Astérion, n° 3, septembre 2005
relations intercommunautaires pourrait être pensée. Pour ce faire,
l’auteur tente de reconstruire l’histoire de la tradition occidentale de la
tolérance, discute les principales idées qui ont travaillé la tradition de
la philosophie politique moderne tout en élaborant, parallèlement, les
fondements de la structure-tolérance. L’intention de Yves-Charles
Zarka est clairement exprimée dès les premières pages de son livre : il
s’agit d’élaborer une structure juridique de la tolérance, et non point
d’illustrer l’aspect moral de cette notion. Ce choix méthodologique
vise à asseoir sur des bases inébranlables le principe de la tolérance
afin que toutes les minorités soient gouvernées par cette structure,
fussent-elles réfractaires, par leurs religions ou leurs traditions, à la
culture occidentale de la tolérance et aux valeurs des sociétés
démocratiques. Dans la Préface, cette entreprise est présentée comme
une « redéfinition du concept de tolérance » qui est « nécessaire pour
surmonter le “choc des civilisations” » et c’est avec « le concept
politique de “structure-tolérance” »1 que la tolérance est redéfinie et
qu’elle sera débarrassée des connotations morales qu’elle recèle
(p. 16). La structure-tolérance repose sur deux strates et sur trois
dispositifs. Pour Yves-Charles Zarka, deux strates, un monde déchiré
et une reconnaissance sans réconciliation, sont le substrat sur lequel
repose la structure-tolérance. L’expression de « monde déchiré » que
l’auteur élève au rang de « concept » (p. 32, par exemple) renvoie aux
déchirures de notre temps, aux conflits identitaires, culturels et
religieux exacerbés par la conjoncture actuelle, celle de la fin du
communisme et de la résistance des cultures à l’occidentalisation du
monde. La fiction d’un monde « lisse » et homogène a cédé la place,
selon l’auteur, « à l’émergence d’une multitude de peuples dotés
d’histoires particulières, c’est-à-dire d’une pluralité de sujets
historiques en conflits, sans destination et sans horizon communs »
(p. 37).
La première strate du « Traité » sur la tolérance est donc un
constat négatif fait à partir de l’examen des réalités internationales
telles qu’elles sont abordées dans les théories de sociologie politique,
en vogue à l’heure actuelle. Même si l’auteur reconnaît que ces réalités
ne sont pas spécifiques à notre temps, il estime qu’elles se sont
trouvées particulièrement exacerbées par l’écroulement des mythes
1. Y.-C. Zarka, avec la collaboration de C. Fleury, Difficile tolérance, Paris, PUF, 2004,
p. V-VI.
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