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III CONTENU
La refocalisation de la problématique psychanalytique que nous proposons n'est pas sans
ressemblance à un phénomène que les psychologues gestaltistes ont mis en évidence
concernant le renversement des figures visuelles, un dessin qui tout en conservant la même
«forme», nous apparaît tantôt comme un canard et tantôt comme un lapin. Le célèbre
épistémologue Thomas S. Kuhn (La structure des révolutions scientifiques, Trad. L. Meyer,
Paris, Flammarion, 1983) n'hésitera pas à caractériser dans les termes de ce processus
psychique la transformation de la vision de leur sujet d'étude qu'ont due opérer les
physiciens pour passer de Newton à Einstein qui, comme on le sait, a suscité de virulentes
résistances de la part des plus anciens ne parvenant pas à se détacher de leur habituelle
façon de percevoir et concevoir les choses. Bref, l'habitude s'avère un obstacle en ces
matières, ce qui nous fait paraphraser négativement le titre d'un ouvrage célèbre du
philosophe du langage John Austin, «Quand dire n'est pas faire». De simplement
comprendre la distinction que nous introduisons entre l'usage et la mention des expressions
linguistiques ne suffira pas, comme l'expérience nous l'a montré, à appliquer cette nouvelle
perspective dans l'étude du cas particulier qui nous intéresse. C'est pourquoi nous
suggérons la démarche progressive suivante qui implique l'étude de trois ouvrages:
1. Nous nous insérerons d'abord dans un débat qui fait rage en France depuis la parution
d'un ouvrage collectif de psychologues en 2005, Le livre noir de la psychanalyse. Vivre,
penser et aller mieux sans Freud, aux éditions Arènes (832 pages) et qui a soulevé un
barrage de réactions dans les journaux, les émissions télévisées culturelles et les revues
spécialisées, suivie en 2006 de la publication sous la direction de J.A. Miller de l'Anti-livre
noir de la psychanalyse. Le point culminant de cette dispute a été atteint avec la parution
de:
Michel Onfray, Le crépuscule d'une idole: l'affabulation freudienne, Paris, Bernard
Grasset, les Éditions Grasset & Fasquelle, 2010, 613 pages.
Jean-Noël Cuénot, Tribune de Genève (19/04/2010): « Le livre du philosophe français n'est
pas encore en librairie que le Tout-Paris intellectuel s'entre-déchire à son propos.»
Louis-Bernard Robitaille, La Presse (29/04/2010): « Saint-Germain-des-Prés a toujours
aimé les débats sanguinaires où deux camps en présence tirent à boulets rouges et
instruisent les uns contre les autres des procès en excommunication. Mais, franchement, on
n'avait rien vu d'aussi grandiose depuis l'épopée des «nouveaux philosophes», il y a trois
décennies. L'objet de cette guerre sans merci: un pamphlet incendiaire de 600 pages dirigé
contre Freud et l'affabulation freudienne.»
D'aucuns souligneront le caractère quelques fois un peu «primaire» des propos de cet ex-
professeur philosophie fondateur de sa propre université parallèle et de l'anti-philosophie
nietzschéenne (un auteur obligé pourtant également inscrit au programme institutionnel de
philosophie tant décrié!) qui sous-tend cette critique ou, pour reprendre la caractérisation du
«nouveau philosophe» Bernard-Henry Lévy, la méthode du «point de vue du valet de
chambre» qui en tisse la toile de fond. Mais n'empêche que l'auteur a un don incontestable
pour intéresser à des problèmes philosophiques des auditeurs et des lecteurs, cultivés
certes, mais n'ayant aucune connaissance particulière en cette discipline et c'est ce genre
de point de départ que nous cherchions. Faut-il rappeler que son attaque précédente contre
Dieu et les religions monothéistes, son Traité d'athéologie, s'est vendu à plus de 300,000
exemplaires. D'autant plus que de s'interroger sur ce que nous enseignent les professeurs
de philosophie et la façon dont il l'enseigne, conformément à la «tradition» (selon les