contentement ou l'assurance du contentement (où rien ne reste à désirer, où il puisse
dire oui à ce qui est), il propose aux hommes un salut qui leur paraît acceptable, et qui
tienne compte de la réalité telle qu'elle se présente à eux (sinon, c'est un fou, tout au
plus un "précurseur" qui ne serait rien sans celui dont il sera devenu le précurseur). Il
est donc engagé dans le monde de son époque, il n'a pas à s'engager, l'idée de
l'engagement à entreprendre présupposant que l'homme ne le soit pas, mais vive,
naturellement (cf. Rousseau) en sauvage isolé: le sage n'invente rien (c'est l'affaire du
fou), il découvre, et ainsi il transforme le monde humain, l'homme étant animal qui,
dans la mesure où il se connaît, rend cette connaissance fausse, puisqu'il est transformé
par elle.
II. L'action mène-t-elle à la sagesse? Point plus difficile. Il n'est plus question
d'action historique (au sens de passée), mais des actions humaines dans l'histoire à faire
et qui se fait: peut-on être sage aujourd'hui? Dans un monde ordonné, en équilibre, la
question ne se pose pas: la sagesse est objective, elle est présente dans les institutions,
les mœurs, on sait ce qu'on a à faire; aussi dans ces époques-là, il n'y a pas de
philosophie de l'action (Descartes - Kant) qui n'apparaît qu'aux moments de crise. Il
peut y avoir une morale de l'individu ou une réflexion philosophique sur le monde
existant, plus probablement, à l'intérieur de ce monde (méthodologie, logique, morale
positive, etc.), mais pas une recherche de la sagesse: (3) si le problème n'est pas
complètement oublié, on en connaît la solution. On connaît le spécialiste compétent. Il
en est autrement là où une telle ordonnance n'est pas donnée. Les sagesses passées sont
dévaluées (elles n'existent plus que pour des individus en tant que tels, qui peuvent
toujours faire leur salut, sans que cependant leur vie soit encore exemplaire ou leur
discours convaincant). Monde de la lutte, de la peur, de l’intelligence, de la jouissance
personnelle. L'action mène-t-elle alors à la sagesse ?
En cette situation, l'homme est dés-engagé. Plus exactement, il se croit dés-engagé:
ou bien le monde social est détruit, et il est engagé dans la lutte avec la nature au point
de ne se poser plus de questions de salut; ou bien le monde social est encore
suffisamment solide pour lui procurer des loisirs, et dans ce cas, son dés-engagement a
un sens précis: il s'ennuie, parce que sa vie n'a pas de sens pour lui, parce qu'il n'a pas
ce pour quoi il peut vivre, mourir et tuer. En cette situation, l'action mène-t-elle à la
sagesse, à un nouveau sens ou à un sens renouvelé?
Action n'a pas ici le même sens. Sous I) il s'agissait de l'efficace d'une action passée;
ici, action oriente en vue de l'avenir dont le résultat ne peut pas être anticipé; on ne peut
pas vivre au point de vue du futur antérieur, être son propre historien, jouer un rôle
"déterminé" - à moins qu'on ne refuse l'action consciente, ce qui n'intéresse pas ici.
Mais le monde sensé à naître ne naîtra pas du seul rêve du monde nouveau; ce rêve
deviendra programme réalisable, non point par l'action, mais dans l'action même. Le