Morphologie lithologique :
Le Modelé des Roches Carbonatées
Composition chimique et structure vont guider les formes du relief réalisées dans
les pays calcaires, ce type de roches affleurant sur de grandes surfaces.
La morphologie lithologique sera celle qui découle des processus de météorisation
affectant la roche. Ces processus dépendent directement de la composition chimique
des matériaux. Le contraste lithologique, quant à lui, amplifiera les phénomènes par
l'érosion différentielle. La morphologie structurale résultera pour sa part de la géométrie
des couches qui envisage l'action conjointe de deux facteurs :
le pendage des couches géologiques [structure tabulaire (pendages horizontal ou
monoclinal) ou structure plissée (intensité de pendage évoluant en permanence)
d'une part ;
la fracturation au sens large, d'autre part. Deux types de fractures peuvent être
envisagées :
o failles, plans de perte de cohésion s'accompagnant d'un glissement des
volumes rocheux l'un par rapport à l'autre (faille : fracture avec
déplacement) ;
o diaclases (ou joints), plans de perte de cohésion sans déplacement
(diaclase : fracture sans déplacement).
Paysage de pays calcaire (France, Ardèche) - A l'échelle du paysage, ce que l'on perçoit en premier lieu, c'est la stratification des
couches. On est donc en présence d'une série sédimentaire. Ce que l'on voit en second, c'est le rôle de l'érosion différentielle qui met en
relief les bancs épais, massifs qui s'expriment morphologiquement par des ressauts marqués. Les niveaux où les bancs sont plus minces
sont recouverts par les produits de démantèlement des bancs épais. Pour percevoir la nature pétrographique des strates, il faut une vision
plus rapprochée permettant d'identifier le mécanisme de météorisation (dans le cas présent, la dissolution). Photographie E. Debard
1. Rappels
Roches sédimentaires : Elles représentent 5 % du volume des croûtes terrestres mais elles
couvrent 75 % de la surface terrestre. Ce sont donc les plus fréquentes à la surface du sol.
Roches carbonatées : couverture de 18 % de la surface des continents (grès : 40 % ; argiles : 42
%). En raison de :
leur affleurement sur de grandes surfaces ;
leur démantèlement par des mécanismes (la dissolution) qui leur sont bien
spécifiques, l’érosion aboutit à des formes du relief particulières : il est courant de
parler de "paysages de pays calcaire" résultant du modelé karstique dont la
description et le mode de réalisation sont le sujet de ce chapitre.
Les roches carbonatées sont également des roches cohérentes pour lesquelles l’action
d’érosion canique des eaux courantes se limite au niveau des drains d’eau courante, le reste
des surfaces à l’affleurement étant soumis à des actions physico-chimiques dont la nature dépend
de la composition chimique (minéralogique) de la roche. On verra plus loin que c'est la dissolution
pour les carbonates. En raison de cette cohérence, l’érosion différentielle va avoir également
tendance à les mettre en relief.
Les roches carbonatées sont des roches sédimentaires. Une roche carbonatée est
une roche qui est essentiellement composée par l'accumulation d'espèces minérales
contenant l'ion (CO3)2- qui est l'ion carbonate. Ces espèces minérales carbonatées les
plus fréquentes sont :
1. le carbonate de calcium (CaCO3). Cette espèce minéralogique est polymorphe
pouvant se présenter sous forme de calcite(rhomboédrique) ou
d'aragonite (orthorhombique) ;
2. la dolomite qui est le carbonate double de calcium et de magnésium, [(Ca, Mg)
(CO3)2].
L'accumulation des ces espèces minéralogiques conduit à la genèse des roches
carbonatées les plus fréquentes qui sont les calcaires et les dolomies.
Un calcaire est une roche constituée d'au moins 50 % de calcite (carbonate de
calcium, CaCO3). Une dolomie (le terme désigne la roche) est une roche contenant 50
% de carbonates dont la moitié au moins est de la dolomite (le terme identifie une
espèce minérale).
Du point de vue géomorphologique les roches carbonatées se distinguent surtout
des autres par leur aptitude à la karstification, c’est-à-dire au façonnement par
passage en solution. Le mécanisme de météorisation qui les dégrade est en effet
la dissolution qui est responsable du départ de la calcite en solution sous la forme de
bicarbonate de calcium (hydrogénocarbonate de calcium).
Elles partagent cette caractéristique avec d’autres roches plus ou moins solubles,
d’ailleurs souvent associées aux calcaires, le gypse, le sel gemme (halite), plus
rarement des grès.
Les roches carbonatées couvrant 18 % de la surface des continents,
elles contribuent de façon majeure à la charge globale des cours d’eau en solutés.
Le calcaire est faiblement soluble dans l’eau pure (13 mg par litre à 15° C, soit 13
g/m3 d'eau). C’est la présence de dioxyde de carbone dans l’eau, responsable de la
formation d’acide carbonique qui permet la mise en solution (100 g/m3 d'eau jusqu'à un
taux théorique de 1 500 g/m3 d'eau). Dans certaines circonstances entraînant la
sursaturation, les concentrations atteignent ainsi 250 à 400 mg par litre dans l’eau des
karsts provençaux. Le dioxyde de carbone est dégagé lors de la décomposition des matières
organiques et végétales. C'est en s’infiltrant dans le sol, au cours de la traversée de l'humus, que
l'eau se charge en gaz carbonique. Ce gaz réagit avec elle pour former un acide faible dilué,
l’acide carbonique.
A 20° C, l’eau contient deux fois moins de carbonate en solution qu’à 0° C.
Les basses températures facilitent la mise en solution du dioxyde de carbone, ce qui
augmente le pouvoir dissolvant de l'eau.
H2O + CO2 => H+ + HCO3- (H2CO3 : acide carbonique)
H+ + HCO3- + CaCO3 <=> Ca 2+ + 2 (HCO3)1- (hydrogénocarbonate de calcium)
En fait, dans l'eau, le dioxyde de carbone (acide carbonique), l'ion
bicarbonate (= hydrogénocarbonate) et l'ion carbonate sont à la recherche permanente
d’un équilibre instable qui dépend de bien des paramètres dont le pH :
CO2 + H2O <=> H+ + HCO 3- (H2CO3) <=> 2 H+ + CO 32-
Sur place, il reste un résidu d'insolubles (argile, fer, quartz détritique, fossiles
silicifiés) représentant moins de 10% de la roche d'origine. Ces formations résiduelles
s'accumulant sur place et résultant de la décalcification par dissolution sont souvent
notées sur les cartes géologiques par la lettre R (R... pour résiduel !). Les calcaires peuvent
être pris comme exemple de roches à faible résidu de météorisation.
Causse Martel (France, Quercy, Corrèze)
Photographie P. Elouard
Modelé karstique - anciennes galeries d'un
réseau souterrain recoupées par le front de taille d'une
carrière.
Les conduits sont colmatés par un remplissage d'argiles de décalcification, de
couleur brune.
Extrait de la carte géologique à 1/50 000 Le Caylar (feuille n° 962),
BRGM édit.
Causse de Blandas, au Nord des gorges de la Vis (France, Gard)
Mots-clefs géologiques : structure sub-horizontale, failles, Mésozoïque
[I = Lias (Jurassique inférieur) ; J = Jurassique moyen et
supérieur], R = Résiduel (argiles de décalcification pour partie car il y a
aussi des résidus hérités de palosols latéritiques anciens démantelés).
Noter la disposition de la zone principale deRésiduels qui se place au
voisinage immédiat d'une fracture et qui s'allonge selon sa direction N-
NE - S-SW). C'est également vrai pour bien des zones plus petites où
affleurent ces formations superficielles. Il s'agit de dolines (voir plus
loin).
Mots-clefs morphologiques : plateau calcaire (500-700 m d'altitude)
2. Modelé karstique
Cette aptitude des calcaires à la dissolution aboutit à un modelé particulier,
le modelé karstique ou karst, dont une partie seulement est visible en surface. La
nomenclature utilisée pour le présenter a pour origine le vocabulaire des
paysans croates et slovènes car ce modelé est tout spécialement bien représenté
dans une région de l'Istrie (confins de l'Italie, de la Croatie et de la Slovénie), le
Carso. Le Carso ou Karst (en slovène Kras, en frioulanCjars, en allemand Karst) est un
haut plateau rocheux calcaire qui s’étend sur trois états, du nord-est de l'Italie (régions
de Gorizia et de Trieste) jusqu'à l'extrême nord-ouest de la Croatie (région de l'Istrie)
en passant par la partie occidentale de la Slovénie.
Les différents éléments morphologiques constitutifs du modelé karstique. In Connaissance et gestion des ressources en eaux
souterraines dans les régions de karst (1999), Bakalowicz M. DIREN Rhône Alpes édit., Lyon, Guide technique n° 3, 40 p.
2.1. Modelé karstique : Endokarst (aspects en profondeur), lieu de prédilection du spéléologue !
Dans la masse du calcaire, se situent des réseaux de galeries, parcourues par
des circulations souterraines. L'alimentation se fait par les eaux d'infiltration (eaux de
pluie) ou par pertes de rivière (ex. des pertes du Rhône, aujourd'hui noyées sous le lac
du barrage de Génissiat).
Les conduites souterraines suivent toujours des points faibles du massif rocheux : plans de
stratification, plans de fracturation (diaclases et fractures), anciennes surfaces de discordance.
Le réseau est toujours compliqué, souvent de forme orthogonale. La circulation
karstique tendant à s’enfoncer dans le massif calcaire, ce dernier présente donc un
système en galeries superposées. Les galeries les plus hautes, très fonctionnelles au
début de la karstification et de l’enfoncement, sont progressivement abandonnées au
profit des galeries inférieures, fissures verticales ou non assurant la liaison entre deux
étages de galeries superposées (voir annexe 1).
L’eau ne réinvestit momentanément un étage supérieur que lorsque la capacité de
débit des exutoires (résurgence ou exsurgence, voir ci-dessous) est inférieure à celle
des débits infiltrés (période de pluies abondantes). Ainsi le niveau de l’eau interne
(altitude du toit de la nappe karstique) est réglé par les équilibres-déséquilibres existant
entre les quantités d’eau infiltrées et celles sortant du massif calcaire.
Il convient de dire néanmoins que la réalité de ce niveau d’équilibre reste une donnée qui n’est
réelle que dans peu de région et des régions d’extension très limitée, l’essentiel des sources des
pays karstiques montrant des débits d’une extrême variabilité. Du fait de la prédominance d’une
perméabilité de fracture et d’un transit par grands conduits ouverts, la circulation dans le karst
est rapide, ce qui engendre d’énormes fluctuations de la surface piézométrique. Ceci n’empêche
pas que des volumes d’eau importants peuvent rester perchés au dessus de cette dernière
puisque lescircuits de circulations sont complexes souvent pourvus de galeries avec siphons.
1 / 33 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !