Quelques exemples illustrant chacun de ces sous-champs
Les dimensions de cet article ne permettent de donner que quelques
exemples illustrant chacun des sous-champs.
Les emplois des termes appartenant au sous-champ intégralité ren-
voient à l’idée d’un tout intact. Pour dire d’un homme qu’il est sain de
corps, le Coran (68, 43) dit qu’il est «sālim»; archétype de l’homme
sincère, Abraham s’est présenté devant Dieu avec un cœur «salīm »,
«pur» (Q 37, 84); une parabole (Q 39, 29) compare le croyant sincère
à un homme dévoué entièrement (salam) à son maître. De taille réduite,
ce sous-champ n’en témoigne pas moins d’un trait qui caractérise le
champ sémantique de la racine S-L-M dans son ensemble : la proxi-
mité des emplois profanes et sacrés, gage de continuité entre la vie pré-
sente (dunyā) et la vie future (ākhīra).
La grande majorité des emplois des termes qui composent le sous-
champ remise concerne non la remise d’un objet à son propriétaire,
mais celle de soi à Dieu. À en croire la datation des sourates la plus
généralement admise7, c’est vers la fin de la période makkoise, que le
prophète aurait expliqué pour la première fois son apostolat comme
une réponse à un commandement de «[s]e soumettre [uslima] au Sei-
gneur des mondes8» (Q 40, 66) ou de faire partie de «ceux qui sont
soumis [muslim-s]» (Q 27, 91), et qu’il a appelé «islām», «soumis-
sion», la religion qu’il prêchait (Q 39, 22; 6, 125). Ces termes, qui se
rattachent à la quatrième forme verbale à valeur factitive, sont utilisés
exclusivement pour décrire la soumission des personnes historiques,
ou réputées telles, à Dieu. Ils constituent, à n’en pas douter, des termes
techniques caractéristiques de la prédication coranique.
Les quatre termes que comporte le sous-champ paix, salut attes-
tent des rapports étroits entre la vie présente et la vie future. Dieu, qui
est lui-même «la Paix » (salām — Q 59, 23), invite les croyants à
«entrer en paix» (bi-salām) au paradis (Q 15, 46), également appelé
«dār l-salām», «le séjour de la Paix» (Q 10, 25). Si la paix (salām) de
Dieu ne se réalise pleinement que dans l’au-delà, elle se manifeste déjà
dans l’ici-bas. Non seulement les croyants se souhaitent mutuellement
7. Le classement chronologique des sourates en quatre périodes, trois makkoises
et une médinoise, proposé par Gustav Weil (1844) et repris, à quelques différences
près, par Theodor Nöldeke (Nöldeke et Schwally 1961) et Régis Blachère (1959) a
récemment été conforté par l’analyse quantitative des données textuelles du corpus
coranique effectuée par Nora K.Schmid («Quantative Text Analysis and its Applica-
tion to the Qur’an : Some Preliminary Considerations», dans A.Neuwirth, N.Sinai and
M.Marx (éd.), The Qur’ān in Context. Historical and Literary Investigations into the
Qur’ānic Milieu, Leiden, Brill, 2010, p.441-460).
8. Sauf indication, les citations du Coran reproduisent la traduction de Denise
Masson (Le Coran, Paris, Gallimard, 1967).
JASON DEAN416
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