RESUME DU CREPUSCULE D’UNE IDOLE DE MICHEL ONFRAY
Nietzsche pensait que toute philosophie n’était pas le produit d’un pur sujet pensant mais qu’elle
était une « exégèse des corps » : les philosophies relèvent toutes d’une époque, d’un lieu, elles ont
été écrites par des êtres humains. La philosophie est donc un acte corporel.
La psychanalyse, prétendue science, est de nos jours enseignée –et pratiquée– dans le monde entier.
«
PSYCHANALYSE
: Méthode de psychothérapie inventée par S. Freud vers 1895 et reposant sur la
découverte de l’inconscient psychique » (Dictionnaire Larousse 2008). La psychanalyse est une
discipline peu connue. Pourtant, nul ne doute de ses capacités à soigner, à guérir.
La psychanalyse été découverte par Sigmund Freud par une auto-analyse ; la psychanalyse procède
d’observations cliniques : elle relève de la science ; Freud a découvert une technique qui permet de
soigner et de guérir les psychopathologies ; le complexe d’Œdipe est universel ; la psychanalyse est
une discipline émancipatrice. Toutes ces affirmations sont fausses et constituent autant de « cartes
postales » -idées reçues- qu’il faut démonter pour en extraire la vérité à la lumière vive.
Michel Onfray propose ici de montrer comment la psychanalyse, loin d’être une doctrine universelle,
s’applique à un seul individu : Freud. En effet, la psychanalyse est le fruit de la maladie d’un homme :
des fantasmes, des désirs, de l’imagination d’un être humain qui décide que son histoire est aussi
celle de l’humanité depuis son origine : ainsi, « ce qui fût juste une histoire devient une histoire
juste ». Le but du philosophe est de montrer que Freud prend son cas pour une généralité, de réaliser
une psychobiographie nietzschéenne de l’inventeur de la psychanalyse.
Thèse 1 : La psychanalyse dénie la philosophie, mais elle est elle-même une philosophie.
Freud dénie la philosophie car elle propose une vision du monde, la philosophie serait « une
construction intellectuelle qui résout de façon unitaire tous les problèmes de notre existence ». Or,
qu’est-ce que la psychanalyse ? La plus récente vision du monde, la plus fermée, la plus verrouillée, la
plus totalisante. La psychanalyse a la réponse à toutes les énigmes : les raisons de l’art, la naissance
de la religion, la construction des dieux, l’origine de l’humanité, le sens des rêves, l’humour, nos
moindres gestes… La psychanalyse est une philosophie.
Thèse 2 : La psychanalyse ne relève pas de la science, mais d’une autobiographie philosophique.
Les « vérités » assénées par Freud découlent de son histoire personnelle : sa théorie est le fruit
d’expériences traumatisantes vécues au cours de son enfance.
1
ère
scène : Freud a 10 ou 12 ans, il chemine en compagnie de son père dans les rues. Ils bavardent.
Le père raconte comment il est doux pour les juifs de vivre dans Vienne désormais. Il croise un
chrétien qui, d’un geste, envoie son couvre-chef au caniveau et l’invective : « Juif, descends du
trottoir »… Freud n’en revient pas : son père a ramassé son chapeau mais n’a rien dit, rien fait.
2
ème
scène : Freud a 7 ou 8 ans, il entre dans la chambre de ses parents et se soulage dans le seau
hygiénique. Il s’entendit dire par son père : « Ce garçon ne deviendra rien de bien ». Commentaire de
Freud : « Il faut que cela ait été pour moi une véritable vexation ».
La source noire de la psychonévrose de Freud : une haine de son père humilié, humiliant à son tour. Il
en fera une pathologie universelle dans le but de vivre moins seul avec elle : le meurtre du Père. De
là une extravagante théorie : « Les hommes ont toujours su qu’ils avaient un jour possédé et
assassiné un père primitif ». Cette phrase explique tout simplement… l’origine de la religion. En effet,
que représente l’Eucharistie chez les catholiques ? Le banquet cannibale de la scène primitive...
La psychanalyse affirme par ailleurs que tous les garçons ont désiré leur mère et voulu la mort de
leur père, plus connu sous le nom de complexe d’Œdipe. Que nous dit Freud à l’occasion de sa scène
fondatrice ? « Ma libido s’est éveillée envers matrem […] à l’occasion d’un voyage, au cours duquel
nous avons dû passer une nuit ensemble et où il m‘a certainement été donné de la voir nudam ».
Voilà qui suffit pour énoncer le premier commandement de la future loi psychanalytique. A partir
d’une expérience, d’un souhait, Freud échafaude son édifice conceptuel : ce qu’il a vécu, tous l’ont
vécu. Mieux : de toute éternité, tout homme l’a vécu, et jusqu’à la fin des temps, tout le monde le
vivra ; Freud révolutionne la compréhension de l’humanité.
Thèse 2 : continuum scientifique ou capharnaüm existentiel ?
Freud a guéri tous ses patients grâce à la méthode psychanalytique : faux. Quelle est la méthode
psychanalytique ? En réalité, Freud en a utilisé 6. Dès 1884 il confesse « j’ai besoin de beaucoup de
cocaïne ». L’année suivante : « je conseillerai d’administrer la cocaïne par injection ». Il expérimente
sur son ami Fleischl-Marxow la substance : son ami est mort peu après des injections sous-cutanées.
Il vire de bord et pratique l’électrothérapie pendant 4 ans puis à partir de 1887 l’hypnose et jusqu’en
1890 le psychrophore (intromission d’une sonde glacée dans la verge pour calmer l’onanisme–vous
avez bien lu…) et jusqu’en 1893 les massages de l’utérus...
1
er
cas : Emma Eckstein a 30 ans lorsqu’elle vient voir Freud pour douleurs gastriques. Freud et son
ami Fliess en concluent bien sûr à… une correspondance intime entre le nez et les organes génitaux !
D’où l’idée de Freud : il faut opérer le nez. L’opération, ablation du cornet nasal gauche, a bien lieu.
Deux semaines plus tard : la patiente souffre d’un œdème facial. Les symptômes persistent jusqu’à
ce qu’un assistant, nettoyant la plaie, découvre « un morceau de gaze long d’un bon demi-mètre »
oublié dans la cavité nasale par le chirurgien et son compère ! La patiente perd son sang et fait un
malaise. Freud est décomposé, Emma Eckstein défigurée. L’origine du malaise et des saignements ?
Le désir d’Emma pour un irrésistible médecin nommé Sigmund Freud, conclut-il lui-même.
2
ème
cas : Dora a 18 ans lorsqu’elle est présentée à Freud. Elle subit depuis 3 ans les avances d’un
vieux monsieur. Elle le repousse sans cesse. Dora souffre de dépression. Diagnostic de Freud : elle est
hystérique. Lorsque le vieux monsieur s’approche d’elle, elle n’est pas dégoûtée mais… excitée ! Son
rêve d’une boîte à bijoux ? En réalité un désir inconscient de coucher avec le vieux monsieur. Evident.
3
ème
cas : le Petit Hans. Il a peur d’être mordu par un cheval. Vous pouvez deviner le diagnostic de
Freud : le cheval n’est pas que le cheval mais… le père ! Dès lors, en vertu du complexe d’Œdipe, le
Petit Hans désire s’unir sexuellement avec sa mère mais son père le lui interdit. La phobie d’être
mordu par un cheval s’analyse donc comme la crainte de voir son pénis coupé. Logique.
Dernier cas : l’Homme aux rats ou Lanzer, juriste brillant de 29 ans. Il détaille ses symptômes : désir
de faire souffrir, soi et les autres. La première aventure amoureuse de Lanzer eut lieu avec une
dénommée Robert. Par ailleurs, Lanzer raconte les détails d’une scène de torture : le tortionnaire
attache un pot où grouillent des rats au fondement de sa victime, de sorte que les animaux peuvent
pénétrer le rectum de supplicié. Dès lors, Freud échafaude une théorie –nul besoin d’aller chercher
très loin- : rat = pénis. Mais, par équivalence symbolique, le rat est aussi l’analogon du père.
Conclusion du docteur viennois : l’Homme aux rats aimerait se faire sodomiser par son père…
Thèse 3 : La psychanalyse n’est pas libérale mais conservatrice
Pour Freud, la femme est inférieure à l’homme. La vérité ? Les femmes aspirent au pénis des
hommes, qu’elles n’ont pas, d’où leur animosité. Freud oppose les « organes sexuels bien
développés » des garçons aux « rudiments rabougris et souvent sans emploi » des filles. Pénis
rabougri = punition = « créature mutilée », la femme est condamnée.
La psychanalyse, loin de lever des barrières, de libérer la sexualité, impose des normes. La norme de
base reste hétérosexuelle, génitale, conjugale, monogame. De plus, Freud ne croit ni à la libération
de l’homme (« L’homme est un animal de horde, être individuel mené par un chef suprême ») ni à la
paix (« La guerre est conforme à la nature, biologiquement bien fondée, à peine évitable »).
Voilà les raisons de remettre en cause cette prétendue science qui, par les travers d’une
expérimentation pervertie, impose à l’ensemble du monde une norme, un mode de pensée qui
exclut la critique, la raison, l’expérience et enferme dans un monde imaginaire : celui de Freud.
Comme dans Traité d’Athéologie, il est temps de choisir entre un mythe qui rassure et une vérité qui
nous pousse à nous remettre en question, entre l’imaginaire et le réel.
Le 8 mars 2012, la Haute autorité de santé (HAS) a publiquement désavoué la psychanalyse dans le
traitement de l'autisme. Des traitements incompréhensibles, des familles déchirées pour un résultat
nul, voire négatif : ce chamanisme doit cesser. Non pas l’abandon de la psychanalyse, mais une autre
psychanalyse : une psychanalyse post-freudienne.
Nietzsche écrivit : « Au fond, il n’y eut qu’un seul chrétien et il est mort sur la croix ». Nous pourrions
donc ajouter : « Au fond, il n’y eut qu’un seul freudien et il est mort dans son lit à Londres le 23
septembre 1939 ». Tout cela n’aurait pas été bien grave si l’un et l’autre, Jésus et Freud, n’avaient
donné naissance à des disciples, puis à une religion étendue à la planète toute entière…
JULES CHANCEL
TES2
28/02/2013
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