Dans l’entreprise Club Entreprise Arts et Métiers Le Canada, porte d’entrée vers les marchés nord-américains Pays à la prospérité discrète, le Canada est souvent délaissé au profit des États-Unis. Pourtant, les opportunités d’implantation sont nombreuses sur ce marché. Souvent éclipsé par son proche voisin américain, le Canada s’attire assez peu les faveurs des investisseurs et des entrepreneurs français. Le Canada se présente pourtant comme un pays de stabilité et de prospérité économique qui offre bien des attraits et des débouchés. l’essentiel sur le Québec francophone. Et pourtant. « Le Canada est une vraie porte d’entrée dans l’Alena, [ndlr : zone de libreéchange de l’Amérique du Nord] avec huit millions de gens qui parlent notre langue, explique Philippe Guérin, directeur de la chambre de commerce franco-canadienne à Paris. Mais attention, il ne faut pas se méprendre, les Québécois sont des Nord-Américains francophones et non des Français d’Amérique du Nord. » Et il est bon de se le rappeler quand il s’agit de traiter des affaires. « Les Canadiens restent très proches des Américains, ajoute Philippe Guérin. Ils vivent sur le même continent, et ont la même approche des choses. Ce sont des gens très rigoureux et exigeants dans leur travail. » Un pragmatisme et une rigueur qui diffèrent, au dire des observateurs, des traditions du Vieux Continent. Il vaut mieux mettre de côté l’habituel quart d’heure de retard français si l’on souhaite faire affaire au Canada. Au plan économique, le Canada, avec un PIB de 683 milliards de dollars américains et une population de 30 millions d’habitants, est le plus Paradoxalement, les entreprises françaises profitent très peu de cet environnement économique favorable et gardent les yeux rivés sur les États-Unis. Comment pénétrer alors au mieux ces marchés nord-américains réputés difficiles d’accès ? Au regard de la LA FRANCE, QUATRIÈME PARTENAIRE ÉCONOMIQUE DU QUÉBEC conjoncture, aussi bien diplomatique qu’économique, Importations québécoises de France l’implantation sur le marché canadien pourrait représenter ce « portail vers l’Amérique », dont beaucoup Principaux produits exportés En millions de Année d’entreprises recherchent la clé. dollars canadiens par la France : aéronautique, Garanties Une croissance soutenue qui résiste au marasme international, des ressources en matières naturelles nombreuses et variées, une main-d’œuvre de qualité et moins coûteuse que celle de son voisin américain, le Canada offre de nombreuses garanties économiques. Mais par rapport aux proches États-Unis, ce jeune pays au dynamisme discret souffre, outre-Atlantique, d’un déficit de perception aux plans économique et commercial. La France ne détient, par exemple, que 1,6 % des parts du marché extérieur canadien, concentrées pour 2329 2526 2046 vins spiritueux, produits pharmaceutiques, éditions, composants électroniques. Exportations québécoises vers la France Année En millions de dollars canadiens 2002 2001 2000 Arts et Métiers Magazine - Juin-Juillet 2003 937,9 913 954,6 Principaux produits exportés par le Québec : aéronautique, minerais, mécanique, électronique, filières bois et papier, métaux. DOC. AMM/SOURCE MISSION ÉCONOMIQUE DE MONTRÉAL 2002 2001 2000 35 Dans l’entreprise petit pays du G8. Au cours des dernières décennies, la structure économique de ce pays a beaucoup évolué. Grâce à une longue période de croissance à un rythme exceptionnel, le Canada a réussi à restructurer son économie. Les analystes financiers en ont d’ailleurs tenu compte en relevant la notation relative à sa dette interne. Le secteur primaire occupe toujours une place prépondérante. Leader mondial en matière d’agriculture, le Canada peut aussi compter sur un sous-sol riche avec de nombreuses réserves en pétrole, gaz naturel, nickel, cuivre et fer. Mais depuis vingt ans, les industries des hautes technologies se sont considérablement développées. Le Canada occupe aujourd’hui la quatrième place mondiale en matière d’aéronautique et les biotechnologies, l’informatique, et les télécommunications font désormais partie intégrante du tissu économique. La province du Québec occupe une place toute privilégiée dans les échanges franco-canadiens. Avec un taux de croissance supérieur à 4 % l’année dernière, et la création de plus de 120 000 emplois, l’économie québécoise affiche une santé économique très supérieure à la moyenne canadienne. Main d’œuvre de qualité Un succès économique qui s’explique en partie par la qualité de sa main-d’œuvre. « Plus de 50 % de la main-d’œuvre québécoise est titulaire d’un diplôme collégial, l’équivalent du baccalauréat français, ou d’un diplôme universitaire, explique Hubert Gallet (Ai. 63), vice-président de l’Alliance des conseils financiers internationaux (ACFI), basée à Montréal. Le Québec représente le plus important bassin de firmes du génie au Canada, avec 42 000 ingénieurs. » Cet atout majeur en matière de qualification est renforcé par des coûts opérationnels extrêmement compétitifs. « Le coût de la maind’œuvre au Québec est inférieur de 20 à 40 % aux coûts américains et de 10 à 30 % aux coûts français, ajoute Hubert Gallet. Et le potentiel francophile de la province permet de créer une passerelle naturelle avec la France, aussi bien qu’avec les États-Unis. » Les entreprises françaises ne s’y sont pas trompées, et le Québec représente la base principale de la présence française au Canada avant un développement vers le reste du pays. Alstom, Pechiney, L’Oréal, Aventis, Ubisoft, selon le dernier recensement de la Mission économique de Montréal, ce sont plus de 260 entreprises françaises qui ont établi le siège de leur filiale au Québec. Mais la présence de grands groupes ne doit pas masquer l’importance du maillage de PME françaises. En tout, ce sont plus de 40 000 salariés qui sont embauchés, générant un chiffre d’affaires annuel de l’ordre de 10 milliards de dollars canadiens. Et, inversement, 123 entreprises québécoises installées en France, disposent de 200 établissements industriels et commerciaux employant environ 13 000 salariés. L’autre intérêt fondamental du Canada réside dans son étroite imbrication avec l’économie américaine. 85 % des exportations canadiennes sont absorbées par son voisin. Le volume des échanges entre le nord des États-Unis et le sud du Canada est d’ailleurs beaucoup plus important qu’entre l’ouest et l’est de chacun des deux pays. La limite de cet avantage commercial indéniable réside dans la très forte dépendance qui en résulte. Il n’en reste pas moins que pour un 36 Des échanges fructueux pour l’Ensam Depuis plusieurs années, l’Ensam permet à ses élèves d’effectuer une partie de leur cursus dans les universités québécoises. Ainsi, plusieurs conventions d’accueil ont été signées avec l’École polytechnique de Montréal (www.polymtl.ca), l’École de technologie supérieure de Montréal (www.etsmtl.ca), et l’université Laval Alérion (www.ulaval.ca) à Québec. Ces échanges sont gérés par le Centre Ensam de Châlons. Les cursus proposés permettent à l’étudiant d’y effectuer son année terminale et d’obtenir une maîtrise québécoise (master). Les élèves sont sélectionnés par l’Ensam sur des critères d’excellence pédagogique et après un entretien de motivation. La durée du séjour au Québec est de trois ou quatre semestres selon le type de maîtrise choisi (cours ou recherche). Le diplôme québécois obtenu est une maîtrise en génie mécanique, génie industriel, et pour la première fois cette année, la maîtrise en génie aérospatial qui est réservée normalement aux Canadiens de naissance ou en résidence permanente. L’an dernier, 17 élèves de l’Ensam ont séjourné au Canada. Les gadzarts, issus de cette double formation, n’ont jamais eu de problème d’embauche. Ils travaillent tous à l’international. Il existe aussi des séjours non diplômants d’un ou deux semestres vers Sherbrooke, Concordia et dans les Universités du Québec. L’échange est bidirectionnel : des étudiants de Laval et de l’ETS sont accueillis pour des séjours à l’Ensam durant leur cursus canadien. L’Ensam représente pour les étudiants canadiens en science et génie une destination parmi les plus fréquentées. investisseur français, le Canada représente une base arrière plus que solide pour s’étendre au marché américain. « Le lien entre les ÉtatsUnis et le Canada est extrêmement intéressant, explique Hubert Gallet. Quand on entre dans le réseau, on a accès à 400 millions de consommateurs, avec une homogénéité totale, dans la façon de travailler comme dans la façon d’acheter. Il y a une grande connexion entre les deux pays. La digitalisation permet d’aller très vite et de contacter les personnes-clés du réseau. Cela permet d’être fixé rapidement sur l’opportunité d’une décision. » Au regard du contexte diplomatique, l’opportunité de « s’abriter » derrière un réseau américano-canadien n’est pas non plus à négliger. Le patriotisme américain est bien réel et la rancune est tenace. Les risques de refroidissement économique entre la France et les ÉtatsUnis pourraient bien rendre difficile une tentative d’implantation directe sur le sol américain, même si les appels au boycott ne sont susceptibles de toucher que des marques françaises symboliques. MARC PÉRON Pour en savoir plus: - La chambre de commerce franco-canadienne au Québec: www.ccife.org/canada/ - Le consulat de France au Québec: www.consulfrance-montreal.org - Ministère de l’Industrie: www.mic.gouv.qc.ca/promo-quebec/ CET ARTICLE FAIT SUITE Ñ LA 119E RÉUNION DU CLENAM. LE PROCHAIN DÉBAT AURA LIEU LE LUNDI 22 SEPTEMBRE 2003 POUR TOUS RENSEIGNEMENTS ET INSCRIPTIONS : TÉL. 01 40 69 27 36. [email protected] Arts et Métiers Magazine - Juin-Juillet 2003