Revue des sciences religieuses
87/1 | 2013
Varia
Dossier. La relation philosophie-théologie hier et
aujourd’hui
Séance académique à l’Institut de France, Paris le 9 décembre 2012
Philippe Capelle-Dumont, Marcel Gauchet, Olivier Boulnois, Jean-
Christophe Bardout, Geneviève Hébert et Jean-Luc Marion
Édition électronique
URL : http://rsr.revues.org/1322
DOI : 10.4000/rsr.1322
ISSN : 2259-0285
Éditeur
Faculté de théologie catholique de
Strasbourg
Édition imprimée
Date de publication : 1 janvier 2013
Pagination : 93-113
ISSN : 0035-2217
Référence électronique
Philippe Capelle-Dumont, Marcel Gauchet, Olivier Boulnois, Jean-Christophe Bardout, Geneviève
Hébert et Jean-Luc Marion, « Dossier. La relation philosophie-théologie hier et aujourd’hui », Revue des
sciences religieuses [En ligne], 87/1 | 2013, mis en ligne le 01 janvier 2015, consulté le 01 octobre 2016.
URL : http://rsr.revues.org/1322 ; DOI : 10.4000/rsr.1322
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© RSR
DOSSIER
LA RELATION PHILOSOPHIE-THÉOLOGIE
HIER ET AUJOURD’HUI
Séance académique à l’Institut de France,
Paris le 9décembre 2012
Avant-propos
Le présent dossier réunit quelques-unes des contributions
données lors de la séance académique organisée à l’Institut de
France (Paris) le 9décembre 2011, à l’occasion de la publication de
l’Anthologie Philosophie et théologie (4 tomes) achevée en 2011 aux
éditions du Cerf sous la direction de Philippe Capelle-Dumont, en
collaboration avec Jean Greisch et Geneviève Hébert (Tome IV),
Jean-Christophe Bardout (Tome III), Olivier Boulnois (Tome II),
Jérôme Alexandre (Tome I) et de 90 auteurs.
Communication introductive de Philippe Capelle-Dumont.
Interventions de :
Marcel Gauchet
Olivier Boulnois
Jean-Christophe Bardout
Geneviève Hébert
Jean-Luc Marion
Revue des sciences religieuses 87 n° 1 (2013), p. 93-113.
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COMMUNICATION INTRODUCTIVE
DU PROFESSEUR
PHILIPPE CAPELLE-DUMONT
(Faculté de théologie catholique, Université de Strasbourg)
Permettez-moi de remercier le Professeur François Terré, prési-
dent honoraire de l’Académie des sciences morales et politiques, qui
a bien voulu former des mots d’accueil généreux et Nicolas-Jean Sed,
directeur des éditions du Cerf dont la grande Maison est, avec la
Société francophone de philosophie de la religion, la puissance invi-
tante et organisatrice de la présente réunion; c’est à lui en effet, égale-
ment à Sylvie Mascle, éditrice au Cerf, que nous devons
l’aboutissement éditorial de notre projet scientifique. Je voudrais
donc, à l’un et l’autre, rendre un hommage sincère et leur exprimer au
nom des 90 collaborateurs de notre entreprise, toute ma reconnais-
sance pour leur accompagnement confiant, patient et qualifié.
Il me faut non moins rendre à César ce qui est à César en remer-
ciant deux contributeurs distingués de notre anthologie qui ont
suggéré l’idée de cette séance académique : Mgr Joseph Doré, théolo-
gien et archevêque émérite de Strasbourg ici présent, ainsi que Olivier
Boulnois. Pour ma part, je formerai le souhait que cette séance soit
non point une autocélébration collective mais, grâce aux conféren-
ciers qui nous font l’honneur de leur participation, notamment Jean-
Luc Marion de l’Académie française et Marcel Gauchet de l’École
des hautes études en sciences, l’occasion d’un débat sur la place de la
relation entre philosophie et théologie, historique et actuelle, dans la
cité et dans le commerce des idées contemporaines.
C’est en 1999 en effet que le projet de cette Anthologie Philoso-
phie-théologie est venu à l’idée. Il est né en partie d’une frustration,
celle de n’avoir pas pu, une année auparavant, ce pour des raisons
juridiques, publier les trente-cinq pages de textes d’anthologie que
j’avais réunis, que comporte l’œuvre de Heidegger sur le rapport
philosophie-théologie comme tel. Mais surtout, cette entreprise édito-
riale est la réponse lointaine aux sollicitations qui m’avaient été adres-
sées d’un côté par Henri Birault, au début des années 1980, d’explorer
la question des rapports entre la philosophie et la théologie chez
Heidegger, et d’autre part au début des années 1990, par les deux
facultés de philosophie et de théologie de l’Institut catholique de
Paris, d’inventer un cours, qui n’existait alors point en effet, sur «La
relation philosophie et théologie». Ces deux appels venus d’horizons
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bien différents, m’ont permis d’approfondir dans une perspective
systématique, une question qui ne pouvait pas concerner seulement la
théologie ni même seulement le christianisme historique, mais devait
avoir quelque rapport avec la constitution historique de la pensée
occidentale. Tel est en effet l’objet principal des quatre tomes qui nous
réunissent : attester, pièces en main, non pas seulement de la perma-
nence de la relation philosophie-théologie dans l’histoire des idées
occidentales, ce qui est déjà beaucoup, mais surtout de la force inspi-
ratrice de cette relation dans la constitution même de cette histoire.
Dans les années qui suivirent, entre 2001 et 2003, j’ai tenu deux
séminaires sur la méthodologie exigée par le projet et ses objets,
aboutissant finalement pour chaque notice à une composition tripar-
tite : une présentation de l’auteur ou d’un groupe d’auteurs, puis un
choix de textes significatifs, si possible proche de l’exhaustivité et,
enfin, une bibliographie circonstanciée. C’est fort de cette première
structure que nous nous sommes mis à la tâche dans une opération
collective qui ne devait, à mes yeux alors pleins de candeur, ne
s’étendre que sur 5 années. En réalité, plus du double aura été néces-
saire pour aboutir dans un labeur de folie autant que de raison.
Les quatre tomes de l’ouvrage correspondent aux quatre grandes
périodes historiques classiquement distinguées; antique, médiévale,
moderne et contemporaine. Au vrai, ces distinctions classiques lais-
saient ouvertes la question des porosités thématiques et textuelles.
Cesont donc des choix délibérés de délimitations qu’il nous a fallu
assumer, en commençant le premier Tome avec Platon et en l’ache-
vant avec Jean Damascène; en commençant le second avec le
moment byzantin et en l’achevant avec Grégoire et de Rimini et Pierre
d’Ailly; en commençant le tomeIII avec Luther, Calvin et Erasme, et
en l’achevant avec Nietzsche. Il paraissait d’emblée plus obvie de
commencer le TomeIV avec Pierce, James et Husserl, un peu moins
de l’achever, ce qui pourtant fut décidé, avec deux auteurs toujours
vivants, Habermas et Jüngel.
Parmi les recensions déjà commises sur ces différents tomes, j’ai
pu lire le regret que n’ait pas été intégré tel ou tel auteur, par exemple
Grégoire de Nazianze. Pourquoi ne figure-t-il pas en effet au Tome I?
Pour une raison simple : car nonobstant la qualité de ces interpella-
tions, et comme je me permets de le rappeler, l’objet précis de l’an-
thologie, son sujet, son ambition était et reste de relever ce qu’il en
est, dans l’histoire des idées occidentales de la relation philosophie-
théologie en tant que telle. Cette intention directrice qui était aussi
éloignée que possible du genre apologétique, ouvrait certes un vaste
champ d’investigation mais en même temps nous imposait de strictes
limites : elle interdisait de rassembler des approximations sur les
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thèmes de la croyance, du divin et des dieux et de Dieu chez tel ou tel
auteur ou dans tel ou tel corpus. Ce qui a ainsi fait notre cahier des
charges éliminait d’office certains auteurs, philosophes ou théologiens
chez lesquels cette relation, précisément n’avait guère été thématisée
ou même commentée.
Le pari ainsi engagé était difficile à tenir pour une autre raison
majeure : la relation philosophie-théologie fut de facto historiquement
mobile, recouvrant des champs sémantiques bien différents.
Lorsqu’elle opère dès le matin grec chez Platon et Aristote, ce n’est
certes pas selon les inspirations que lui lèguera l’entrée du christia-
nisme dans l’histoire. Et lorsque que le christianisme naissant, celui
qu’on appelle «patristique » fait conversation avec le grec, ce n’est
pas sous le mode de ce que la scolastique médiévale nous a légué de
la distinction des ordres naturel et surnaturel; et si saint Augustin
méconnaît la distinction scolastique philosophie-théologie, il n’ignore
cependant point la distinction philosophie/foi tout comme saint Justin
trois siècles plus tôt.
Assumant de telles mobilités sémantiques, notre enquête a fait
apparaître une pluralité de postures souvent enfouies, voire dissimu-
lées. Exemple : si l’on sait que l’œuvre de Platon est pleine du divin
et des dieux, on en apprendra beaucoup sur le corpus théologique de
Husserl! On pourra, sous la main, observer toute la place qu’occupe
le référentiel philosophique dans les diverses constellations théolo-
giques : chez les Rudolf Bultmann, Karl Rahner et Hans Urs von
Balthasar, y compris chez les penseurs musulmans médiévaux et dans
la tradition juive. Symétriquement, on pourra mesurer toute la place
qu’occupe chez Kant, Hegel, Marx, et chez des contemporains
comme Merleau-Ponty ou Derrida, le référentiel théologique.
La mise en évidence de ces corpus souvent peu connus, en tout
cas dispersés, interdit non seulement l’élimination de tout un pan de
notre culture sur laquelle Levinas et Ricœur nous avaient alertés voici
longtemps (on pensera notamment à l’interpellation de Ricœur
adressée à Heidegger en 1955 lors de la décade de Cerisy-la Salle),
–mai aussi les simplifications ou les réductions de ces relations à un
ou deux modèles comme on s’y résout parfois, par exemple : la
scolastique et l’Aufklärung. Pour ma modeste part, j’ai tenté dans
l’Introduction générale (Tome I) de relever huit modèles de la relation
philosophie-théologie, non point pour emprisonner violemment plus
de vingt siècles d’en entrelacement prodigieux, mais pour en relever
à tout le moins l’irréductibilité des topiques et indiquer une tâche qui
reste encore devant nous.
En effet, si la tradition philosophique et la tradition des idées théo-
logiques, dans leur pluralité «interne » sont chacune pour leur part,
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