Concilier développement
durable et lutte contre le
changement climatique :
un impératif premier pour la
coopération scientifique Nord-Sud
Observateur depuis 2014 de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques
(CCNUCC), l’Institut de recherche pour le développement (IRD) s’est mobilisé, tout au long de l’année 2015,
pour la préparation de la COP 21, avec ses partenaires du système français d’enseignement supérieur et de
recherche, et surtout avec les communautés universitaires et scientifiques des pays en développement avec
lesquelles il entretient des partenariats étroits1). À la veille de cette conférence, l’IRD tient à réaffirmer un
certain nombre de positions qui lui semblent découler directement de l’état des connaissances scientifiques
existantes, comme des limites de celles-ci, sur la question du réchauffement climatique et de ses liens avec
les Objectifs de développement durable (ODDs) récemment adoptés (septembre 2015) par les Nations unies
pour l’horizon 2030.
Les pays du Sud doivent aujourd’hui trouver la voie d’un développement durable alliant lutte contre la pauvreté,
préservation de l’environnement et de la santé, et prise en compte des changements climatiques. La tenue du
Sommet spécial de l’ONU sur le développement durable à New York en septembre 2015 et de la COP21 à Paris
en décembre témoignent de la concordance des agendas internationaux. Le climat représente un des 17ODDs
adoptés à New York. Les deux autres conventions de Rio, les autres négociations intergouvernementales, que
ce soit sur le commerce, la propriété intellectuelle, la santé, etc., sont aussi des composantes de l’agenda du
développement durable2.
Pour contribuer aux ODDs, la science doit travailler dans une démarche pluridisciplinaire et de long terme, qui
permet de disposer d’une vision intégrée et globale des enjeux de développement durable. C’est dans cette
perspective que s’inscrivent l’IRD et ses partenaires scientifiques des pays du Sud.
L’objectif de limiter le réchauffement des températures de la planète à 2 degrés est un choix éminemment poli-
tique, qui doit son succès à sa simplicité et à sa capacité supposée de mobiliser les opinions publiques, mais il
n’est pas scientifiquement suffisant pour guider les actions à conduire. Du fait de disparités multiples, cet objec-
tif est, de plus, inopérant pour évaluer véritablement les efforts des différents pays en matière de réduction des
gaz à effet de serre ou les contributions nationales qui sont un des piliers des négociations de la COP21. Il ne
doit donc pas être considéré comme l’indicateur unique pour évaluer le succès ou l’échec de la COP21.
L’observation sur un temps long des variations climatiques et, plus globalement, des processus environnemen-
taux, est incontournable pour répondre aux enjeux mondiaux liés au changement climatique tels que la préser-
vation des ressources en eau, la préservation des terres et la lutte contre leur dégradation notamment dans les
zones soumises à la désertification, l’adaptation des espèces, la préservation de la biodiversité, la prévention et
la protection des populations face aux catastrophes naturelles et aux impacts sanitaires des différentes formes
de pollutions, l’amélioration de la santé et la lutte contre les grandes pandémies, l’urbanisation et les mobilités
associées, la production d’énergie durable et la gestion des zones côtières. Dans un contexte de changement
1. Voir notamment l’ouvrage « Changement climatique- Quels défis pour le Sud ? »
2. Voir par exemple Les enjeux de la conférence de Paris. Penser autrement la question climatique, Natures Sciences Sociétés 2015/Supp. 3.
Positionnement de l’IRD à la COP21
IRD
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climatique et de développement accéléré des activités humaines, la mise en place d’observatoires permanents
de l’environnement et des populations et leur renforcement est primordial pour comprendre, sur un pas de
temps suffisamment long, les variations des processus environnementaux et des grands cycles climatiques. En
effet, ceci permet notamment de :
distinguer les événements qui sont liés au changement climatique et à ses impacts des modifications environ-
nementales qui relèvent de cycles naturels ;
mieux appréhender la dynamique des événements climatiques extrêmes, dans le but notamment de mettre
en place des systèmes d’alerte pour protéger les populations vulnérables ;
mieux comprendre, analyser et évaluer les impacts environnementaux et sociaux du changement climatique ;
développer et soutenir la construction de bases de données environnementales partagées ;
contribuer à la mise en place de politiques publiques efficaces et à leur évaluation, dans les pays du Nord et
du Sud ;
évaluer les objectifs qui seront décidés à la COP 21 et leur suivi des recommandations. Positionner l’IRD et les
partenaires des observatoires en acteurs forts des actions politiques visant à leur mise en œuvre.
Depuis de nombreuses années, l’IRD, le CIRAD, le CNRS et l’ensemble de l’Enseignement supérieur et de la
Recherche francophone s’impliquent dans la création et la consolidation d’observatoires de l’environnement, en
Afrique et en Amérique latine. Certains sont structurés en services d’observations labellisés nationalement et
intégrés au sein du programme mondial de recherche sur le climat (PMRC).
À l’avenir, la programmation nationale et européenne de la recherche devrait mieux prendre en compte la
nécessaire priorité d’assurer la pérennité et l’élargissement de ces dispositifs d’observation en partenariat avec
les pays en développement.
L’INRA, le CIRAD et l’IRD sont, associés au CGIAR, les initiateurs du programme scientifique « 4/1000 » qui sera
lancé, notamment avec l’appui de très nombreux ministres de l’Agriculture, lors de la COP21. Avec pour objectif
de diminuer les émissions de gaz à effet de serre et d’améliorer le stockage de carbone des sols cultivés, cette
initiative est une voie de recherche prometteuse. Elle contribue également à la sécurité alimentaire et à la sécuri-
sation des emplois agricoles. Le projet annoncé par le ministère français de l’agriculture lors de la COP21 soulève
de nombreuses questions scientifiques, afin d’évaluer et d’identifier les pratiques culturales les mieux adaptées
aux enjeux d’adaptation, d’atténuation et de développement durable pour le bien être des agriculteurs.
Déterminante dans le diagnostic et la prise de conscience mondiale du réchauffement climatique, la recherche
se doit d’accompagner, grâce aux avancées scientifiques, la définition de politiques publiques alliant lutte
contre la pauvreté et préservation de l’environnement. Elle doit jouer un rôle multiple, que ce soit en matière de
suivi des événements climatiques, d’évaluation, de diagnostic, mais aussi de proposition de solutions et d’inno-
vation technologiques permettant aux populations de s’adapter à ces modifications environnementales : exper-
tise collective, appui au suivi des contributions nationales (INDC – Intended Nationally Determined Contribu-
tions), mise à disposition de données pour la gestion des milieux, la santé et le bien-être des populations..
La science du climat ne peut être qu’universelle et doit se nourrir des connaissances académiques disponibles
ou produites par les chercheurs du Nord et du Sud, sans ignorer les savoir-faire et les savoirs détenus par les
populations elles-mêmes. L’IRD entend contribuer, dans les pays où il intervient, et en liaison étroite avec ses
partenaires, par ses activités de renforcement des compétences, de formation et de partage de l’information, à
la production, à la mise en partage de ces connaissances et à la meilleure insertion des communautés scien-
tifiques avec lesquelles il collabore dans les réseaux internationaux et dans les interfaces science/politique des
pays et des organisations internationales.
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