
Diabète et Résilience
Pr. Jean-Pierre. Pourtois
Université de Mons (Belgique)
Plus on creuse la résilience, plus elle s’avère complexe. Elle apparaît même
fondamentalement paradoxale. Jugée impensable il y a seulement deux ou trois
décennies, elle fait aujourd’hui l’objet d’une quantité inouïe de publications et le
terme est utilisé par tout le monde. Pourtant inobservable directement, elle est
estimée, par tout un chacun, facile à saisir. Cette apparente facilité
d’appréhension cache en fait une multitude d’interrogations à son égard, ce qui
oblige le chercheur à la définir entre autres par ce qu’elle n’est pas. Non mesurable pour beaucoup, elle est toutefois
de plus en plus analysée à travers des grilles de comportements et/ou d’attitudes. Pensée initialement comme une
qualité attachée à une personne qui présenterait une sorte « d’immunologie psychique », ce qui reste tentant à
concevoir, elle suscite néanmoins aujourd’hui la recherche d’explications multicausales et multidisciplinaires, selon une
approche intégrative.
uelle définition donne-t-on aujourd’hui à la résilience ?
Après un fracas, la résilience est un processus de reconstruction progressive ; elle présente donc un caractère
dynamique et comporte l’idée de départ pour une nouvelle vie, une renaissance mais dans un sens autre que
celui qui était prévu s’il n’y avait pas eu un traumatisme. Elle suppose la présence de quatre conditions :
l’identification, par le sujet, d’un trauma ou la perception d’un fracas, la mise en place de stratégies de résistance, un
potentiel de développement préservé et une propension à un épanouissement original et émancipatoire.
Pour envisager une intervention auprès d’un sujet qui a connu un fracas, il est nécessaire de disposer d’un inventaire
de ses ressources affectives, cognitives, sociales et conatives afin de savoir précisément à quel endroit il est opportun
d’agir.
Qu’en est-il de l’articulation entre diabète et résilience ?
Trois moments sont ici à prendre en compte : avant, pendant et après l’annonce de la maladie. Les entretiens et les
observations orienteront l’approche du patient.
Avant l’annonce, il importe de savoir si la personne a déjà vécu un trauma, si elle l’a surmonté, si elle a fait preuve de
résilience, si elle peut en parler ou au contraire si elle manifeste des symptômes de souffrance (prise de
tranquillisants, troubles relationnels…). Il s’agit de savoir si elle présente un attachement sécure ou insécure. Dans le
premier cas, l’annonce ne constituera pas un fracas ; il n’en sera pas de même dans le deuxième cas.
Pendant l’annonce, le (la) soignant(e) sera attentif (ve) au Modèle Interne Opératoire (lié entre autres au type
d’attachement) du patient ; les sujets secures auront tendance à dire « on va s’organiser », les insécures affirmeront
« il ne m’arrive que des malheurs ». Dans ce dernier cas surtout, l’écoute, la reformulation, l’empathie, la vigilance
seront de mise.
Après l’annonce, outre la propension du sujet à s’en sortir, la personnalité du (de la) soignant(e) constituera un
facteur important. Il (elle) peut jouer le rôle de tuteur (trice) de résilience. La formation des métiers de l’humain
apprend à le (la) transformer en tuteur (trice) de résilience explicite. Il s’agira ici de sécuriser la personne (savoir
écouter, respecter le tour de parole, tisser un lien, utiliser une rhétorique sécure, éviter l’intrusion…), de lui
manifester de l’empathie et de la considération positive.
Prenons l’exemple de deux enfants.
Le premier manifeste une relation sécure avec ses parents, le médecin et les infirmières. Dans ce cas, on peut faire la
prédiction que l’annonce du diagnostic ne constituera pas un traumatisme : il va poser des questions et gardera une
attitude confiante. S’il continue à être sécurisé par les soignants et son entourage, il va apprendre à se soigner, va
bien coopérer à son traitement, va établir de bonnes relations avec tout le monde. On ne parlera pas ici de résilience
puisqu’il n’y a eu aucun traumatisme.