D O S S I E R Canaux calciques et fonctions neuronales : implications pour les épilepsies Calcium channels and neuronal functions: implications for epilepsies ● J.C. Poncer*, A. Scheuber* RÉSUMÉ. Les canaux ioniques, de par leur rôle essentiel dans l’activité neuronale, sont des candidats naturels pour des dysfonctionnements de l’activité d’ensembles neuronaux tels que les épilepsies. Alors que l’activité de la plupart des canaux ioniques influence essentiellement la polarité membranaire des neurones, les canaux calciques transportent également l’un des principaux éléments de signalisation intracellulaire des cellules eucaryotes – le calcium – qui intervient dans nombre de processus neuronaux comme la libération de neuromédiateurs, la modulation de conductances ioniques, les réarrangements anatomiques, l’expression génique… De plus, la diversité moléculaire et la modulation subtile de ces canaux par plusieurs sous-unités auxiliaires rendent extrêmement complexe l’identification du rôle d’un canal spécifique dans une activité neuronale particulière. De nombreuses mutations associées à divers syndromes épileptiques, chez l’animal comme chez l’homme, concernent des sous-unités de canaux calciques sensibles au potentiel. Toutefois, même lorsque l’impact fonctionnel de ces mutations sur l’activité du canal est identifié, les mécanismes mis en œuvre dans la génération d’activités pathologiques sont loin d’être élucidés. Dans cet article, nous rappelons les principales caractéristiques structurales et fonctionnelles des canaux calciques neuronaux. Nous présentons également un panorama des mutations affectant ces canaux en tentant de dégager quelques principes simples concernant l’implication de ces mutations dans le phénotype épileptique. Mots-clés : Épilepsie - Calcium - Canaux ioniques - Génétique humaine. ABSTRACT. Ion channels play a pivotal role in neuronal activity and are thus likely candidates for pathological activities in neuronal ensembles, such as epilepsies. Whereas the activity of most ion channels typically influences neuronal membrane polarity, calcium channels also carry one of the main elements of intracellular signaling in eukaryotic cells – namely calcium – involved in a variety of neuronal processes such as transmitter release, modulation of ion channels, anatomical rearrangements, gene expression… In addition, assessing the role of specific calcium channels in a neuronal function is further complicated by the molecular diversity of these channels and their subtle modulation by various ancillary subunits. Several mutations associated with both animal and human epileptic syndromes affect subunits of voltage-gated calcium channels. However, even when the functional impact of these mutations on channel activity is established, the mechanisms involved in generating pathological activities remain unclear. In this review, we briefly describe the main structural and functional characteristics of neuronal calcium channels. We also review the mutations of these channels associated with epileptic syndromes in an attempt to delineate basic principles concerning the involvement of these mutations in epileptic phenotypes. Keywords: Epilepsy - Calcium - Ion channels - Human genetics. STRUCTURE, PROPRIÉTÉS ET LOCALISATION DES CANAUX CALCIQUES NEURONAUX Les canaux calciques voltage-dépendants sont composés d’au moins 3, voire 4 sous-unités (α1, ß, α2-δ et γ), dont il existe plusieurs isoformes. La sous-unité α1 (10 isoformes) comprend 6 segments transmembranaires formant le pore du * INSERM U739 “Cortex et épilepsie”, faculté de médecine Pierre et Marie-Curie, 75013 Paris. canal, et détermine largement ses propriétés biophysiques élémentaires (tableau I). La sous-unité ß (4 isoformes), intracellulaire, interagit avec α1 en modulant à la fois la cinétique et la sensibilité du canal au potentiel, conduisant généralement à un abaissement du seuil d’activation du canal et à une accélération de son inactivation. Un rôle des sous-unités ß dans l’adressage membranaire du canal a également été suggéré dans plusieurs études. En particulier, ß4 pourrait être responsable de l’adresse présynaptique de certains canaux. La sous-unité α2-δ existe sous 4 isoformes, dont l’une, α2-δ3, est exprimée exclusivement dans le cer- La Lettre du Pharmacologue - Volume 19 - n° 4 - octobre-novembre-décembre 2005 117 D O S S I E R veau. En interagissant avec α1, α2-δ conduit à une augmentation de la densité du courant qui semble traduire un effet facilitateur sur l’adressage et/ou l’ancrage membranaire de la sous-unité α1. Cette interaction semble également accélérer les cinétiques et abaisser le seuil d’activation et d’inactivation du canal. Toutefois, cet effet varie d’une sous-unité à l’autre et peut être modeste. De plus, la gabapentine et la prégabaline, utilisées notamment dans le traitement de certaines épilepsies, douleurs neuropathiques et troubles anxieux, se lient avec une affinité très élevée à α2-δ (α2-δ1 et α2-δ2), et cette interaction fut la première identifiée entre une sous-unité accessoire de canal calcique et un agent pharmacologique. Cependant, l’effet fonctionnel de la liaison de ces agents à α2-δ reste à préciser (1). Enfin, au moins 8 isoformes de la sous-unité γ ont été identifiées. Bien qu’initialement clonée depuis le muscle squelettique, cette sousunité semble également faire partie intégrante de certains canaux calciques neuronaux, en particulier Ca v2.1. Son rôle pourrait être notamment de moduler les propriétés d’inactivation du canal. Les canaux formés par différentes sous-unités α1 constituent trois groupes dont les propriétés, la localisation cellulaire et le rôle fonctionnel diffèrent considérablement (tableau I). Les canaux Cav1 (Cav1.1 à Cav1.4) correspondent à la famille des canaux calciques de type L, selon une première nomenclature basée sur les propriétés biophysiques des courants. Ces canaux, sensibles aux dihydropyridines, sont activés par des dépolarisations importantes et sont modulés essentiellement par le potentiel et par la phosphorylation par des protéines kinases. Dans les neurones, ces canaux sont exprimés principalement au niveau du soma et des dendrites, c’est-à-dire des compartiments postsynaptiques. Cette localisation en fait une voie d’entrée du calcium importante, impliquée notamment dans des processus de plasticité synaptique et d’intégration dendritique des réponses synaptiques. Les canaux Cav2 (Cav2.1 à Cav2.3), quant à eux, sont insensibles aux dihydropyridines, mais sont également activés par des dépolarisations importantes. Exprimés de façon prédominante dans le système nerveux central, ces canaux sont modulés par les protéines G ainsi que par plusieurs protéines présynaptiques. En effet, bien qu’ils se retrouvent au niveau dendritique – donc postsynaptique –, ces canaux jouent un rôle prédominant dans la libération des neuromédiateurs aussi bien excitateurs qu’inhibiteurs. En particulier, Cav2.1 (canaux P/Q) et Cav2.2 (canaux N) sont présents dans la plupart des synapses centrales et contribuent ensemble à l’influx calcique présynaptique responsable de la libération de neuromédiateurs. Toutefois, certaines synapses, notamment inhibitrices, n’expriment que l’un ou l’autre de ces canaux, ce qui leur confère des propriétés dynamiques distinctes, notamment lors d’activités rythmiques. Les canaux Cav2.3 (canaux R) pourraient quant à eux n’intervenir dans la libération de neuromédiateurs que lors de stimulations à haute fréquence. Enfin, les canaux Cav3 (Cav3.1 à Cav3.3) forment la famille des canaux de type T, à bas seuil d’activation. Exprimés presque exclusivement au niveau postsynaptique, ces canaux s’activent à des potentiels peu dépolarisés, s’inactivent très rapidement et restent inactivés jusqu’à des potentiels proches du potentiel de repos des neurones. Ces propriétés très particulières confèrent aux canaux Cav3 une aptitude à participer à la génération d’activités rythmiques observées dans plusieurs structures cérébrales. En particulier, certains neurones des réseaux thalamocorticaux génèrent des patrons de décharge rythmiques, normaux ou pathologiques, mettant notamment en œuvre des canaux Cav3 ainsi que des canaux cationiques activés par l’hyperpolarisation. Ainsi, l’ablation génétique du gène CACNA1g codant pour la sous-unité α1 du canal Cav3.1 empêche la décharge en bouffées des neurones relais thalamocorticaux, prévenant ainsi le déclenchement de décharges en pointe-onde associées aux crises d’absence (2). Tableau I. Les canaux calciques neuronaux sensibles au potentiel. Type de canal Cav1 (L) – Cav1.2 – Cav1.3 Cav2 – Cav2.1 (P/Q) – Cav2.2 (N) – Cav2.3 (R) Cav3 (T) – Cav3.1 – Cav3.2 – Cav3.3 118 Sous-unité α Seuil d’activation Élevé Localisation subcellulaire Soma et dendrites Fonctions neuronales principales Intégration synaptique, plasticité synaptique et excitabilité membranaire Élevé Dendrites et terminaisons axonales Courants dendritiques transitoires et libération de neuromédiateur Idem + soma Soma et dendrites Idem + décharge répétitive CACNA1c CACNA1d CACNA1a CACNA1b CACNA1e Bas CACNA1g CACNA1h CACNA1i Pacemaker (décharge répétitive) La Lettre du Pharmacologue - Volume 19 - n° 4 - octobre-novembre-décembre 2005 D CANAUX CALCIQUES ET MODÈLES ANIMAUX D’ÉPILEPSIE De nombreux modèles animaux d’épilepsie se sont révélés associés à des perturbations de la fonction de canaux calciques voltage-dépendants. L’observation de ces modèles, si elle ne permet pas toujours de préciser les mécanismes impliqués dans l’apparition des crises, renseigne néanmoins à la fois sur la fonction des différentes sous-unités et sur la nature des perturbations associées à leur dysfonctionnement. Plusieurs revues récentes dressent un panorama plus ou moins exhaustif de ces mutations (3, 4). Les lignées murines tottering et leaner ont initialement été détectées pour des symptômes d’ataxie cérébelleuse, puis identifiées comme épileptiques sur la base de l’observation de crises d’absence, de tracés d’électroencéphalogramme (EEG) et de réponses pharmacologiques très similaires à ceux observés dans les crises humaines de type “petit mal”. Dans chacune de ces deux lignées, des décharges thalamocorticales de type pointe-onde sont associées aux crises d’absence. L’étude de la lignée tottering a révélé l’existence d’une mutation ponctuelle affectant le gène CACNA1a codant pour la sous-unité α1 du canal Cav2.1 (5). Bien que cette mutation concerne un résidu proche de la région conservée formant le pore du canal, elle n’affecte pas la conductance unitaire du canal, mais plutôt la densité de canaux fonctionnels. La lignée leaner, quant à elle, porte une mutation affectant un site d’épissage de CACNA1a, donnant ainsi lieu à l’expression de produits d’épissage tronqués dans leur extrémité carboxy-terminale. Cette mutation conduit également à une réduction drastique de la densité du courant Cav2.1 qui reflète non pas une réduction de l’expression du canal, mais une réduction importante de sa probabilité d’ouverture. De plus, ces deux mutations affectent également la dépendance au potentiel de l’activation et de l’inactivation du canal. Ces observations permettent-elles de rendre compte des phénotypes tottering et leaner ? D’une part, les canaux Cav2.1 sont très fortement exprimés dans les cellules de Purkinje du cervelet, où ils contribuent à la génération de potentiels d’action calciques dendritiques. Le déficit fonctionnel en canaux Cav2.1 induit dans ces cellules plusieurs mécanismes de compensation impliquant notamment la surexpression de canaux de type L qui pourraient être impliqués dans la génération d’épisodes dystoniques chez les animaux tottering. D’autre part, ces mêmes canaux Cav2.1 jouent un rôle prédominant dans la libération de glutamate, notamment depuis les afférences excitatrices des cellules de Purkinje. Là encore, la mutation de CACNA1a s’accompagne d’une compensation, cette fois par des canaux de type N, dont les propriétés de modulation par des protéines G pourraient conduire à la fois à une réduction fonctionnelle et à une perturbation de O S S I E R la dynamique de la libération lors de stimulations répétitives (6). Une telle compensation, voire, au contraire, l’absence de compensation, au niveau présynaptique pourrait également être responsable de la réduction de la transmission glutamatergique sans modification de la transmission GABAergique observée dans le thalamus des animaux tottering, probablement à l’origine des oscillations thalamocorticales aberrantes qui sous-tendent la décharge en pointe-onde. D’autres mutations spontanées affectent également les sousunités auxiliaires ß, γ et α2-δ. Là encore, ces mutations sont associées à des formes plus ou moins sévères d’ataxie cérébelleuse, mais également à des activités épileptiques accompagnées de décharge en pointe-onde. Le phénotype du mutant lethargic, bien que très similaire à celui du mutant tottering, est lié à une mutation du gène Cacnb4 codant pour la sous-unité ß4 (7), préférentiellement associée aux canaux Cav2.1. Cette mutation affecte un site d’épissage entraînant une déstabilisation de l’ARN et l’absence d’expression de la sous-unité ß4. Cette perte d’expression induit une compensation par les autres sous-unités ß, notamment ß1. Contrairement au mutant tottering, lethargic ne s’accompagne pas d’une modification sensible des courants portés par les canaux Cav2.1 dans les cellules de Purkinje, mais conduit au contraire à une réduction de l’expression des canaux Cav2.2. La similarité des phénotypes de ces deux lignées ne trouve donc pas dans les études moléculaires et physiologiques menées jusqu’à présent une explication très convaincante. Le mutant stargazer fut initialement reconnu comme responsable des symptômes d’ataxie cérébelleuse et d’un basculement vertical de la tête très particulier. Cependant, tout comme les autres mutants mentionnés jusqu’ici, stargazer présente également un EEG caractérisé par des décharges en pointe-onde à 5-7 Hz qui peuvent être enregistrées depuis le thalamus, l’hippocampe, le néocortex ainsi que les ganglions de la base. En outre, des crises généralisées s’accompagnent de comportements de type absence sensibles notamment à l’éthosuximide, utilisé chez l’homme dans le traitement du “petit mal”. Cette lignée porte une mutation affectant le gène Cacng2, qui code pour la sous-unité γ2 et qui fut, à travers la découverte de cette mutation, la première sous-unité γ neuronale identifiée (8). Dans un système d’expression hétérologue, γ2 réduit la disponibilité des canaux, notamment Cav2.1 et Cav2.2, en abaissant leur seuil d’inactivation au repos. Bien que la mutation stargazer conduise à une réduction importante du messager et à une perte d’expression de γ2, apparemment sans compensation par d’autres isoformes (9), aucune modification notable des propriétés des courants calciques des cellules de Purkinje n’a pu être mise en évi- La Lettre du Pharmacologue - Volume 19 - n° 4 - octobre-novembre-décembre 2005 119 D O S S I E R dence chez les souris stargazer. En revanche, des enregistrements réalisés depuis des cellules pyramidales du néocortex (10) révèlent une augmentation importante du courant Ih, un courant cationique activé par l’hyperpolarisation qui contribue notamment à la périodicité des activités rythmiques thalamocorticales. Toutefois, le lien entre la mutation de Cacng2 et l’augmentation du courant Ih n’a pu être identifié à ce jour. La découverte de la sous-unité neuronale γ2 – ou stargazin – a en outre donné lieu à la mise en évidence d’un lien tout à fait inattendu entre canaux calciques et récepteurs du glutamate. En effet, le mutant stargazer présente une perte presque complète des réponses synaptiques excitatrices portées par les récepteurs de type AMPA dans les cellules en grain du cervelet (11), alors que les récepteurs euxmêmes sont normalement exprimés. Des études très récentes démontrent en effet que l’adressage membranaire et synaptique de ces récepteurs dépend de l’interaction entre ces récepteurs et la stargazin, par l’intermédiaire d’une protéine de la densité postsynaptique (PSD95). La restriction de l’effet délétère de la mutation stargazer aux cellules en grain du cervelet suggère en outre que cette fonction inattendue de γ2 pourrait généralement être compensée par d’autres isoformes absentes de ces cellules. Toutefois, une réduction de la réponse AMPA n’a pas été recherchée systématiquement, et son implication éventuelle dans le phénotype épileptique du mutant stargazer n’est pas établie. Enfin, une étude récente révèle que la mutation ducky, associant comme toutes les précédentes ataxie cérébelleuse et crises d’absence, est liée à une mutation ponctuelle du gène CACNA2d2 codant pour la sous-unité α2-δ2 (12, 13). Cette mutation entraîne une troncation importante de l’ARNm codant pour des protéines vraisemblablement non fonctionnelles. La mutation ducky s’accompagne d’une réduction importante des courants calciques macroscopiques dans les cellules qui normalement expriment α2-δ2, comme les cellules de Purkinje. Cette réduction reflète un nombre moindre de canaux exprimés à la membrane, ce qui suggère que α2-δ2 agit en favorisant l’adressage membranaire ou en réduisant l’internalisation des canaux calciques. Plus récemment encore, un autre mutant spontané présentant un double phénotype épileptique et ataxique, entla, s’est révélé porteur d’une autre mutation affectant le même gène CACNA2d2 (14). L’interaction entre cette sous-unité α2-δ et les antiépileptiques gabapentine et prégabaline (15) renforce évidemment l’intérêt d’établir un lien entre ces mutations et le phénotype épileptique. Toutefois, comme pour les mutations précédentes, celui-ci n’a pas reçu à ce jour de démonstration expérimentale. 120 CANAUX CALCIQUES ET FORMES HÉRÉDITAIRES D’ÉPILEPSIE CHEZ L’HOMME Depuis la découverte, en 1995, de la première mutation associée à une forme familiale d’épilepsie idiopathique, la liste des mutations associées à divers syndromes épileptiques n’a cessé de croître, révélant une large prédominance des canaux ioniques, sensibles au potentiel ou ouverts par un ligand (16). L’identification des mutations responsables, notamment des phénotypes murins décrits précédemment, fait en outre des canaux calciques voltage-dépendants des candidats potentiels pour la recherche de mutations associées à des formes familiales d’épilepsie chez l’homme. Pourtant, bien que plusieurs mutations de ces canaux aient été associées à d’autres syndromes neurologiques tels que la migraine hémiplégique familiale et diverses formes d’ataxie, peu d’études convaincantes concernent des syndromes épileptiques. En particulier, quelques mutations ont été identifiées chez un ou seulement quelques patients, et la valeur de la liaison génétique a souvent été remise en question lors d’études à plus grande échelle. Sur la base de l’implication du gène Cacnb4 dans le phénotype murin lethargic, une recherche systématique de polymorphismes de ce gène a été conduite auprès de familles épileptiques (17). Cette étude a notamment permis de mettre en évidence une mutation tronquante chez un patient atteint d’épilepsie myoclonique juvénile. Cette troncation affecte le site d’interaction de la sous-unité ß4 avec α1, et des études physiologiques dans un système hétérologue ont révélé une légère réduction de la constante de temps d’inactivation des courants portés par des canaux Cav2.1 dans des cellules exprimant la forme tronquée de ß4. Ces propriétés, différentes de celles du mutant lethargic, pourraient conduire à une prolongation de certains courants calciques, mais il est actuellement impossible de préciser quel pourrait en être l’impact fonctionnel prédominant. Une approche similaire a conduit plusieurs groupes à examiner les polymorphismes du gène CACNA1a codant pour la sous-unité a1 du canal Cav2.1. Là encore, deux mutations ponctuelles ont pu être identifiées chez des patients présentant des crises d’absence associées à une ataxie épisodique (18, 19). Ces mutations entraînent respectivement l’introduction d’un codon stop prématuré et une mutation ponctuelle conduisant dans les deux cas à une protéine non fonctionnelle. Bien que la première mutation n’ait pas été retrouvée lors d’études à plus grande échelle, la similarité entre l’effet fonctionnel de ces mutations et celui associé aux phénotypes tottering et leaner suggère l’existence d’un lien causal entre la perte de fonction du canal Cav2.1 et l’association ataxie/ absence. La Lettre du Pharmacologue - Volume 19 - n° 4 - octobre-novembre-décembre 2005 D Enfin, une étude réalisée sur une large population de patients souffrant d’épilepsie-absence de l’enfance a conduit à l’identification de 12 mutations ponctuelles, hétérozygotes, affectant le gène CACNA1h codant pour la sousunité α1 du canal Cav3.2 (20). Les résultats de cette étude furent à nouveau contestés sur la base d’une mauvaise ségrégation avec un phénotype épileptique particulier. Toutefois, une étude fonctionnelle très récente reprenant quelques-unes de ces mutations révèle une altération sensible des propriétés biophysiques du canal Cav3.2 conduisant soit à un abaissement du seuil d’activation du canal, soit à un ralentissement de son inactivation (21). Fonctionnellement, ces deux effets pourraient donc conduire à un renforcement de l’activité du canal. Compte tenu de l’importance de ces canaux dans la génération d’activités d’ensembles au niveau thalamocortical, il est envisageable qu’un tel renforcement conduise à l’émergence d’activités pathologiques dans cette structure. CONCLUSION R É F É R E N C E S O S S I E R B I B L I O G R A P H I Q U E S 1. Klugbauer N, Marais E, Hofmann F. Calcium channel alpha2delta subunits: differential expression, function, and drug binding. J Bioenerg Biomembr 2003; 35:639-47. 2. Kim D, Song I, Keum S et al. Lack of the burst firing of thalamocortical relay neurons and resistance to absence seizures in mice lacking alpha(1G) T-type Ca(2+) channels. Neuron 2001;31:35-45. 3. Burgess DL, Noebels JL. Single gene defects in mice: the role of voltagedependent calcium channels in absence models. Epilepsy Res 1999;36:111-22. 4. Felix R. Insights from mouse models of absence epilepsy into Ca2+ channel physiology and disease etiology. Cell Mol Neurobiol 2002;22:103-20. 5. Fletcher CF, Lutz CM, O’Sullivan TN et al. Absence epilepsy in tottering mutant mice is associated with calcium channel defects. Cell 1996;87:607-17. 6. Zhou YD, Turner TJ, Dunlap K. Enhanced G protein-dependent modulation of excitatory synaptic transmission in the cerebellum of the Ca2+ channel-mutant mouse, tottering. J Physiol 2003;547:497-507. 7. Burgess DL, Jones JM, Meisler MH et al. Mutation of the Ca2+ channel beta subunit gene Cchb4 is associated with ataxia and seizures in the lethargic (lh) mouse. Cell 1997;88:385-92. 8. Letts VA, Felix R, Biddlecome GH et al. The mouse stargazer gene encodes a neuronal Ca2+-channel gamma subunit. Nat Genet 1998;19:340-7. 9. Sharp AH, Black JL 3rd, Dubel SJ et al. Biochemical and anatomical evidence for specialized voltage-dependent calcium channel gamma isoform expression in the epileptic and ataxic mouse, stargazer. Neuroscience 2001;105:599-617. 10. Di Pasquale E, Keegan KD, Noebels JL. Increased excitability and inward La découverte de mutations de canaux calciques voltagedépendants impliquées dans certaines formes humaines, même rares, d’épilepsie généralisée ainsi que le bénéfice thérapeutique d’agents pharmacologiques agissant sur ces canaux contribuent évidemment à leur intérêt en tant que cibles antiépileptiques potentielles. Toutefois, si les modèles animaux se sont révélés d’extraordinaires outils pour l’étude du rôle des différentes sous-unités dans la fonction de ces canaux, la diversité et la complexité des processus biologiques dans lesquels ces canaux interviennent ont jusqu’à présent rendu impossible une identification précise du rôle de ces canaux mutés dans un phénotype épileptique. Alors qu’il est relativement aisé d’identifier l’impact d’une mutation d’un canal ionique, par exemple dans la fonction musculaire, il demeure beaucoup plus difficile d’établir comment, et même dans quelle structure cérébrale, une telle mutation conduit à l’émergence d’une crise épileptique. De plus, l’association fréquente des syndromes ataxiques et épileptiques liés aux mutations de ces canaux illustre leur implication simultanée dans plusieurs processus neuronaux complexes. Ces difficultés soulignent la nécessité de poursuivre les études fondamentales visant à élucider les mécanismes mis en jeu dans la génération des activités épileptiformes. ■ rectification in layer V cortical pyramidal neurons in the epileptic mutant mouse stargazer. J Neurophysiol 1997;77:621-31. 11. Hashimoto K, Fukaya M, Qiao X et al. Impairment of AMPA receptor function in cerebellar granule cells of ataxic mutant mouse stargazer. J. Neurosci 1999;19:6027-36. 12. Gao B, Sekido Y, Maximov A et al. Functional properties of a new voltagedependent calcium channel alpha(2)delta auxiliary subunit gene (CACNA2D2). J Biol Chem 2000;275:12237-42. 13. Barclay J, Balaguero N, Mione M et al. Ducky mouse phenotype of epilepsy and ataxia is associated with mutations in the CACNA2d2 gene and decreased calcium channel current in cerebellar Purkinje cells. J. Neurosci 2001;21:6095-104. 14. Brill J, Klocke R, Paul D et al. Entla, a novel epileptic and ataxic CACNA2d2 mutant of the mouse. J Biol Chem 2004;279:7322-30. 15. Gee NS, Brown JP, Dissanayake VU et al. The novel anticonvulsant drug, gabapentin (Neurontin®), binds to the alpha2delta subunit of a calcium channel. J Biol Chem 1996;271:5768-76. 16. Kullmann DM. The neuronal channelopathies. Brain 2002;125:1177-95. 17. Escayg A, De Waard M, Lee DD et al. Coding and noncoding variation of the human calcium-channel beta4-subunit gene cacnb4 in patients with idiopathic generalized epilepsy and episodic ataxia. Am J Hum Genet 2000;66:1531-9. 18. Jouvenceau A, Eunson LH, Spauschus A et al. Human epilepsy associated with dysfunction of the brain P/Q-type calcium channel. Lancet 2001;358:801-7. 19. Imbrici P, Jaffe SL, Eunson LH et al. Dysfunction of the brain calcium channel Ca V2.1 in absence epilepsy and episodic ataxia. Brain 2004;127:2682-92. 20. Chen Y, Lu J, Pan H et al. Association between genetic variation of CACNA1H and childhood absence epilepsy. Ann Neurol 2003;54:239-43. 21. Khosravani H, Altier C, Simms B et al. Gating effects of mutations in the Cav3.2 T-type calcium channel associated with childhood absence epilepsy. J Biol Chem 2004;279:9681-4. La Lettre du Pharmacologue - Volume 19 - n° 4 - octobre-novembre-décembre 2005 121