conclure prudemment.
S’il est aisé de pratiquer un tel essai avec un médicament de palier 1, il n’en est pas de même avec le
recours aux paliers 2 et 3 dont on connaît les effets secondaires sédatifs qui peuvent faire conclure à
l’existence d’une douleur alors que les opioïdes agissent sur l’anxiété de manière non spécifique.
4
Même l’utilisation du paracétamol sera sujette à caution du fait de la faible efficacité de cette
substance : que déduire en l’absence de réponse ? Enfin, nous savons bien peu de choses de l’effet
placebo dans ce contexte, effet trompeur donc non éthique.
S’il n’est pas possible de comparer les scores entre malades, sommes-nous assurés qu’une appréciation
relative n’est toutefois pas opérée entre les plaintes des malades ? Pour Jean (19), le grand biais
clinique de l'hétéro évaluation réside dans la douleur projetée de l'observateur lui-même : c’est ici le
domaine de l’intersubjectivité.
Par ailleurs, ces outils viennent s'ajouter à de multiples échelles d'évaluation dans les autres domaines
des soins. Ils sont relativement longs à mettre en œuvre au début de leur utilisation dans un service ou
dans un EHPAD. Devant l’abondance des exigences de soins, la définition individuelle des priorités
est de mise.
De plus, il s'agit à l'heure actuelle d'outils non standardisés, variables selon les pays, dont la validation,
quand elle existe, est d'appréciation complexe, souvent versus EVA. Les séries témoins sont
constituées par des patients dont l’expression verbale est encore possible, par exemple présentant un
MMSE inférieur à 18 sur 30. Or, la physiopathologie de la douleur, modifiée par l’âge (20), est
probablement modulée aussi par l’évolution démentielle, voire par le type de démence (21). Dans ces
conditions, les patients sont assurément différents et toute comparaison semble sujette à caution.
Pour la société américaine de gériatrie (22), si les comportements évocateurs surviennent à la
mobilisation il s’agit bien d’une douleur. Cette affirmation implique une observation accrue du patient
lors des mouvements et des soins. Toutefois, l’anxiété réactionnelle à l’approche soignante est souvent
liée à l’incompréhension du patient dément, par rapport au sens des soins qui lui sont prodigués, qu’ils
soient de nursing ou techniques. Surtout, en dehors des manipulations, une manifestation d’inconfort
peut en imposer pour des signes de douleur. Toute source de stress est susceptible de provoquer des
réactions comportementales atypiques, facteurs confondants avec des symptômes évocateurs de
douleur : l’anxiété anticipatrice aux soins, la faim, la soif, la constipation, un prurit, une dyspepsie, une
dyspnée, le besoin d’être lavé ou changé de linge de corps, la fatigue au fauteuil ou encore l’excès de
bruit, de lumière ou de chaleur, etc... Le diagnostic différentiel tient ici du contexte pathologique et
environnemental, du caractère inopiné ou non de la symptomatologie. Fort différentes sont les
situations d’un patient dément présentant des vocalisations non verbales au long cours d’une part et un
malade confus depuis quelques heures d’autre part.
La biologie et l’imagerie reprennent souvent leurs droits devant une clinique peu informative, même
après un examen attentif. Par ailleurs, l’anxiété soignante est prévisible devant un malade
incompréhensible donc incompris dans un service d’urgences surchargé et souvent peu adapté à
l’accueil gériatrique.
L’illusion que tout peut être mesuré, quantifié, mis en données exploitables se heurte dans ce domaine
à une complexité qui ne peut pas être réduite à un score. Le travail pluridisciplinaire à l’écoute de
l’observation par tous les témoins (soignants, familles, bénévoles, visiteurs) est certainement bien plus
instructif. Pour utiliser une métaphore, le médecin prescripteur possède une photographie du patient.
Or, il convient de regarder un film pour apprécier correctement les douleurs incidentes habituelles
chez ces malades.
Apports potentiels de l’hétéro évaluation
Des progrès récents sont survenus dans la prise en charge des malades non verbalisants au cours des
dix dernières années, en particulier par la mise au point en cours d’échelles d'hétéro-évaluation
destinées aux patients cantonnés à la composante comportementale non verbale.
Ces dernières comportent des items moins empiriques, plus spécifiques qu'une observation non guidée.
Elles constituent une base constructive de discussion en équipe autour de la suspicion ou de la
certitude de l’existence d’une douleur.
Elles permettent la comparaison, voire la confrontation des observations d'un même patient, mais aussi
la surveillance de l'évolution de la douleur sous traitement.
5
Surtout, elles facilitent la sensibilisation et la formation des intervenants, quelle que soit leur fonction :
soignant, famille, bénévole. Leur pratique systématique permet une meilleure connaissance des signes
et symptômes à repérer afin de mieux détecter les patients douloureux. Les diffuser largement
n’augmentera pas l’incidence des plaintes mais contribuera à une culture de la douleur propice à un
dépistage précoce.
Enfin, leur multiplicité stimule la recherche dans le domaine des douleurs chez la personne âgée non
verbalisante.
L’expression du visage et du regard ainsi que les vocalisations à type de plainte se placent au premier
rang des items à observer. Ceci devrait avoir des conséquences pratiques : si l’on est seul(e) à effectuer
le soin, dispose-t-on d’un simple miroir pour observer la mimique lors de la réfection d’un pansement
d’escarres ? Lorsque l’on examine une zone douloureuse, se concentre-t-on uniquement sur celle -ci
ou bien observe-t-on aussi le visage du patient et son attitude ?
Des études ultérieures ne seraient-elles pas souhaitables dans l’optique d’une éventuelle pondération
des items d’hétéro évaluation ?
Conclusion
L’évaluation de la douleur chez la personne âgée non verbalisante ne peut pas se réduire au
renseignement d’échelles standardisées, voire validées. Elle nécessite une approche clinique
multifactorielle bien plus complexe que le simple renseignement d'une grille. Les outils en cours de
développement (23) trouvent leur principal intérêt dans le dépistage de la douleur et dans le suivi en
équipe de l'efficacité thérapeutique. Il serait instructif de déterminer les limites de l’autoévaluation et
de s’interroger sur une éventuelle pondération des items de l’hétéro évaluation.
Si tous les intervenants s’approprient ces instruments, l’entourage soignant et familial sera impliqué
dans une démarche pluridisciplinaire, pierre angulaire de la lutte contre la douleur dans cette
population. Pourtant, de nombreux progrès demeurent encore à accomplir. Par exemple, le prescripteur
des antalgiques est encore trop rarement présent lors des toilettes douloureuses, des soins de
kinésithérapie et même des soins d'escarres. Une évaluation de qualité encouragera une attitude non
médicamenteuse : douceur des manipulations argumentée par la connaissance des zones douloureuses
avec le secours d’un schéma corporel, évitement des positions inconfortables, habits spécialement
adaptés ne nécessitant pas un déshabillage et un habillage en force, utilisation d’une douchette pour la
toilette des localisations algiques. Une prémédication antalgique ajustée à l’agression nociceptive
viendra éventuellement compléter la prise en charge optimale de la douleur provoquée par les soins.
L'écoute et la pluridisciplinarité ne sont pas seulement souhaitables. Elles sont indispensables,
ici comme ailleurs en gériatrie.
Références
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charge de la douleur du patient dyscommunicant. 12è Congrès National. Société Française
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Volume 10, numéro 55, février 2010, pages 37-42.
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douleur chez le patient cérébro-lésé dyscommunicant. Symposium HAS - BMJ : Impact clinique des
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2010.
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(6) http://www.doloplus.com/travaux/travaux4.php
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6
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Firmin G, Di Vico L, Drouot AS, Piechnick JL, ElAouadi S et le Collectif DOLOPLUS. Présentation
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téléchargement à l'adresse suivante : http://geriatrie-albi.com/ANAESoct2000doulpersag.pdf
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7
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